mardi 28 avril 2009

Nuisances au ciné : sauve qui peut v'la les vieux !!

Pouvoir apprécier un film de la première à la dernière minute sans être - à aucun moment - dérangé par ce qui nous entoure est bien souvent chose impossible. Les désagréments d’une vision en groupe d’un film n’oblitéreront jamais ma préférence du grand écran au petit, mais parfois il faut véritablement se faire violence pour ne pas avoir les nerfs qui lâchent. Les possibilités sont diverses et variées pour qu’un élément vienne gâcher une projection.

J’ai déjà mentionné le cas du problème technique, qui se joue en cabine, ou celui de la star qui laisse son gamin faire son petit roi. Aujourd’hui il est temps de remettre le quatrième âge à sa place. Circonstance en question, la projection de Katyn. Le film d’Andrzej Wajda retrace un terrible épisode de la seconde Guerre Mondiale, au cours duquel 12.000 officiers de l’armée polonaise furent froidement abattus en secret par l’armée soviétique, qui entreprit à la fin de la guerre de faire porter le chapeau aux Nazis.

Je me doutais bien qu’un tel film, nommé à l’Oscar du Meilleur film étranger en 2008, allait plutôt attirer un public mûr. Surtout un lundi en plein après-midi. En fait de public mûr, je me suis retrouvé avec, à 2 ou 3 personnes près, un public de 4ème âge. J’insiste sur le 4ème âge, et non 3ème. Il s’agissait bien ici de papis et mamies plus proches des 85 printemps que des 65.

Dans une grande salle, un tel public ne me gênerait pas puisque j’ai plutôt pour habitude de me caler au 4ème ou 5ème rang, mais dans la petite salle du Lincoln, il n’y a pas dix rangées. Donc la proximité avec ces chers aînés qui aiment le fond de la salle se fait très vite plus nette. Et plus gênante. J’aurais dû me douter que mes cospectateurs seraient peu discrets, lorsqu’une mamie a demandé à la caisse s’ils avaient un dispositif pour malentendants (!!??).

Publicités et bandes-annonces commencent. Pendant celles-ci, ça commence à gronder. Bon sur ce point-là, je ne peux pas leur en vouloir, moi non plus je ne viens pas voir un film pour les pubs (les bandes-annonces, en revanche, c’est sacré !). La lumière s’éteint, le film commence. Générique de début. Et là, entrent en salle deux joyeux octogénaires qui n’y voient rien, et commencent à chercher une place tout en gardant un œil sur ces marches trompeuses. Évidemment, pas question pour eux de se placer parmi les quatre premiers rangs vides (où je trône tranquillement), ils cherchent donc parmi les cinq rangs du fond déjà pleins à 95%.

Le film a beau commencer, les compères parlent forts « C’est libre là ? Y a deux places ici ? », écrasant quelques pieds au passage, soulevant de nombreuses indignations, de ceux qui sont dérangés par le boucan, et ceux qui se font piétiner dans la quête de deux places libre. Finalement l’un se place deux rangs derrière moi, et l’autre devant son compère, sur le strapontin à côté d’une dame qui rouspète et lui dit « Mais mettez-vous devant il y a de la place ! », à quoi il répond bien sûr « Ah bah non c’est trop près ! ». Entre temps bien sûr on a largement dépassé le stade du générique.

Je vous passe les petits commentaires occasionnels, ponctuels, distillés au long du film (par presque tout le fond de la salle), qui n’est que du menu fretin comparer aux 15/20 dernières minutes du film. Là, un autre duo d’octogénaires (à moins que ce ne soit le même ?) s’est mis à dresser le bilan du film… en plein film. Et bien sûr à voix haute, comme tous les petits commentaires faits pendant le film, puisqu’ils s’entendent à peine parler. « Oh là là, c’est long quand même ». « Oui mais c’est triste surtout ! ».
Et là vous avez beau multiplier les « CHUT !!!!! », dans la mesure où ils n’entendent rien, ils continuent, et croyez moi, même certains spectateurs âgés y sont allés de leur « Chut ! » exaspéré.

