mardi 28 juin 2011

Pater, même sans la reconnaissance cannoise...

C’est un film d’Alain Cavalier. Un cinéaste qui ne m’avait jamais attiré. C’est un mélange des genres, du documentaire et de la fiction, qui déconcerte. Le réalisateur joue à être un Président de la République, et un acteur populaire son Premier Ministre. Et puis la scène d’après, chacun redevient soi devant la caméra. C’est un film qui raconte le tournage d’un film en montrant le making of en même temps que le film obtenu. Avec une liberté et une fraîcheur incomparable. C’est un pari cinématographique autant qu’un acte politique. Un film sur le cinéma et son pouvoir en même temps qu’un cri de révolte contre l’état actuel de la France, de la société, de la politique. Du monde. C’est une collaboration et une complicité, une totale confiance entre un cinéaste et son acteur. Un Vincent Lindon que l’on pourrait croire déplacé chez Alain Cavalier mais qui pourtant s’y révèle sous un jour nouveau, devant la caméra d’un réalisateur fasciné par l’acteur et par l’homme qui lui donne la réplique.

C’est un film incroyablement ambitieux, qui ne se laisse barricader par aucune réserve, qui bouscule les conventions cinématographiques par sa forme mais aussi par sa volonté de s’immiscer dans la peau du pouvoir. Avec une distance évidente, et pourtant, aussi, une intimité qui fascine. Car c’est aussi un film sur ceux qui le font, un portrait personnel et presque involontaire d’Alain Cavalier et Vincent Lindon. On y rit. Un peu. Beaucoup même. On est fier, peut-être, qu’un tel film puisse se faire en France, hors norme, un film de réflexion, un film d’ambition, un film de révolte et pourtant aussi un film d’amusement, où l’on se plait à voir Vincent Lindon se perdre dans les méandres de son identité, entre l’homme et l’acteur qu’il est, et le politique qu’il devient fictivement et se convainc presque qu’il est réellement.

C’est un film comme aucun autre ce Pater. Un film qui ose comme aucun autre. Et qui marque comme aucun autre. Le jury cannois était peut-être trop international pour totalement discerner le film d’Alain Cavalier. Ou bien la compétition était-elle vraiment exceptionnelle cette année, pour que le film n’ait reçu aucune récompense. Mais c’est un grand film, un film qui restera, et c’est finalement ce qui compte le plus.

lundi 27 juin 2011

La Balade Sauvage, Terrence Malick à ses débuts

Cette balade-là, je ne l’avais plus parcourue depuis 1999, lorsque je découvrais le film de Terrence Malick pour la première fois. C’était au moment de la sortie de La ligne rouge après vingt ans d’absence pour le cinéaste américain, et quelques cinémas en avaient profité pour programmer Badlands – La Balade Sauvage et Les moissons du ciel, les deux films réalisés par Malick dans les années 70. Je crois me souvenir que j’avais vu La balade sauvage dans la petite salle du Ciné 104 de Pantin, mais je ne parierais pas trop cher sur ce souvenir non plus. En l’espace de quelques semaines donc, je rentrais en contact avec trois films de Terrence Malick, et le choc cinématographique fut grand.

Depuis ces semaines profanes de 1999, j’ai revu plusieurs fois La ligne rouge et Les Moissons du ciel, ce dernier notamment lors d’une belle ressortie en copie neuve l’année dernière. Mais je n’avais jamais revu La balade sauvage, le premier long-métrage réalisé par Malick. Un an après Les moissons du ciel, le voici heureusement qui ressort dans les salles françaises en copie neuve lui aussi, s’affichant en grand sur des écrans aussi beaux que ceux du Max Linder Panorama ou de l’Arlequin. Pour changer, c’est ce dernier qui a eu ma préférence, m’étant tenu sans raison particulière à l’écart de sa salle 1 pendant de trop nombreuses années.

En fin d’après-midi un jour de semaine, huit jours après sa ressortie, j’avais presque la grande salle de l’Arlequin pour moi seul, les quelques rares autres spectateurs présents étant tous hors de mon champs de vision, dans les rangs derrière moi (et pourtant j’ai été sage et me suis installé au 7ème rang seulement !). Revoir La balade sauvage quelques jours après avoir vu et revu The Tree of Life est un voyage étrangement apaisant. Après les discussions intenses autour de sa récente Palme d’Or, retrouver un Malick épuré nous renvoie aux bases de son cinéma.

En 1973, Malick suivait alors le parcours d’un jeune couple d’américains entre le Dakota du Sud et le Montana dans les années 50. Kit a 25 ans, Holly n’en a que 15. Son père à elle désapprouvait leur relation, Kit l’a abattu sans remord. Commence une fuite sans but, à travers la nature, entre les hommes, contre les obstacles, avec déraison, vers un ailleurs bien flou pour eux. Holly nous raconte son histoire en voix-off, comme la petite sœur dans Les moissons du ciel, comme une vraie narratrice, pour accompagner le récit. La voix off chez Malick n’a pas encore tout à fait pris cette tournure introspective qui se détache d’une forme narrative classique pour devenir les échos des pensées des personnages.

Mais déjà, le regard du cinéaste s’intéresse tout particulièrement à la nature. Celle de l’homme lui-même, qui se laisse emporter par des pulsions inexplicables et meurtrières, et celle qui nous entoure, ce cadre époustouflant entre les champs, les rivières, les montagnes, le ciel et les animaux. Déjà, Malick laissait sa caméra glisser sur la beauté de la nature en utilisant une musique la magnifiant, ici notamment « Gassenhauer » de Carl Orff. Malick s’intéressait et s’interrogeait sur la perte de l’innocence, celle d’un garçon qui se choisit la voie d’un criminel sans trop vraiment la comprendre, et celle d’une fille qui va assister à la violence sans la réprimer ni la comprendre elle non plus. Comme il le montrera dans chacun des films suivants, Malick est un cinéaste qui observe le doute et le ressent lui-même. Il n’était en revanche pas aussi timide et discret qu’aujourd’hui, et il apparaissait lui-même à l’écran, le temps d’une scène, homme de passage frappant à la porte et échangeant quelques phrases avec ce magnétique Martin Sheen. Cette scène laisse un sentiment amusé et fasciné. Alors le voilà enfin, Terrence Malick. Il faut remonter le temps pour le voir en grand jeune homme pataud qui allait devenir ce cinéaste légendaire et invisible.

