vendredi 31 décembre 2010

Un 31 décembre de plus...

Tous les ans, c'est la même histoire. La cloche a sonné, l'année s'est écoulée, et avant de commencer à jeter un œil sur 2011, vite vite, il faut tirer un trait sur 2010. Voir les derniers films qui valent d'être vus (The sound of noise hier soir, une incongruité dont j'espère avoir le temps de vous parler à un moment). Faire le bilan de ce qu'on a vu, de ce qu'on a aimé passionnément, de ce qu'on a détesté, de ces instants de cinéma qui se sont trouvés une place dans nos yeux et nos mémoires pour les années à venir.

Aujourd'hui 2010 prend fin. On s'affaire tous à préparer notre dernière soirée de l'année, festive et longue si possible. Il me reste encore deux ou trois films à voir avant d'être prêt à faire le bilan de cette année cinéma. Dresser les incontournables listes de ce que je retiendrai des douze derniers mois, ainsi que de ce dont je me serais bien passé…

Pendant ce temps il y en a une qui ne se soucie guère de tout cela, c'est Gong Li. Qu'est-ce que Gong Li vient faire là-dedans ? La belle actrice chinoise fête aujourd'hui ses 45 ans. 45 ans ! Gong Li a 45 ans ! Vous y croyez vous ? Je la revois, jeune, splendide et déchirante chez Zhang Yimou et Chen Kaige, dans Épouses et concubines et Adieu ma concubine. Je la revois, il y a si peu, plus magnifique que jamais, dans La Cité interdite ou Miami Vice. Gong Li a 45 ans, une année de plus se tourne, pour elle et pour le cinéma. La semaine prochaine, la fête sera finie, et je vous dirai tout ce que j'aurai retenu de 2010. Oui je sais ce billet ne sert à rien, mais j'avais envie d'écrire en ce dernier jour de l'année, et je n'ai pas le temps de faire plus, que voulez-vous...
(comment cela l'incursion de Gong Li dans ce billet est intrusive ?!)

lundi 27 décembre 2010

Alain Delon s'est perdu...

Il y a quelques jours, je lisais une interview d’Alain Delon dans Le Journal du Dimanche à l’occasion de la sortie en salle de la version restaurée du Guépard. Bien sûr l’acteur y parlait essentiellement du film de Luchino Visconti, du tournage, de Claudia Cardinale… mais en fin d’interview, la conversation en est arrivée à la carrière actuelle de Delon, ou plutôt sa non-carrière. Sur le fait que Delon dise la plupart du temps « non » aux propositions cinématographiques qui lui sont faites. Sur ce point, le comédien prétend ne recevoir que de mauvais scénarios et préférer ne pas faire les films de trop, laissant au public l’image qu’il peut avoir de lui par ses films passés.

Hum… c’est à se demander si Delon s’entend parler, ou bien s’il a jeté un coup d’œil sur sa filmographie ces dernières années. S’il a bien lu les projets qu’on lui a proposés et qu’il a refusés, et ceux qu’il a acceptés. D’après ses dires, Delon n’aurait donc accepté que la crème de la crème, préférant délaisser ce qui sent mauvais ? Je voue une grande admiration à l’acteur qu’a été Alain Delon, ses collaborations avec Visconti ou Melville, mais là, j’ai bien peur que Delon débloque. Rappel des faits : ces cinq dernières années Alain Delon n’a accepté de jouer que dans un seul long-métrage, et un téléfilm. Le premier était l’inénarrable Astérix aux Jeux Olympiques, dans lequel Delon s’autoparodiait avec lourdeur en Jules César. Le second, une production TF1 dont la tête d’affiche était… la chanteuse Lorie.

Voilà donc ce que Delon a estimé être à la hauteur de son patrimoine cinématographique. Voilà ce qu’il estime être digne de celui qu’il a été, cet acteur charismatique qui incarnait à la fois la séduction, le mystère et l’audace. Celui dont la silhouette a hanté avec magnétisme Le Samouraï de Melville, celui dont le regard bleu perçant naviguait entre charme et dangerosité dans Plein Soleil de Clément. Alain Delon a été ce grand acteur qu’il clame sans cesse être à qui veut bien l’entendre. Oui, même si son comportement peut désoler, il a été ce grand acteur. Il a électrisé l’écran dans Rocco et ses frères, Les aventuriers, Le cercle rouge et Monsieur Klein.

Mais Alain Delon a perdu le fil de son talent. Il s’est perdu. Il refuse ce qu’il ne devrait pas refuser et embrasse des projets qui ne font que l’enfoncer dans la ringardise. Il a laissé passé l’occasion d’interpréter le mentor de Mesrine face à Vincent Cassel, dit non à Johnnie To pour Vengeance et son rôle de père vengeur (rôle échouant à un Johnny Hallyday à côté de la plaque), et plus récemment planté Olivier Marchal et Alexandre Astier, balançant à ce dernier qu’il valait mieux qu’il choisisse entre faire l’acteur et le réalisateur sur le projet qu’il lui amenait sur un plateau d’argent, comme si le scénariste, producteur, réalisateur et interprète de Kaamelott n’avait pas déjà montré qu’il savait assurer en assumant plusieurs casquettes.

Alain Delon a eu le nez à une époque pour se faire une place dans ce que le cinéma français, et européen, offrait de meilleur. Il a eu le talent pour s’imposer comme l’un des acteurs les plus importants de sa génération. Mais Delon a mal vieilli. Il a perdu le nez et le talent. Un jour peut-être, il prendra un malin plaisir à me contredire. Et la vérité, c’est que je ne demande que ça.

mercredi 22 décembre 2010

Un bonhomme de neige tueur et un cinémaniaque à l'Absurde Séance...

Voilà un bout de temps que L’Absurde Séance me faisait envie. Pour ceux qui ne connaitraient pas, L’Absurde Séance, c’est une séance de minuit hebdomadaire au Nouveau Latina, rue du Temple, consacrée aux nanars ou à ce qui s’en approche. Chaque semaine, des aficionados de séries Z cultes ou appelées à le devenir se réunissent dans le cinéma du Marais pour un ou plusieurs films précédés de bandes-annonces de longs-métrages du même acabit, le tout dans une ambiance bon enfant, agitée, une bonne soirée entre potes se permettant de commenter le film parce qu’on est un peu là pour ça. Je n’y étais jamais allé, mais en ancien amateur (ça remonte à trop loin !) du Cinéma Bis de la Cinémathèque, du temps où ces doubles séances de nanars avaient lieu dans la salle des Grands Boulevards, je me devais bien un jour ou l’autre de m’y rendre.

Rendez-vous fut pris avec une amie connaisseuse de l’Absurde, et nous voici à trois parés pour une séance de minuit débridée. Le film ce soir-là était en pleine thématique Noël, parfait pour la saison : Jack Frost. Un petit film de bonhomme de neige serial killer de sous les fagots dont vous me direz des nouvelles : un tueur en série qui a terrorisé le pays en enchaînant des meurtres plus sanglants les uns que les autres est en route vers la prison où il sera exécuté. Mais il neige fortement le soir de son transfert, et son convoi entre en collision avec un camion transportant une substance classée secret défense. Dans l’accident, Jack Frost (le tueur en question), voit le contenu de la fameuse substance se déverser sur lui et le liquéfier en quelques secondes. Mais il n’est pas mort. Le voilà capable de prendre différentes formes dérivées de l’eau : neige, glace, vapeur… Transformé en bonhomme de neige, il retourne dans la ville où il a été arrêté pour se venger du shérif qui l’a mis sous les verrous…

Voilà ce à quoi on se préparait samedi soir. Certains des habitués venaient costumés pour l’occasion, et tout à coup, je me suis senti revenu l’année dernière lorsque j’avais goûté au Rocky Horror Picture Show au Studio Galande. L’esprit est clairement le même, l’animation pendant le film en moins. Toujours est-il que samedi soir, alors que mes amies et moi attendions l’ouverture des portes, qui vois-je arriver à la caisse, petit pull léger aux manches retroussées, espadrilles aux pieds et deux sacs à la main ? Eh oui, l’inénarrable Homme aux Sacs Plastiques. L’Homme aux espadrilles (qu’il vente, qu’il neige, il ne se chausse pas autrement semble-t-il…). Plastic Man. Appelez-le comme vous voulez, mais quel que soit son nom, il répond toujours présent pour un film rare ou une projection spéciale. Et vu comme il discutait avec l’un des organisateurs de la soirée, il semble évident que l’homme aux sacs plastiques est un habitué de l’Absurde Séance. Ce qui ne m’étonne pas, en fin de compte, lui qui hante la Cinémathèque, lieu par excellence du Cinéma Bis.

Mais ce soir-là, l’homme aux sacs plastiques se fait entendre. Arrivé sur place, il découvre que Jack Frost est projeté en VF. « C’est pas possible, c’est nul ! Je suis resté exprès à Paris pour le voir, si j’avais su qu’il était en VO je serais parti ! Je devais prendre un train aujourd’hui, mais je suis resté exprès pour ça ! Pffff… ». Bien sûr, c’est un coup de gueule d’habitué que tout le monde prend avec le sourire. On sait bien qu’il va tout de même rester et aller se poster à son habituel premier rang... Après tout, c’est un fait, les bons gros nanars sont encore meilleurs en VF, avec un doublage forcé !

