mardi 31 janvier 2012

Mother's Day : la fête des mères avant l'heure à Panic Cinéma !

Voilà des semaines - disons-le, des mois - que je n’avais pas mis les pieds à « Panic Cinéma », ce rendez-vous hebdomadaire du Nouveau Latina prisé des amateurs de séries B, de séries Z, d’inédits rares ou de classiques, de nanars et de plaisirs coupables. La fois précédente, il me semble que c’était pour l’inédit The Fall de Tarsem Singh. Samedi dernier, c’est également pour un film récent que j’ai renoué avec la séance nocturne du Latina (désormais avancée à 22h alors qu’on l’a connue en séance de minuit).

Ma journée m’avait déjà conduit devant deux films, le documentaire  souvent drôle et passionnant Freakonomics, et le polar vénéneux Millenium, les hommes qui n’aimaient pas les femmes. Le puceau que j’étais de l’univers de Stieg Larsson, n’ayant ni lu les livres ni vu les adaptations suédoises, s’est régalé de l’œuvre de David Fincher, dense, brute et étonnamment touchante (la faute à une paire de personnages finement écrite, et à un duo d’acteurs, Rooney Mara et Daniel Craig, les incarnant à la perfection jusqu’à une scène finale apportant une étonnante émotion). Une jolie mise en bouche pour aller se frotter à Mother’s Day au Nouveau Latina.

J’ai connu la salle de la rue du Temple plus remplie, à croire que Darren Lynn Bousman, qui à lui seul a réalisé près de la moitié de la saga Saw, n’a pas tant de fans que cela (et après tout est-ce étonnant…). Ce n’est pas pour le CV du réalisateur que les amateurs se retrouvaient devant son film en ce samedi soir, même si les raisons ne manquaient vraisemblablement pas. Le fait qu’il s’agissait du remake d’un film d’horreur musical délirant de la bande Troma, ou le plaisir de retrouver en tête d’affiche Rebecca de Mornay, entourée pour l’occasion de quelques têtes connues comme Jaime King, Frank Grillo ou Shawn Ashmore (le Ice-Man des X-Men !). Il y avait aussi l’exclusivité d’une telle projection, le film étant montré au même moment ce soir-là au Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, ainsi que nous l’a révélé Fred Garcia, présentateur du soir. C’est ce dernier d’ailleurs qui a fait de l’homme aux sacs plastiques une des stars de la soirée.

C’est une des certitudes des soirées de « Panic Cinéma ». Tomber sur Plastic Man (je m’évertue à l’appeler « l’homme aux sacs plastiques » alors que tout le monde l’a officiellement super-héroïsé avec cette appellation anglo-saxonne que je vais finir par adopter). En arrivant devant nous pour lancer le film, le MC du soir a salué le sol en nous précisant « Pour ceux qui ne le verraient pas, notre ami Plastic Man est assis par terre au premier rang ». Ce dernier, soudain embarrassé par tant d’attention, s’est alors levé et a filé dans l’escalier situé à côté de l’écran, pour se diriger vers les toilettes vraisemblablement, mais surtout pour se cacher. La présentation terminée, de là où j’étais, j’ai vu Plastic Man (pour l’occasion, comme à son habitude, fraichement vêtu, simple T-shirt manche longue et espadrilles aux pieds) vouloir retourner à sa place, mais la lumière ne s’étant pas encore éteinte, il patientait dans l’ombre, comme gêné de devoir entrer sous la lumière des projecteurs, préférant faire profil bas. Dès que la lumière s’est tamisée, il est redescendu s’asseoir par terre, à son premier rang fétiche.

Rien que pour ce genre de petit moment touché d’une grâce cinémaniaque, j’adore les soirées Panic Cinéma. Celle-ci fut même l’occasion d’enfin croiser la route de Phil Siné que je ne connaissais jusqu’ici qu’à travers sa Cinémathèque et avec qui j’ai pu échanger mes impressions au sortir de la salle. Dialoguer à propos du plaisir pris devant ces frangins braqueurs prenant une maison en otage, bientôt rejoints par leur maman pétrie d’amour pour ses fistons à qui elle a enseigné la nécessité de protéger la famille envers et contre tous. Tous, en l’occurrence, c’est ce groupe d’amis pris en otages, divisé entre ceux qui veulent se défendre et ceux qui pensent qu’il est préférable de suivre à la lettre ce que demande la famille de psychopathes qui les tient en joue.

Inutile de préciser que la soirée ne va pas se dérouler sagement et que le sang va couler en abondance. On retrouve bien, dans ces dilemmes moraux posés aux personnages qui doivent jouer avec leur vie et surtout avec la vie d’autrui, le réalisateur d’une large partie des films Saw. Il s’amuse à pousser ses héros dans leurs retranchements et à faire jaillir, pas toujours au second degré, l’absurde. Il les pousse tellement loin parfois qu’on n’est jamais loin du nanar, mais dans son exploration de ce que l’être humain devient lorsqu’il est mis sous pression, et des failles qui peut découler au sein d’un groupe en apparence soudé, Mother’s Day amuse grandement. Un film qui avait définitivement sa place à une séance de Panic ! Cinéma.

Peut-être était-ce de cela que discutait Plastic Man avec un ami qui est peut-être aussi omniprésent que lui dans les salles obscures, puisque je l’ai reconnu comme le spectateur ayant fait comme moi il y a quelques semaines le doublé Sweetgrass / The Terrorizers… où j’avais également croisé Plastic Man. Décidément, on finit toujours par se retomber dessus. Même si je ne suis pas sûr qu’ils me reconnaissent aussi facilement que je les reconnais eux… 

jeudi 26 janvier 2012

Que faire lorsqu'on arrive en retard au cinéma ? Pas ça...

Les spectateurs sont-ils capables d’assumer leur retard dans une salle de cinéma ? C’est une chose qui devrait être innée chez tout individu qui se respecte, une évidence héritée d’une longue lignée ancestrale de spectateurs, transmise de génération en génération dans l’ADN. Un instinct naturel qui s’enclencherait dès lors que l’on met les pieds dans une salle et que les lumières sont déjà éteintes, le film déjà entamé, les autres spectateurs déjà bien calés dans leurs fauteuils et plongés dans le long-métrage projeté. Ca devrait être une évidence mais ce n’en est pas une, pas pour tous en tout cas. Et il suffit d’un mauvais spectateur pour que l’équilibre soit brisé. Ou en l’occurrence, une spectatrice cette semaine.

Il y a quelques mois, c’était un couple de vieux qui me sortaient d’un Il était une fois en Anatolie déjà entamé. En ce vendredi après-midi de janvier, ce fut une jeune femme qui a étalé aux yeux d’une partie de la salle son irrespect et son égocentrisme. Et de tous les spectateurs de la salle, c’est moi qu’elle a choisi de gêner tout particulièrement, moi le maniaque incorrigible qui se laisse facilement déconcentré par les désagréments provoqués par mes co-spectateurs.