La fin du générique nous révèle qu’à l’époque, Badlands avait été classé PG par la commission de censure américaine, soit un simple avertissement pour les jeunes enfants, malgré un décompte de morts ostensibles. Quand on voit avec quelle facilité cette même commission distribue des PG-13 (moins de 13 ans fortement déconseillés) voire des R (interdits aux moins de 17 ans non accompagnés) alors qu’on ne voit rien de particulier à l’écran, on se dit que l’Amérique est devenue plus prude, du moins ses représentants.

jeudi 23 juin 2011

Avant Benjamin Biolay, d'autres chanteurs devenus acteurs...

Si je savais que Benjamin Biolay était un chanteur depuis quelques années, je l’ai étrangement d’abord découvert comme acteur, dans Stella de Sylvia Verheyde, avant de vraiment commencer à écouter sa musique. J’avais découvert un acteur effacé mais charismatique, juste et sans emphase. Le genre d’acteur que j’aime. Depuis, j’étais allé voir La meute pour lui, et étais surtout tombé dans les méandres hypnotiques et merveilleuses de « La Superbe », son dernier album en date qui lui a valu tant de louanges justifiées.

Si vite, le voici propulsé en tête d’affiche par Katia Lewkowicz pour son hilarante comédie amère Pourquoi tu pleures ?, ou le désordre affectif d’un trentenaire, un premier long-métrage qui se permet d’être drôle et mélancolique avec un talent égal. L’écriture jubilatoire de la réalisatrice, et les femmes incarnées par Emmanuelle Devos, Nicole Garcia et Valérie Donzelli, ne sont pas les seuls responsables. Au cœur du film, Biolay en impose, par l’humour malgré lui de son personnage et l’intensité de sa présence qui confirme que le bonhomme n’est plus uniquement un homme de musique. Il est aussi un homme de cinéma. En hommage à cette évidence, voici un petit Top 10 des artistes musicaux ayant franchi le pas du cinéma avec le plus de talent à mes yeux. Non Johnny, ne cherche pas, tu n’y figures pas.

Yves Montand
Homme de music-hall, chanteur et danseur à succès, Montand est l’un des artistes français à avoir connu une des carrières les plus fantastiques, des cabarets français aux spotlights d’Hollywood. Si l’on se souvient tous de l’avoir entendu chantonner Paulette et sa bicyclette, que l’on a tous entendu parler de son histoire avec Édith Piaf, c’est le Montand acteur qui m’a toujours le plus impressionné. L’homme aux claquettes a séduit Marilyn Monroe et Romy Schneider sur grand écran, mais a surtout tourné avec Clouzot, Carné, Costa-Gavras, Cukor, Melville, de Broca, Resnais, Godard, Sautet, Rappeneau, Losey et tant d’autres encore. Il est l’exemple parfait de l’artiste complet, et de l’acteur ayant fait taire les doutes sur les capacités des gens de musique à percer au cinéma.
Mes films préférés de Montand : César et Rosalie de Claude Sautet et Le Cercle Rouge de Jean-Pierre Melville. Amant et ami dans le premier, ex-flic et voyou dans le second.

Dean Martin
Si j’avais vu plus de films de lui, plus récemment, peut-être aurais-je inclus Frank Sinatra dans cette liste. Mais non, c’est son compagnon du Rat Pack qui y figure. Évidemment. Crooner au charme intemporel dont les « Sway » et « Everybody loves somebody sometimes », entre autres, font mouche quelle que soit l’époque à laquelle on les écoute, Dean Martin est souvent associé en tant qu’acteur à son duo comique formé sur grand écran avec Jerry Lewis. Et aussi, oui, au film inachevé de Marilyn, interrompu par le décès de l’actrice, ou encore à Cannonball, sur la fin. Oui, bon, et puis les Matt Helm aussi. Mais derrière le charme de la comédie, Dean Martin savait se montrer sérieux et fascinant, comme l’a démontré Howard Hawks avec Rio Bravo, un des meilleurs westerns qui soit, dans lequel Martin ne fait pas que chanter. Il sue, boit, doute et émeut.
Mon rôle préféré de Dean Martin : Dude, l’adjoint alcoolique mais fidèle de John Wayne dans Rio Bravo de Howard Hawks. Évidemment.

Eddy Mitchell
Si Johnny n’a pas sa place dans ce classement, son vieux pote Schmoll n’aurait pas pu ne pas être présent. Avant d’être acteur, Mitchell était un narrateur hautement cinéphile, insufflant dans ses chansons une atmosphère particulièrement cinématographique trahissant son amour du 7ème Art. Mais n’est pas acteur qui veut pour autant, et Eddy Mitchell s’est tout de même rapidement révélé une gueule irrésistible du cinéma français, affichant son naturel chez Bertrand Tavernier, Jean-Pierre Mocky ou Étienne Chatiliez avec la même aisance, plutôt comique. Un bel exemple de fou de cinéma qui a su y trouver une place légitime et irrésistible.
Mes rôles préférés d’Eddy Mitchell : Nono l’incestueux dans Coup de Torchon et Gérard le bon pote dans Le bonheur est dans le pré d’Étienne Chatiliez.