Enfant, je me précipitais toujours vers le dernier rang de la salle, mon préféré pour voir un film. Avec le temps, je me suis peu à peu rapproché de l’écran, pour me projeter plus encore dans le film, réduire l’espace me séparant de l’histoire contée. Mais je pense qu’une part de moi en avait aussi assez de devoir supporter les commentaires continus et peu discrets de ces chères grands-mères et ces chers grands-pères, à qui il serait bien sûr cruel d’interdire l’accès aux salles. Mais bon sang, que ne donnerais-je pour qu’ils s’engagent à ne pas ouvrir la bouche (et ronfler pour certains…) pendant les deux heures que dure une projection !

lundi 27 avril 2009

Un week-end au ciné - Chapitre 4

Dans les jours qui viennent, je risque de passer de nombreuses heures dans les salles obscures pour cause de vacances parisiennes. Rien de tel que profiter, de temps à autres, de quelques jours tranquilles dans la capitale, et au détour des jours se brûler la rétine au plus près des écrans. Ce week-end, quatre longs-métrages m’ont attiré à eux, de l’évidence de saisir l’opportunité de découvrir un inédit asiatique à la comédie française dans toute sa splendeur. Entre les deux, un samedi réservant d’agréables surprises.

Vendredi soir, le centre culturel coréen organisait sa projection cinéphile mensuelle. Comme d’habitude accès gratuit et comme d’habitude, les bonnes places étaient chères de par la petite capacité de la salle (ne pas arriver en avance revient à accepter d’emblée d’être très mal placé). J’ai réussi à me caler au troisième rang (trop loin à mon goût) entre deux têtes, pour The show must go on, seconde réalisation du jeune cinéaste Han Jae-rim après la comédie romantique loufoque Rules of Dating datant de 2005. Sortie il y a deux ans dans sa Corée du Sud d’origine, cette comédie mafieuse suit les pérégrinations d’un sous-chef de la pègre locale, tiraillé entre ses obligations professionnelles et ses aspirations familiales.

Plus réussi dans l’approche comique que dans ses aspirations dramatiques, The show must go on, trop débraillé mais bouillant d’énergie, vaut avant tout pour la composition centrale de Song Kang-Ho, qui s’affirme de film en film comme l’un des tout meilleurs comédiens qui soit, toutes nationalités confondues. Sa présence en prêtre vampirisé dans le nouveau Park Chan-Wook fait saliver d’avance…

Samedi après-midi, direction l’inévitable UGC Ciné Cité Les Halles pour une double après –midi ciné, entamée par Erreur de la banque en votre faveur. A la base, ce genre de comédie frenchy n’est pas ma tasse de thé. D’autant que mon pote Michael a beau me claironner que leur scénario de La vérité si je mens 2 était un petit bijou, moi jusqu’ici le talent d’écriture de Gérard Bitton et Michel Munz ne m’avait vraiment pas impressionné. Tout comme leurs deux premiers films en tant que réalisateurs, Ah ! si j’étais riche ! et Le cactus, deux comédies classiques, pépères, et vite oubliées (surtout la première). Alors forcément, Erreur de la banque n’était pas vraiment sur mon radar. Mais voilà, si de mauvaises critiques ne m’empêcheront jamais d’aller voir un film que je désire voir, les bonnes en revanche peuvent faire naître, à défaut de désir, de la curiosité autour de certains films.

C’est ce qui est arrivé avec Erreur de la banque, les larges échos positifs, du public et de la presse, ont eu raison de mon manque d’enthousiasme, et m’ont poussé à rattraper mon retard. Et effectivement bien m’en a pris. Les aventures amicalo-boursières de Gérard Lanvin et Jean-Pierre Darroussin s’avèrent souvent jubilatoires, écrites avec un esprit comique indéniable, rythmées, fines, et peu avares en rebondissements et quiproquos tordants. Une belle preuve que la comédie franchouillarde peut ne pas être beauf.

Le second film de la journée a lui aussi prouvé quelque chose. Il a prouvé que Zac Efron n’attire pas que des adolescentes surexcitées de 14 ans pour son film 17 ans encore. Car à mon grand étonnement, dans la grande salle 6 des Halles, samedi à 18h10, point de midinettes à l’horizon pour crier leur amour au nouveau beau gosse hollywoodien, mais plutôt un public de 20/30 ans, probablement attiré comme moi par le pitch à échos très 80’s, à savoir un homme insatisfait par la tournure qu’a pris sa vie qui se voit offrir la chance de retrouver ses 17 ans. Il y a du Big et du Peggy Sue s’est mariée dans l’idée de base de cette comédie, le second film de Burr Steers après le méconnu mais non moins réussi Igby sorti il y a quelques années.