Nous étions dans la salle 10 de l’UGC Ciné Cité des Halles pour L’amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder. C’était un vendredi en fin d’après-midi, deux jours après la sortie du film, et dans cette grande salle, la partie centrale n’était pas loin d’être pleine, mais il y avait encore largement de quoi s’asseoir sur les côtés sans avoir à descendre au premier rang. Moi, j’étais assis au septième ou huitième rang (il faut bien cela pour la salle 10), en plein milieu de la rangée de fauteuils. A ma gauche, une place libre où j’avais entreposé manteau, sac, courses des soldes, écharpe, bouteille d’eau, la totale quoi, mais une fois que le film commence, les chances devraient être nulles qu’un spectateur vienne réquisitionner la place quand il en reste encore tant ailleurs.

Pourtant ce jour-là, ce fauteuil libre où j’avais innocemment entreposé mes affaires a donc fait une envieuse… arrivée près de six ou sept minutes en retard. Les lumières avaient eu le temps de s’éteindre, les logos UGC et Europa Corp de défiler à l’écran, et le film de faire déjà un bout de chemin. Je ne sais pas vous, mais moi dès que la lumière s’éteint et que les logos dansent sur l’écran, je suis en mode spectateur et je me trouve illico presto plongé dans le film qui commence. Si par malheur, j’arrive à ce moment-là en salles, j’attrape le premier fauteuil qui vient sans déranger les spectateurs déjà installés et plongés dans le film.

Mais non, madame est entrée plusieurs minutes après le lancement du film, a scruté le centre de la salle, a repéré la place libre à côté de moi, a fait se lever toute la gauche de mon rang et s’est plantée devant moi en me disant « Pardon ». Pas un pardon penaud et désolé, un « pardon » signifiant « dégage tes affaires que je m’y mette ». Non mais je rêve ou quoi ? Me voilà tout à coup tiré hors du film et prié de me grouiller de remballer tout ce qui traîne pour que la princesse arrivant comme une fleur s’installe là où elle veut, n’en déplaise à tous ceux de mon rang qui comme moi étaient déjà dans le film (sans compter ceux de derrière qui ont vu notre rang se lever et leur boucher l’écran pour la laisser passer). J’ai rarement proféré autant de grossièretés dans une salle de cinéma. A mesure que je me détachais de l’écran pour faire une place à madame, je grognais des mots pas très doux à l’intéressée qui avait l’air de s’en foutre royalement. Résultat, elle m’a foutu de mauvais poil (ça m'arrive) et j’étais incapable de rentrer dans le film. Elle était toute contente d’avoir décroché une des meilleures places de la salle en arrivant en retard, qu’à cela ne tienne si c’était à nos dépens, nous autres spectateurs un brin pointilleux qui préférons arriver à l’heure pour être bien placés.

Elle aurait pu, elle aurait dû se faire toute petite en arrivant en se calant sur le premier fauteuil vacant. Que voulez-vous, on sait se conduire avec respect dans une salle de cinéma ou on ne le sait pas. Quand l’homme qui s’est installé juste devant moi s’est assis, avant le début de la séance, il m’a dit « Dites-moi si je vous gêne ». Si vous connaissez la salle 10 des Halles, vous saurez qu’il n’y a aucun souci à se faire d’un éventuel spectateur assis devant vous. « Vous pourriez mesurer 20 centimètres de plus, vous ne me gêneriez pas » lui répondis-je, amusé. Ma voisine retardataire n’était pas de la même trempe de spectateur. 

lundi 23 janvier 2012

Je suis né avec Indiana Jones

Je suis né en novembre 1981. A l’époque, les spectateurs français venaient de rencontrer sur grand écran Indiana Jones pour la première fois. Il avait débarqué  un jour de septembre et avait enthousiasmé plus de six millions de spectateurs. Lorsque j’ai grandi, l’archéologue aventurier créé par Steven Spielberg et George Lucas est devenu un de mes héros hollywoodiens favoris, si ce n’est LE favori. J’ai regardé encore, et encore, et encore les films en vidéo, usant les VHS et le magnétoscope jusqu’à épuisement, partant  aux quatre coins du monde avec Indy, rêvant que plus tard, moi aussi je parcourrais le monde et chasserais les trésors en faisant se pâmer les filles.

Trente ans plus tard, mon quotidien ressemble finalement assez peu à celui dont je rêvais en regardant les aventures d’Indiana Jones sur ma télé (à ma grande surprise ! - cependant je suis encore jeune, je ne perds pas espoir !), mais ma passion pour l’aventurier et ses pérégrinations archéologiques sont intactes. Trente ans plus tard, la Cinémathèque Française rend hommage à Steven Spielberg en programmant l’intégralité de son œuvre, dont ce film qui a le même âge que moi, le premier des Indiana Jones. Trente ans plus tard, voici que s’est donc présentée l’occasion de découvrir sur grand écran Les Aventuriers de l’Arche Perdue.

Les séquences emblématiques du film se bousculaient dans ma mémoire tandis que je faisais la queue près de quarante-cinq minutes en avance (il faut bien ça pour être sûr d’avoir les meilleures places…). Le boulet rocailleux dévalant la grotte de la scène d’ouverture aux trousses de notre aventurier préféré... Le nazi se brûlant la main sur le médaillon de Marion... Le « Love you » inscrit sur les paupières de l’étudiante... La chambre égyptienne grouillant de serpents... Indy dégainant son flingue plutôt que son fouet face au bad guy armé d’un sabre… Et tant d’autres encore. L’excitation, dans cette file d’attente, était aussi intense que si j’étais sur le point de découvrir un nouveau film de Terrence Malick ou Bong Joon-Ho.

Christophe Gans était dans la queue lui aussi, aussi curieux que nous tous de voir la première aventure d’Indiana Jones dans la belle salle Henri Langlois de la Cinémathèque. Lorsque les portes se sont ouvertes et que les premiers spectateurs se sont installés, l’excitation était palpable à la capacité des cinémaniaques probablement habitués des lieux à se crêper le chignon à peine installés, comme ceux du premier et second rang ayant vite fait monter le ton (l’un alpaguant l’autre en lui balançant un « Vous êtes alcoolisé ?! » ayant été peu apprécié par l’incriminé…). Mais lorsque la lumière s’est éteinte et que le logo (cuvée 1981) de la Paramount est apparu à l’écran, la tension est retombée, et tous les spectateurs de la salle ont retenu leur souffle en découvrant les premières images. La copie n’était pas exceptionnelle, mais c’est le fait de le voir (enfin !) sur grand écran qui comptait plus que tout. Le voir ici, à la Cinémathèque, entouré d’admirateurs de toujours réagissant aux mêmes instants que moi, riant, sursautant et jubilant en tempo, laissant le pouvoir d’Indiana Jones prendre possession de nos corps de cinéphiles transis d’amour pour le personnage culte.  