David Bowie
L’interprète de « Space Oddity » n’est peut-être pas perçu comme un acteur par le grand public, mais il l’est pourtant bel et bien. Sur grand écran, Bowie est aussi insaisissable et fascinant que derrière le micro, une présence irréelle, douce et pourtant puissante. La mélancolie de son regard traverse l’écran et propulse l’étrange à nos yeux. Ponce Pilate, Andy Warhol, Nikola Tesla, Bowie a joué des rôles étonnamment emblématiques sur grand écran, en plus d’avoir fait le vampire ou le simple soldat. Son fils Duncan Jones deviendra peut-être un grand nom du cinéma dans quelques années (c’est bien parti pour), mais lui-même pourra toujours s’enorgueillir d’avoir été dirigé par Nagisa Oshima, Martin Scorsese, David Lynch et Christopher Nolan.
La scène la plus mémorable de Bowie sur grand écran : enfoui sous terre excepté sa tête laissée à l’air libre, dans le camp de prisonniers de Furyo d’Oshima.

Tom Waits
Sa voix est magnétique, rocailleuse tout en étant douce. Elle a contribué à faire de lui ce musicien fascinant. Mais Tom Waits, s’il n’a jamais été un premier rôle, a tout de même forgé en parallèle de sa carrière derrière le micro une belle filmographie d’acteur en tant que second couteau. Souvent vu chez Francis Ford Coppola, que ce soit dans Rusty James, Cotton Club ou Dracula (le fou en camisole, c’est lui), Waits a trouvé sa voie cinématographique dans un cercle de cinéastes incluant également Jim Jarmusch, Wim Wenders, Robert Altman et Terry Gilliam. Pas mal hein ? Récemment, on a même pu le voir dans l’étrange Petits suicides entre amis. Le chanteur n’a jamais essayé de tirer la couverture vers lui pour ce qui est de sa carrière d’acteur, et c’est certainement ce qui a entretenu cet intérêt constant des cinéastes envers lui.
Ma performance préférée de Tom Waits : ce Diable joueur et dandy qu’il incarne avec désinvolture dans le bel Imaginarium du Docteur Parnassus de Gilliam, loin des clichés diaboliques.

Leslie Cheung
A Hong Kong, il a été un prince. Une idole de la pop qui a su s’imposer en tant qu’acteur et représenter le cinéma HK à une époque dorée révolue. Avec son physique frêle et discret, Leslie Cheung aurait pu n’être qu’un minet de plus, pourtant il s’est frotté aux grands et a, devant leurs caméras, fait éclaté une fièvre cinématographique inoubliable. John Woo et son Syndicat du Crime, Stanley Kwan et son Rouge, Chen Kaige et son Adieu ma concubine, Tsui Hark et son Festin Chinois. Et Wong Kar Wai, bien sûr. Il a été l’incarnation de l’amant chez WKW, dans Nos années sauvages et Happy Together. Et puis il a sauté, trop tôt, trop jeune, achevant d’en faire une vraie légende.
La première image qui me vient de Leslie Cheung : le parcours désenchanté du couple d’amants qu’il forme avec Tony Leung Chiu Wai, en Argentine, dans Happy Together.

Will Smith
Will Smith a été un rappeur dans les années 80, sous le nom The Fresh Prince. Puis il est devenu acteur, à la télévision. Et dix ans après avoir débuté dans la musique, il était une star du grand écran. Il n’a pas fallu longtemps pour comprendre que Will Smith en serait une, grâce à Bad Boys, Independence Day ou Men in Black. Et puis en 2001 au détour de quelques blockbusters, certains funs et certains oubliés aussitôt vus (Wild Wild West si tu nous entends…), le prince de Bel Air a révélé qu’il avait plus à offrir que dézinguer des aliens et des bad guys. Robert Redford et Michael Mann nous l’ont montré sous un autre jour dans La légende de Bagger Vance et Ali, respectivement. Depuis, on attend de revoir ce Will Smith là. Mais monsieur semble plus s’amuser à faire des Hancock et Je suis une légende peu légendaires. Le Will Smith de 2001 reviendra-t-il un jour ?
Les deux meilleures performances de Will Smith : le mystérieux caddie de La légende de Bagger Vance, et le mythique Mohammed Ali d’Ali.

Mark Wahlberg
On ne peut pas dire que Wahlberg, du temps où il se faisait appeler Marky Mark et taquinait du micro, était un homme à suivre. Contre toute attente pourtant, Marky Mark s’est essayé au cinéma, et s’y est révélé bien plus intéressant. Difficile de le considérer comme un grand acteur, tant il peut parfois être un chouia fade à l’écran, mais Wahlberg a bossé, et a su gagner le respect, notamment grâce à James Gray qui lui a offert deux beaux rôles, dans The Yards et La nuit nous appartient. Mais il y a aussi eu Paul Thomas Anderson bien sûr, qui l’a révélé dans Boogie Nights et David O. Russell qui ne le quitte que rarement, comme en témoignent Les rois du désert, J’adore Huckabees et The Fighter. Les Infiltrés, Crazy Night et Very Bad Cops ont également mis en avant les talents comiques de Wahlberg. En voilà un qu’on est bien content de ne plus entendre chanter. Surtout qu’il a aussi un goût certain pour la série B pêchue qu’on aime.
La meilleure série B de Mark Wahlberg : Quatre frères de John Singleton, ou quatre frangins qui vont venger leur mère dans un décor industriel. Assez jubilatoire.

