Relater un festival en publiant uniquement les critiques
des films que j’y verrais n’a jamais vraiment été ma tasse de thé. Si de bons
films peuvent faire un bon festival, les rencontres, péripéties et partages
font autant partie de l’aventure que les films vus. Et si j’ai bien l’intention de parler
quotidiennement des films que je verrai au 7ème Festival du Film
Coréen à Paris (FFCP), ne comptez pas sur moi pour mettre en ligne les unes à
la suite des autres des critiques des dits films.
Pas lorsque le festival en question sera mon quotidien
pendant huit jours et que j’y vivrai bien plus que des films. Pas après avoir
vécu la cérémonie d’ouverture en pensant à mes compagnons blogueurs de Made in Asie et Kim Bong Park qui ont préféré fuir l’évènement à l’annonce de son
succès annoncé. Pas après avoir attendu que mes pieds soient gelés au fond de
mes baskets avant d’enfin pouvoir pénétrer dans cette salle 3 du
Saint-André-des-Arts, rue git-le-cœur, après avoir vu tous les gens munis d’un
carton d’invitation aller s’installer au chaud pendant que moi et quelques
personnes munies d’une accréditation attendions que notre sort soit tranché.
Resterait-il assez de fauteuils pour nous caser ?
Serions-nous obligés de suivre l’ouverture du festival debout dans la
salle (perspective peu réjouissante lorsqu’il s’agit d’un film de plus de
deux heures) ? Ou bien cette salle déborderait-elle tellement de monde que
nous nous verrions contraints d’aller aligner les pintes avec le staff du
festival pour noyer notre amertume de n’avoir pu accéder à Masquerade, le film ouvrant le festival… non que cette perspective
eut pu nous accabler , le plaisir eut été manifeste, mais que voulez-vous, savoir
que LE film coréen du moment, qui a passé les 10 millions d’entrées au box-office
local, allait être projeté à quelques mètres de nous et que nous n’étions qu’à
quelques centimètres de pouvoir poser nos yeux dessus sur grand écran, cela
dépassait tout autre projet potentiel. Après tout, je brode, je brode, mais ce
sont pour les films qu’on vient…
Où en étais-je moi ? Oui, les pintes, le froid, Made
in Asie et Kim Bong Park absents. Mais dans ces ténèbres qui promettaient de se
refermer sur nous d’un instant à l’autre quand les invités se faisaient
toujours plus nombreux à entrer en salle tandis que nous restions penauds sur
le trottoir, prêts à affûter nos armes lorsque viendrait le moment de nous
jeter les uns sur les autres pour décrocher le strapontin restant… la lumière
se fit. Il reste de la place !, allez en piste, les portes s’ouvrent, nous
allons bien y avoir droit à Masquerade,
et ayant demandé à une amie qui faisait partie des invités de me garder une place,
au cas où je parviendrais à me faufiler, je n’eus même pas à me contenter du
premier rang (merci Marie-Fleur).
Aaaah, ce soulagement de trouver un fauteuil pour soi
lorsque quelques instants plus tôt, l’on doutait encore de pouvoir entrer… Oui,
monsieur l’Ambassadeur, faites-nous un discours, avec plaisir ! Et Pierre
Ricadat, cher chef programmateur, parle-nous de ces films qui nous attendent
pour les huit jours à venir ! Et tiens, allez, il est déjà tard, mais
accueillons le bonhomme de Mediavision et ses publicités, on s’en serait bien
passé mais après tout, l’euphorie de savoir que dans quelques minutes, même
pas, quelque secondes, Masquerade
jouera sur l’écran, transforme tout en enchantement.
Dans ces moments-là, difficile de déterminer si l’on est
plus enclin à être réceptif au film qui suit, ou si le risque de voir
l’euphorie retomber peut rendre irascible. Mais quand Masquerade a commencé, le reste s’est trouvé relégué à
l’arrière-plan. Je n’avais qu’une envie, me laisser transporter dans la Corée
du 16ème siècle, sous le règne du Roi Gwang-Hae, dans les couloirs
de son Palais où complots, politiques et menaces le poussent à demander à son premier
conseiller de lui débusquer une doublure qui lui serait bien utile en ces temps
où nombreux sont ceux qui à la cour aimeraient l’empoisonner. Le sosie est
trouvé, et lorsque le roi est effectivement empoisonné et dans un état
préoccupant, le conseiller craignant que cette nouvelle ne déclenche le chaos
décide d’installer la doublure sur le trône en attendant que l’original se
rétablisse.
Si vous vous dites « Hé, y aurait pas un peu de
Kagemusha là-dedans ? », je vous répondrais effectivement, même si
ambiance asiatique mise à part, Masquerade
m’a plutôt fait penser à « Président d’un jour » d’Ivan Reitman (drôle
de comparaison, non ?). Mais si, vous savez, ce film où Kevin Kline joue
le Président des États-Unis et le sosie qui est embauché pour le supplée mais
qui commence à faire un meilleur boulot que le vrai patron… Mais ce serait bien
réducteur de se contenter d’affilier Masquerade
à « Président d’un jour ». Parce qu’au-delà du cadre à l’évidence
à mille lieues de là, le film de Choo Chang Min est profondément coréen. Pur
film en costumes comme les coréens savent les faire et les apprécier, Masquerade navigue entre drame solennel
et comédie avec une aisance confondante.
L’humour, d’abord nettement scato (inquiétant ?),
parvient à trouver un ton bon enfant qui fait régulièrement mouche. Il est là
pour désamorcer une intrigue en costumes magnifiquement léchée mais tout de
même un brin solennel, voire trop solennel lorsque dans son dernier acte le
film s’étire et perd de cet équilibre divin qui le parcourait jusqu’alors. Oui,
le film est trop long, oui le patriotisme exacerbé qui en transpire peut prêter
à sourire, mais la belle gueule bien sympathique de Lee Byung Hun (que l’on
avait laissé ange de la mort dans « J’ai rencontré le Diable ») et les seconds couteaux parfaitement affutés
que sont Ryu Seung Ryong, Kim In Kwon et Jang Kwang nous maintiennent bien
ancrés au récit.
Comme l’an passé avec le coloré Sunny, le Festival a su trouver un film léché et prenant pour
sonner le lancement d’une semaine de films coréens que l’on espère pleine de promesses.
A la sortie, se diriger vers le bar pour célébrer cette première projection
réussie s’offrait à nous… Mais boire ou écrire…