Non, il ne s’agit pas d’un High School Musical 4, bien heureusement. Si 17 ans encore manque certes grandement de subversion et de trouvailles réellement novatrices, le pitch est plutôt bien exploité et Efron, au-delà de son statut d’idole des adolescentes, tient plutôt bien son rôle. Mais surtout le film a dans sa manche un atout indéniable qui fait tout son sel : Thomas Lennon, second couteau hilarant plus connu pour être la tête d’affiche de la série et du film Reno 911. Le comédien campe ici le meilleur ami geek jusqu’au bout des ongles qui arrache des fous rires à chacune de ses apparitions, entre oreilles de Spock, sabres laser et parlé elfique. Il n’y a donc aucune honte à aller voir 17 ans encore. Si vous voulez une dernière caution de coolitude, Leslie Mann, femme et égérie de Judd Apatow, le roi de la comédie US in, y tient le premier rôle féminin.

Le week-end ciné s’est achevé dimanche en beauté, dans l’incontournable salle 1 des Halles, qui programmait OSS 117 : Rio ne répond plus. Il y a trois ans, OSS 117 : Le Caire, nid d’espions avait convaincu public, critiques et professionnels (via les Césars), révélant les grandes qualités de comédien de Jean Dujardin, et surtout le talent immense de Michel Hazanavicius et son co-scénariste Jean-François Halin, qui revisitaient la comédie d’aventures « à la française ». Le succès a engendré cette suite au décor brésilien tout aussi jouissive. Plus qu’une suite, il s’agit véritablement d’une nouvelle aventure, dans le même ordre d’idée qu’un nouveau James Bond n’est pas la suite du précédent (sauf dans le cas du plus récent bien sûr).

OSS 117 a pris une quinzaine d’années et se voit envoyé en mission au Brésil en 1968 pour retrouver un ancien Nazi faisant chanter la France du Général. Plus benêt, arrogant, pathétique, misogyne, condescendant et raciste que jamais, Hubert Bonisseur de la Bath nous offre un festival de rire. Les dialogues écrits au couteau, la caricature toujours plus forcée d’une certaine France, Hazanavicius nous régale de bout en bout (malgré quelques longueurs lorsque l’on passe quatre minutes sans un fou rire). Son film est peuplé de clins d’œil, de gimmick (mention spéciales aux chinois apparaissant à chaque coin de rue de Rio pour venger un frère, un père ou un cousin trucidé dans la séquence d’ouverture) et de private jokes si riches qu’on en sort avec l’impression d’en avoir raté la moitié à cause des spasmes de rires.

Dujardin ne s’est pas encore montré convaincant en dehors des habits de l’espion français, mais dans ce costume, il est rayonnant, faisant montre d’un talent comique immense, dans sa gestuelle et son sens du rythme.

Et puis franchement, ouvrir son film sur une chanson de Dean Martin, et le conclure, sous le ciel de Rio, par « Everybody Loves Somebody », du même Martin, ne peut qu’être la marque d’un long-métrage remarquable. Vivement une troisième aventure (en Chine ?) !

mardi 21 avril 2009

Prédictions : de la SF audacieuse derrière la perruque de Nicolas Cage ?

Dimanche, 22h aux Halles. Après une journée ensoleillée, pas grand monde pour se presser aux portes du cinéma et s’enfermer dans une salle obscure. Je profite de cette tranquillité pour enfin voir Prédictions, un film qui a été plus d’une fois cause de railleries ces dernières semaines pour le fait évident que c’est le nouveau thriller SF à moumoute de Nicolas Cage. Qui peut en vouloir à de tels à priori après avoir jeté un œil sur la filmographie récente du neveu à Coppola ? C’est vrai qu’entre Ghost Rider, Next et Bangkok Dangerous, les craintes étaient légitimes.

Pourtant aussi incroyable que cela puisse paraître pour certains, le nouveau film SF à moumoute de Nicolas Cage est bien plus que cela. Parce qu’avant tout, c’est un film d’Alex Proyas. Et Proyas a beau être connu du grand public pour avoir réalisé le mollasson I, Robot avec Will Smith, c’est surtout l’homme à qui l’on doit une véritable perle du cinéma de genre des années 90 : Dark City. Non je rassure les purs réfractaires, voilà plus de 10 ans qu’on attend de la part de Proyas un film à la hauteur de son bijou, et Prédictions n’est toujours pas ce film.