Entrés en salle, tandis que tout le monde prend place, l’homme aux sacs plastiques va effectivement se poster directement à son premier rang ! Pendant qu’un des organisateurs présente la soirée et annonce le programme des Absurdes Séances à venir (dont une spéciale Dolph Lundgren qui me fait, je l’avoue, très envie !), Plastic Man y va de ses commentaires, je le vois s’agiter vers le présentateur, mais je suis trop loin pour l’entendre. Moment de rire, lorsque le présentateur annonce qu’ils passeront prochainement Top Gun de Tony Scott et organiseront pour l’occasion un concours de sosies de Tom Cruise (excellent !). A cet instant, le Père Noël (bah oui c’est comme ça qu’était déguisé le présentateur de la soirée !) se tourne vers notre ami du premier rang et dit : « Toi je sais pas si tu sais mais tu ferais un bon sosie de Tom Cruise ! T’as la carrure… ». Mes amies rient, et moi aussi, tout en me disant qu’il n’a pas tort, Père Noël, il pourrait avoir quelque chose l’homme aux sacs plastiques…

Le film commence finalement, et notre bon gros nanar se met en place sous nos yeux. Un zeste de ridicule, une pincée de mauvais acteurs, un chouia de n’importe quoi, et voici que notre bonhomme de neige tueur déchaîne les passions dans la salle, surtout lorsqu’il a affaire à Shannon Elizabeth, immortalisée seins à l’air dans American Pie et qui apparaissait ici en jeune débutante peu farouche ayant une triste fin à peine dénudée dans la salle de bain. Bien sûr, le film se clôt avec une perche tendue pour une éventuelle suite, qui a bien été tournée trois ans plus tard, en 2000, avec la même distribution (pour ceux qui s’en sont sortis…). Mais L’Absurde Séance s’arrêtait là, à 2 heures du matin.

Comme à son habitude, une fois le générique de fin terminé et la salle rallumée, l’homme aux sacs plastiques attrapait ses affaires et détalait comme un fou. On pourrait croire que c’était pour espérer attraper le dernier métro, mais le connaissant, je sais bien qu’il en est toujours ainsi. Je ne sais pas s’il aura plus de chances que moi et mes amies, qui n’avons eu ni métro, ni bus de nuit à cause des intempéries. Mais une bonne marche à pied dans le froid et la neige, à 2 heures du mat’, après Jack Frost, fut finalement une belle façon de terminer la nuit…

mardi 21 décembre 2010

J'ai vu le tout dernier film de David Carradine

« Le comédien David Carradine est décédé ». Ces mots résonnent à la radio dans les premières secondes de Stretch, le dernier film qu’aura tourné… David Carradine. En juin 2009, l’acteur américain est mort dans la chambre de son hôtel de Bangkok dans des circonstances qui ont fait couler beaucoup d’encre à l’époque. S’il était à Bangkok, c’était pour le tournage de Stretch, le nouveau film de Charles de Meaux. Bien sûr, la disparition soudaine et inattendue de Carradine a quelque peu bouleversé les plans du film, qui s’est retrouvé en deuil de l’une de ses têtes d’affiche.

Difficile de dire quelle était l’importance initiale du rôle tenu par l’acteur dans le scénario de Charles de Meaux, mais ce qui est sûr c’est que les deux scènes qui lui restent dans le montage de Stretch rendent la participation de Carradine quasi anecdotique. Le réalisateur a réécrit le film pour que le scénario ne pâtisse pas trop de sa disparition. Bien sûr tout cela va marquer Stretch, qui sera à jamais le film sur le tournage duquel l’acteur de Kill Bill est décédé, éclipsant probablement le film pour ce qu’il est. J’en joue moi-même en consacrant les premières lignes de ce billet à cet aspect du film.

Pourtant il ne s’agit pas là d’un film anecdotique. Du moins ne faut-il pas prendre le caractère hautement sordide du décès à Bangkok d’un acteur comme Carradine, dont la carrière a plus consisté en des séries B oubliables qu’en de grands films, au cours du tournage d’une production franco-thaïlandaise, pour la marque d’un tout-venant dans lequel on était en droit d’attendre l’acteur ces derniers temps. Non. Stretch n’est pas une série B cheap du bout du monde. C’est un étrange objet cinématographique qui tient beaucoup plus de l’expérimentation que du confort. A la vision du film, impossible de ne pas penser à un moment ou à un autre au cinéma d’Apichatpong Weerasethakul, cinéaste qui a été maintes fois produit par le réalisateur de Stretch, Charles de Meaux. Quel que soit le sens de la filiation entre les deux hommes, il y a quelque chose dans le film de de Meaux qui rappelle le cinéaste thaïlandais.

C’est très étrange car ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais en allant voir Stretch. Pouvais-je vraiment m’attendre à cela en ne connaissant quasiment pas Charles de Meaux et en lisant le synopsis du film : un jeune jockey français, exclu pour six mois des courses hexagonales pour un contrôle toxicologique positif, part tenter sa chance à Macao, ville de paris et d’argent. Là-bas, son statut de débutant est oublié et il devient vite une star des hippodromes, accumulant les victoires et la notoriété. Mais le jockey n’est pas maître de son destin, et nombreux sont ceux qui veulent une part de son succès.

Avec un pitch pareil, difficile d’imaginer que l’on va se trouver devant un film plus expérimental que classique, pourtant le constat est rapide. Charles de Meaux s’intéresse peu à une intrigue linéaire standard. Ce qui semble le motiver, c’est l’exploration des maux de l’être humain embarqué sur un chemin mettant à mal ses points de repères, le poussant à tester ses limites. Plus que l’intrigue, ce qui intéresse de Meaux, c’est d’observer un homme face à lui-même, face à ses convictions, ses doutes, ses possibilités. Et en chemin, se laisser divaguer, se laisser absorber par l’atmosphère des pistes de courses françaises, des rues lumineuses de Macao. Oui, Stretch est décidément un étrange film. Stylistiquement, le film se balade encore plus. Son image HD et son travail sonore si étrange accentuent l’impression d’errance.

Pourtant Stretch est loin d’emporter mon adhésion. Le film me laisse plus dubitatif qu’admiratif. Déjà parce que le scénario (sur lequel a travaillé l’auteur Douglas « Génération X » Coupland !) semble s’être mal accommodé du décès brutal de David Carradine. Si Terry Gilliam a magnifiquement prouvé l’année dernière avec L’imaginarium du Docteur Parnassus qu’un film peut se relever et puiser une énergie formidable après la perte d’un de ses comédiens, Stretch a du mal à faire le deuil de ce personnage énigmatique que campe Carradine et qui en l’état se révèle finalement vain. Ensuite parce qu’avec toutes ses errances stylistiques, ces textos apparaissant à l’écran, ces voix-off narratives de seconds rôles se faisant entendre sans prévenir, ces ellipses parcourant étrangement l’intrigue, Charles de Meaux nous perd un peu en cours de route. Si le cinéma si particulier d’Apichatpong Weerasethakul ne sied pas au spectateur que je suis, j’y trouve tout de même une cohérence cinématographique de par son épuration formelle et scénaristique. Avec Stretch, Charles de Meaux veut à la fois effleurer ce cinéma contemplatif et réflectif tout en nous emportant dans une intrigue de paris et de corruption dans le monde des courses hippiques. Or ses désirs scénaristiques et son approche stylistique cohabitent sans vraiment fusionner.

La déception est le sentiment qui domine le plus en sortant de Stretch, car si la sauce ne prend pas, on y perçoit une ambition inattendue laissant tout de même la place à quelques beaux instants cinématographiques. Certes le film ne convainc pas, mais il tente, et c’est déjà une belle chose. Fabien Onteniente travaille à un projet de film sur le milieu des courses hippiques lui aussi, et il est facile d’imaginer que ce film-là n’aura même pas le mérite d’essayer d’être une œuvre cinématographique unique. Et je préfère nettement sortir déçu d’un film comme Stretch (qui sort en salles le 12 janvier prochain) qui aura au moins exploré des zones filmiques incongrues plutôt qu’aller voir un film ne promettant que de l’ordinaire.

dimanche 19 décembre 2010

Steven Seagal est énorme

Ce qu’il y a de bien avec Robert Rodriguez, c’est qu’il joue le jeu de la série B à fond. Le réalisateur n’a jamais aspiré (pour le moment ?) à faire autre chose que de la série B, de la bonne série B sanglante, sexy et stylisée. C’est lorsqu’il se donne complètement dans cet esprit là qu’il est le meilleur. Une nuit en enfer, Sin City, Planète Terreur en sont les illustrations parfaites. Machete, tiré d’une fausse bande-annonce qu’il avait tourné pour Grindhouse - la version américaine de Planète Terreur et Boulevard de la mort en un double film entrecoupé de fausses bandes-annonces alléchantes - perpétue l’accomplissement de Rodriguez dans le genre.