A l’époque, Steven Spielberg écrivait une page historique du cinéma d’aventures et Harrison Ford entrait définitivement dans la légende des acteurs charismatiques. Et trente ans plus tard, le charme opère toujours. Le cœur palpite, le souffle est court, les rires fusent. Trente ans plus tard, ceux qui sont nés en 1981 peuvent se féliciter d’avoir vu le jour la même année qu’Indiana Jones, aventurier de l’Arche perdue. Moi le premier. 

jeudi 19 janvier 2012

Les yeux d'Aïssa Maïga

C’était un lundi soir aux Halles. Je venais de prendre ma place pour Une nuit de Philippe Lefebvre et devant la demi-heure qui me restait avant le début de la séance, j’avais décidé de flâner dans le forum. Tout s’est passé très vite, lors de mon retour vers le cinéma une fois la demi-heure presque écoulée.

J’étais déjà passé plus tôt devant le Forum des images et une petite foule commençait déjà à s’y amasser. A l’évidence, une soirée spéciale, une avant-première, quelque chose se tramait. Lorsque je repassai donc finalement devant,  en route vers Une nuit qui m’attendait au bout de l’allée, je me frayai un chemin entre les invités sapés plus classes les uns que les autres (« C’est sûr, y a de l’avant-première dans l’air ma parole… »), lorsque le temps s’est suspendu quelques instants qui dureront des heures dans ce billet et dans mon souvenir.

J’étais là, juste en face de l’entrée du Forum lorsque mon regard fut attiré par l’acteur Eriq Ebouaney. Ah tiens je le connais, lui, pensais-je alors, et tandis que je commençais à chercher dans un recoin de ma mémoire son nom, une jeune femme qui se trouvait entre lui et moi, de dos, s’est retournée et a planté son regard dans le mien, sourire aux lèvres. La scène a eu beau ne durer que deux secondes tout au plus, elle s’est déroulée au ralenti, le temps que je remarque ces yeux de braise se posant sur moi, le temps que je reconnaisse ceux de la magnifique Aïssa Maïga, que mon cœur fasse un bond dans ma poitrine en la reconnaissant, et qu’il en fasse un deuxième en réalisant qu’Aïssa et moi étions en train d’échanger un regard d’une intensité digne de Steve McQueen et Faye Dunaway dans L’affaire Thomas Crown. Le temps est ainsi resté suspendu jusqu’à ce que je passe devant elle et qu’elle se retourne vers ses camarades. Dans les secondes qui suivirent, j’avais réussi à me persuader que le regard qu’elle m’avait lancé était plein de désir, à l’évidence, et belle et sculpturale qu’elle était dans sa robe de soirée, nul doute que d’autres auraient été déstabilisés d’avoir perçu le désir chez mademoiselle Maïga.

Mais ma fidélité et ma détermination à voir Une nuit, le beau film de Philippe Lefebvre, m’ont éloigné d’Aïssa, qui j’en étais certain devait se morfondre de me voir ainsi m’éloigner d’elle. Je ne la voyais déjà plus, mais elle devait avoir le cœur brisé de me voir ainsi m’éloigner sans un mot. Certains tenteront de me raisonner et de me faire croire que je n’ai été qu’un visage dans la foule pour elle, qu’elle m’a oublié aussi vite qu’elle m’a aperçu. Hum hum… maintenant que vous me le dites… bon d’accord je me suis peut-être un peu emballé sur cette histoire. Bon d’accord, sûrement. Mais c’est ainsi que je me remémorerai de l’anecdote lorsque je repenserai à Une Nuit (très bien, au passage), ou que je reverrai Aïssa Maïga au cinéma. Ce regard au milieu de la foule…

mardi 17 janvier 2012

Balade vers le premier film de Spielberg à la Cinémathèque

Steven Spielberg. Un nom qui à lui seul évoque un imaginaire cinématographique riche comme peu de cinéastes peuvent se targuer d’avoir créé. Une filmographie Hollywoodienne presque sans équivalent, dont on a tous vu une bonne partie au fil des ans. Je fais partie d’une génération qui a grandi en considérant Spielberg comme le grand réalisateur américain de son temps. Celui dont le nom est synonyme de Hollywood par essence. Celui dont il fallait voir les films pour être à la page, que ce soit ceux qu’il réalisait ou ceux qu’il produisait. Celui dont on regardait les films en boucle sur le magnétoscope, jusqu’à ce que la VHS rende l’âme.

Combien de ses films ont ainsi égayé la télévision du salon dans mon enfance et mon adolescence ? Combien de fois ai-je regardé Indiana Jones et le Temple maudit en cachant mes jeunes yeux lorsque la scène du sacrifice arrivait et que le cœur était arraché ? Combien de fois ai-je cauchemardé que les dinosaures revenaient à la vie ou que les requins me guettaient dans l’Atlantique ? Si Spielberg est un cinéaste de l’enfance par les thèmes de ses films (d’une large partie en tout cas), c’est aussi le cinéaste de mon enfance. Alors qu’une rétrospective intégrale lui est consacré en ce moment à la Cinémathèque Française, je me suis demandé quel était donc le premier de ses films que j’avais vu au cinéma. Ai-je vu sur grand écran à l’époque Indiana Jones et la Dernière Croisade ? Peut-être Always ?

Le plus vieux dont je me souvienne avec certitude, j’en ai déjà parlé dans les pages de ce blog, c’est Hook, ou la revanche du Capitaine Crochet. Le seul que je n’ai pas vu au cinéma depuis, c’est La Liste de Schindler, en même temps j’avais douze ans à sa sortie, pas forcément l’âge idéal pour être le spectateur d’un drame sur la Shoah de plus de trois heures en noir et blanc. Voici donc que la Cinémathèque Française m’offre (façon de parler, mon porte-monnaie va devoir parler) ces jours-ci de pouvoir découvrir sur grand écran les films de Spielberg que je n’ai vu qu’à la télé, et si je le souhaite de revoir aussi les autres. Donc de pouvoir ressentir ce que procure le fait de voir les films qu’il a réalisés avant Hook dans une salle de cinéma (bon Rencontres du 3ème Type, je l’ai déjà vu deux fois au cinéma, je pourrai m’en passer).

Mais avant de partir sur les traces de l’Arche perdue avec Indiana Jones ou d’appeler la maison avec E.T., il est un film qui me tenait particulièrement à cœur de voir : le seul long-métrage réalisé par Spielberg que je n’avais jamais vu, ni en salles ni à la télé, son tout premier (si l’on considère Duel comme un téléfilm) : The Sugarland Express. Ce millésime 1974 avait pour héroïne une toute jeune Goldie Hawn faisant évader son mec de prison pour qu’ils aillent récupérer leur bébé confié à une famille d’accueil, avec un flic en otage et toute la police du Texas leur collant aux basques.

Dans le hall de la Cinémathèque, je croisai l’homme au chronomètre, et si la grande salle Langlois n’était pas loin d’afficher complet, je m’étonnais de ne pas y trouver l’homme aux sacs plastiques (il devait être en salle Franju !). En découvrant le film, je me rendis compte que je connaissais à peine son pitch. Un an avant de créer le blockbuster d’été avec Les dents de la mer, Spielberg gambadait à travers le Texas avec ses fugitifs, qui au lieu d’être des criminels à abattre comme c’était régulièrement le cas dans le cinéma de l’époque (Badlands, au hasard...) n’étaient que de grands adolescents peu conscients de leurs actes et embarqués dans une cavalcade dont ils ont du mal à garder le contrôle (quoi qu’on pourrait résumer ceux le parcours de ceux qui tuent de la même façon…).

