mardi 30 août 2011

L'Étrange Festival 2011, ou le casse-tête de l'emploi du temps

Les meilleurs festivals de films sont ceux qui déclenchent en nous la plus grande frustration avant même qu’ils se soient ouverts. Je ne vous parle pas de Cannes, Venise, Berlin ou ces grands festivals dont les simples mortels comme vous et moi ne peuvent que rêver tant ils sont loin et inaccessibles. Bien sûr qu’elles sont frustrantes ces manifestations où l’on aimerait parfois nous aussi poser les pieds pour découvrir tous ces grands films alléchants. Mais la frustration ultime, et donc l’attachement le plus certain que l’on peut éprouver pour un festival, c’est celle qui concerne les festivals qui sont à notre portée.

Le cas du moment, qui déboule dans quelques jours, se nomme L’Étrange Festival, cuvée 2011. J’ai cru un temps que l’excitation était le sentiment qui caractérisait le plus évidemment mon ressenti face aux festivals que j’aime à fréquenter. Or au fil des ans, je me rends compte que la frustration est un sentiment aussi fort et important que l’excitation. Alors que l’Étrange Festival s’ouvre dans quelques jours, la frustration s’oppose à l’excitation.

L’excitation se trouve dans la liste des films appelés à être projetés durant les neuf jours que durera la manifestation, du vendredi 2 au dimanche 11 septembre. Une liste étourdissante de films de genre allant de la SF à l’horreur en passant par le fantastique et le polar. Du vieux, du neuf, du rare, de l’exclusif. Neuf jours au cours desquels le cinéma de genre sera roi pour les cinéphiles parisiens. L’excitation sera bien sûr également présente dans la salle, lorsque la lumière s’éteindra dans une des salles du Forum des Images pour laisser apparaître à l’écran ces films qui sur le papier nous faisaient trépigner et que l’on pourra enfin découvrir, des films que pour la plupart nous savions avoir peu de chance d’être distribués dans les salles françaises. Des occasions uniques, presque, en somme.

C’est ici qu’apparaît la frustration. Car avec plus d’une soixantaine de longs-métrages programmés pendant neuf jours, certains n’étant projeté qu’une unique fois, il faut faire des choix. Lorsque j’ai navigué sur le programme de l’Étrange Festival, j’ai repéré plus d’une vingtaine de films attisant ma curiosité. Hobo with a shotgun, le fameux film Grindhouse qui n’aura droit en France qu’à une sortie en DVD ! Tucker & Dale vs Evil ! Super ! Take Shelter ! The Unjust ! Kill List ! Plusieurs films de Sono Sion ! Un hommage à Rutger Hauer en sa présence ! Et ce petit film SF belge dans lequel un flic traque un terroriste dans un monde parallèle ! Et c’est quoi ce Bollywood qui ressemble à Goldorak ?! Tiens, et ils passent même The Man from Nowhere, le film qui avait dynamité l’ouverture du Festival Franco-Coréen du Film l’année dernière !

Mais comment diable fait-on pour tout voir ? Et pourquoi les films des nuits (une nuit Grindhouse et une nuit Sushi Typhoon) ne passent-ils pas une seconde fois, en solo ? Ce n’est déjà plus la peine d’y penser. Le festival arrive, il est là et m’attend, avec son lot de satisfactions, de révélations et de déceptions. Cette année, je verrai au moins une dizaine de films, c’est certain. Je vais laisser des films de côté au profit d’autres, c’est certain. Je vais parfois le regretter, c’est certain. Je vais être fasciné, effrayé, dégoûté. Ce sera le chemin à suivre pour découvrir les dignes héritiers de Moon, The Proposition, Dream Home ou Monsters. Excitation et frustration, un délicieux mélange qui accouchera, je l’espère, d’aventures cinéphiles inoubliables. C’est même certain.

vendredi 26 août 2011

Mais qu'est-il arrivé à Josh Hartnett ?