Mos Def
Partenaire de Wahlberg dans Braquage à l’italienne, Mos Def a en réalité fait pas mal d’apparitions dans des séries et téléfilms avant que sa carrière musicale ne décolle. Mais c’est quand celle-ci s’est affirmée que le rappeur a vu le cinéma lui faire de beaux appels du pied. Mos Def n’est pas venu au cinéma pour faire du bling bling et jouer aux durs. C’est la légèreté qui prime chez lui, raflant à la barbe de nombreux prétendants légitimes le rôle mythique de Ford Prefect dans H2G2 : le guide du voyageur galactique, d’après la série de romans cultes de Douglas Adams. Sur grand écran, Mos Def trimballe sa carrure peu impressionnante, son air ahuri et son hésitation joyeuse. Il est souvent étonnant, et toujours rafraichissant.
Le meilleur film de Mos Def : Soyez sympas, rembobinez de Michel Gondry, une ode à la cinéphilie enthousiasmante.

Eminem
Le rappeur de Detroit n’a peut-être pas sa place dans une telle liste. Après tout, si l’on excepte son apparition dans son propre rôle chez Judd Apatow récemment, Eminem n’a jamais tourné qu’un seul film. Mais bientôt dix ans plus tard, personne n’a oublié ce film, 8 mile, et personne n’a oublié la performance centrale d’Eminem dans le film de Curtis Hanson. Certains ont dit à l’époque que le rappeur ne faisait que jouer un type qui était plus ou moins lui-même, ce qui expliquait pourquoi il s’en sortait si bien. Si c’était vrai, alors n’importe qui pourrait donc être un excellent acteur du moment qu’il joue quelqu’un lui ressemblant. Ca m’étonnerait franchement. Eminem a montré une intensité chez Curtis Hanson qui a fait espérer que Marshall Mathers (son vrai nom) poursuive dans la voie de la comédie. Pourtant il s’est arrêté là, même si depuis on lui prête souvent des projets de films, qui jusqu’ici ne se sont révélés que des rumeurs. Jusqu’à quand ?

mardi 21 juin 2011

Dans le nouveau Studio Ciné Live, on lit des propos rigolos

La presse cinéma n’a certainement plus l’influence et l’importance qu’elle a pu avoir à une époque, qu’elle soit pointue ou grand public, mais un jour ou l’autre, je me pencherai dans ces pages sur l’influence que la presse ciné a pu avoir dans la vie du cinéphile que je suis devenu. Aujourd’hui, je ne lis plus vraiment ces magazines mais mes yeux ne peuvent résister tout de même à s’y laisser entraîner en vitesse, à les feuilleter à défaut de les lire de la première à la dernière ligne comme je pouvais le faire il y a quelques années antérieures à l’avènement d’Internet.

Ce mois-ci, mon regard s’est égaré dans le Studio Ciné Live daté de juillet 2011, et j’y ai lu des choses tour à tour drôles et surprenantes. Je ne parle pas des critiques et opinions émises par la publication, bien que cette allusion à une certaine qualité du cinéma de Guy Ritchie dans la critique de Blitz fasse sourire, mais de propos associés à Johnny Depp et Thierry Frémaux.
Un article consacré au premier indique que le comédien américain a personnellement choisi Rob Marshall pour être le réalisateur du quatrième volet de la saga Pirates des Caraïbes. Et la raison à cette drôle d’idée en serait que Depp apprécie particulièrement Mémoires d’une Geisha, l’une des nombreuses infamies commises par le cinéaste (au choix il est également possible de piocher entre Chicago et Nine pour débattre et décider lequel est le plus mauvais de ses films).

Mince alors, au détour de cet article, je découvre que Johnny Depp a vraiment des goûts cinématographiques douteux ! Gong Li et Zhang Ziyi jouant aux japonaises en anglais… brrrr… rien que d’y repenser, j’ai envie de revoir Épouses et Concubines pour laver mon cerveau de ce souvenir pénible.

Quelques pages plus loin, je tombe sur une interview de Thierry Frémaux qui fait se dresser les cheveux sur ma tête, même si ceux-ci commencent à se faire rares. Je cite : « Dujardin est un acteur extraordinaire, tout le monde le sait. Et il fait son métier de comédien, parfois sur des films d’auteurs (Blier, Garcia, Hazanavicius, Canet), parfois sur des projets plus commerciaux (…). Quand Brad Pitt passe de Ocean’s 13 à The Tree of Life, ou Johnny Depp de The Tourist à Tim Burton, ça n’étonne personne. Eh bien quand Jean Dujardin joue dans un film sélectionné à Cannes, il n’a pas moins de légitimité à monter les marches que Michel Piccoli ou Mathieu Amalric ».

Ce qui me choque dans ce que dit Thierry Frémaux n’a rien à voir avec Jean Dujardin, excellent acteur au demeurant. Ce qui me gêne dans ces phrases, c’est l’allusion à Johnny Depp. Ou plutôt, plus spécifiquement, à Burton. Car Frémaux met ici en opposition le cinéma commercial et le cinéma d’auteur. Pour l’acteur qu’est Jean Dujardin, pour l’acteur qu’est Brad Pitt, et pour l’acteur qu’est Johnny Depp. Mais pour ce qui est de Depp, Frémaux parle de sa collaboration avec Burton ces dernières années comme le pan « cinéma d’auteur » de la carrière de Depp. Aïe. Aïe aïe. Franchement m’sieur Frémaux ? Pour vous, Sweeney Todd, Charlie et la Chocolaterie et Alice au Pays des Merveilles, c’est du cinéma d’auteur au même titre que The Tree of Life ? La première moitié des années 90 est pourtant bien loin pour la collaboration Depp/Burton…

Si les trois derniers films tournés conjointement par Depp et Burton sont du cinéma d’auteur, alors oui, après tout, peut-être Roland Emmerich fait-il lui aussi du cinéma d’auteur. En tout cas cela explique sans l’ombre d’un doute pourquoi le Festival de Cannes choisit chaque année de présenter les plus mauvais films Hollywoodiens qui soient hors compétition (Da Vinci Code ? Indiana Jones et le Royaume du Crane de Cristal ? Pirates des Caraïbes ??). Je fais bien de continuer à jeter un œil à la presse cinéma, on y apprend toujours des choses intéressantes et amusantes.

dimanche 19 juin 2011

Ca sort en douce directement en DVD ces jours-ci...