Et moi ce que j’adore plus que tout chez Rodriguez, c’est qu’il va chercher les acteurs qui ont la gueule de l’emploi, quel que soit leur statut à Hollywood. Il est allé chercher Mickey Rourke pour Sin City, Jeff Fahey et Michael Biehn pour Planète Terreur… Pour Machete, il a fait encore plus fort. Il est allé chercher Steven Seagal. Oui, ce Steven Seagal, le seul et unique. L’ex-gloire du cinéma d’action au légendaire jeu de bras. Celui qui cartonnait avec Nico et Piège en Haute mer et est depuis devenu un roi, que dis-je, un empereur du nanar à deux balles pour vidéoclubs. Comme toutes les stars du cinéma d’action des années 80 et 90, Seagal est parti en décrépitude et est tombé aux oubliettes. Plus de place pour ce genre de mec dans le cinéma américain. Trop ring’, trop beauf, trop macho, trop ridicule. Mais ça, Robert Rodriguez s’en fout. Seagal a une gueule, une carrure et un passé qui peuvent parfaitement nourrir un personnage.

Alors Rodriguez a fait de Seagal le grand méchant de Machete, son délire qui transfigure la série B. Il a même pour l’occasion donné le rôle principal à son vieux pote et cousin Danny Trejo, une des tronches les plus burinées du cinéma américain, qui manque rarement un film de Rodriguez et se voit ainsi propulsé tête d’affiche. Machete est un ancien flic mexicain dont la famille a été tuée par Torrez, un baron de la drogue locale qui laisse notre héros pour mort. Trois ans plus tard, Machete est un immigré clandestin au Texas, et alors qu’il fait profil bas, il va devoir à nouveau lutter contre le crime et la corruption (et accessoirement calmer ces donzelles sexy qui se jettent étrangement sur lui). Une lutte qui va de nouveau le mettre sur le chemin de Torrez… Et vous l’aurez deviné, Torrez, c’est notre cher Steven. Il a vieilli, plutôt mal, engoncé dans ses chemises et laissant deviner une silhouette bien arrondie. Mais avec cet accent mexicain lâchant des « pendejo » et « cabron » à tout va, avec cette stature de bad guy qui tient tout le monde à sa botte, et avec quelques coups de sabre bien sentis, il tient son rôle à la perfection, et le plaisir est grand à le voir hanter le film ainsi, au premier comme au second degré.

Il n’est pas le seul invité surprise de la fête, avec une Lindsay Lohan offrant ses charmes entre deux cures et un Don Johnson tout à fait méconnaissable et lui aussi impérial en salaud. Ils se fondent impeccablement dans un festival de jubilation, un enchaînement de décapitations, énucléations, crucifixions dont la jouissance n’a d’égale que les répliques décomplexées qui fusent. L’apothéose de ce festival de répliques qui tuent étant le déjà célèbre « Machete don’t text ! ». Gloire à Robert Rodriguez et son amour des gueules de cinéma !

vendredi 17 décembre 2010

En 1947 aussi, on savait photographier un film...

Ca sert à cela, les ressorties en version restaurée de vieux films. A tordre le cou à certaines idées reçues, du moins à certains préjugés. Comme celui qu’un film des années 40 n’avait à priori pas la puissance visuelle d’un film des années 80, 90 ou 2000. Encore plus des années 2000, une époque où désormais il suffit pour certains d’appuyer sur une touche d’ordinateur pour travailler les teintes de l’image et perfectionner la photographie d’un film. Comment un film tourné en studios en 1947 pourrait-il rivaliser avec ce que le cinéma épique a pu offrir ces trente dernières années, n’est-ce pas ?

Eh bien voilà, pour ceux qui croiraient qu’un film réalisé il y a plus de soixante ans ne peut pas mettre une claque visuelle, quelques salles passent ces jours-ci Le narcisse noir, réalisé en 1947. Et croyez-moi, vous allez être surpris. J’ai été surpris. Sur ce bel écran de l’Élysée Lincoln, la puissance du film de Michael Powell et Emeric Pressburger m’a éclaté au visage. Et dire qu’à la base je n’avais pas spécialement l’intention de voir cette reprise... Je m’étais déjà laissé décourager par Les chaussons rouges du fait de la thématique en tutu (je sais, je suis un idiot), je me sentais moyennement motivé pour aller suivre une poignée de nonnes allant ouvrir un dispensaire dans un village reculé d’Himalaya.

C’est sur la recommandation d’un ami anglais (et de sa femme) habitant au pays où l’on filme les hobbits, lui qui m’en avait parlé quelques jours plus tôt sans savoir que le film serait bientôt à ma portée à Paris (comment peut-il le savoir lui qui habite en Terre du Milieu ?), que je me suis décidé à aller voir Le narcisse noir. Regardez cette affiche. Ce plan absolument ahurissant d’une de ces nonnes, interprétée par Deborah Kerr, défiant le vide himalayen à ses pieds, sous sa cloche. L’image est forte et représente bien ce qu’offre le film visuellement. Un éclat de chaque instant, des plans d’une rare beauté sur ces angles plongeant d’une cité haut perchée. La photographie du film en met plein les yeux.

Mais si ce n’était que ça, le film ne serait qu’un exercice de style brillant (de 1947 !!! ah je l’ai déjà dit ?). Or, Powell et Pressburger tissent, en même temps qu’ils peignent, une intrigue à l’atmosphère peu à peu étouffante et incroyablement anxiogène. C’est le dérèglement de la machine croyante. La mission qui tourne à la déconfiture. Le clash culturel entre les nonnes et cette peuplade qu’elles ne parviennent à convertir. C’est surtout la crise d’une de ces nonnes, Sœur Ruth, peu fiable et questionnant sérieusement ses vœux, qui va peu à peu s’assombrir jusqu’à devenir ce Narcisse Noir. La tension vers laquelle tendent les réalisateurs est intenable lors du dernier acte climacique du long-métrage.

S’il est difficile de croire que ce film a été réalisé en 1947 tant son audace visuelle laisse pantois, cette date est également regrettable. Car face à ce spectacle flamboyant, je rêvais de cinémascope, ce format panoramique qui ne débarqua au cinéma que dans les années 50 et aurait rendu l’impact du Narcisse Noir encore plus fort. Aaaaah, si seulement… Mais que cela n’empêche pas les jeunes cinéphiles obtus à aller s’ouvrir devant ce si beau Narcisse noir…

jeudi 16 décembre 2010

Mais c'est quoi ces Golden Globes ?!

A Hollywood, les représentants locaux de la presse étrangère (française, japonaise, italienne, allemande…) ont un pouvoir qui revient chaque année. Ils décernent les Golden Globes. Des prix récompensant l’industrie du cinéma et de la télévision préfigurant dès l’annonce des nominations les futurs candidats aux Oscars, à quelques exceptions près. Les Golden Globes donnent le pouls des récompenses de fin d’année et ont un certain poids dans l’industrie Hollywoodienne. Les nominations pour les Golden Globes 2011, récompensant ce que la presse étrangère basée à Hollywood considère donc comme le meilleur de ce qui est sorti aux États-Unis en 2010, vient de tomber. Et avec cette fameuse liste, une question : les votants savent-ils ce qu’ils font ?

Ce n’est pas la première année que certains choix de la Hollywood Foreign Press Association laissent dubitatifs, mais cette année, les votants se sont déchaînés dans la catégorie comédie, comme s’ils voulaient absolument qu’on questionne leur légitimité. Que les catégories dramatiques soient dominées par The Social Network, Inception, Le discours d’un roi, Black Swan ou The Fighter ne surprend pas, et ceux qui sont encore inédits en France se révèleront peut-être, sûrement, des prétendants tout à fait légitimes aux prix de fin d’année. Mais la particularité des Golden Globes, c’est que drames et comédies ne s’opposent pas et concourent dans leurs catégories propres. Meilleur Drame d’un côté, Meilleure comédie / film musical de l’autre. Meilleur acteur dans un drame d’un côté, Meilleur acteur dans une comédie de l’autre. Et si les films précités dominent logiquement côté drame (même si l’on peut s’étonner de l’absence du nouveau film des Coen, True Grit, ou de la représentation discrète de 127 heures de Danny Boyle), les films et comédiens nommés côté comédie surprennent.

Et de la surprise nait l’agacement. Les cinq films nommés pour le Golden Globe du Meilleur Film catégorie comédie / film musical sont les suivants : Alice au pays des merveilles, Tout va bien - the kids are alright, Burlesque, The Tourist et RED. Je n’ai rien à redire à la présence de The Kids are alright, et je m’abstiendrais de commenter RED, que je n’ai pas encore vu et qui a une réputation plutôt sympa. En revanche, le remake inutile d’Anthony Zimmer, la comédie musicale avec Cher et Christina Aguilera déjà éreintée de partout, et la ridicule relecture de Lewis Caroll par Tim Burton, sont trois incroyables invraisemblances parmi ces nominations, qui sont accompagnées du côté des acteurs par les nominations de Johnny Depp à deux reprises dans la catégorie Meilleur Acteur dans une comédie, pour Alice ET pour The Tourist. Angelina Jolie est quant à elle nommée au Golden Globe de la Meilleure actrice dans une comédie pour The Tourist.