C’était hier, ou tout comme. Il était une belle gueule populaire du cinéma américain. Un jeune premier plein d’avenir à Tinseltown. Il avait même fini par réussir à s’extraire de son carcan de beau gosse lisse, tourné la page, et s’était imposé comme un premier rôle crédible et apprécié dans le cinéma de genre de premier plan. Pourtant où est-il aujourd’hui ? Aujourd’hui… il enchaîne les films de seconde (voire troisième…) zone n’ayant droit qu’à des sorties en DVD. Mais bon, sang, qu’est-il arrivé à Josh Hartnett ?

Mon premier souvenir du comédien me transporte dans une salle de l’UGC Ciné Cité Bercy alors que j’avais 17 ans. C’était la Fête du Cinéma 1999 et je venais de passer le bac quelques jours plus tôt. La salle était bondée de lycéens qui comme moi se détendaient en attendant les résultats devant une délicieuse série B américaine pas chère (les cartes illimitées n’existaient pas encore), The Faculty. Hartnett y campait le beau gosse mystérieux du film de Robert Rodriguez, plus charismatique que les autres. Je me souviens m’être régalé devant cette invasion extraterrestre dans un lycée américain, même si le soulagement de voir le bac derrière moi a certainement joué (ironiquement, le film était distribué par Bac Films, et à la vision du logo de la compagnie à l’écran, une partie de la salle avait hurlé « Naaaaaan, c’est finiiiiiiii ! »).

C’est dans cette mouvance de série B léchée et trippante que Josh Hartnett s’est montré le plus convaincant dans sa carrière jusqu’ici, dans le polar, dans la SF, dans le fantastique. The Faculty, donc, mais aussi Sin City (toujours de Rodriguez), Slevin, 30 jours de nuit. Et même Le dahlia noir de Brian de Palma, pas vraiment une série B, et pas vraiment un film réussi, mais du noir, du mystère et de la séduction dans lesquels Hartnett évoluait plutôt bien même s’il était trop jeune pour le rôle. C’est le Josh Hartnett de ces films là que j’apprécie le plus. Bien sûr il n’a pas fait que ces films-là. On l’a aussi vu dans des comédies oubliables (Potins mondains et amnésie partielle, 40 jours et 40 nuits, Hollywood Homicide), et Hollywood a évidemment voulu en faire un membre de la A-list en lui offrant des premiers rôles de blockbuster guerriers, Pearl Harbor et La chute du faucon noir, dans lesquels Hartnett est loin de s’être révélé à l’aise. Mais ce n’est pas parce qu’une belle gueule n’a pas les épaules pour les blockbusters que sa carrière est foutue, et depuis 2005 et Sin City, Hartnett semblait enclin à explorer le film noir et un cinéma de genre qui lui sied bien.

C’est à cette période qu’il se révèle le meilleur. Pourtant depuis 30 jours de nuit en 2007, Josh Hartnett a plus ou moins disparu de la circulation. Il a tourné dans l’arlésienne I come with the rain de Tran Ahn Hung, dont on attend une sortie en France depuis trois ou quatre ans. En vain. Finalement, c’est comme si ce film que l’on ne voit pas venir symbolisait la carrière d’Hartnett depuis qu’il l’a tourné. L’acteur n’a pas pris de retraite anticipée, il est là, il continue à tourner malgré ce qui semble avoir été une pause de deux ans en 2008/2009. Mais c’est comme si plus personne ne faisait attention à lui. Je viens écrire cela alors que je ne me suis jamais vraiment attaché à cet acteur, mais son absence, lui qui semblait tout de même promis à une carrière intéressante, surprend. Depuis 30 jours de nuit, il ne joue plus que dans des films qui ne sortent que confidentiellement aux États-Unis, et pas vraiment ailleurs.