Les films sortant directement en DVD me laissent un sentiment mitigé avant que je ne les vois. Pour ceux qui trainaient depuis quelques années dans les tiroirs de leurs distributeurs, il y a d’abord de la surprise, car après tout ce temps, un trait était presque tiré sur la possibilité de les voir arriver de façon officielle. C’est tout juste si pour certains, je n’en aurais pas oublié qu’ils existaient et étaient toujours invisibles en France. Pour ceux-là, les voir ainsi débarquer transforme en général la surprise en soulagement. Ouf, il était temps, quand même. Et puis il y a ceux qui n’ont pas trop eu le temps de traîner dans un tiroir et ont été rapidement condamnés à ne pas passer par la case cinéma. Avec ceux-là, la surprise se transforme vite en agacement.

Chaque mois, plusieurs films, qu’ils soient sortis d’un tiroir ou abattus en plein vol, débarquent dans les bacs français. Et ces jours-ci, ceux qui accrochent mon œil se bousculent aux portillons. L’évènement du mois, c’est certainement Miracle à Santa Anna de Spike Lee, un film qui a une histoire longue et douloureuse pour ce qui est de sa sortie en France. Tourné en 2007, il devait sortir en salles à l’automne 2008 après être passé par le Festival du Film Américain de Deauville, sous l’égide de TFM. Or le film n’est jamais sorti. A l’époque, une polémique a grondouillé, où l’on reprochait au film son discours sur la résistance pendant la Seconde Guerre Mondiale, où l’on reprochait au distributeur de renoncer à sortir le film pour des raisons racistes, où ça tirait donc dans tous les sens pour reprocher l’absence du film sur les écrans. Spike Lee avait attaqué à l’époque TFM pour rupture de contrat, le film s’était rétamé au box-office américain… ce film ambitieux dépeignant une escouade de soldats afro-américains débarquant en Italie en 1944 avec les troupes américaines a largement pâti de ces méandres polémiques. Tout le monde a plus ou moins enterré le film, et Spike Lee n’a plus tourné de long-métrage de fiction depuis.

Miracle à Santa Anna est finalement sorti en DVD il y a quelques jours. Après toutes ces années, nous allons enfin pouvoir découvrir l’objet de ce remue-ménage. Au rayon « descendu d’une étagère poussiéreuse », le mois de juin voit aussi venir en DVD Los Angeles : Alerte maximum, alias Right at your door, un film indépendant américain qui s’était fait connaître au Festival de Sundance… 2006, il y a plus de cinq ans. Ce film, voilà tellement longtemps qu’il est sur mes tablettes, et j’ai tant eu envie de le voir à l’époque, que j’étais presque persuadé de l’avoir vu lorsque j’ai vu son titre apparaître dans le calendrier des sorties DVD. Los Angeles y est victime d’une bombe engendrant un nuage toxique menaçant la ville et ses habitants. L’envie n’est plus la même qu’il y a cinq ans, mais la curiosité l’emportera un jour ou l’autre.

La surprise décevante de la semaine, c’est la sortie depuis mercredi d’Easy Girl, connu aux États-Unis sous le titre Easy A. Le film de Will Gluck était sorti l’automne dernier outre-Atlantique avec succès et avait gagné une jolie réputation qui n’a semble-t-il pas suffi à ce que cette comédie lycéenne réunissant Emma Stone, Stanley Tucci, Patricia Clarkson, Thomas Haden Church, Amanda Bynes et Malcolm McDowell sorte en salles en France. Moins surprenante est l’arrivée dans les bacs d’Instinct de survie en juillet, un thriller surnaturel réalisé par Luis Berdejo. Après tout, celui-ci n’avait eu droit aux États-Unis qu’à une sortie technique pitoyable l’ayant plongé directement dans les abysses de l’exploitation en décembre 2009, sous le titre The New Daughter. En même temps, Kevin Costner n’a jamais été populaire ni même franchement présent dans le genre surnaturel, alors le voir affronter des forces inquiétantes n’a pas semblé inquiété grand monde. Quoiqu’en ce moment, occupé qu’il est à incarner le père adoptif de Superman sur le plateau de la nouvelle mouture de Man of Steel signée Zach Snyder, l’échec d’Instinct de survie ne doit pas l’émouvoir plus que cela. D’autant que les critiques l’ont encensé pour son court mais remarquable rôle dans Company Men en début d’année.

Deux sorties en DVD mettent quant à elles le sourire aux lèvres. La première c’est État de guerre. Non que j’ai particulièrement envie de voir ce film traitant de l’affrontement entre Russie et Géorgie ayant fait l’actualité il y a quelques mois (années). Non que je me réjouisse de voir ce pan de l’histoire actuelle traitée au cinéma avec dans les rôles principaux Andy Garcia, Val Kilmer, Dean Cain et Heather Graham, entre autres. Non, ce qui m’amuse, c’est qu’il s’agit du nouveau film de Renny Harlin, ex-réalisateur star du cinéma d’action hollywoodien que je n’imaginais pas réaliser un film pareil. Le dernier film réalisé par Harlin, c’était quand même 12 rounds, un film d’action dont l’acteur principal était le catcheur John Cena. Forcément, cet enchaînement dans sa carrière, passer de John Cena à la guerre en Géorgie, fait sourire. Je serais curieux de voir ce que ça donne. Ca sent le nanar à plein nez, à moins que…

