Dimanche soir, la 17ème édition de L’Étrange Festival a plié boutique. La manifestation tant appréciée des amateurs de cinéma de genre s’est conclue par la consécration du film belge Bullhead, chaudement recommandé pendant la manifestation mais que je n’ai pu voir. J’ai vu mon lot de films décevants au cours de ces dix jours au Forum des images, suffisamment pour regretter de ne pas m’être arrangé pour aller voir le film récompensé plutôt que The Unjust ou Stake Land, mais il est trop tard pour regretter, et inutile de se mentir, je n’aurais raté le film coréen pour rien au monde.
Cet Étrange Festival cru 2011 aura tout de même apporté son lot de films enthousiasmants (Super, Revenge : a love story), forts (Kill List, Redline) et intrigants (Confessions), assez pour estimer qu’une fois de plus, le rendez-vous parisien de la rentrée s’est montré indispensable. Et ce même si les deux derniers films que j’aurai vu dans la grande salle 500 du Forum auront été loin de m’électriser.
J’attendais le premier de pied ferme, Cold Fish, car les films de son réalisateur Sono Sion ont une fâcheuse tendance à ne jamais sortir en salles en France. Et voici que L’Étrange Festival avait l’audace de passer deux films de Sono Sion, celui-ci et Guilty of Romance, sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs cannoise en mai dernier. Mon emploi du temps m’a poussé vers Cold Fish quand j’aurais aimé poser mes yeux sur les deux… du moins avant de voir le film. Après coup, j’ai franchement regretté d’avoir vu celui-ci plutôt que l’autre, mais encore une fois, les regrets de ce type sont futiles.
Alors non, Cold Fish ne m’a pas séduit. Du tout. Pourtant j’ai longtemps cru que j'appréciais le long-métrage alors qu’il se déroulait sous mes yeux, 2h25 durant. Parce que le film est fort, certainement. Parce qu’il ne s’embarrasse pas de détails pour nous sauter au visage et que cette agressivité, un mélange de danger sourd, de violence réelle et d’érotisme atténué, a des atours séduisants. Il y a dans le cocktail sexe, sang et folie quelque chose de toujours fascinant dans le cinéma de genre. Pourtant dans le cas de Cold Fish, le moment arrive où ce cocktail ne prend plus. Dans sa folie, Sono Sion manque justement de folie.
Il y a quelque chose de trop prévisible dans ce portrait d’un japonais moyen, père de famille effacé qui se laisse constamment marcher sur les pieds sans réagir. Il est trop facile de reconnaître en lui une bombe à retardement qui va accumuler les coups au long du film pour mieux exploser dans un bain de sang. Cela se produit comme imaginé. Heureusement, le ton confère à la comédie, à raison, parodiant les relations humaines dans la société japonaise, où le respect de façade cache l’arrivisme ou le mal être. Sans ce caractère grotesque assumé, le film serait bien trop facile, ou plutôt encore plus facile et risquerait le ridicule comme il s’y perd dans cette séquence finale entre sang et morts qui est un joli n’importe quoi scénaristique, et pousse l’hystérie générale jusqu’à son paroxysme.
Dans The Divide, il n’y aura pas eu les belles plastiques de Megumi Kagurazaka et Asuka Kurosawa, allègrement filmées par Sono Sion, pour distraire d’un sentiment mitigé. Le film de Xavier Gens avait fait l’ouverture, dix jours plus tôt, et le réalisateur français était là dimanche, en ce dernier jour de festival, pour nous présenter le film. Et en guise d’introduction, il nous raconta une anecdote des plus jubilatoires à propos de la production du film.
Gens nous raconta qu’à quelques jours de commencer le tournage de The Divide à Winnipeg, en plein cœur du Canada, les assurances se sont retirées, craignant que ce tournage promettant d’être dur et intense ne tourne mal. Tout à coup, le film se retrouvait sans argent, et sans espoir d’en obtenir en l’absence d’assurances. Lorsqu’il l’annonça à l’équipe, le stagiaire régie - dont la fonction sur le plateau se résumait à faire le café, aller chercher les pizzas et autres tâches quasi ménagères - manifesta sa déception au réalisateur français : « Oh non, vous pouvez pas me faire ça, c’est mon stage d’études, faut absolument qu’on le fasse ce film !!! ». A quoi Gens ne pouvait lui répondre que la triste vérité : « Désolé mais les assurances se sont retirées, on n’a plus d’argent, on va détruire les décors qu’on a construit, c’est foutu ». C’est alors que le p’tit stagiaire régie sauva le film en proposant au cinéaste : « T’as qu’à appeler mes parents, ils pourront peut-être t’aider ». Les parents du stagiaire régie firent un chèque de 2,5 millions de dollars à la production et permirent à The Divide d’être tourné.
L’anecdote est savoureuse à entendre, certainement plus que le film ne l’est à être regardé. Il ne s’agit pas là d’un mauvais film, seulement d’un film passant derrière d’autres, plus illustres, plus ambitieux, plus réussis, sur des prémices similaires. Dans The Divide, New York est prise sous les feux de bombes (sûrement nucléaires) instaurant la panique dès les premières secondes du film. Les habitants d’un immeuble se réfugient dans le sous-sol où vit leur gardien. Tapis sous terre en attendant d’éventuels secours, les relations au sein du groupe, une dizaine de personnes, va peu à peu se détériorer à mesure qu’il devient clair que ce qui viendra de dehors ne sera probablement pas leur salut.