Le signal d’alarme a été déclenché lorsque j’ai carrément vu son nom apparaître au générique d’un film, qui devrait prochainement entrer en tournage, dont les autres rôles principaux sont tenus par… Christophe Lambert et Billy Zane. Et ce dernier y campe même le Diable himself. Josh Hartnett dans une série B avec Billy Zane en Diable. J’ai beau adorer Christophe Lambert, on sait bien que ses films américains sont des plaisirs coupables et rien d’autre, alors il y a quelque chose qui cloche dans la présence de Hartnett sur ce projet. Comme si quelque chose était mort. Une étincelle qui s’est éteinte. Je me souviens de Josh Hartnett et sa coupe 70’s dans Virgin Suicides de Coppola. Je me souviens de son élégance toute sombre de Sin City. Peut-être Bunraku, qui a l’air totalement fou et sort bientôt aux États-Unis, réveillera-t-il ce qui s’est éteint dans la carrière d’Hartnett. Peut-être le film avec Billy Zane l’enterrera-t-il définitivement. Bon sang, que t’est-il arrivé, Josh ?

mercredi 24 août 2011

La comédie américaine file un mauvais coton cet été

L’année 2011 n’avait pourtant pas mal commencé. Entre les facéties maritales d’Adam Sandler aux accents de vieille comédie hollywoodienne (pour la trame plutôt que pour les gags, très contemporains) dans Le Mytho – Just go with it et la buddy comédie des Farrelly Bon à Tirer, les explosions de joie et d’hilarité étaient prometteurs pour la comédie made in USA, cuvée 2011. Aux portes de l’été, à vue de nez, les mois qui allaient suivre s’annonçaient encore plus riches, encore plus fous, encore plus drôles. L’intuition fut pourtant mauvaise. C’est tout le contraire qui se passe depuis quelques semaines. La comédie américaine se prend les pieds dans le plat de film en film.

Cela a commencé avec Very Bad Trip 2, fin mai, à l’heure où selon les comptes hollywoodiens, l’été a déjà commencé. Non qu’il y ait eu de quoi tomber de haut avec cette suite du carton surprise de 2009, mais l’on s’est en revanche vite rendu compte que ces nouvelles aventures du désormais fameux trio Bradley Cooper / Zach Galifianakis / Ed Helms n’était jamais qu’un remake du premier opus simplement déplacé en Thaïlande quand le premier prenait pour cadre Las Vegas. Ce qui en soit n’avait rien de déshonorant puisqu’en fin de compte les rires étaient plutôt au rendez-vous, mais il y a forcément une lassitude à revoir le même film que la première fois.

Mais il s’agissait finalement d’une suite, et c’est dans la nouveauté que l’attente se matérialisait le plus, avec un triplé de comédies US prometteuses : Bad Teacher, Mes meilleures amies et Comment tuer son boss ?.
J’étais quasiment sûr d’aimer Bad Teacher. Les chances me paraissaient infimes qu’en fin de compte, le film me déçoive. En premier lieu parce que le réalisateur Jake Kasdan, à défaut d’avoir réalisé de grandes comédies jusqu’ici, reste associé dans mon esprit à La méthode Zero, un film méconnu avec Bill Pullman et Ben Stiller que je n’ai pas revu depuis le ciné mais qui m’avait fait une belle impression à l’époque. Et que par ricochet, il me semblait peu probable que le film soit aussi mauvais, ou du moins décevant que le bouche-à-oreille le laissait entendre sur Internet. J’ai eu tort.

Malgré la promesse d’un film irrévérencieux avec cette prof superficielle courant après l’argent mais haïssant son job et ses élèves, Bad Teacher s’est révélé parfaitement prévisible et au mieux sympathique. Diaz a beau incarner la garce à la perfection (peut-être parce qu’elle m’agace naturellement), la trame est cousue de fil blanc, les personnages masculins – Justin Timberlake en prof riche et tellement gentil qu’il en est niais, Jason Segel en prof de gym faisant vainement la cour à Diaz – totalement délaissés alors qu’essentiels à l’intrigue. L’écriture est fainéante, se contentant de petits gags à peine élaborés en espérant qu’ils décrocheront des sourires.