Mais la sortie la plus surprenante et réjouissante du mois est coréenne et s’intitule Chaw. Je me souviens bien que lorsque j’étais en Corée du Sud à l’été 2009, les cinémas arboraient presque tous l’affiche du film. A l’époque j’avais privilégié Haeundae et Take Off car leurs projections bénéficiaient de sous-titres anglais, contrairement à Chaw. Mais l’envie ne me manquait pas d’aller découvrir ce film semblant jongler entre l’humour, le suspense et l’horreur et suivant les attaques d’une bête apparentée à un sanglier monstrueux au sein d’un petit village. Les chances étaient nulles que ce film sorte un jour dans les salles de cinéma françaises, alors le voir arriver en DVD début juillet est une agréable surprise. J’ai hâte de voir ce sanglier coréen bouffer du villageois ! Les direct-to-DVD, ça a du bon parfois…

jeudi 16 juin 2011

Tahar Rahim n'aime pas faire la queue

Il ne faudrait peut-être pas rencontrer les gens de cinéma que l’on admire. Ceux qui nous émeuvent, nous transportent, nous font rêver et que l’on imagine aussi remarquables que ce qu’ils montrent sur grand écran. Il faudrait garder cette inconnue, cette interrogation. « Et il est comment untel, en vrai, tu crois ? ». Ne pas les rencontrer évite de belles déceptions, comme celle que j’ai connue le week-end dernier. Après le sympathique quoiqu’oubliable London Boulevard, j’enchaînais avec The Prodigies, le bide français du moment, aussi bien au box-office qu’artistiquement, réalisé par Antoine Charreyron. Le mauvais marketing et notamment le changement du titre du roman « La Nuit des Enfants Rois » (écrit par Bernard Lenteric) en The Prodigies, sans jamais mettre l’accent sur la filiation avec ce titre sous lequel le film avait pourtant été tourné, a certainement joué sur la déception des résultats au box-office. L’échec artistique n’aidera pas le film à remonter la pente.

Malgré le bide, le film était en première semaine programmée dans la salle 1 au Ciné Cité Les Halles. Le film était tout de même censé être évènementiel, après tout. Si j’avais su que le film allait être aussi passable et qu’en plus le voir allait écorner la belle image que j’avais d’un acteur, je m’en serais peut-être passé. Toujours est-il qu’en ce dimanche après-midi, j’étais bien dans le couloir menant à la salle 1 des Halles, attendant que la porte s’ouvre avec une petite centaine de spectateurs, même pas. Certains d’entre vous savent certainement à quoi ressemble le couloir où la queue se forme pour les spectateurs attendant l’entrée en salle 1 aux Halles. Le couloir est large, au fond, c’est l’entrée de la salle, à gauche, un mur contre lequel la file d’attente se dessine. Tout le long du couloir, sur la droite, un passage est laissé accessible car s’y trouvent des toilettes. Les toilettes pour hommes se situent à la moitié du couloir. Lorsque celui-ci est plein donc, une personne souhaitant aller aux toilettes longe la queue. Lorsqu’on en ressort, on longe de nouveau la queue dans l’autre sens pour respecter la file d’attente. Du moins c’est ainsi que la plupart des gens l’entendent, moi le premier.

Dimanche après-midi, j’attendais ainsi dans ce couloir, faisant la queue, lorsque je l’ai vu passer sous mes yeux accompagné d’un ami pour aller aux toilettes. Le fascinant Malik d’Un Prophète de Jacques Audiard. Le Prince Seal de L’aigle de la neuvième légion de Kevin McDonald. Tahar Rahim, le futur grand acteur du cinéma français qui en est en fait déjà un. Je le vois passer sous mes yeux, plus petit que moi, la tête vissée sous sa casquette, élégant et discret. Tahar Rahim, deux Césars en poche et le cinéma français lui tendant les bras, l’avenir d’un grand devant lui, qui ne trahit pas son intensité en spectateur lambda d’un dimanche au ciné. Je souffle à mon amie que Rahim sera avec nous dans la salle, je lui montre son dos, mais il est déjà entré aux toilettes. Je pense lui montrer lorsqu’il en sortira et qu’il passera à côté de nous en retournant dans la queue. Cela n’arrivera pas.

Eh non, Tahar Rahim a beau être déjà un grand acteur, il a révélé sous mes yeux la petitesse de l’homme qu’il est. En sortant des toilettes, lui et son ami n’on pas cru bon de respecter la file d’attente en retournant sur leurs pas. Après tout, aller aux toilettes leur a permis de bien se rapprocher de l’entrée en salle, alors pourquoi s’emmerder à retourner derrière 40 personnes alors qu’on peut entrer avant eux en restant plantés devant les toilettes en attendant que la porte s’ouvre ? Bien joué Tahar. Au royaume de la gruge, tu as montré que tu étais aussi doué que Malik derrière les barreaux. J’aurais bien applaudi, mais j’étais trop occupé à être énervé et déçu. Énervé par le comportement de connard, déçu par l’acteur. On en voit tous, régulièrement, des cons qui ne savent pas que le respect se distingue même dans la queue d’un cinéma. Ce jour-là le con s’appelait Tahar Rahim.

Je crois que si je l’avais trouvé à la place que je convoitais dans la salle, mon énervement aurait été décuplé, et ma perception de l’acteur en aurait pâti. Il s’est contenté d’une place plus au centre la salle, quelques rangs derrière moi. Tant mieux. Ca reste un comportement pathétique, mais bon… ce n’est pas non plus Maïwenn et son fils.

vendredi 10 juin 2011

La Rose Pourpre du Caire se cache dans les sous-sols de Paris !