Déambulation plus comique que tragique à travers la campagne texane, The Sugarland Express se teintait de mélancolie lorsque la réalité policière rattrapait ce couple idéaliste et naïf qui n’était pas armé pour aller jusqu’au bout de leur quête folle.
Alors c’est comme ça, que tout a commencé avec Spielberg… Bien pensé, drôle, fin et très ancré dans son époque, Sugarland Express a beau être des moins célèbres films de son réalisateur, il n’en est pas moins une œuvre consciente et ludique qui laissait présager une belle carrière. Même si une carrière comme celle de Spielberg défie l’imagination et que personne probablement ne se doutait à l’époque que ce jeune réalisateur de moins de 30 ans deviendrait le plus populaire de sa génération. Mon voyage à travers la carrière de Spielberg ne fait je l’espère que (re)commencer à la Cinémathèque. Je m’y baladerai encore quelques fois, c’est certain…

vendredi 13 janvier 2012

Mes films favoris de 2011 sont...

Comme chaque année, j’ai attendu la dernière minute pour revenir sur mes films préférés de l’année écoulée. J’ai attendu d’avoir le courage d’enfin voir Le Cheval de Turin notamment, pour finalement voir le film hongrois rejoindre au contraire la liste des mauvais élèves de 2011. Si 2011 aura été une année riche sur le plan cinématographique, avec l’avènement du numérique, l’essoufflement de la 3D (en même temps que son appropriation par de grands cinéastes), la palme d’or à Malick, l’Apocalypse comme thème central de nombreux films importants et Virginie Efira qui continue son bonhomme de chemin sur grand écran (Mmmmm… quelque chose me gêne dans cette phrase), elle aura aussi été éprouvante en tant que cinéphile, avec ce ballet ininterrompu de sorties de films qui rend difficile l’accomplissement de tous les désirs de spectateur.

J’ai beau aller au cinéma un peu plus que la moyenne des spectateurs, il y a eu des semaines où j’ai cru que je ne parviendrais jamais à voir tout ce envers quoi mon cœur battait. Je pense à toi, Bienvenue à Bord, et à toi, Croisière (oui la thématique de la croisière était presque aussi importante que celle de l’Apocalypse en 2011), mais aussi plus sérieusement à des films comme les récents Black Blood ou Hell and Back again qui ont semblé concourir à celui qui serait le plus rapidement inaccessible dans les salles parisiennes. Mais j’ai tout de même vu suffisamment vu de films de France, de Corée, des États-Unis, d’Espagne, du Japon, de Grande-Bretagne, d’Australie, du Canada, de Chine, d’Argentine, d’Iran, de Belgique, du Chili, du Kirghizstan, du Danemark, du Mexique, de Pologne, d’Allemagne, de Colombie, de Norvège, du Liban, d’Irlande, d’Autriche, d’Uruguay, de Turquie, de Taïwan et d’Israël pour retenir quinze films qui m’ont par-dessus tout enchanté.

Quinze cette année ? Oui, quinze, plutôt que vingt l’année précédente, je me restreins pour rendre ces quinze films encore plus spéciaux à mes yeux, et aux vôtres. Quinze films de six nationalités, quinze films criant la joie, l’admiration, le rire, la douleur, la colère, l’amertume ou la beauté. Quinze films qui ne sont pas que de bons films, mais des films qui resteront longtemps en moi. Alors, curieux ?

1. Drive
En début d’année, il ne figurait même pas parmi mes films les plus attendus de l’année. Peut-être parce que les réalisateurs et acteurs s’étaient passés le projet de main en main, et que je m’attendais à une œuvre plus calibrée et standard. Comment ai-je pu penser cela de NicolasWinding Refn ? Il n’y a rien de standard dans Drive. C’est une pépite qui m’a explosée au visage, m’emplissant de sensations brutes, secouant mes instincts et prouvant qu’il ne faut décidément jurer de rien lorsqu’on s’assoie dans une salle de cinéma. L’évidence de l’année.

2. Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne
Ma curiosité était totale pour ce Tintin cinématographique tant attendu, mais je me serais contenté d’un bon divertissement rendant hommage à Hergé. C’était sans compter sur la maestria de Spielberg, et son ambition. Le cinéaste ne s’est pas contenté de bien ficeler Tintin. Il s’en est servi pour mitonner le film d’aventures hollywoodien le plus jouissif depuis des années. Jamais la 3D n’avait pris autant de sens, jamais la motion capture n’avait été si éblouissante.  Mais c’est l’aventure le moteur du film, une aventure de tous les instants, sans répit, emballante et épuisante, totale. Le plaisir pur que m’a procuré le film est sans équivalent ces dernières années.

3. Submarine
La plus belle surprise de 2011. Deux mois avant sa sortie, je ne savais même pas que le film existait. Ca avait l’air sympa, j’y suis allé. J’en suis ressorti dans le même état que lorsque je vois un film de Wes Anderson, tiraillé entre une mélancolie profonde et un bonheur intense. Courant d’ami en ami pour leur dire qu’il y avait un film absolument beau, drôle, tendre, amer ,immanquable à voir. Un petit film venu de la grisaille galloise en plein cœur de l’été parisien. Un film qui parle de la vie, de l’amour, de la mort, du cinéma. De moi aussi.

4. The Tree of Life
Mon film le plus attendu de ces trois dernières années, c’était lui. J’ai compté les mois, les jours, les heures. Les minutes. Par quel miracle le film ne m’a pas déçu, c’est un mystère, même s’il m’a forcément un peu déçu, sinon il se trouverait en première place certainement. Mais The Tree of Life fait partie d’un petit groupe de longs-métrages cette année qui ont fait un pari : être un objet cinématographique inconnu, une expérience unique, pleine, sensorielle, réfléchie. Parfois trop, certainement, mais Malick n’a pas son pareil pour nous transporter dans un monde cinématographique fascinant.

5. Black Swan
Quand on parle de sensoriel… J’essaie d’imaginer à quoi aurait pu ressembler un film comme Black Swan si Darren Aronofsky ne s’était pas trouvé derrière la caméra. Aurais-je été si tourmenté, si malmené, et pourtant si hypnotisé par ce sombre ballet cinématographique ? Certains films sont des épreuves à surmonter, et Black Swan en fut une qui m’a parfois poussé dans mes retranchements, mais j’y ai puisé une force accablante et réjouissante. Je n’écoute plus « Le Lac des Cygnes » de la même façon depuis.

6. Incendies
L’année dernière déjà, un film québécois s’était imposé avec évidence parmi mes films favoris de 2010. Les canadiens ont remis ça dans un style très différent, avec ce film qui a concouru pour l’Oscar du Meilleur Film en langue étrangère pour une bonne raison. Un drame humain, sur l’héritage familial et son poids difficile à supporter, qui m’a joliment bouleversé en tout début d’année et ne m’a pas quitté à mesure que l’année déroulait ses films. Rendez-vous dans un an pour féliciter un film québécois de plus ?