Après cette déconfiture, il me semblait au contraire acquis que Mes meilleures amies (Bridesmaids en VO) allait me faire trembler de joie et de rires. Produit par Judd Apatow, écrit et interprété par Kristen « Saturday Night Live » Wiig, le film est sorti en salles en France auréolé du statut de carton de l’été au box-office américain, et traînant dans son sillage la réputation d’être la comédie de l’année. Patatras. Contre toute attente, je ne m’éclate pas. J’en entends d’ici dire « Il faut être une femme pour comprendre » ou « Il faut avoir une sensibilité féminine que tu ne dois pas avoir » avec un haussement d’épaule dédaigneux. Franchement ce dédouanement ne me convaincra pas le moins du monde, d’autant qu’à chaque fois que je pleure devant Sur la route de Madison de Clint Eastwood, je me dis que je dois avoir une part féminine indéniable.

Mais celle-ci n’a pas le moins du monde été éveillée par Mes meilleures amies, ou les tribulations affectives d’Annie, jeune femme célibataire qui voit son amie d’enfance se marier et, nommée demoiselle d’honneur, se voit attribuée la charge d’organiser une bonne partie des festivités. J’étais prêt à tomber sous le charme d’Annie, à me régaler de sa concurrence affective avec Helen, l’autre meilleure amie de la mariée, de leurs défis perpétuels pour s’imposer comme LA meilleure amie. J’étais prêt à trouver une délicieuse candeur dans ce portrait de femme hésitante et un peu paumée. A exploser de rire, tout simplement, devant une comédie féroce. Or il n’en a rien été. Je n’ai retenu qu’un film sympathique, avec un gag scatologique hilarant et un second rôle, Melissa McCarthy, qui dynamite le film et vole toutes les scènes dans lesquelles elle pointe le bout de son nez. Le reste est passé inaperçu à mes yeux. Une intrigue amoureuse absolument révoltante d’académisme et de niaiserie, un scénario cousu de fil blanc qui, hormis le scato et McCarthy, ne surprend jamais vraiment. Ou plutôt si, lorsqu’il arrive enfin à surprendre, il en profite trop, comme cette séquence de discours entre Wiig et Byrne, étirée pour notre plus grand plaisir, avant d’être usée jusqu’à l’usure, comme si le réalisateur sentait qu’il tenait enfin une idée poilante et ne voulait pas la quitter.

J’en suis sorti en étant capable de compter mes explosions de rire (sur les doigts d’une main), et pour ce genre de films, c’est un signe funeste. Alors forcément, lorsque je me suis rendu une semaine plus tard dans une salle pour voir Comment tuer son boss ?, alors qu’habituellement la perspective de voir une comédie américaine me motive au plus haut point, je ne pouvais m’empêcher d’être méfiant. De me dire que l’été 2011 était peut-être maudit pour mon amour du genre. Et la crainte s’est malheureusement vérifiée. Le long-métrage de Seth Gordon n’a été qu’un brouhaha comique partant dans tous les sens, sans cohérence, sans cohésion, sans étincelle. Mes meilleures amies avait au moins pour lui un grand moment d’hilarité et un second rôle faisant mouche à chaque réplique. Comment tuer son boss ? n’avait même pas ça. Juste une succession de saynètes sans grande consistance, sans grande saveur. Juste une petite aventure sympathique par moments, drôle à d’autres, fade et inoffensive dans l’ensemble, malgré la moumoute martiale de Colin Farrell et le rare comportement de garce de Jennifer Aniston.

Je ne peux même pas dire que je ne comprends pas comment toutes ces comédies prometteuses n’ont pas su allumer la flamme du rire chez moi cet été. Je le sais, film par film, je l’ai amèrement constaté. L’humour US n’était tout simplement pas assez à la hauteur cet été, quand le cinéma indépendant nous régalait avec Minuit à Paris et Beginners, ou que le cinéma britannique se montrait délicieux avec Submarine, The Trip ou Attack the block. Deux comédies de l’été américain ne nous arriveront que cet automne, The Change Up et 30 minutes or less. Et avant cela, Danny McBride déboulera avec James Franco dans Votre Majesté. Espérons que ceux-là me couperont le souffle et m’étaleront par terre. Contrairement aux quatre autres, ces derniers en attente ont tous été des bides au box-office américain… finalement un bon signe ?