The Divide apparaît donc vite comme une variation autour d’un thème déjà abordé dans The Mist de Frank Darabont, ou comment, lorsqu’un groupe d’hommes et de femmes se réfugient dans un lieu clos pour échapper à un danger, la situation dégénère et le danger se fait finalement plus pressant à l’intérieur que dans l’inconnu de l’extérieur. La folie s’y développe plus vite qu’on ne le pense. C’est une bonne idée de départ, et Xavier Gens en tire un film correct, tendu, en décor unique. Mais les petits défauts parsèment le film avec trop d’évidence pour que l’on que l’on soit scotchés.
Les personnages étant trop chichement écrits – la plupart avec un passé vierge à notre connaissance et un caractère assez caricatural, The Divide échoue à nous faire ressentir la moindre empathie à leur égard. Le cadre de cette situation quasi apocalyptique est lui trop succinctement posé et entretenu pour offrir une dimension politique ou sociale qui aurait été la bienvenue, d’autant que le caractère totalement flou de la situation rend le film plus frustrant que de raison. Nous ne saurons rien ou presque de ce qui s’est passé, de ce qui se passe, ou de ce qui se passera à l’extérieur de ce sous-sol en forme de refuge désespéré. Ce qui aurait été une qualité si Gens s’était astreint à de petites touches pour donner plus de détails à son cadre scénaristique, plutôt que ce quasi néant.
On trouve tout de même un personnage plus réussi que les autres, celui campé par l’acteur de Heroes Milo Ventimiglia, le seul montrant une réelle transformation au fil des épreuves traversées, le seul évoluant sous la pression de la situation, quand les autres restent uniformes tout le long du récit. Je quitte le Forum des images et l’Étrange Festival sur cette note tiède, avec quelques plus chauds souvenirs heureusement. Et en sachant que je serai de toute façon fidèle au rendez-vous en 2012.
4 commentaires:
Dommage que tu n'es pas accroché au Sono Sion. Je me suis littéralement laissé emporter dans cette "échappée folle sanguinolente". Les personnages, les situations, tout m'a séduit et emballé. Après, j'avoue que le film peu dérouter (le genre de film qui divise). On sait dès d'entrée ce qui va se passer mais j'aime assez le cheminement que l'on suit. Un coup de coeur en ce qui me concerne, ça doit être mon côté dérangé. ;)
Ouais ça doit clairement être ton côté dérangé et vicieux, j'en doute pas I.D. ;) Je suis content que tu sois rentré de Mongolie pour me partager tes goûts dérangés d'ailleurs ;)
Bah écoute, je reviens en forme et encore plus dérangé de la Mongolie. ^^ J'ai du faire un sale mélange de vodka frelaté qui me fait péter le ciboulot. Et puis les mongoles, c'est quelque chose quand même. Ils m'ont atteint. Je pense parler de mes aventures et mettre pour un temps de côté mes billets sur les films.
J'aurai voulu aussi choper quelques dvd de leur cinématographie mais rien de transcendant à se mettre sous la dent. Y a bien Opération Tatar qui a tourné dans quelques festoches mais impossible de mettre la main dessus même en pirate ! On étais parti pour se faire une séance de cinoche mais rien de mongole à l'affiche (US avant tout).
Sinon, petite production d'une douzaine, quinzaine de films par an qui sont essentiellement de la comédie (pour la p'tite histoire). Le mongole (sans généraliser) aime s'amuser au cinéma et donc préfère largement les comédies aux films plus "sérieux" (polar, drame, etc...). Tout doit toujours se finir bien comme dans leur chanson populaire et les clips qui les accompagnent. Par contre, y a des chances que tu aimes la Mongolie car ils sont très imprégnés par la culture sud-coréen (voire un peu japonaise), hallucinant. Enfin, j'écris ça mais c'est essentiellement la capitale. La Mongolie c'est tout de même deux mondes bien distincts. U.B., la capitale où les nanas sont comme à Paris et la vie en dehors, celle des nomades et des p'tites bourgade sans eau courante. Bref. On aura l'occasion de se raconter ça au FFCF notamment. Y a des chances que j'y sois mais avec une présence peu importante (j'espère mentir là-dessus).
Tu fais le Daily du FFCF ou bien ? ;) Tu sais qui il y aura d'autre ?
Il faut absolument que tu nous écrives un petit billet sur cette aventure mongole sur MIA ! Y a du potentiel pour un bon récit de voyage ;)
J'avais enteud dire effectivement que les Mongoles étaient assez tournés vers la Corée, ça ne m'étonne pas !
Bien sûr on se verra au FFCF, et comment ça ta présence sera peu importante ?! J'espère que tu mens oui !! Je fais le Daily du festival yes, vous aussi j'espère ? Normalement les mecs de Kim Bong Park seront là aussi, et peut-être un nouveau blog.
J'étais à la réunion pour discuter du programme, il y avait deux mecs de East Asia qui étaient là aussi, ils seront présents au festival.
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