Ces nominations sont tellement invraisemblables que j’ai parcouru la liste des films qui auraient pu prétendre à de telles nominations mais en ont été privées, et il apparaît clairement qu’il y a un problème au sein de la Hollywood Foreign Press Association. Ont-ils la mémoire si courte qu’ils nomment des films récents comme The Tourist et Burlesque ? Ont-ils tant envie de voir des stars du calibre de Johnny Depp et Angelina Jolie qu’ils en oublient des comédies moins récentes ou sans stars aussi importantes ? Non, le niveau des comédies hollywoodiennes n’étaient pas nulles à ce point en 2010. Il y a même eu des comédies délicieusement réussies cette année. Il y a eu l’irrésistible jubilation de Kick Ass. Il y a eu le second degré jouissif de Night & Day. Il y a eu le génial foutoir d’American Trip. Il y a même eu les festivités carnivores réjouissantes de Piranha 3D. Et Very Bad Cops. Et Scott Pilgrim. Non, décidément, 2010 a eu son lot de films qui auraient eu toute légitimité à se trouver nommés aux Golden Globes en lieu et place de The Tourist, Burlesque ou Alice au Pays des Merveilles.

C’est quoi, les Golden Globes ? Une association de vendus atteints d’Alzheimer et dopés à la star. Virez-les tous.

mardi 14 décembre 2010

Rendez-vous avec Philip Seymour Hoffman

La première fois que j’ai vu Philip Seymour Hoffman sur grand écran, il courait après les cyclones au côté de Bill Paxton et Helen Hunt. Pourtant ce n’est pas mon premier souvenir de Philip Seymour Hoffman. Ca ne l’est pas car il faut bien avouer qu’aussi fun qu’ait pu être Twister pour l’ado de 14 ans que j’étais à l’époque, le film de Jan de Bont n’est pas franchement mémorable au-delà des fureurs climatiques dans lesquels il nous plongeait. Du coup, la première image qui me vient en tête si l’on me demande quel est mon premier souvenir de Philip Seymour Hoffman, j’oublie en général sa participation à la chasse aux tornades, je le vois bien loin des plaines de l’Oklahoma. Il est dans un studio, cheveux longs et lisses, casque vissé sur les oreilles, appuyé à une perche, attendant de prendre le son sur le tournage d’un film porno.

Cette première image qui m’est gravée, elle est extraite de Boogie Nights de Paul Thomas Anderson. Entre Mark Wahlberg qui jouait le jeune premier bien monté, Julianne Moore l’actrice star et Burt Reynolds le réalisateur ringard, Philip Seymour Hoffman était une nouvelle tête du cinéma indépendant américain, fascinant, dérangeant, touchant. Près de treize ans plus tard, après The Big Lebowski, Presque célèbre, La 25ème heure, Truman Capote, 7h58 ce samedi-là, je vois Philip Seymour Hoffman descendre sous mes yeux les escaliers de la salle 10 de l'UGC Ciné Cité Les Halles, sous un tonnerre d’applaudissements qui n’en finit pas. Hoffman se tient devant nous, attend la fin de l’ovation avec timidité. Lorsque celle-ci s’achève, il a du mal à prendre la parole. Son premier film en tant que réalisateur, Rendez-vous l’été prochain, n’a pas encore été projeté qu’il voit devant lui un public acquis à sa cause.

Quelques minutes auparavant, le directeur de la salle était venu nous demander de réserver un accueil triomphal à cet acteur rare, mais j’imagine mal qu’il ait fallu ces mots pour que tous les spectateurs venus assister à cette avant-première aient eu envie d’acclamer celui qui, ces treize dernières années, s’est érigé parmi les acteurs les plus talentueux du cinéma américain. Des acteurs se lançant dans la réalisation, il y a en a eu dans l’histoire de ce cinéma, justement. Et contre toute attente, la plupart du temps, les comédiens se révèlent souvent excellents derrière la caméra. De Charles Laughton à Ben Affleck, la liste est longue, qu’ils n’en aient réalisé qu’un ou qu’ils soient devenus cinéastes à part entière, les acteurs réservent généralement de belles surprises de l’autre côté de la caméra.

Les acteurs véhiculant une certaine image, une certaine cohérence dans leur carrière, il est facile d’imaginer parfois quel genre de film ils vont réaliser une fois passés de l’autre côté. Rendez-vous l’été prochain, intitulé Jack goes boating en VO, n’est pourtant pas le film que j’aurais imaginé pour Philip Seymour Hoffman. Cet acteur s’épanouissant dans le cinéma d’auteur (oui bon je sais il a aussi fait le méchant dans Mission impossible III…), je ne l’aurais sûrement pas vu s’atteler à une comédie romantique new-yorkaise. C’est pourtant ce qu’est essentiellement son premier film de réalisateur. Attention, il ne s’agit pas là d’une comédie romantique dans laquelle on pourrait caser Ashton Kutcher et Katherine Heigl (au hasard…). Il s’agit bien là d’une comédie adulte sérieuse (bien que bourrée d’humour).

Ce qui surprend le plus de la part d’Hoffman, c’est que son film flotte dans la mélancolie, dans cette atmosphère spleen que l’on est plus habitué à voir dans des films de trentenaires à la Garden State que dans des histoires de couples quadra se faisant ou se défaisant sous la neige new-yorkaise. Rendez-vous l’été prochain raconte deux couples, l’un établi mais prêt à tanguer, l’autre en devenir mais avançant avec timidité. Les premiers aident les seconds à se trouver alors qu’eux-mêmes ont du mal à gérer leurs propres problèmes.

Hoffman interprète lui-même le personnage central de Jack, quadra tendre et timide, passionné de reggae insatisfait comme son meilleur ami de sa petite vie, œuvrant à lâcher son job de chauffeur et à trouver le grand amour en la personne de Connie, qui elle-même a bien du mal à aller vers les hommes. Pour la séduire, Jack décide d’apprendre à cuisiner et à nager, pour l’emmener faire une balade en bateau lorsque l’été viendra. Si Hoffman ne montre pas l’assurance dont certains de ses compères acteurs ont pu faire preuve en réalisant leur premier long, il affiche une sincérité séduisante. Il s’entoure d’une petite troupe de comédiens pour des joutes verbales bien senties tout en laissant un doux sentiment parcourir l’échine de son film, grâce à des images posées, grâce à une bande-son réjouissante, grâce à une simplicité et une émotion qui transparaissent. Grâce à une fin abrupte et délicate qui affirme une voix singulière dans le genre.

Certes le film est mineur, certes il est déséquilibré tant son dernier acte semble disproportionné par rapport au rythme du film jusque-là (avec une séquence de dîner bien trop longue à la fin), mais Rendez-vous l’été prochain séduit, par ses personnages d’égarés conférant gravité et nonchalance à une comédie qui n’en est peut-être pas une. Hoffman n’était pas là en fin de projection, mardi soir, pour recevoir une nouvelle salve d’applaudissements des spectateurs. Mais qu’importe. L’acteur fétiche de Paul Thomas Anderson n’aura pas eu besoin de cela pour comprendre qu’à Paris, on aime les comédies new-yorkaises… Mais cela, le monde entier le sait, non ?

(P.S. : le film sort le 29 décembre !)

mercredi 8 décembre 2010

Les jeunes aiment le cinéma ukrainien

Peut-être aurais-je dû finir le titre de ce billet par un point d’interrogation. Car c’est une question que je me suis posé en allant voir My Joy. Lorsque le film de Sergei Loznitsa était passé par Cannes, en compétition pour la Palme d’Or en mai dernier, ma curiosité avait été éveillée par ce qui ressemblait à un étrange objet cinématographique. Le film est sorti il y a quelques semaines dans l’indifférence la plus totale des spectateurs français, ce qui a très vite rendu difficile l’accomplissement de mon envie de voir le film. Moins d’un mois après sa sortie, seul le MK2 Parnasse le projetait encore, et seulement à 16h40.

Je ne peux pas non plus faire le grand étonné lorsque l’on parle d’un film Ukrainien de 2h07, le succès aurait certainement été plus étonnant que ce dédain du public. Après tout, le film est même revenu du Festival de Cannes bredouille. En me rendant en plein après-midi d’un jour de semaine au MK2 Parnasse, je m’attendais donc à ne trouver à mes cotés dans la salle que quelques cinéphiles curieux et une poignée de vieux (eh oui, pour les films d’art et essai en journée, i y a toujours des vieux). Or si j’ai bien trouvé mes cinéphiles et mes vieux, j’ai également trouvé un échantillon étonnamment conséquent de jeunes. Et par jeunes, je n’entends pas des mecs de 29 ans comme moi, mais bien des gamins à peine sortis du lycée qui devaient avoir entre 17 et 20 ans.

Mais que se passe-t-il chez les (post)ados aujourd’hui ? Ils viennent en bande voir un film ukrainien de plus deux heures ?! Pendant un moment je me suis demandé si je n’étais pas entré par erreur dans une salle programmant Harry Potter, avec ma petite dizaine de spectateurs nés dans les années 90. Et c’est qu’ils sont restés en plus, ils ne se sont pas démontés, ils ne s’étaient pas trompés de salle, ils ne se sont pas lassés et enfuis en cours de route. Non, ils sont bien restés. Ils ont regardé avec moi cette odyssée ukrainienne à travers la campagne et le temps, un film incroyablement maîtrisé et intrinsèquement fou dans lequel un routier perd peu à peu pied sur les routes, à la rencontre d’hommes et de femmes au contact desquels sa nature va être mise à rude épreuve. Le scénario est l’un des plus élaborés qu’il m’ait été donné de voir à l’écran cette année, un scénario dont la maîtrise est surlignée par une mise en scène implacable dont le caractère posé cache un sang bouillonnant.