lundi 22 août 2011

Bollywood au Brady, une Inde aux sonorités parisiennes

Dans le 10ème arrondissement, Paris peut prendre des allures de ville indienne. Entre Strasbourg St-Denis et Château d’Eau, la capitale fourmille de restaurants et épiceries dont les goûts, les couleurs et les senteurs renvoient à la Nation de Gandhi. Ou plutôt la Nation de Shah Rukh Khan, tant le quartier est aussi un bon endroit pour mettre la main sur les DVD de films indiens. Mais grâce au Brady, le cinéma de quartier il n’y a encore pas si longtemps détenu par un Jean-Pierre Mocky parti s’installer dans le Quartier Latin, le cinéma de Bollywood n’est pas cantonné aux DVD à Paris.

Il faut bien reconnaître que si la capitale française est aussi celle de la cinéphilie mondiale, Bollywood est en revanche une de ses lacunes, préférant laisser à Londres l’honneur en Occident de déchaîner les passions pour les stars indiennes du grand écran. Le dernier Bollywood à être officiellement sorti en salles en France reste Saawariya (si l’on excepte My name is Khan, un Bollywood pour le grand public occidental), et cela se compte désormais en années. Pour les amateurs du genre, il n’y a donc d’autre choix que de se contenter du petit écran pour découvrir les films de Preity Zinta et Rani Mukherjee… et heureusement, les festivals. Et justement chaque été, le Brady, idéalement situé à quelques pas du Passage du même nom regorgeant de restaurants indiens, programme un festival de films Bollywood.

Depuis le temps que je me clame amateur du genre, il était temps que j’aille faire un tour estival au Brady, et sous la chaleur écrasante de Paris, je me suis donc réfugié dans la salle du boulevard de Strasbourg pour Fanaa, l’un des gros succès indiens de l’année 2006, qui n’a évidemment jamais pointé le bout de son nez dans les salles françaises. Bien sûr, il s’agit d’une tragique et épique histoire d’amour. L’héroïne en est Kajol, dont la renommée n’est plus à faire chez les amateurs de Bollywood (en France, on l’a vue dans le culte La famille indienne, ou plus récemment dans My name is Khan). Elle incarne Zoomi, une jeune femme aveugle qui quitte ses parents protecteurs pour Dehli, où elle doit avec des amies participer à une grande soirée consacrée à la Fête Nationale. Lors de sa visite de la capitale, Zoomi rencontre Rehan, guide touristique de son état, charmeur, blagueur, et poète à ses heures perdues (interprété par Aamir Khan, le héros de Lagaan). La jeune femme tombe vite amoureuse alors que les sentiments de Rehan sont plus secrets.

Fanaa, comme tout Bollywood qui se respecte, dure près de trois heures, et l’on se doute vite que la situation n’en restera pas à cette histoire d’amour évidente. Le propre d’un Bollywood, ce sont les retournements de situations, les surprises, les obstacles placés sur la route des héros. Ici, cela se traduit par un changement de ton et de genre brutal au bout d’1h30, qui fait basculer le film dans le thriller avec terrorisme, courses-poursuites, et rebondissements. Une aventure tout à fait invraisemblable ponctuée comme il se doit de numéros musicaux soudains et entraînants. Fanaa n’y va pas avec le dos de la cuillère pour nous balader.

Et dans cette salle 2 du Brady, il n’a pas été de tout repos de se plonger dans le film de Kunal Kohli. Mais le tout petit écran haut perché ne fut pas le plus perturbant lors de cette projection. Ni finalement le fait que Fanaa nous était projeté en DVD, avec ce que cela entraîne de pertes de netteté et de luminosité. Ce ne fut pas non plus les quelques spectateurs poussant la porte de la salle pendant le film, soit confondant avec la salle 1, soit pour voir ce qui passait dans la nôtre, allumant presque la salle avec la lumière du couloir tant la salle 2 est petite et la porte proche de l’écran. Et puis non, le plus perturbant ne fut même pas non plus ces bruits incessants de téléphone, tout au long du film, cette petite sonnerie annonçant certainement l’arrivée d’un sms, à peu près toutes les 10 ou 15 minutes.