7. Pater
Mon film français de l’année, contre toute attente. Jamais de la vie je n’aurais imaginé il y a un an que celui-ci serait le nouveau film d’Alain Cavalier, un film mi-documentaire mi-fiction qui se veut essentiellement un dialogue entre Vincent Lindon et le cinéaste. Pourtant le voici, ce grand film politique, ce passionnant portrait d’homme et d’acteur, cette œuvre défiant la notion même de film, brouillant les lignes de la fiction et de la réalité avec une ingéniosité, un naturel et une cocasserie absolument incroyables. Du cinéma libre et unique.

8. La guerre est déclarée
Décidément, la vitalité du cinéma français m’aura surpris cette année. Une vitalité que j’ai trouvée dans La guerre est déclarée, une course contre la mort de deux parents qui veulent à tout prix sauver leur enfant de la maladie, un hymne à la vie intense, qui se permet le luxe de jouer avec l’héritage de la Nouvelle Vague pour mieux s’en détourner. Par son étrange mélange de légèreté et de sérieux, par son utilisation essentielle de la musique et son rythme émotionnel, La guerre est déclarée est le film le plus « pop » de l’année.

9. Ha Ha Ha
Cela fait si longtemps que j’ai vu Ha Ha Ha que j’aurais presque pu l’oublier dans ce Top. Mais c’était sans compter l’empreinte que m’a laissé le bijou d’Hong Sang Soo, son meilleur film depuis son chef-d’œuvre Turning Gate. Comme bon nombre de grands cinéastes, le coréen a ses thèmes chers que l’on retrouve de film en film. Mais avec Ha Ha Ha, Hong Sang Soo se paie surtout le luxe d’un humour qui fait rage, une douceur exquise qui dépeint ses compatriotes, et surtout lui-même, avec un savoir-faire qui ravit. Un enchantement.

10. J’ai rencontré le Diable
« Enchantement » n’est en revanche probablement pas le premier mot qui vient à l’évocation de J’ai rencontré le Diable. J’en entends même d’ici clamer des « beurk », refusant au film de Kim Jee-Woon toute perspective. Pourtant son voyage au sein de la noirceur humaine porte une estocade à la bienséance et à la droiture avec une maîtrise visuelle absolument ébouriffante. C’est un conte sombre mais on ne peut plus réfléchi sur la violence. Troussé d’une main de maître. J’en connais qui dédaignent le cinéaste, mais pour ma part, plus je vois ses films, plus il s’impose comme un cinéaste coréen de valeur.

11. Rabbit Hole
Au rayon des beaux films américains passés inaperçus ou presque dans les salles, Rabbit Hole figure en grande position. Pourtant dans le secret de ceux qui l’ont vu se cache un drame délicat et bouleversant sur le deuil. Un film qui préfère la finesse et la sobriété aux grands violons, une voie totalement inattendue de la part de John Cameron Mitchell après le très sexuel Shortbus. Ceux qui ont raillé Aaron Eckhart cette année pour Battle Los Angeles n’ont sûrement pas vu sa belle performance dans Rabbit Hole

12. Minuit à Paris
La magie au cinéma, cela existe, et Woody Allen nous en a fourni une preuve admirable avec Minuit à Paris. Un touriste américain en vadrouille sur les bords de Seine, un saut dans le passé inexplicable, et des nuits joyeuses dans le Paris des années 20 au côté d’Hemingway et Dali. Voilà le programme que nous avait concocté Woody pour son premier film 100% parisien, et un vent de grâce souffle sur les pérégrinations d’Owen Wilson. Comme dans ses meilleurs films, le new-yorkais nous transporte, nous fait rire et nous fait retomber amoureux de notre capitale. Un moment de cinéma magique.

13. Une séparation
Si j’ai découvert Asghar Farhadi il y a deux ans avec A propos d’Elly, c’est bien en 2011 que la puissance du cinéma de l’iranien m’a frappé. Si La fête du feu, vu en reprise, m’a confirmé tout le bien que je pensais de lui, c’est bien Une séparation qui a marqué de son empreinte l’année. Un regard perçant sur la société contemporaine iranienne, coincée entre modernité et tradition, entre la rigueur sociétale et l’envie de liberté. Une plongée aussi intense qu’un film à suspense dans les mœurs iraniennes, un film qui prend aux tripes et vous relâche convaincu que vous avez vu un film important. Ce qu’Une séparation est, à n’en pas douter.

14. L’ordre et la morale
Le retour de Mathieu Kassovitz au cinéma français était d’autant plus attendu que le réalisateur de La Haine s’attelait là à un film hautement politique promettant de faire du bruit. Le résultat a dépassé mes espérances, effaçant en l’espace de deux heures une décennie médiocre pour Kassovitz réalisateur. Le français a su concilier le film d’action à l’Histoire et frapper un grand coup avec un film conscient et engagé porté par une mise en scène implacable. De tels films de Kassovitz, j’en veux plus.

15. Senna / Shame
J’ai dit quinze films ? Je triche. J’ai retourné la question dans ma tête cinquante fois, et impossible de les départager et  d’en laisser un sur le carreau. Les tours de piste d’Ayrton Senna m’ont autant marqué que la tournée des bars de Michael Fassbender pour lever des filles. Le documentaire a su trouver une forme et un ton hautement cinématographique, avec ses drames, ses montées de tension et son suspense. C’est une grande épopée dramatique flamboyante. Le second film de Steve McQueen est une plongée renversante dans le monde l’addiction, de ses meurtrissures et de l’incapacité à s’en défaire. Deux portraits d’homme si différents et pourtant chacun bouleversant de vérités.

mardi 10 janvier 2012

Et les pires films de 2011 sont...

Avant de nommer mes films préférés de 2011, il est traditionnel de pointer du doigt les ratés de l’année, ces films qui m’ont donné l’impression que je gâchais quelques heures de ma vie que j’aurais pu occuper à des projections plus palpitantes. Pour certains d’entre eux, je suis le premier fautif, masochiste que j’ai été à aller vers des films dont il était évident que les qualités seraient inexistantes avant même de mettre les pieds dans la salle. Pour d’autres, tout indiquait au contraire qu’ils avaient le potentiel de figurer plutôt parmi les meilleurs de l’année. Ceux-là, certains ne partageront pas du tout ma déception, voire mon aversion pour eux, et c’est tant mieux. Les mauvais élèves de l’année dans mon cahier ? Les voilà.

Le Cheval de Turin
Je pourrais écrire un roman sur Le Cheval de Turin, et les raisons pour lesquelles je n’ai pas aimé le « chef d’œuvre » de Bela Tarr, le « plus grand cinéaste hongrois » (en même temps, combien sont-ils ?). Un billet déjà ne serait pas mal, si je trouve le temps dans les prochains jours, je m’y attellerai. Il est très, très rare que j’aie envie de quitter un film en pleine projection tant une incompatibilité règne entre le spectateur que je suis et le film sous mes yeux. Pourtant Le Cheval du Turin vient s’inscrire parmi les happy few. Une torture de 2h30 qui comptera parmi mes plus profonds ennuis de ma vie de spectateur (oui car malgré l’envie, comme d’habitude, je suis resté jusqu’au bout !).