Reste que le film est lent et que son propos est si riche qu’il déconcerte et égare, d’où mon étonnement à ne pas entendre moufter ces deux bandes de post-ados plantés là, dans cette même salle, alors que j’ai plutôt l’habitude de devoir supporter des ados élevés au pop-corn et aux sms en plein film. Ca fait plaisir de savoir qu’il y a des curieux dans toutes les générations de cinéphiles. Et cela me pousse à me poser la question : quelle a été mon premier vrai acte cinéphile ? Quelle a été ma première envie de cinéma différent, un cinéma ne parlant ni anglais, ni français, un cinéma que je ne serais pas allé voir poussé par ma mère. Une simple envie personnelle d’un cinéma d’ailleurs qui ouvrant à un autre horizon que celui du cinéma français ou américain qui marquent tous les ados.

Je crois que cet acte cinéphile a eu lieu pour moi à l’automne 2000, lorsque je suis allé seul, pour satisfaire une envie qui m’était propre, deux films d’auteur asiatiques. C’était Yi Yi d’Edward Yang et In the mood for love de Wong Kar Wai. Il y a à peine plus de dix ans. Il y a dix ans, j’aimais les films chinois (je les aime toujours). Aujourd’hui, je suis heureux d’aimer un film ukrainien.

lundi 29 novembre 2010

Quand le spectacle est autant dans la salle qu'à l'écran...

Drôle de journée au cinéma. Lorsque je me suis réveillé samedi matin, le seul plan du jour était d’aller voir le nouvel Harry Potter avec des amis à la séance de midi, histoire d’éviter la foule. J’étais loin de penser que j’allais m’embarquer pour un petit marathon de trois films qui auraient tous pour point commun d’être projetés dans une salle agitée de soubresauts qui en énerveraient plus d’un. Mais depuis que je tiens ce blog, j’arrive à prendre les désagréments avec le sourire en me disant « Au moins, ça fera un billet marrant à écrire sur l’IBC ». Samedi je me suis trouvé dans trois salles où le spectacle était autant dans la salle qu’à l’écran. Et je vais me faire un plaisir de vous raconter ce qui s’est passé.

La journée cinéma a donc commencé avec le 7ème film adapté de la saga littéraire écrite par J.K. Rowling, Harry Potter et les reliques de la mort, 1ère partie, réalisé par le même David Yates qui avait signé les deux précédents opus. Je ne suis pas un fan inconditionnel des Harry Potter, et y vais avec plaisir sans l’impatience excitée des toqués du sorcier à la cicatrice. Mais je sais bien qu’en se rendant aux nouvelles aventures d'Harry Potter en première semaine d’exploitation, on se retrouve avec une salle risquant de rassembler beaucoup d’ados. Hors en faisant fi de ce facteur, je sais que je m’expose aux spectateurs que j’abhorre le plus en ce bas monde. Il n’y a pas de pires spectateurs que ces boutonneux évoluant en meutes pour lesquelles les sorties ciné sont une occasion pour les garçons de faire les kékés devant les filles, pour les filles de s’éclater entre copines, et tant d’autres combinaisons que c’en est flippant. Pire que les vieux qui parlent ou les gamins qui posent des questions, les ados.

Et ceux-ci étaient bien au rendez-vous samedi midi à l’UGC Ciné Cité Bercy. En quelques instants, mes amis et moi étions encerclés. Devant nous, cinq ou six copines partageant un seau de pop corn qui ne sera définitivement vidé qu’à 20 minutes de la fin du film. A ma droite, un couple d’ados avec un autre seau de pop corn. Et derrière ? Encore cinq ou six adolescentes, celles-ci sans pop corn mais avec un gros potentiel pour se faire remarquer comme j’allais le constater au cours du film. En même temps il faut bien avouer que si ce septième Harry Potter avait fait partie des bons crus, j’aurais moins entendu les filles de derrière.

Mais voilà, la première partie des Reliques de la mort est un tout petit Potter, au scénario bâclé et mal rythmé qui ne laisse aucune chance au film. Les ellipses servant à tourner plus rapidement les pages du bouquin évitent ce qui pourrait être de vraies bonnes séquences (une bataille aérienne de sorciers !!) pour se concentrer sur un mollasson triangle Harry/Hermione/Ron courant seul pendant les deux tiers du film, sans personnages secondaires forts qui caractérisent habituellement les films Harry Potter. La galerie de personnages n’est pas exploitée, préférant balader le trio de jeunes sorciers de forêts en forêts avec une intrigue bien mince (alors il faut trouver un médaillon, une fois celui-ci trouvé il faut trouver un moyen de le détruire, et une fois le moyen trouvé il faut trouver l’instrument qui permettra cette destruction… pfff). Il semblerait qu’avoir scindé la dernière adaptation en deux films n’était qu’un prétexte à ramasser plus de fric et à ne pas tuer tout de suite la poule Potter aux œufs d’or, car le doute n’est pas permis : il n’y avait pas de quoi faire un épisode de 2h25 avec ce film. Ce qui déçoit cruellement après la qualité étonnante du sixième volet.

On tombe même bien bas avec une scène de danse absolument ridicule entre Harry et Hermione, sous une tente, dans la forêt. Une scène si ridicule que la salle en a ri aux éclats (ou était-ce parce que les autres la trouvaient véritablement drôle ??), et que l’adolescente placée derrière moi s’est tout à coup crue dans son salon et s’est mise à commenter la séquence pour ses copines. « Ah nan mais ils sont trop ridicules là ! Ils dansent pas en rythme c’est n’importe quoi ! Nan mais ils dansent trop vite ! ». Un petit quart d’heure plus tard (ou était-ce une heure ? j’ai perdu la notion du temps dans ce film…), Harry doit plonger dans un lac gelé pour récupérer une épée. Et allez, on enlève le froc et le haut, et voilà notre Harry en caleçon devant une salle médusée et grondant d’excitation (souvenez-vous, majorité d’adolescentes). Un mec à poil dans la forêt pour des gamines excitées, non nous ne sommes pas dans Twilight, mais on s’y croirait presque. Ma voisine de derrière s’est pour l’occasion de nouveau lancée dans une série de commentaires de salon : « Naaaan, il va pas y aller ! Il est fou moi j’irais pas ça doit être glacé ce truc ! [Harry plong dans l’eau] Naaaaaan il le fait !!!!! ». Au moment où je m’apprête à lui lancer un petit « Ta gueule » bien placé, elle se tait, me coupant dans mon élan.

Lorsque le générique surgit à la fin et que les lumières se rallument, ma petite voisine de derrière n’attend pas une seconde pour balancer « J’ai trop kiffé. Je les kiffe tous de toute façon. Je crois que je kifferais tous les films jusqu’à la fin ». Moi ce que je retiendrai surtout de cette spectatrice c’est une chose qui n’a pas semblé gêner ses copines qui n’ont jamais moufté à ma grande surprise. Car moi, pendant tout le film, je n’ai pas arrêté de l’entendre roter. Oui, vous avez bien lu. Oh bien sûr, pas à gorge déployée. C’étaient des éructations contrôlées, bouche scellée avec échos caverneux. Un son inimitable et parfaitement reconnaissable, que la jeune fille n’a cessé d’essayer de retenir tout au long du film. Toutes les 8 ou 9 minutes, ce bruit si étonnant résonnait dans mon dos. Ce serait ça, l’effet Harry Potter sur les adolescentes ?

Sorti de la salle, séparé de mes amis partis voguer vers d’autres eaux, et avec deux heures libres devant moi, j’ai regardé s’il n’y avait pas un film commençant dans le quart d’heure qui pourrait m’intéresser. J’ai décroché le gros lot avec Date Limite, que je n’avais toujours pas vu et qui me promettait une bonne tranche de rire après la déception Potter. La projection de la nouvelle comédie de Todd Phillips, qui a connu un succès inattendu l’an passé avec le délirant Very Bad Trip, fut surtout émaillée de mes rires. Quiconque est déjà allé au cinéma avec moi sait que lorsque l’humour est à mon goût, je peux être… comment dire… très expressif. Et comme j’ai le chic pour rire de choses qui ne font pas forcément rire tout le monde… il arrive que les autres spectateurs soient surpris. Mes voisines de devant en ont fait le constat devant Date Limite. Phillips réussit un nouveau road movie débridé qui reprend parfois un peu trop facilement des ficelles de Very Bad Trip pour le récit et les gags mais s’avère tout de même franchement hilarant à plusieurs reprises. Et j’imagine très bien que les deux ados devant m’ont vite catalogué dans la catégorie « Mec bizarre » lorsqu’elles se sont tournées vers moi alors que j’étais pris de spasmes assez incontrôlables de rire et que je me tapais la tête contre mon siège (non je ne suis pas un monstre).