Hier, je lisais dans Le Monde un article consacré à l’Espace Saint-Michel, cet étrange petit cinéma donnant sur la place du même nom en plein cœur de Paris. Où il était question (bien sûr ?) de la difficulté de survivre pour un tel cinéma en 2011, avec une programmation peu accessible pour le public car restreinte pour le cinéma par une frilosité des distributeurs à leur confier un film de premier plan, et des projets du directeur du cinéma pour maintenir son navire à flot. Il est vrai que L’Espace Saint-Michel fait partie de ces cinémas dont la programmation se démarque souvent de ce qui peut se voir dans les autres salles de Paris, ce qui peut inquiéter le directeur du cinéma, mais peut révéler sa qualité aux yeux des spectateurs. En ce moment, le cinéma joue notamment deux petits films iraniens dont l’un au moins me fait très envie.

Mais ce n’est pas pour ce film que je me suis rendu cette semaine à l’Espace Saint-Michel. C’est en fait pour un rendez-vous trop longtemps retardé avec un Woody Allen. Le cinéma du 5ème arrondissement n’a pas réussi à obtenir Minuit à Paris, mais à défaut offre en ce moment aux parisiens de voir ou revoir quelques vieux Woody, ce qui m’arrange bien car voilà des années que je veux voir La rose pourpre du Caire sans avoir jamais réussi à glisser mes yeux devant ce film datant de 1985. L’Espace Saint-Michel est un cinéma tout en paradoxe, qui offre une visibilité incroyable aux films qu’il programme du fait de sa position géographique mais qui reste un cinéma peu fréquenté et transparent aux yeux de nombreux passants. C’est aussi un cinéma que je vois souvent comme assez glauque, ce hall donnant une vue sur la fontaine étant peu avenant, les spectateurs auxquels je suis confronté étant souvent assez étranges là-bas, et surtout, les escaliers et couloirs montant ou descendant selon que l’on se dirige vers la salle 2 ou la salle 1 étant assez tristes et froids.

Mais passés ces traits de caractère étranges, les deux salles de l’Espace Saint-Michel sont des salles agréables, finalement. Pour La rose pourpre du Caire, j’étais en salle 1, au sous-sol, une salle dotée d’un écran courbe plus que respectable sur lequel les films s’affichent bien. Même si le fait que la sympathique caissière m’ait orienté vers la mauvaise salle a eu pour conséquence que je me sois fait doublé par plusieurs spectateurs pour rentrer dans la salle et que les places que je convoitais ont été réquisitionnées par un père et sa fille, me reléguant sur un côté gauche qui finalement ne m’a pas gêné grâce à l’écran courbe.

Finalement nous étions bien 15 ou 20 dans la salle, quand je ne m’attendais pour ce film qui n’est pas une ressortie officielle et ne bénéficie par d’une copie neuve qu’à quatre ou cinq spectateurs. Tant mieux, finalement. Il y a quelques jours, je me régalais de la fantaisie avec laquelle Woody nous baladait dans un Paris rêvé et rêveur avec Minuit à Paris, et y trouve à l’évidence des racines dans La Rose pourpre du Caire. Mia Farrow y incarne une jeune femme mariée à un rustre dans le New Jersey de la Grande Dépression, passant la plupart de son temps au cinéma à rêver des stars hollywoodiennes, jusqu’au jour où l’un des personnages d’un film qu’elle voit pour la énième fois sort de l’écran pour la séduire.

La profonde mélancolie d’un film dépeignant une Amérique souffrante étonne, car l’on pourrait s’attendre à ce que le ton résolument fantaisiste qui imprègne souvent La rose pourpre du Caire le pousse définitivement vers la comédie. Or il n’en est rien, et si comédie il y a bien, c’est pour mieux souligner que les rêves peuvent un temps nous évader du quotidien, mais que si ceux-ci ne se réalisent pas, la réalité nous rattrape très vite. C’est un film sur ce besoin de rêves, sur la magie du cinéma, sur cette relation étroite entre le pouvoir du cinéma et la puissance de la vie. C’est un film amer, étonnamment mélancolique, dans lequel les touches de comédie laissent place à un final anti-hollywoodien à mettre au crédit de Woody Allen. Au passage, celui-ci réalise un joli tour de force en plaçant dans un même plan deux fois le même acteur, le drôle et charmant Jeff Daniels, qui n’a jamais eu la reconnaissance qu’il méritait. Pour le moment.

L’Espace Saint-Michel n’est peut-être pas le cinéma le plus excitant et glamour de Paris. Mais il m’a offert de découvrir La rose pourpre du Caire. Cela efface bien quelques défauts !

mardi 7 juin 2011

Minuit à Paris, la magie selon Woody Allen

Quelle drôle d’idée. Francis Scott Fitzgerald, Ernest Hemingway, Salvador Dali, Pablo Picasso et quelques autres, à Paris, devant la caméra de Woody Allen. Ce n’était peut-être pas le film que l’on attendait du cinéaste new-yorkais. Une idée casse-gueule certainement. Depuis des années que Woody parle de tourner un long-métrage dans notre capitale, tout ce que l’on redoutait, c’était qu’il se complaise dans les clichés parisiens d’un œil étranger. Faire de son héros un américain se baladant sur les bords de la Seine, au pied de la Tour Eiffel ou à l’ombre du Louvre. D’autant que son précédent film, londonien celui-ci, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, nous avait laissés pantois d’insatisfaction.