Winnie l’ourson
« C’est pas pour les gamins ça plutôt ? » Si, bien sûr, c’est un film pour enfant. Et seul, je n’y serais certainement pas allé. Mais je me suis laissé entraîné par des amis, en souvenir de ces soirées des années 80 où Jean Rochefort nous faisait la lecture des aventures de Winnie, Tigrou, Porcinet et les autres, me laissant convaincre que ce serait un délicieux retour en enfance. Le constat fut amer, et ce ne fut qu’agacement devant un film qui ne s’adressait pas le moins du monde aux grands enfants nostalgiques, mais seulement aux moins de 8 ans. Voire aux moins de 6 ans.

Les aventures de Philibert, capitaine puceau
Aaaaaaah, Philibert ! Que je l’ai attendu ce Philibert, depuis l’époque où Jocelyn Quivrin était encore de ce monde et devait enfiler les collants du swashbuckling hero. J’en attendais une parodie des films de capes et d’épées enlevée et aussi délicieuse que les OSS 117 de Michel Hazanavicius. Eh bien non. Point de rire, de jubilation, de personnages hauts en couleurs et d’aventures trépidantes. Mais de la mollesse en veux-tu en voilà. Un abysse artistique du genre qui faisait peine à voir, et un bide monumental au box-office pour lequel les responsables du film ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.

Le complexe du castor
Jodie Foster de retour derrière la caméra, j’attendais cela avec curiosité depuis quelques années, le long d’un feuilleton Flora Plum qui n’a jamais abouti. En lieu et place, Jodie a donc confectionné un rôle pour son vieux pote Mel. Pourquoi pas, allez, soyons indulgent et oublions les frasques de Gibson. Le problème du Complexe du Castor est cependant ailleurs : un scénario catastrophique qui dépeint les relations humaines avec une lourdeur sans commune mesure. Jodie Foster n’y est pas allée de main morte, se réservant même au passage le pire rôle du film, si mal écrit qu’on en pleurerait presque, mais de rage ou de rire, jamais de cette émotion recherchée.

Balada Triste
Je pensais vraiment avant d’aller le voir que le dernier film d’Alex de La Iglesia serait pour moi. Qu’il serait de ces films qui savent m’étonner et m’enthousiasmer. La folie du cinéaste espagnol m’a suffisamment séduit par le passé pour avoir placé haut mes espoirs en Balada Triste, espoirs accentués par la présence du film au palmarès de La Mostra de Venise présidée par Quentin Tarantino. Mais cette folie là ne m’a étonnée que par l’agacement et la lassitude qu’elle a fait naître en moi. Les personnages m’ont insupporté, le style passablement ennuyé, et le film profondément gonflé.

Pain noir
Décidément, le cinéma espagnol n’était pas à la fête (à mes yeux bien sûr, calmez-vous les gars, je sais bien que vous vous avez adoré Balada Triste !) dans les salles françaises en 2011. Et après le film de genre récompensé à Venise, c’est le drame plus académique bardé de Goyas qui s’est effondré. Un maelström si confus qu’il en perd vite tout intérêt. Je suis peut-être une rare voix discordante concernant ces deux films, mais si c’est là ce qui se fait de mieux dans le cinéma espagnol… alors le cinéma espagnol va mal (heureusement qu’il y a eu Blackthorn de Mateo Gil !).

Conan
La palme du nanar de l’année, le Conan version 2011 par Marcus Nispel l’emporte haut la main. Sur le papier déjà, redonner vie au héros autrefois incarné par Schwarzie ne semblait pas la meilleure idée qui fût. La grande surprise du film, c’est que le résultat à l’écran est encore plus catastrophique que prévu. Un festival de nullité digne des grandes séries Z des soirées bis de la Cinémathèque Française, une œuvre (eh oui, c’en est tout de même une !) si ridicule qu’on se demanderait presque si les responsables ne l’ont pas un peu fait exprès. Rendez-vous dans une future séance de minuit à Panic Cinéma, Conan !

Forces spéciales
Forces Spéciales est au nanar français ce que Conan est au nanar américain, le plus indiscutable représentant de l’année. Avec un p’tit nouveau aux manettes et un casting ne manquant pas de panache (Djimon Hounsou ! Raphaël Personnaz !), on était en droit d’attendre un film d’action militaire nerveux et plein d’adrénaline. Au lieu de cela, Forces Spéciales enfile les clichés à tous les étages, distille de la niaiserie en cascades, et fait passer Michael Bay pour un cinéaste admirable. Dans le genre cette année, L’assaut était bien mieux (c’est dire ?)…

Putty Hill
Si au rayon de l’ennui, Le cheval de Turin a clos l’année en fanfare, Putty Hill avait prouvé quelques mois plus tôt qu’il n’était point besoin de s’étaler 2h30 durant dans une ferme hongroise en noir et blanc pour stimuler le sommeil. En moins d’1h30 dans un cadre américain contemporain, le temps semblait presque tout aussi long dans Putty Hill. A mi-chemin en fiction et documentaire, une histoire de… de… de… mais de quoi déjà ? En voilà un que la critique dans Libé m’avait incité à voir, presque seul à l’Espace Saint-Michel… Pas la recommandation de l’année, c’est sûr.

Mineurs 27
Et voilà le dixième, qui fera des jaloux tant j’ai hésité avec d’autres, mais le film de Tristan Aurouet restera comme une aberration cinématographique, flemmarde, inaboutie, ennuyeuse, qui n’est jamais capable de décoller, et lui permet de ravir une place dans ce Top du pire au Chaperon Rouge, à Priest, Le Rite, Sexe entre amis, Au bistrot du coin, ou aux plus sérieux mais tout aussi navrants à mes yeux Le gamin au vélo, Le moine, Impardonnables, Les bien-aimés ou Entre chien et loup. Marie-Ange Casta y montre beaucoup de sa personne, ce qui a de quoi séduire, mais pas assez pour sortir le film de sa misère.

Enfin je tiens à souligner que parmi tous les films qui n’ont pas trouvé le chemin des salles de cinéma françaises, il en est deux que j’ai vu en festival et m’ont prouvé qu’effectivement, ils ne méritaient particulièrement pas une sortie en salles : le japonais Cold Fish et le coréen Late Autumn. Vous n’avez pas pu les voir en festival ? Vous n’avez rien perdu sinon l’abomination. J’en fais un peu trop, c’est ça ? Je sais, mais c’est le petit plaisir des films que l’on n’aime pas, en faire des tonnes dans le rabaissement. Il faut bien leur trouver une saveur particulière, non ?

dimanche 8 janvier 2012

40 choses dont je me souviendrai de 2011

- Le Festival de Cannes n’a pas la science infuse pour récompenser les films, attribuant comme tous les ans des prix à n’importe quoi (Le gamin au vélo, Polisse), et en oubliant d’autres (Pater). Heureusement, il y a eu The Tree of Life. Et Drive. Et The Artist. Non, c’est quand même bien le Festival de Cannes en fait.