Mais ce qui m’a fait rire aussi à cette séance de Date Limite, c’est une fuite d’eau qui avait lieu dans la salle. Non non, pas une fuite d’eau inopinée, mais une fuite d’eau qui était déjà en cours avant que la séance ne commence. Un goutte-à-goutte tombait du haut plafond sur un petit groupe de sièges au fond de la salle. Sur le coup, en entrant je n’avais pas remarqué. J’ai tendance à descendre directement vers le 5ème ou 6ème rang, et ce qui se passe au 12ème rang m’importe peu. Mais là, je me suis à un moment tourné pour voir s’il y avait du monde, et j’ai alors vu dans le reflet des lumières des gouttes tomber du plafond sur des sièges couverts de sacs plastiques. Ahurissant. Avec autour, des spectateurs qui s’apprêtaient à passer tout le film avec le bruit du goutte-à-goutte et pour certains, ceux qui se trouvaient derrière la fuite, l’eau traversant l’écran dans leur champ de vision. Si la salle avait été pleine, je les aurais peut-être plaints, mais là, il y avait largement assez de places libres pour qu’ils se redéployent ailleurs, où l’herbe était plus sèche.

Après un repas pour me remettre de ces deux premiers films et une tentative improvisée (et avortée, devant le monde) de voir le Raiponce de Disney au Grand Rex en VO, j’ai terminé ma journée ciné à 22h, devant l’Espace Saint-Michel, à attendre dans le froid que les portes s’ouvrent pour la séance de Destination Himalaya de Jeon Soo-il, réalisateur de La petite fille de la terre noire. A cette heure-là, dans cette salle-là, les spectateurs sont épars. Trois coréens quinquas ayant l’air un peu éméchés s’arrêtent pour regarder l’affiche, s’amusant de voir à l’affiche à Paris ce petit film coréen qu’ils ne connaissent peut-être pas (mais reprennent leur chemin pour remonter le Boulevard Saint-Michel.

Je vous ai gardé le meilleur pour la fin. Mieux que les ados parlant et rotant, mieux que la fuite d’eau pendant le film, j’ai rencontré pour vous, samedi soir, une cinémaniaque vivant un grand moment de solitude. Elle était placée juste devant moi et mon amie. Nous attendons tous que le film commence. Juste derrière nous, un couple de sexagénaires discute en anglais, elle avec un accent new-yorkais, lui un accent français. Tout à coup la lumière s’éteint, le générique de début commence, le couple de derrière continue à parler. Ma cinémaniaque, plus toute jeune elle non plus, décolorée rousse, lance un « CHUT » puissant leur étant clairement destiné. Effet de silence immédiat. Mais quelques instants plus tard, c’est un couple de trentenaires qui entre en salle en parlant (l’entrée se fait juste à côté de l’écran), et à peine ont-ils le temps de mettre un pied dans la salle et de constater que le film commence que notre cinémaniaque qui a clairement pris le contrôle de la salle leur crie « Vous pouvez vous taire s’il-vous-plait ! ». Les deux ne mouftent pas et se calent le rang devant elle, sur la droite.

Le film se déroule alors tranquillement. Un premier acte calme, zen, une déambulation d’un coréen à travers monts et vallées rocailleuses d’Himalaya, en silence. Ca y est, très vite, mon couple de sexagénaire, dans mon dos, perd pied. J’entends monsieur sombrer dans une série de ronflements peu discrets qui me fait me retourner, ce qui le réveille aussitôt. Le film trouve son rythme en confrontant notre héros coréen à une népalaise à laquelle il n’arrive pas à avouer qu’elle est veuve, que ce mari qu’elle attend ne reviendra pas de Seoul où il est mort en tentant d’échapper à la police. C’est Choi Min-Sik, l’acteur de Oldboy, qui incarne ce coréen qui s’installe alors tel un vacancier chez la veuve en attendant de trouver les mots pour lui avouer la vraie raison de sa présence. J’ai beau me plonger sans peine dans cette belle rencontre, mon sexagénaire replonge lui dans les ronflements, ce qui amuse d’autres spectateurs mais m’agacent d’autant plus que je constate que sa compagne est elle aussi en plein sommeil. Mais heureusement, mes protestations le réveillent, et il ne sombrera plus.

Le spectacle aura finalement lieu devant moi, avec ma fausse rousse de cinémaniaque. La scène, je la vois venir, mais elle est tellement énorme que je n’y crois pas. A l’écran, Choi Min-Sik se repose dans un lit, la caméra est fixe sur lui. Un bruit d’instrument se met alors à résonner sur notre droite. A l’évidence, le son provient de l’enceinte perchée sur le mur droit, mais notre cinémaniaque rousse, absorbée par le sommeil de Choi Min-Sik, et ne voyant aucun instrument de musique à l’écran, remue sur son siège. Je la vois au bout de quelques secondes se pencher en avant et regarder du côté des trentenaires retardataires, qu’elle a à l’œil depuis le début du film car ils ont une nette tendance à se murmurer des choses à l’oreille pendant le film. C’est énorme, elle ne va pas le faire !? Mais si, elle le dit. La cinémaniaque balance sèchement à ces voisins de devant « Vous pouvez arrêter avec votre bruit là ?! », à quoi le mec lui répond, évidemment, tout aussi sèchement « C’est dans le film ! ». Je ne peux résister, j’ai un petit pouffement de rire. Le plan fixe se fait alors mouvant, et la caméra se tourne vers la droite, révélant un vieil homme jouant d’un instrument qui émet ce son si particulier. J’aurais voulu voir la tête de ma cinémaniaque lorsqu’elle comprend son erreur. Je l’entends simplement émettre un léger « Oh… ». Toute la salle l’avait entendu balancer sa remarque, et toute la salle émet alors un petit ricanement.

La passion l’aura aveuglée, difficile de lui en vouloir. Mais nul doute que cette scène l’aura plongée dans un grand embarras : on ne l’a alors plus entendue de tout le film. Il n’est jamais trop tard pour rencontrer une nouvelle cinémaniaque que la maladresse rend touchante, et avec elle s’est achevée cette longue et presque folle journée dans les salles, que les mésaventures ont rendue encore plus savoureuse. Les rencontres sont infinies dans les salles de cinéma parisiennes.

vendredi 26 novembre 2010

Des spectateurs en retard ! Panique dans les rangs !

Je me souviens parfaitement de chaque fois que je suis arrivé en retard à un film. La séance avait eu le temps de s’écouler, la lumière de s’éteindre complètement, et le long-métrage de commencer à égrainer quelques minutes de son intrigue. J’ai horreur d’arriver en retard au cinéma. Déjà que je n’aime pas rater les bandes-annonces, alors rater le début d’un film, imaginez à quel point cela peut m’insupporter. Je me souviens encore comme si c’était hier de ce jour de 1992 où ma mère nous avait emmenés, ma sœur et moi, voir Hook ou la revanche du Capitaine Crochet de Steven Spielberg. Lorsque nous avions pénétré dans cette salle qui me semblait immense du Paramount Opéra, le film était bien entamé depuis 5 ou 6 minutes. Mais à dix ans, je ne demandais rien de mieux que me plonger directement dans les aventures de ce vieux Peter Pan.

Je me souviens également de Gorilles dans la brume au cinéma Jacques Tati de Tremblay-en-France, où mes parents n’avaient eu d’autre choix que de nous installer dans les premiers rangs alors que le film commençait. Ces vieux souvenirs ont en commun que les salles dans lesquelles les films étaient projetées étaient quasi pleines. Dans ces cas-là, on fait profil bas et on s’assoit où l’on peut.
Depuis, j’ai développé une nette allergie pour les retards au ciné. Je suis prêt à arriver une heure à l’avance au cinéma pour un film que je meurs d’envie de voir si j’ai peur qu’il y ait du monde et que les meilleures places de la salle soient prises d’assaut rapidement. Pourtant il m’est arrivé, ici ou là, de caler mes fesses dans la salle alors que le film avait déjà été lancé par le projectionniste. Cela a été le cas pour Kung-fu Panda, Sicko ou le petit thriller australien Acolytes.

En général lorsque j’arrive ainsi en retard, j’ai bien trop honte pour en plus me permettre de déranger les autres spectateurs en me plantant juste devant eux. Mais ce n’est pas là une considération qui passe par la tête de tous les retardataires. L’autre soir, j’ai enfin réussi à attraper Biutiful d’Alejandro Gonzalez Iñarritu. Plus d’un mois après sa sortie, le film ne passait déjà plus que dans deux salles, dont ce Saint-Lazare Pasquier qui a eu ma préférence et m’a fait attendre dans le froid nocturne (c’était la séance de 21h) que l’on puisse entrer en salles. La récompense fut belle car je fis l’heureuse constatation que le film était programmé en salle 1, la dernière des trois salles du cinéma que je n’avais encore jamais visitée. En plus c’est à l’évidence la grande salle, dont la petite salle 3 (dans laquelle j’avais vu l’année dernière Une arnaque presque parfaite) a sûrement été à une époque révolue le balcon.