Non, le plus perturbant lors de la projection de Fanaa se trouvait au plafond. Une bouche d’aération qui semble-t-il reliait directement la salle au hall du cinéma, à l’étage au-dessus. Une bouche d’aération par laquelle nous avons entendu pendant tout le film ce qui se passait dans le hall, les spectateurs achetant des places pour l’autre salle, le caissier discutant avec les clients, et même, dès que quelqu’un entrait ou sortait du hall, les bruits du boulevard de Strasbourg, les scooters, les klaxons, les crissements de pneus entrant dans la salle et se mélangeant aux sons de l’Inde que nous offrait Fanaa. Entre Paris et Dehli, je ne savais pas toujours où je me trouvais. Le film était bien assez mineur pour que je ne m’en offusque pas plus que cela, peut-être heureusement.

En sortant du film, j’ai retrouvé les bruits de la rue qui ne m’avaient pas quittés pendant près de trois heures, j’ai emprunté le Passage Brady pour retrouver ce mélange Paris / Dehli encore quelques instants, en me disant que finalement, cette expérience Bollywood là avait malgré tous ces petits désagréments été plus agréable que les fameuses projections du Festival Cinérail au printemps dernier. Même si décidément, les meilleurs Bollywood récents restent à voir, et toujours dans de meilleures conditions.

dimanche 21 août 2011

Green Lantern, vers le nanar et au-delà !


J’ai failli ne pas aller voir Green Lantern. Il y a quelques mois, il ne faisait pas de doute dans mon esprit que le film de Martin Campbell serait sur mes tablettes à l’été 2011, ratant rarement un film de super-héros en salles. Bien que ne connaissant pas le moins du monde le comic book de l’écurie DC, l’histoire d’un pilote de chasse transformé en super-héros intergalactique pour protéger, non seulement la Terre, mais une bonne partie de l’univers, contre tout type de bad guy, c’est tout à fait ma came sur le papier.

Mais voilà, depuis sa sortie aux États-Unis mi-juin, pas un écho positif n’est parvenu des personnes (à travers le monde, pour faire modeste) ayant vu le film. De partout, le film a été taxé de daube ridicule. Et même avant cela, les images ne faisaient pas franchement envie. Alors forcément, quand on rentre de vacances, que le nombre de films à voir est nombreux et qu’il faut faire des choix, tout à coup la certitude d’aller voir Green Lantern flanche un minimum. Ca se comprend non ? Ryan Reynolds a beau être un acteur sympa, je ne vais pas voir un film juste pour lui. D’autant qu’il s’agit là une fois de plus d’un film en 3D, un de plus offert à bouffer par Hollywood qui a une nette tendance à envoyer ses films sous ce format dès que le long-métrage fait un peu fanboy sur les bords. Mon cinéma de prédilection le projetait donc sans surprise en 3D à sa sortie. L’excuse parfaite pour tirer définitivement un trait dessus, moi qui ai de plus en plus de mal à supporter la 3D à toutes les sauces.

Pourtant contre toute attente, dès sa seconde semaine, Green Lantern a basculé à une projection sans la fameuse 3D. En fait, en y jetant un œil, à l’UGC Ciné Cité Les Halles, un cinéma 100% numérique ayant la capacité de projeter de la 3D dans chacune de ses salles, la 3D semble impopulaire cette semaine. Sur six films sortis en salles au format 3D pour les salles équipées, un seul est effectivement montré dans ce format, Captain America – First Avenger (je vais donc attendre avant de m’y déplacer). Les cinq autres, Cars 2, Les Schtroumpfs, Conan, Harry Potter et les reliques de la mort 2 et donc Green Lantern, sont tous montrés en « 2D ». Tiens tiens… les spectateurs montreraient donc bien un clair signe de ras-le-bol et bouderaient la 3D au point de forcer le premier cinéma d’Europe à ne pas abuser du format ? L’idée me plait énormément. Un message fort envoyé à la profession.