Pourtant l’attente d’un Woody parisien n’a pas été vaine. Surprise et enchantement sont au rendez-vous. Il balaie les doutes avec panache, détourne les clichés avec intelligence, embrasse la ville avec personnalité. Son Minuit à Paris n’est pas une hagiographie facile et attendue de la ville-lumière. C’est une déclaration d’amour, oui, sincère, totale, mais une déclaration qui a un esprit et une identité cinématographiques forts. Son protagoniste, Gil, est un scénariste californien venu à Paris avec sa fiancée et ses beaux-parents. Une famille plus qu’aisée. Un soir, perdu dans les méandres des rues parisiennes, alors que les cloches d’une église sonnent minuit, Gil se retrouve dans la même ville… mais dans les années 1920. Au cours de cette première nuit, il va faire la connaissance, sans trop comprendre ce qui lui arrive, de Francis Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway, alors jeunes auteurs pleins de promesses profitant de la vie bucolique de la capitale française. Au petit matin, il revient à 2010 et à sa belle-famille qui ne l’aime pas. Mais les jours qui suivent, dès que sonne minuit, Gil le nostalgique d’une époque qu’il n’a pas connu retourne voir ses nouveaux amis d’un autre temps.

A quoi donc tient cette magie qui parcourt le film ? Je ne parle pas de la magie qui fait qu’un personnage puisse remonter le temps chaque nuit sans explication scientifique, mais la magie d’un film qui rayonne d’une douceur et d’une joie qui se répandent dans la salle et dans celles et ceux qui posent les yeux dessus. Est-ce cette faculté de dépasser les clichés, justement, comme un grand clin d’œil à notre attention de spectateur pour nous dire « Hey, vous allez voir, on va naviguer en zone de clichés, sur Paris, sur les américains en voyage, mais les clichés sont un nuage de fumée ». Car derrière les clichés détournés, le film embrasse un désir de fantaisie enthousiasmant. Les déambulations nocturnes sont un régal, leur opposition à la réalité permet un regard sur la nostalgie, sur la connaissance, sur l’art, sur le ridicule des êtres ou leur beauté naturelle.
Allen nous fait parcourir les rues du Paris années 20 avec Owen Wilson avec un plaisir communicatif. Le comédien est d’ailleurs l’un des rares acteurs américains à incarner l’alter ego de Woody avec une telle aisance et évidence, même si Adrien Brody lui vole la vedette le temps d’une scène en Salvador Dali obsédé par les rhinocéros.

Lorsque la lumière se rallume dans la salle, un soupir de déception est lâché. C’est trop tôt. J’aurais voulu profiter un peu plus du Paris pris dans le prisme Allenien. Un prisme enchanteur et merveilleux qui donne une joie de vivre pour le reste de la journée. Au moins.

jeudi 2 juin 2011

Senna, live fast, die young.

Où étais-je le 1er mai 1994 ? Que faisais-je ? Je me suis posé la question en sortant du cinéma mardi soir. J’ai failli aller voir Stone de John Curran ce soir-là, pour le plaisir de voir Robert De Niro et Edward Norton se faire face une fois de plus. Et puis non. Il y a quelques jours j’avais regardé la bande-annonce de Senna sur Internet, un documentaire d’Asif Kapadia. Contre toute attente j’ai eu envie de voir le film. Je dis « contre toute attente », car voilà de nombreuses années que je ne m’intéresse plus à la F1, et il me paraît peu probable que je regarde un Grand Prix dans les cinquante années à venir. Mais voilà, j’ai été enfant.

J’ai été enfant dans les années 80, ado dans les années 90. J’ai été un garçon passionné de voitures avant de m’en désintéresser totalement. Le nom d’Ayrton Senna m’a fait rêver quand j’étais gamin. Alors j’ai eu envie de voir ce documentaire passé par Sundance et sorti en catimini sur Paris. J’ai eu envie de retrouver ce héros de ma jeunesse dont je me suis détaché au fil des ans. « Héros » est un mot fort, mais vous savez ce que c’est, on arrondit toujours un peu certains détails de l’enfance. Le film de Kapadia m’a replongé des années en arrière. Il ne m’a pas converti en aficionado de Formule 1, mais avec ces images d’archives dont le film est uniquement constitué, avec quelques commentaires en voix-off des personnes ayant côtoyé Senna, Kapadia trouve une voix cinématographique sensible.

D’abord parce que son sujet est fort, bien sûr. Ayrton Senna, champion automobile, héros brésilien, destin tragique. Un homme pareil fait une matière passionnante pour un documentaire. Mais il y a autre chose. Il y a ce regard sur les coulisses de ce sport, ces briefings d’avant-course entre pilotes offrant tension et détente. Il y a cette marque laissée par Senna sur son pays, l’influence que ce sportif a eu sur la santé morale de ses concitoyens, l’enthousiasme national pour lui, la détresse profonde que sa disparition a entraîné (essayer de trouver une personnalité française dont le décès aurait un tel impact sur le peuple, vous n’en trouverez pas). Il y a aussi, bien sûr, la compétition sportive entre Senna et Alain Prost. Ces ennemis intimes ayant donné le meilleur ou le pire d’eux-mêmes pour arriver premier au nez et à la barbe de l’autre. A travers les images d’archive, Kapadia parvient à nouer une tension hautement cinématographique entre Senna et Prost, leur lutte continuelle, tantôt fraternelle, souvent haineuse, qui fait ces grands antagonistes cinématographiques, si loin et pourtant si proches.

Où étais-je en ce funeste jour de mai 1994, pendant que sur le circuit d’Imola à San Marin, deux pilotes perdaient la vie au cours du même week-end, dont Ayrton Senna, fonçant à 300 kilomètres heure dans un mur ? C’était un dimanche, j’avais 12 ans, et je ne me suis plus jamais vraiment intéressé à la F1. Le cœur battant, j’ai revécu ces épisodes du passé, de la vie d’Ayrton Senna, de mon enfance. J’ai découvert les funestes coulisses de ce Grand Prix à Imola, les attentes, les nervosités, et l’inéluctabilité d’un week-end violent et tragique. Mourir trop jeune et trop vite a forgé la légende de Senna, et offert un documentaire aussi palpitant qu’émouvant au cinéma, sorti aussi discrètement que Senna est parti en faisant du bruit.
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