Pourtant… pourtant Prédictions n’est pas, loin s'en faut, la bouse qu’un trop rapide jugement laisserait entrevoir. Le film n’est pas un projet qui date d’hier à Hollywood. Il y a plusieurs années, au sortir du culte acquis par Donnie Darko, Richard Kelly avait annoncé travailler sur ce script qu’il comptait mettre en scène. Il est finalement parti sur autre chose, le scénario a circulé, a été remanié par nombre de scénaristes, et s’est un jour vu confié à Proyas, qui n’est donc pas à l’origine du projet, et n’en n’a pas signé le scénario.

Le pitch de Prédictions est simple et excitant : Un scientifique met la main sur une série de chiffres, écrite 50 ans plus tôt par une enfant, qui après analyse semble avoir annoncé les catastrophes majeures des cinq décennies écoulées… la date, le lieu, le nombre de victimes. Saura-t-il empêcher les catastrophes réstantes ?

Prédictions a beau ressembler à une commande pour Alex Proyas, le film porte la marque d’un cinéaste singulier osant sortir des sentiers battus. Au-delà de sa mise en scène diablement efficace (les séquences « catastrophes » sont vraiment saisissantes), Proyas parvient à instiller une atmosphère et un ton qui, alliés à un scénario certes imparfait mais audacieux, nous emmènent là où on ne s’y attend pas. Ou plutôt là où l’on se dit qu’il ne pourra oser aller.

Pourtant il y va. Prédictions, s’il commence comme un classique (quoique très solide) thriller surnaturel hollywoodien, glisse peu à peu vers le pur fantastique, à la limite du frisson (avec une musique lorgnant vers Bernard Hermann et une ambiance digne de la bonne SF des années 50), pour se terminer… dans un suspense mystico-apocalyptique tendance biblique hésitant entre le démentiellement génial et le totalement ridicule (je vous assure). D’où quelques rires fusant dans la salle lors du dénouement. Pourtant rares ont été les films hollywoodiens ces dernières années à oser un tel glissement narratif, et une noirceur aussi brusque dans leur dénouement (Terminator 3 et The Mist en sont des exemples, certes bien plus réussis). Pas étonnant, à la vue de la forte thématique apocalyptique, que Richard Kelly, cinéaste de l’Apocalypse s’il en est, ait caressé l’idée de mettre en scène ce film.

Alors oui, Prédictions a beau être le nouveau thriller SF moumoute avec Nicolas Cage, et être bancal sur les bords, mais il mérite amplement que l’on s’y attarde, au nom d’une science-fiction rarement aussi jusqu’au-boutiste.

vendredi 17 avril 2009

Bollywood fait son retour en France ?

La nouvelle est tombée cette semaine dans la newsletter du Film Français : Bollywood s’apprête à faire son retour dans les salles obscures françaises. Il était temps, car les amateurs de cinéma indien auront remarqué qu’il y a bientôt trois ans (!) qu’aucun film « Bollywood » n’a été distribué dans nos salles. Ce retour devrait donc s’effectuer par l’œuvre d’un cinéaste majeur du genre, Sanjay Leela Bhansali, et son film Saawariya.

Pendant des années, les distributeurs s’étaient bien gardés d’offrir aux spectateurs français la possibilité de voir en salles ce cinéma indien paraissant si kitsch, étrange et impénétrable pour nos yeux d’occidentaux peu habitués à ce déploiement flamboyant de musique en playback, de chorégraphies, de pudeur physique et de sentiments à foison.
Jusqu’à ce que l’un d’entre eux se voit nommé à l’Oscar du Meilleur Film étranger et que Rezo Films ose le sortir en France. Ce film, ce fut Lagaan, pas le film le plus facile sur le papier pour découvrir le cinéma de Bollywood : une fresque de plus de 3h30, située au 19ème siècle, avec pour point d’orgue une partie de cricket entre des paysans indiens et des militaires anglais durant près d’un tiers du métrage.

Personnellement, c’est la curiosité qui m’a poussé à aller découvrir Lagaan, et par là même Bollywood. Contre toute attente, le film m’a emporté et converti. Encore plus étonnant, l’audace de Rezo Films a poussé d’autres distributeurs à oser le pari Bollywood. Bien sûr le fait que quelques semaines avant la sortie de Lagaan, Devdas fut présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2002 a également nettement contribué à la tentative de lancer Bollywood dans les salles françaises.