Toujours est-il que voyant ainsi la fameuse « lanterne verte » lestée de son pénible relief, et ayant promis de voir plusieurs autres films avec mes proches, j’ai finalement posé mes fesses devant le film de Martin Campbell un soir où je voulais aller au cinéma. Et attention, voici le genre de petite phrase qui passera pour une hérésie : je n’ai pas regretté. Non que le film soit bon. Oh là non malheureux, ne vous méprenez pas, vous ne croyiez tout de même pas que j’allais dire que le bouche-à-oreille est faux, que Green Lantern est incompris, qu’il vaut de claquer une dizaine d’euros pour le voir (ouf, je ne l’ai pas fait) un soir d’été alors qu’il fait beau et qu’on a envie de flâner dans les rues de la capitale ?

Non, Green Lantern n’est pas un bon film. Certains ont dit que c’est une daube, et selon le degré d’attente du film, on peut même dire que c’est une daube. Allez, même sans l’attendre énormément. Martin Campbell, inspiré par le super héros de l’espionnage qu’est James Bond (Golden Eye, Casino Royale), semble être nettement moins à son aise avec un super héros pur et simple. Oh il n’est pas seul fautif, c’est bien une faute collective dont il s’agit là. La première faute qui saute aux yeux est l’esthétique mal maîtrisée. Se baladant aux quatre coins de la galaxie, Green Lantern se devait d’offrir un univers visuel fort quand il nous sert une soupe d’effets spéciaux qui puent le CGI dignes d’un jeu vidéo moyen. Les extraterrestres sont fades, les planètes visitées sans caractère.

A partir du moment où l’aspect visuel est raté (et il l’est d’emblée), il ne restait plus qu’à espérer que le scénario allait nous faire vibrer avec une aventure fantastique. Fausse route, une fois de plus. La trame est archi balisée : l’intrépide qui se voit assigné une haute responsabilité, découvre son nouvel univers, s’entraîne, se décourage, se reprend, combat, triomphe… un déroulement sans accro, sans surprise, sans étincelle. Le plus frustrant, c’est que même son connaître le comic, on devine dans cet univers une mythologie foisonnante propice à nous régaler d’aventures incroyables. On la devine entre les lignes, entre les plans, des références fugaces, des instantanés brefs, qui nous font rêver à un film de super-héros passionnant. Qui ne pointe jamais le bout de son nez. Ces gardiens immortels de l’univers, ces green lanterns protégeant tous êtres vivants, ces courses folles à travers l’espace, ces imaginations se matérialisant d’une pensée… Il y a un potentiel jubilatoire fou dans Green Lantern, un potentiel à peine esquissé par Martin Campbell et ses équipes, qui enchaînent rapidement les passages obligés du film de super héros sans trouver de voix propre à Hal Jordan et son alter ego Green Lantern. Ryan Reynold fait son beau gosse courageux, passe en vitesse sur la planète des gardiens, un p’tit entraînement avec le chef des Lanterns, on retourne sur Terre dragouiller la jolie Blake Lively, et on repart attaquer et triompher.

C’est tout ? C’est TOUT ? Bah oui, c’est à peu près tout. Pourtant je l’ai dit, je n’ai pas regretté de l’avoir vu. Pourquoi ? Outre le plaisir qui existe tout de même à découvrir cette mythologie gâchée, tout ce travail bâclé prend finalement des allures de nanar sympathique, excessif dans sa laideur et son manque d’ambition créative. Eh oui, c’est presque sympa de constater l’échec, à moins qu’il ne reste tout de même quelque chose de sympathique malgré le travail de sape…

Je me souviens de cette vidéo du Comic Con 2010, lorsqu’au cours du panel Green Lantern, un petit gamin américain avait demandé les yeux pétillants à Ryan Reynolds de réciter le serment du Green Lantern, le serment qu’il prête de combattre le mal où qu’il soit. Le serment du héros. Reynolds l’a fait, mettant le gamin les larmes aux yeux. Un an plus tard, je me demande ce qu’a pensé ce garçon de Green Lantern. Peut-être que lui en est sorti émerveillé et non frustré. Ca en ferait au moins un.