Un bel et grand écran courbe surplombant une salle à plat, ayant tendance à monter vers l’écran. Je me suis tranquillement posé au cinquième rang (une valeur sûre, croyez-en le cinémaniaque que je suis) pensant, vu l’heure et le nombre raisonnable de spectateurs, que personne ne viendrait s’installer juste devant moi. Perdu. Alors que le rang devant moi est complètement vide, et que je suis moi-même sur un côté du rang pour ne pas gêner les deux filles au 6ème rang, un groupe de quatre amis, qui auraient eu la place de se mettre en décalé par rapport à moi, se collent pile devant moi. Je rumine, car je vois bien que cette salle est de celles dont on voit les têtes devant soi si celles-ci n’appartiennent pas à quelqu’un s’affaissant expressément pour ne pas déranger. Je laisse donc à mes voisins de devant le bénéfice du doute. Ils ont l’air sympa, ils ne vont pas rester raides comme des piquets. Sauf que peu après, voilà des parents et leur fille qui se calent devant eux. Je crains le pire, mais non, tout se passe bien, et personne ne se semble vraiment se gêner, chacun se rétrécit un peu dans son siège.

Mais soudain, alors que 10 ou 15 minutes de film sont déjà derrière nous, les voilà qui arrivent. Eux. Les emmerdeurs. Les mouches du coche. Ceux qui débarquent sans se poser de question et qui sans le savoir (?) vont être à deux doigts de vous bousiller le film. Eux, c’est un couple, la quarantaine, habillés assez chic pour une séance en semaine. Où se mettent-ils ? Il y a l’embarras du choix. Il ne doit pas y avoir plus de 25 personnes dans une salle de plus de 130 places, les côtés sont notamment totalement déserts et parfaitement accessibles sans gêner personne. Mais non, ce serait trop facile, ou sympa. Non. Nos emmerdeurs du soir ont décidé qu’ils se mettraient au deuxième rang. Madame se place presque devant la mère du 3ème (les sièges sont en décalés d’un rang à l’autre) en prenant soin de rester bien droite dans son siège. Après cinq minutes, la mère du 3ème rang râle, se lève, fait le tour, et va s’installer elle aussi au 2ème rang, presque à côté du couple fraîchement arrivé, histoire de ne pas avoir la tête blonde devant elle. Madame jette un coup d’œil à sa gauche, mais ne se demande pas si elle gêne.

Le film suit son cours, et au bout d’une heure, c’est monsieur qui suit l’exemple de madame, se redresse et se tient bien droit. Ils n’ont plus personne juste derrière eux, mais deux rangs derrière, il y a mes voisins de devant. D’où je suis, je me doute bien que le couple de retardataires est gênant, car trois rangs devant moi, je vois le haut de la tête de monsieur empiéter sur le bas de l’écran. Mais pas de quoi me gêner.
Le problème, c’est que je vois que ma voisine de devant a du mal à lire les sous-titres en restant calée au fond du siège pour ne pas me déranger. Alors elle fait des balayages de gauche à droite pour suivre les sous-titres d’un côté et de l’autre de la tête de Monsieur 2ème rang. Ca commence à l’agacer, et moi ça commence à me donner le tournis. On guette tous les deux le moment où sa tête va bien vouloir s’affaisser. Mais ce moment n’arrive pas.

Au lieu de cela ma voisine abandonne la lutte, mais plutôt que de se déporter sur le côté pour ne plus être gênée, elle m’y condamne en se relevant totalement et se faisant la plus grande possible pour lober de son regard la tête du 2ème rang. Et voilà, pour moi c’est foutu, je me retrouve avec un bon quart de l’écran bouché. Je souffle un bon coup, j’attrape mon sac et mon manteau, et je me déporte sur la gauche, me décalant de 4 ou 5 sièges pour ne pas gêner les spectateurs dans mon dos qui sont peut-être, eux, plongés sans difficulté dans le film depuis près de deux heures. Délesté de toute tête traînant à l’horizon de l’écran, j’ai pu enfin me projeter dans le film.

J’aurais aimé pouvoir le faire pendant les 2h30 de ce beau film qu’est Biutiful plutôt que sur ces seules quarante-cinq dernières minutes. J’aurais aimé ressentir l’âpreté de ce récit désenchanté dans les rues de Barcelone du début à la fin. J’aurais aimé être complètement happé par la performance de Javier Bardem, récompensé du Prix d’interprétation masculine à Cannes cette année pour ce rôle de père malade cherchant à régler ses affaires personnelles et professionnelles avant de quitter ce monde.

Ce soir, je suis allé voir L’homme qui voulait vivre sa vie (un autre que j’avais en retard) d’Eric Lartigau. Je n’étais plus au Saint-Lazare Pasquier mais à l’UGC Ciné Cité Bercy, et je suis resté fidèle au 5ème rang. Ce soir, je n’avais pas un seul spectateur entre moi et l’écran, tout le monde ayant préféré se mettre plus haut. Ce soir, j’avais l’écran, et le film, pour moi seul (c’est ainsi que mes yeux l’ont perçu en tout cas). Et après la mésaventure Biutiful, cette sensation de solitude fut grisante. D’autant que le film tient bien la route.

Avis aux retardataires ne se souciant guère des autres spectateurs : je vous ai à l’œil…

lundi 22 novembre 2010

Des Scott, des Jones et des Valois pour remplacer les coréens

Une semaine de films coréens, 17 longs-métrages et neuf courts-métrages, ça épuise. Et ça fait prendre du retard sur le reste de la production cinématographique sortant officiellement en salles. Me voilà donc à courir les cinémas pour attraper ces films que je ne voudrais voir m’échapper. La liste est longue, décourageante à étaler, et nul doute que je ne parviendrai pas à voir tout ce qui m’intéresse. Mais ça ne coûte rien d’essayer.

Ce week-end, j’ai donc enchaîné les films. Certes je n’ai pas encore réussi à caser Biutiful, Le braqueur ou Fair Game, mais chaque chose en son temps. Une des priorités se nommait La Princesse de Montpensier, et celui-ci, je peux désormais le rayer de ma liste. Le nouveau Bertrand Tavernier, passé par la compétition du dernier Festival de Cannes, s’est enfin glissé sous mes yeux. Cette histoire d’amours et de guerres de religion au 16ème siècle, adapté d’une œuvre de Mme de Lafayette, semble grandement divisé ses spectateurs, qu’ils soient journalistes ou pas. Lorsque le générique a commencé à défiler après près de deux heures et vingt minutes de film, les spectateurs remuant et se levant ne semblaient pas mécontent de voir les choses se clore.

« Oh c’était long quand même ». « Oh il aurait pu couper certaines scènes quand même ». « Oh c’était pas génial quand même ». Les intrigues amoureuses autour de la Princesse de Montpensier et le désir qu’elle suscite auprès de son époux le Prince, du Comte de Chabannes, du Duc de Guise ou du royal Duc d’Anjou, semblent susciter beaucoup de « quand même » auprès du public. Pourtant pour ma part je me placerai volontiers dans le camp des charmés qui ont trouvé dans le film en costumes de Tavernier une fraîcheur, un rythme et une modernité qui le rendent tout à fait pertinent. Les amateurs d’Histoire et des intrigues à la cour des Valois seront peut-être déçus de trouver un film qui fait plus la part belle aux intrigues amoureuses, mais il faut reconnaître que Tavernier trouve un équilibre remarquable entre un cadre historique joliment restitué, celui des guerres religieuses entre catholiques et protestants, et un regard tranchant et passionné sur les enjeux romantiques de l’époque.

Certes Grégoire Leprince-Ringuet peine à s’installer dans le ton du film, mais il a face à lui des comédiens qui parviennent à faire coexister le classicisme du cadre et le virevoltant moderne des personnages, notamment Raphaël Personnaz qui compose avec distinction et aisance un Duc d’Anjou intriguant.

A côté des ducs, princes et princesses de Tavernier, le reste de mes films du moment avaient un net accent américain. Il y eut notamment les Scott, oncle et neveu. Si Ridley, avec son Alien, son Blade Runner, ses Thelma et Louise ou son récent Robin des Bois est le plus célèbre et respecté de la famille, il a un frère qui n’est plus à présenter et un fils qui monte. Ce dernier se prénomme Jake qui, après un premier film qui semble avoir été réalisé il y a une éternité (l’étrange Guns 1748), revient au long-métrage avec un délicat film sur un homme d’affaires se prenant d’affection pour une stripteaseuse de 16 ans lui rappelant sa fille décédée quelques années plus tôt. L’effeuilleuse entreprenante en question est campée par une Kristen Stewart que ne reconnaitront pas les fans de Twilight (ouf). Mais c’est surtout James Gandolfini en père qui se trouve une fille de substitution et cette Nouvelle-Orléans qui sert de cadre au film qui attirent et donnent du cachet à Welcome to the Rileys. L’ancien Tony Soprano est décidément de ces acteurs que le cinéma ferait bien d’utiliser comme il se doit.

Gandolfini a par ailleurs déjà tourné avec le tonton de Jake, Tony Scott. C’était dans ce qui s’est avéré un des rares bons films du monsieur, USS Alabama, dans lequel Tony dirigeait pour la première fois Denzel Washington, devenu depuis son acteur fétiche. Quelques heures après avoir vu le film du neveu Jake, j’ai donc vu le nouveau blockbuster de tonton Tony, Unstoppable, son cinquième avec l’ami Denzel après le déjà nommé USS Alabama, Man on Fire, Déjà vu, et L’attaque du train 1 2 3. Tonton Tony et moi, c’est loin d’être une histoire d’amour. L’ancien réalisateur de pubs n’est jamais parvenu à se défaire de ses tics publicitaires et n’a jamais compris que réaliser une pub et réaliser un long-métrage de cinéma n’était pas exactement la même chose, et cela a en général le don de m’énerver. Et saute une nouvelle fois aux yeux avec Unstoppable, ou le combat de deux employés du chemin de fer tentant d’arrêter un train fou sans conducteur fonçant à travers la Pennsylvanie avec une cargaison de produits qui pourraient faire exploser une ville entière.