Le charisme de Shah Rukh Khan et le regard hypnotisant d’Aishwarya Rai ont fini de convaincre les distributeurs qu’il y avait quelque chose à tenter auprès du public français. Pendant les trois années qui vont suivre, les salles françaises vont présenter quelques fleurons du genre, de la fresque familiale La Famille Indienne à la comédie sentimentale New York Masala, en passant par la chronique sociale Swades.

2006 aurait dû être l’année de la consécration, entérinant définitivement le cinéma de Bollywood dans les mœurs des spectateurs français, avec la venue exceptionnelle à Paris, pour une grande avant-première au Grand Rex, des stars Shah Rukh Khan, Preity Zinta et Rani Mukherjee pour le lancement de leur film Veer-Zaara, un sommet de l’art du cinéma indien à explorer une grande histoire d’amour riche en émotions, en surprises, en musique et en couleurs. Veer-Zaara, chef-d’œuvre du genre en puissance, aurait dû asseoir la popularité de Bollywood auprès des cinéphiles français.

Pourtant il semble qu’il n’en fût rien. Quelques mois plus tard sortait le médiocre Shakti, puis deux films indiens sans réelle consonance Bollywoodienne si ce n’est le casting, Choker Bali et Black. Puis plus rien. Le néant. Bodéga Films, qui jusqu’ici s’était escrimé à promouvoir Bollywood dans les salles, semble avoir abandonné, ne sortant les films qu’en DVD.

Tout juste quelques uns d’ente nous ont eu la chance de voir en projection exceptionnelle au Max Linder Panorama Jodhaa Akbar au moment de sa sortie en DVD.
L’annonce cette semaine faite par Bodéga Films que le distributeur prévoyait de sortir en salles Saawariya en juillet prochain marque ainsi à n’en pas douter un évènement, anodin à la vue du grand public, mais de taille pour les amateurs. Va-t-on assister à une nouvelle tentative d’un (ou plusieurs) distributeur(s) de familiariser le public français avec Bollywood ? Ou bien sera-ce un simple feu de paille ? Réponse dans les mois qui viennent.

mardi 14 avril 2009

Un week-end au ciné - Chapitre 3

Si mon week-end a essentiellement consisté en une fête d’anniversaire familiale dans le sud de la Seine-et-Marne, j’ai eu le temps d’attraper deux films samedi avant de partir, et même si je l’ai déjà vu il y a plus d’une semaine, il n’est jamais trop tard pour aborder la transposition live sur grand écran de Dragonball.

Je fais partie de la génération qui a grandi avec le dessin animé d’Akira Toriyama comme œuvre de culte, me délectant dans mes années 80 natales des aventures du petit Goku et ses amis, puis plus tard du grand Goku (et toujours ses amis). Avec les potes, on en parlait à la récré, on regardait religieusement les épisodes ensemble et on se prenait pour ces héros japonais. Il est bien sûr arrivé un âge où j’ai décroché, mais la TNT aidant, j’ai depuis revu avec plaisir quelques épisodes à la télé. Et gardé avec curiosité un œil sur ce vaste et surréaliste projet hollywoodien couvant depuis quelques années à la Cité des Anges : confier à des acteurs le soin d’incarner Tortue Géniale, Bulma et les autres.

Le projet étai casse-gueule d’entrée de jeu, malgré la présence à la production du fou chinois Stephen Chow. Le résultat est, faut-il s’en étonner ?, un bon gros nanar. Les ficelles scénaristiques sont absolument grossières (jusqu’à la séquence post-générique aussi détectable que Chuck Norris au milieu d’une bande d’Aztèques), les effets spéciaux souvent risibles, et les dialogues… inénarrables.

Ces défauts étaient tant attendus qu’ils auraient été pardonnés si le scénariste s’était donné la peine de respecter l’œuvre de Toriyama et du même coup les fans de la première heure de Dragonball. Malheureusement ce n’est pas du tout le cas. La mythologie des personnages est contorsionnée, dénaturée, trahie. Le scénariste nous pond une histoire qui n’a plus grand-chose à voir avec les origines de Goku. Et dire qu’ils comptent éventuellement en faire d’autres (films !), et ont laissé entendre que la suite pourrait se raccrocher à de véritables épisodes du dessin animé… cela semble peut probable vu l’origine tout à fait différente qu’ils ont tissé pour le protagoniste.

