lundi 3 février 2014

Bye Bye, l'Orient-Express...

Ce billet je voulais l’écrire plus tôt. Quand j’ai appris qu’UGC allait fermer l’un de ses cinémas parisiens emblématiques, il y a quelques mois, je me suis dit qu’à l’approche de la fermeture, l’envie d’écrire quelques lignes en guise d’au revoir à l’un des cinémas de Paris que j’ai le plus fréquenté était naturel. Pour de nombreux spectateurs ayant déjà atterri au dernier sous-sol des Halles pour y voir un film à l’UGC Orient-Express, cela peut sembler ubuesque de rendre hommage à un cinéma qui aurait certainement pu concourir aux Razzies des salles de cinéma les plus étranges qui existent.

Pourtant l’UGC Orient-Express a été un incontournable pour les cinéphiles les plus éclectiques de la place parisienne. Et c’est bien cela qu’il s’agit avant tout de saluer. Cette programmation qui en a fait une plaque tournante, entre les films en fin de carrière qui ne passait plus que là au retour des vacances d’été, et les sorties techniques programmées dans aucun autre cinéma. Ce sont les souvenirs auxquels il s’agit de dire au revoir. Les rires déclenchés par les aventures étudiantes de Will Ferrell, Luke Wilson et Vince Vaughn dans « Old School ». Les JT délirants du même Will Ferrell dans « Anchorman », aka « Présentateur vedette : la légende de Ron Burgundy ». Le buddy movie ultime de David Gordon Green, « Délire Express ». La comédie américaine a eu son heure de gloire à l’Orient-Express, c'est certain.

Et lorsque l’on entend Antoine Cabot, directeur de l’UGC Ciné Cité Les Halles, dire que les nouvelles salles de son complexe qui ouvriront dans quelques jours, n’auront pas pour vocation de programmer les sorties techniques qu’avait l’habitude de diffuser l’Orient-Express, les amateurs de comédie US pleurent dans leur coin. Il faudra donc uniquement compter sur le Publicis désormais. Forcément, on y gagnera en confort.

Car s’il était effectivement une caractéristique de l’Orient-Express, c’était bien sa configuration, son confort et ses mésaventures internes qui en faisaient… comment dire… un lieu cinéphile hautement improbable et imprévisible. Outre le fait que l’on y trouvait l’une des plus petites salles de cinéma de Paris (la salle 7 et sa petite trentaine de fauteuils regardant un écran équivalent à un home cinéma), l’Orient-Express cumulait les tares. Des classiques, comme le tiers d’écran bouché si l’on avait quelqu’un assis devant soi, et de plus iconoclastes.

Qui n’y a jamais senti les rangées vibrer au passage du RER ? Qui n’a jamais entendu les bruits de canalisations couvrir les dialogues dans la salle 1 ? Et cette salle 2 dont les fauteuils n’étaient pas positionnés face à l’écran, mais quelque peu de travers ? Et cette souris que j’ai un jour vu traverser la salle, poussant les spectateurs à passer le reste de la projection les jambes remontées sous les fesses histoire de ne pas sentir le rongeur remonter le long d’une jambe ? Et ces sorties de dernière séance aux alentours de minuit, à errer dans les couloirs vides du Forum des Halles, à la recherche de la sortie ?

Ce billet, je voulais l’écrire plus tôt. Je voulais guetter la fermeture du cinéma, et me programmer une dernière séance à l’Orient-Express, pour profiter une dernière fois de cette ambiance si particulière, ce hall où il n’était pas rare de tomber sur une connaissance cinéphile, en quête d’une projection de dernière chance ou du film qui ne passait nulle part ailleurs. Mais j’ai oublié de guetter, et le mardi 21 janvier, j’ai appris qu’il s’agissait de la dernière journée de l’UGC Orient-Express. Que le soir même, le cinéma projetterait ses toutes dernières séances. Et ce soir-là, je ne pouvais pas me libérer. J’ai vu sur Twitter et Facebook des rendez-vous se donner, des groupes se créer pour se retrouver une dernière fois à l’Orient Express.

Il paraît qu’aux dernières séances du soir, le personnel passait dans les salles en offrant à boire, pour trinquer avec les derniers spectateurs et rendre les clés dans la convivialité. Je m’en veux terriblement d’avoir raté ça. La fermeture d’un cinéma est toujours une tristesse. On aura beau dire que l’UGC Ciné Cité s’agrandit en contrepartie, l’amoureux des salles obscures que je suis ne peut s’empêcher de se sentir mélancolique et nostalgique quand l’un des cinémas dont j’ai le plus usé les fauteuils ne projettera plus jamais de film. Je me souviens de l’époque où il y avait deux cinémas dans les tréfonds du Forum des Halles, quand le Gaumont Les Halles existait encore et n’avait pas encore été remplacé par une sandwicherie. Aujourd’hui ces cinémas ont disparu. Je me réjouis de voir apparaître ces nouveaux cinémas à Beaugrenelle, La Villette, de la renaissance du Louxor, et de ceux à venir. Mais la chanson d’Eddy Mitchell résonne dans un coin de ma tête, et je me dis qu’il me manquera quand même, cet Orient-Express qui vient de vivre sa dernière séance.
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