L’avantage d’un film comme celui-ci, c’est que la réalisation épileptique de Tonton Tony colle mieux au sujet que lorsque qu’il s’essaie au drame vengeur (Man on Fire) ou au film d’espionnage (Spy Game). Du coup, ça passe, et le film se regarde avec plaisir, sans autre promesse qu’une virée hollywoodienne sous adrénaline. J’ai compris depuis longtemps qu’on ne pouvait espérer guère mieux de Tonton Tony, je m’en contente donc avec joie.

Il est également question de famille dans mon dernier film de rattrapage du week-end, La famille Jones. Mais celle-ci sent tout de suite le chiqué. Dès cette première scène où l’on voit David Duchovny (qui se bonifie avec l’âge), Demi Moore (toujours aussi désirable 20 ans après) et leurs deux grands enfants (dont Amber Heard, la fameuse Mandy Lane), tous ensembles en voiture se dirigeant vers leur nouvelle ville, cette famille là sent le coup fourré. Qui sont-ils, ces Jones ? Seraient-ils des arnaqueurs venus dépouiller d’une quelconque manière les habitants crédules d’une riche petite ville ? C’est bien plus compliqué et intéressant que cela. Ils viennent exposer un bonheur et un confort simulés pour pousser leurs nouveaux voisins à la surconsommation. Madame vend de façon subliminale ses fringues et parfums, monsieur son équipement de golf, fiston ses consoles et la petite dernière son foulard sexy.

La famille Jones, un premier film, étonne pour le moins et fonctionne bien, jouant à fond la carte de la comédie entre le jeu de séduction entre les faux époux, la vraie nymphomanie de la fille, et ces voisins gentiment beaufs interprétés par l’inénarrable Gary Cole et la trop rare Glenne Headly (sérieusement, depuis quand ne l’avait-on pas vu ?!). Le film vire un peu maladroitement au drame dans son dernier acte, mais par là même fait passer un message anticonsumériste et anticapitaliste pour le moins étonnant dans le paysage cinématographique du pays de l’Oncle Sam. Et ça on ne peut que le saluer.
Allez, c’était pas mal tout ça, mais j’ai toujours du retard à rattraper… j’y retourne !

jeudi 18 novembre 2010

Une cérémonie, un palmarès, un dernier film... Goodbye FFCF 2010

Ca passe vite une semaine, lorsqu’on la comble par une pluie de films coréens. Eh oui, il est déjà fini cet enchaînement frénétique de longs et courts métrages entre les deux salles de l’Action Christine ! Beaucoup de souvenirs en perspective, cinématographiques et humains. Mardi soir, pour célébrer la clôture du festival, les spectateurs se bousculaient moins qu’à cette soirée inaugurale particulièrement courue. Cette dernière soirée aura plutôt été la réunion des fidèles, de ceux que l’on aura vus tout au long de la semaine, ceux n’ayant pas raté une miette de ce festival qui chaque année parvient à s’élever au-dessus du suivant.

Tous ceux qui ont vécu le FFCF étaient donc là. Les quelques membres masculins du staff, entourés de toutes ces femmes. Les membres des jurys, professionnel et étudiant. Et les spectateurs les plus assidus. Le festival aura beau avoir duré une semaine de moins qu’en 2009, celle-ci aura tout de même permis à chacun de se familiariser avec ses voisins de salle. Celle-ci n’était d’ailleurs peut-être pas pleine pour la clôture, mais elle l’était suffisamment pour montrer l’intérêt que chacun porte à ce festival. Il y eut moins de discours, même si l’inénarrable coréen de la compagnie aérienne Asiana, partenaire du festival, a pu placer un petit discours qui s’est montré populaire auprès des spectateurs (forcément enjoindre le Festival parisien à se montrer plus populaire que le Festival de cinéma coréen de Londres, se jouant à la même période, a boosté la salle).

Bien sûr, il y avait un palmarès à révéler. Un Prix du Court-Métrage Fly Asiana remis par des professionnels à Suicide of the Quadruplets avec Mention Spéciale à Somewhere unreached. Ce dernier a quant à lui raflé le Prix du Jury Jeune Public, catégorie court-métrage. Malheureusement je n’ai pu voir aucun de ces deux films pendant le festival. En tout je n’ai pu voir que neuf courts durant la semaine, dont cinq seulement parmi la sélection officielle. En revanche j’ai vu tous les longs-métrages de la sélection officielle, et j’étais donc assez curieux de découvrir quelle œuvre avait le plus charmé le Jury Jeune Public, et la déception fut au rendez-vous. Après avoir avoué avoir hésité avec My Dear Enemy et Oishi Man (le meilleur film de la sélection à mes yeux), les étudiants ont finalement remis le prix à… Vegetarian. Mouais. Certes le film est original, mais passé l’originalité, difficile de trouver là le film le plus méritant de la semaine. Par ailleurs, leurs hésitations révèlent que les membres du Jury Jeune n’ont jamais envisagé de remettre le Prix à un documentaire, alors que le genre frappait fort cette année entre l’assaut de l’usine de Before the Full Moon, les errances artistiques et humaines de Sogyumo Acacia Band’s Story le beau portrait de femmes de Earth’s Women, et la radicalité audacieuse de Taebaek, Land of Embers. Enfin.

La clôture du festival, c’est bien évidemment un film, aussi. L’année dernière, le FFCF s’était refermé dans la bonne humeur de Robot Taekwon V, une belle conclusion confirmant l’audacieux mélange des genres qu’avait été la manifestation. Cette année, force a été de constater que la diversité avait été moins recherchée, les programmateurs (hasard ou pas ?) ayant réuni des films qui avaient la particularité de tous s’attacher soit au social (la plupart des documentaires notamment) soit à des personnages paumés et en quête d’un but dans la vie. Du cinéma très mélancolique, voire amer, qui s’est confirmé dans le film choisi pour faire la clôture, Break Away.

Ce dernier film du FFCF 2010 suit deux garçons ayant déserté le service militaire pour des raisons personnelles qui ne nous sont pas révélées d’emblée. Ils deviennent vite les ennemis publics numéros 1 à travers le pays, avec flics et soldats à leurs trousses. Bien décidés à ne pas se faire attraper et à ne jamais remettre les pieds sur leur base, ils trouvent de l’aide en la personne de la petite amie de Hae-Joon, l’un des deux déserteurs. Mais combien de temps peuvent-ils tenir ainsi lorsque tout le pays semble les chercher ?

Pas de doute, Break Away s’inscrit dans la droite lignée des films du FFCF 2010. On y trouve deux personnages cherchant à s’extraire du carcan dans lequel la société veut les astreindre. Tristes et paumés, ils rêvent d’ailleurs, ils rêvent d’être libres de leurs gestes au sein d’une société où il ne fait pas bon sortir des sentiers battus. Avant que ne se dégage ce sentiment fort dans le long-métrage de Lee Song Hee-il, il faut tout de même traîner dans une course-poursuite un peu trop téléphonée. Le film démarre vite, nous plongeant dans la forêt avec les déserteurs qui ont déjà l’armée aux trousses. Pendant la première heure, peu de surprise. Le déroulement scénaristique suit une trame standard : les deux hommes se séparent dans leur cavale, chacun partant retrouver des êtres chers, pour l’un sa mère mourante, pour l’autre sa sœur, mais évidemment tout ce qui les attend sur ce chemin, ce sont les hommes qui les pourchassent, et ils se retrouvent donc de nouveau ensemble, finalement conscients que leur fuite ne passe pas inaperçue, et qu’elle ne pourra jamais mener à une vie normale.

Là où le film devient intéressant, c’est dans sa seconde partie, lorsque la course-poursuite se calme. C’est vrai qu’à un moment, les voir se pointer un peu partout et trouver à chaque fois les flics qui leur courent après rapidement, ça devient lassant. Mais lorsque le film se pose, qu’il prend le temps de mettre les personnages face à leurs possibilités et à leurs choix plutôt que de les placer dans un mouvement prévisible, le réalisateur parvient à insuffler du caractère à l’œuvre. Bien sûr il eut été préférable de s’écarter de la facilité dans laquelle Break Away se complait parfois un peu trop, mais finalement un rythme et une voix se font entendre, une voix criant son agacement des institutions, des préjugés et d’un certain immobilisme sociétal. Une voix amère bien sûr, représentative du cinéma qui nous a été projeté une semaine durant à l’Action Christine.

Après Break Away, la lumière est revenue une dernière fois pendant ce Festival Franco-Coréen du Film 2010. Un festival qui se sera révélé intense en se resserrant sur une semaine, même si sur ce tempo, il passe bien trop vite et s’avère épuisant. L’année prochaine, je sais déjà que les fidèles reviendront. Et j’espère qu’ils seront encore plus nombreux.

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