Il est possible, pour apprécier ce Dragonball made in Hollywood, de se marrer à moitié devant Chow Yun-Fat en Tortue Géniale ou d’apprécier la beauté de l’actrice qui incarne Chi-Chi (Jamie Chung), mais il faut avouer que c’est bien peu.

Ouf, le programme de samedi a été bien plus réjouissant, et a commencé par une surprise de taille : Ron Howard serait en fait un bon réalisateur. C’est du moins ce que l’on est en droit de penser après avoir vu Frost/Nixon, la transposition ciné de la pièce de théâtre remarquée de Peter Morgan, qui déjà mettait face-à-face Michael Sheen et Frank Langella dans les rôles respectifs de l’animateur de talk show britannique David Frost et l’ancien Président des États-Unis d’Amérique Richard Nixon, dans ce récit de la préparation (et le déroulement) d’un légendaire (pour les américains) affrontement télévisuel enregistré quelques années après la démission de Nixon suite à l’affaire du Watergate.

Faiseur Hollywoodien par excellence, Richie Cunningham a réalisé quelques honnêtes divertissements (Apollo 13, Backdraft, Willow) et quelques sombres daubes que je ne nommerais pas (mais y en avait une où Audrey Tautou jouait la descendante de Jésus quand même !). Avec Frost/Nixon, Howard signe, haut la main, son meilleur travail de metteur en scène. Plus que les dessous du Watergate et de l’implication de Nixon dans le scandale, dont on se contrefout complètement, c’est dans l’examen minutieux de toute une mécanique que le film s’avère une vraie réussite.
Mécanique de la mise en place médiatique, mécanique de l’implication humaine dans une démarche collective raillée, et bien sûr mécanique d’un face-à-face entre deux hommes que tout semble opposer, mais qui se trouvent confrontés à une problématique commune : de l’issue de la joute filmée dépendra leur avenir.

Contre toute attente, Ron Howard filme cette bataille qui se joue dans des chambres d’hôtels et des salons avec plus que les simples ressorts du suspense hollywoodien dont il a coutume (et ne venez pas me vanter les qualités de son agaçant Un homme d’exception comme un exemple de son ambition !). Les personnages auxquels il s’attache sont croqués avec une justesse remarquable, dans leurs défauts autant que leurs qualités. Les décors souvent minimalistes (dus à l’origine théâtrale du matériau sans doute) sont parfaitement exploités, rendus lieu d’étouffement pour ces personnages qui rêvent de grandeur mais doivent se contenter de l’enfermement pour espérer retrouver les spotlights de la gloire, que ce soit ceux du show-biz ou de la politique.

Grimages et mimétismes sont rarement les traits d’une interprétation qui attisent mon admiration, c’est donc moins dans le Nixon de Frank Langella, par ailleurs excellent, que dans le David Frost de Michael Sheen que j’ai trouvé mon plaisir de spectateur. Sheen tisse un Frost qui au-delà de sa bonhomie forçant la sympathie se révèle souvent insaisissable, à la fois sûr de lui et angoissé, flamboyant et pathétique. Le comédien britannique ne devrait pas tarder à se voir nommé aux Oscars , dans les années qui viennent, après avoir été placé dans l’ombre d’Helen Mirren dans The Queen, et maintenant Langella dans Frost/Nixon.

Anecdote de spectateur : vu à l’UGC Ciné Cité Bercy, Frost/Nixon a attiré Michaël Youn et sa compagne qui se sont placés juste devant moi. S’ils n’ont pas l’effronterie d’une Maïwenn Le Besco, impossible de ne pas remarquer qu’ils ont bien du mal à complètement oublier leur Blackberry, même le temps d’un film…

Dernière projection du week-end, le documentaire de Fabienne Godet Ne me libérez pas, je m’en charge, consacré à l’un des anciens taulards les plus célèbres de France, Michel Vaujour. Ce dernier s’est fait un nom moins pour les exploits qui l’ont conduit au trou que pour son étonnante capacité à s’évader. Vaujour a presque toujours réussi à se libérer par ses propres moyens du carcan carcéral, parfois sans bruit, souvent avec panache comme lors de sa spectaculaire évasion, dans les années 80, de la prison de la santé… en hélicoptère.