- Jessica Chastain est la femme de l’année.

- Après dix ans d’étincelles, le monde (et la France) se rend enfin compte que Ryan Gosling est un Dieu de l’écran. Il était temps.

- 127 heures redore le blason de Danny Boyle après cette croûte de Slumdog Millionaire (j’adore dire ça).

- Le cinéma kirghize existe. Si si, je vous assure, j’en ai vu un film. Et en plus c’était pas mal.

- Même dirigée par David Cronenberg, Keira Knightley reste insupportable.

- Le cinéma d’action français, c’est pas toujours ça. Toi pour me contredire t’as pas dû voir Forces Spéciales. Qui par contre est presque une bonne comédie en fait.

- Il paraît que Catherine Deneuve est une déesse du cinéma français, en tout cas une reine, mais elle commence tout de même par me sortir par les trous de nez, comme dit l’autre. Les Yeux de sa mèreLes bien-aimés… C’est plus possible Catherine, il faut faire quelque chose !! (ou prendre sa retraite ?).

- Les Aventures de Philibert, capitaine puceau avait failli atterrir l’année dernière sur la liste de mes films les plus attendus de l’année. Heureusement que je ne l’ai pas mis, vu le résultat.

- Christoph Waltz élève le niveau d’un film (De l’eau pour les éléphants, Carnage) par sa seule présence. Merci Quentin Tarantino d’être allé le chercher à la télévision allemande.

- Hayley Atwell est la plus belle actrice de 2011. D’Angleterre. D’Europe. De l’hémisphère nord. Allez, du monde. Hein, quoi, de l’univers ? Peut-être oui. Bon, d’accord, Golshifteh Farahani n’est pas loin derrière…

- Les grands livres ne font pas forcément de grands films (La ballade de l’impossible)

- Qui a dit que Kevin Costner était fini ? Pas ceux qui ont vu Company Men

- C’est décidé, je ne me ferai plus avoir, je n’irai pas voir le prochain film des Dardennes. Ni de Kaürismaki. Tiens et tant que j’y suis, Bela Tarr, je crois que je ne creuserai pas plus loin non plus.

- Vincent Lindon est formidable, encore plus lorsqu’il joue Vincent Lindon.

- Un documentaire sur un champion de formule 1, ça peut être extraordinaire. Et un film sur les arcanes du base-ball aussi.

- La mère de Gianni est toujours délicieusement drôle.

- Faire un long-métrage avec 150 euros de budget c’est non seulement possible, mais cela peut également donner lieu à un cinéma libre, créatif et vivant. Bravo Donoma.

- Le film le plus drôle et rafraichissant de l’année que les amateurs de comédie n’ont peut-être pas vu parce que ça n’avait pas l’air d’être une comédie si folle sur le papier : Rio Sex Comedy. J’en ris encore.

- Il n’y a pas de film italien sans Toni Servillo à l’affiche. Ou si peu.

- J’ai aimé un film de Lars Von Trier. Wouah. Ca ne m’était arrivé qu’une fois dans ma vie, avec Dogville. Vivement le prochain ? Faut peut-être pas pousser non plus…

- Le passé, que ce soit les années 40 ou 60, ça va bien aux héros Marvel.

- C’est fini. Christophe Honoré n’est officiellement plus un cinéaste à suivre.

- Les États-Unis n’ont pas le monopole du bon western. Qu’ils voient Blackthorn pour s’en convaincre.

- Il y a une petite lueur d’espoir pour la 3D, tant qu’un grand cinéaste est derrière la caméra.

- La projection la plus pourrie de l’année ? Mmmmm… Dernière séance et ses ados en furie peut-être ? Quoi que, la baston en live dans la salle pour Arrietty, c’était quelque chose aussi.

- Il n’y a pas assez de films chinois qui sortent en salles en France. Dommage que parmi les miettes, on trouve du bas de gamme comme True Legend.

- La meilleure suite de l’année ? Qui a dit Pirates des Caraïbes 4 ?! Dehors ! Ouste, j’veux plus te voir ! La bonne réponse était Tron : l’héritage bien sûr !

- L’homme qui rit sait danser.

- Maïwenn continue à se regarder le nombril, et avec 2 millions d’entrées et un Prix du Jury à Cannes, elle risque malheureusement de continuer à le faire.

- Jessica Chastain est l’actrice de l’année. (nan plus tôt j’ai dit « la femme » de l’année, c’est pas pareil !)

- Les spectateurs français devraient avoir honte d’avoir ignoré le dernier film de Kassovitz. En revanche, bien joué pour Les aventures de Philibert, capitaine puceau, ils ont eu le nez fin.

- Je me demande encore comment il est possible que le générique de fin d’Or Noir soit si court. Vous avez remarqué ?

- Vincent Perrot est fan de David Cronenberg. Je me demande si l’inverse est vrai.

- Emmanuel Mouret est le Woody Allen parisien. Sans l’humour juif. Et sans être parisien.

- La délicatesse m’a fait plus de bien que Le Havre, et je n’ai pas honte de le dire. Zut, attendez, comment on fait pour effacer une phrase !?

- Le film que je n’avais pas spécialement envie de voir mais que je suis quand même allé voir parce que ma copine m’a dit « Mais si, viens, on y va » et que finalement à la sortie c’est moi qui chialait mais chut faut pas le dire : Un jour. Oui, bon, ça va…

- On a beau dire ce qu’on veut, Intouchables premier au box-office de l’année, ça a quand même plus de gueule que Rien à déclarer. On l’a échappé belle.

- L’acteur qu’on dirait pas comme ça parce que Ryan Gosling était partout cette année mais lui aussi il a fait que du bon mais on s’en souvient pas parce que c’est vrai que tout le monde est pas d’accord pour dire qu’ils sont tous les trois bons les films qu’il a fait cette année (ouf, je reprends mon souffle) : Owen Wilson, avec le sympathique B.A.T., le délicieux Minuit à Paris, et le sous-estimé et pourtant remarquable Comment savoir. On me fait même signe en régie pour me rappeler qu’il était toujours la voix de Flash McQueen dans Cars 2 (premier Pixar que je n’ai pas vu en salles depuis Toy Story).

- J’étais sûr que ça serait nul et en fait c’est un de mes films préférés de l’année : Somewhere de Sofia Coppola. Par contre j’étais sûr que ça serait génial et en fait, c’est une daube… bah oui, Les aventures de Philibert, forcément (allez, promis j’arrête de taper dessus).

- Le numérique n’est pas la solution à tous les petits soucis que l’on peut rencontrer dans une salle de cinéma. On continue à s’y battre, à lancer les films trop tôt, à ne pas éteindre la lumière quand le film commence, à taper dans le fauteuil de son voisin de devant, à consulter ses mails sur son smartphone, à parler comme si on était dans son salon… Et pourtant, on y retourne toujours.

mercredi 4 janvier 2012

Des moutons, des cowboys, des sacs plastiques et... Catherine Deneuve ?