Ses exploits évasifs pourraient en faire un héros de cinéma hollywoodien, mais ce qui a véritablement intéressé la réalisatrice, ce sont les pensées de Vaujour. Ce que l’homme a absorbé et appris de toutes ces années en prison (plus de deux décennies tout de même !), dont une longue période en isolement total. Ne me libérez pas, je m’en charge, c’est une plongée dans les réflexions de Vaujour, dans le conscient et l’inconscient d’un ancien prisonnier qui a tout connu derrière les barreaux, et a au fil du temps appris à prendre du recul. Ce documentaire, bien souvent un simple témoignage en gros plan de Vaujour, est l’un des plus saisissants longs-métrages consacrés à la vie en prison, et ses conséquences pour les personnes y ayant vécu longuement, dans des conditions extrêmes. Sans que jamais la caméra s’y pose.

dimanche 5 avril 2009

Synecdoche, New York, abyme en roues libres

Samedi, 16h30, direction le MK2 Beaubourg pour découvrir si le génie et la folie créatrice du scénariste Charlie Kaufman est aussi fascinante lorsqu’il passe pour la première fois derrière la caméra (en portant à l’écran un de ses scénarios bien sûr).

A Cannes, où Synecdoche, New York était en compétition en 2008, le film de Kaufman avait plutôt suscité la déception et l’ignorance qu’autre chose. Aux États-Unis l’automne dernier, le film avait plus séduit, allant jusqu’à valoir à son auteur une nomination à l’Oscar du Meilleur Scénario Original.

Le plantage artistique de Synecdoche est à la hauteur de l’ambition du scénario de Kaufman. Celui-ci a, sur le papier, visé bien plus haut que ses capacités de réalisateur n’étaient en mesure de mettre en valeur. Pour ses premiers pas de metteur en scène, Kaufman a vu grand. Une épopée humaine, new-yorkaise, théâtrale, s’étalant sur une trentaine d’années en suivant Caden Cottard, metteur en scène connaissant un succès banlieusard avec une adaptation de « Mort d’un commis voyageur », et qui va entreprendre d’enfin porter au théâtre un projet personnel. Un projet grandiose, racontant la vie avec un V majuscule, dans un hangar géant où il va recréer une partie de New York et prendre pour héros les personnages qu’il croise dans sa vie quotidienne. Un projet hors norme, de longue haleine, qui va lui prendre des années.

Quel grand, grand film, Synecdoche, New York aurait pu être. Kaufman semble avoir voulu dire et montrer tant de choses, sur la difficulté des rapports humains, sur le pouvoir de l’art, sur la fragilité et la brièveté de la vie, sur l’ombre pesant sur l’avenir de notre société. L’auteur semblait bien décidé à introduire ces sujets de réflexion dans la folie reconnaissable de son univers narratif, dont on retrouve tout du long des éléments significatifs. La maison en feu. L’étrange suiveur. New York reconstitué dans New York.

Kaufman est le cinéaste de la mise en abyme, style narratif si délicat et confondant qu’il s’est approprié avec facilité au fil de ses différents scénarios. John Malkovich glissant Dans la peau de John Malkovich ; Kaufman lui-même incarné par Nicolas Cage dans Adaptation ; Joel Barrish / Jim Carrey projeté dans ses propres souvenirs dans Eternal Sunshine of the Spotless mind.
Ici, Kaufman pousse la mise en abymes jusqu’à dédoubler tous les personnages principaux en leur affublant un interprète dans la pièce de théâtre, et en les positionnant dans un faux New York recréé en hangar, un faux New York si troublant qu’on a bien du mal à distinguer le vrai du faux.

Là où le bât blesse, c’est que si Spike Jonze et Michel Gondry ont su capter, digérer, et adapter visuellement le génie scénaristique et narratif de Kaufman, ce dernier en est bien incapable. Jonze et Gondry sont dotés d’une folie créatrice équivalente sur le plan visuel à celle, écrite, de Kaufman. Sans leur œil expert, le style Kaufman se perd dans son propre dédale, naviguant en aveugle, noyé dans son ambition scénaristique, sans aucune prise pour en tirer une expérience cinématographique pleine, satisfaisante.

Kaufman à tellement de chose à dire et à montrer que des éclairs de génie, des flashs de toute beauté passent de temps à autre à l’écran, laissant deviner ce qu’un cinéaste plus talentueux aurait pu tirer de Synecdoche New York. Mais sous l’œil de son auteur, le film n’est qu’une très, très longue cafouille dont on a hâte de sortir.
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