La scène s’est déroulée le lundi 2 janvier 2012, aux alentours de 19h56, dans les toilettes du Cinéma du Panthéon. Non je ne vais pas vous raconter une anecdote crade ou une rencontre sexy bien que commencer ainsi un billet peut le laisser croire. Si je grave cette date sur papier, enfin… sur… bon vous m’avez compris… Si je grave cette date dans ma mémoire, c’est que c’est à cet instant précis que j’ai eu pour la première fois une conversation avec l’homme aux sacs plastiques, le cinémaniaque ultime de la place parisienne. Enfin, ce qui s’approche le plus d’une conversation du moins.

Arrivé quelques minutes avant le début de la séance pour enfin voir Sweetgrass, le documentaire sur les cowboys ultimes de l’Amérique moderne, je me rends directement aux toilettes où je tombe donc nez à nez avec mon cinémaniaque préféré. Il vient de se laver les mains, et passé le choc de cette rencontre inattendue derrière l’écran du Cinéma du Panthéon, je lui tiens la porte pour qu’il puisse sortir. Mais par ce geste, je sens que je suis sur le point de le faire bugger, tiraillé qu’il est entre son désir d’être poli en acceptant cette porte tenue ouverte, et quelque chose qui attire manifestement son attention sous le lavabo. Sa tête va et vient entre la porte et le sol, et finalement il me dit avec moult hésitation dans sa voix chantante : « Ah, euh, merci, mais il faut que… j’ai laissé tombé quelque chose », sur quoi je lui réponds « Ah, pas de souci allez-y », et je le vois plonger sous le lavabo pour récupérer un bout de papier traînant effectivement par terre.

Vous me direz, et vous n’aurez pas tout à fait tort bien sûr : « Ah ». Oui vous savez, ce genre de « Ah »neutre, exprimant un peu d’étonnement, beaucoup de déception dans la voix. Un « Ah » cachant une arrière pensée tue par politesse qui serait ici quelque chose approchant « Wouah, super excitante ta rencontre dans les toilettes du ciné, merci de l’avoir partagée, t’avais rien de plus passionnant à me raconter ? ». Vous voyez. Ce genre de « Ah ». Mais j’ai trop de curiosité et d’affection pour ce genre de personnage pour ne pas souligner ce genre de contact inattendu et lui accorder une importance que d’autres balaieront d’un revers de la main.

Lorsque je ressortis des toilettes quelques instants plus tard, je le trouvais là où je l’attendais, à sa place fétiche du premier rang, entouré de deux sacs plastiques remplis de bouffe, aussi légèrement vêtu que lorsque je l’avais aperçu quelques jours plus tôt au métro Cour Saint-Emilion, polo, chaussures en toile, pieds nus. Égal à lui-même. Ce ne fut pas la seule surprise de cette séance. Car au moment où le film commença et que les premières images apparurent à l’écran, je vis l’homme aux sacs plastique secouer frénétiquement la tête, puis se l’attraper à pleines mains, l’air catastrophé (enfin, autant qu’on puisse le paraître de dos…), avant qu’il ne ramasse finalement ses sacs et se précipite vers la sortie de la salle.

Que s’est-il donc passé ? Notre homme s’est-il souvenu au dernier moment qu’il l’avait déjà vu ? A-t-il été rebuté d’entrée par ces moutons bêlant par centaines ? Ou bien s’est-il tout simplement trompé de cinéma en ce lundi soir ? Cette dernière hypothèse semble la plus vraisemblable, aussi étonnante soit-elle pour un pro du jonglage entre les séances comme lui. Les moutons ne m’ont pour ma part pas rebuté, recommandés qu’ils m’avaient été par la critique française, sans qui j’aurais certainement laissé passer le convoi animal. Bien m’a pris de finalement me pencher sur ces cowboys modernes allant faire paitre leurs bêtes dans les montagnes du Montana, malgré le froid, malgré les nuits, à l’affût des ours. On se croirait dans une version réelle du Secret de Brokeback Mountain, l’intrigue amoureuse en moins. L’épique et le romanesque laissent peu à peu la place à l’amertume, faisant coexister à l’écran beauté et tristesse.

L’homme aux sacs plastique n’est pas le seul spectateur de prestige (bon… d’accord j’exagère) croisé au Cinéma du Panthéon ce soir-là. Lorsque les lumières se sont rallumées et que je me suis levé, en me retournant, mon regard est tombé sur Catherine Deneuve, installée deux rangs derrière moi en compagnie de Gaël Morel. Les deux étaient déjà en pleine discussion sur le film. J’ai horreur de fixer les gens ainsi, mais lorsqu’il s’agit de Catherine Deneuve, tranquillement installée comme une spectatrice lambda dans la même salle que moi, difficile de ne pas lui lancer des regards au moment de se rhabiller et de sortir, le plus discrètement possible. Oui je sais, elle a plutôt tendance à me taper sur les nerfs au cinéma ces derniers temps Catherine, mais bon, Catherine Deneuve reste Catherine Deneuve, non ?

En sortant de la salle, je me rends alors compte qu’il est déjà 22h passées, alors que le film était censé se terminer à 21h45, me laissant en théorie le temps de descendre tranquillement vers le Reflet Médicis pour attraper The Terrorizers, pour ce qui s’annonçait être une des dernières chances de voir le film d’Edward Yang en salles, quelques semaines après sa sortie inédite 25 ans après sa réalisation dans une version numérique restaurée absolument splendide. Je me suis donc mis à dévaler les rues Victor Cousin et Champollion vitesse grand V, en me souvenant soudain que le film avait été lancé en retard, et que deux spectateurs étaient entrés en salle et s’étaient assis deux rangs derrière moi (sans que je fasse attention alors à qui ils étaient) quelques instants à peine avant que le film commence. C’était Deneuve et Morel, c’est certain. Serait-ce donc à cause d’eux que le lancement du film a été retardé, et que je me retrouvais à cavaler pour attraper mon deuxième film de la soirée ?

D’ailleurs je ne fus pas le seul à faire l’enchaînement entre le Cinéma du Panthéon et le Reflet Médicis, je reconnus à The Terrorizers un spectateur qui était assis devant moi pour Sweetgrass… L’heure tardive, la course impromptue, le contrecoup de la nuit du Nouvel An, tout cela a peut-être contribué à me rendre moins attentif devant le film du regretté Edward Yang, chronique de vies croisées à Taipei dans les années 80, en tout cas je n’en suis pas sorti emballé. Et ce que je retiendrai surtout du film, c’est la qualité remarquable de la restauration, le faisant presque passer pour un film réalisé l’année dernière, si ce n’étaient ces affiches de films des années 80 que l’on aperçoit ici ou là (La couleur pourpre, effectivement ça date !).
L’homme aux sacs plastiques n’était plus là (où s’était-il finalement envolé ?), Catherine Deneuve non plus. Les lumières se sont une fois de plus rallumées ce soir-là, les rues de Paris, sombres et froides, se sont ouvertes à moi. Une soirée cinéphile mémorable s’est achevée.
over-blog.com