jeudi 18 août 2011

Une histoire d'Harry Potter

J’aurais pu faire partie de la génération Harry Potter. Ces garçons et ces filles devenus hommes et femmes au rythme de la lecture des romans de J.K. Rowling, transis d’admiration et dégustant chaque ligne lue, chaque plan vu à l’écran lorsque Hollywood s’est emparé du sorcier à la cicatrice. J’aurais pu, et je me demande même comment j’ai pu y échapper. Lorsque le premier ouvrage de Rowling est paru, je n’étais pas encore un adulte, et cette future saga était clairement ciblée pour ma génération, ou celle d’en-dessous.

J’étais un lecteur avide à l’époque, un peu plus qu’aujourd’hui, mais Harry Potter n’est jamais tombé entre mes mains, et au lieu de cela, je l’ai découvert au cinéma en décembre 2001. C’était certainement trop tard. Aujourd’hui, je viens de tourner ma page Harry Potter en allant voir le dernier film de la série, la seconde partie de Harry Potter et les Reliques de la Mort. Ave ce film c’est une saga cinématographique de dix ans et huit films qui se ferme, et contre toute attente, c’est un évènement à mes yeux aussi, ceux d’un non-fan.

J’ai découvert Harry Potter avec les films de Chris Colombus, soit deux films, Harry Potter à l’école des sorciers et Harry Potter et la Chambre des secrets, qui m’ont tout de suite paru trop enfantins. Ce n’est pas un défaut en soi puisqu’après tout, le film et le héros s’adressaient clairement plus aux 10 – 12 ans qu’au mec de 20 ans que j’étais alors. Celui-ci rêvait plus de la tant attendue transposition sur grand écran de la trilogie Le seigneur des anneaux de Tolkien que des aventures du sorcier taille enfant, qui plus est par le réalisateur des Maman j’ai raté l’avion (que j'adorais enfant, mais ce n'est pas la question) quand en face, c’était Peter Jackson qui se chargeait de donner vie aux écrits de Tolkien.

Mon histoire avec Harry Potter est partie de cette rivalité, ou du moins de cette comparaison avec l’autre saga en devenir dont le premier film sortait à Noël 2001. Harry Potter ne pouvait pas tenir la comparaison face à Aragorn, Gandalf et le Mordor. Je n’ai pas aimé Harry Potter à l’école des sorciers, tout comme je n’ai pas aimé un an plus tard Harry Potter et la chambre des secrets. Habituellement je ne donne pas plus de chances à une saga cinématographique dont les deux premiers épisodes m’ont lassé, comme ça a été le cas avec Pirates des Caraïbes quelques années plus tard. Si je suis allé voir le dernier film de la saga Harry Potter ce soir, c’est parce que sept ans plus tôt, les producteurs ont fait un choix radical qui m’a plu. Pour remplacer derrière la caméra Chris Colombus parti vaquer à d’autres occupations (ne me demander pas lesquelles), ils ont engagé Alfonso Cuaron, qui venait de réaliser Y tu mama también.

Après les deux films pour gamins qui avaient fait office d’entrée en matière pour Harry Potter, je ne m’imaginais pas le cinéaste mexicain cadrer dans cet univers. La curiosité l’a donc emporté et m’a conduit devant Le Prisonnier d’Azkaban, la dernière chance en salles. C’est ce film qui a charpenté mon appréciation de la saga Harry Potter. Quelque chose a pris forme grâce au film de Cuaron. Tout à coup, il y avait du potentiel dans cette saga fantastique, entre une histoire qui se faisait plus ambitieuse, permettant au scénario de tisser des méandres temporels absents jusqu’ici, et des personnages ambigus naviguant entre l’ombre et la lumière (qui plus est interprétés par des comédiens du calibre de Gary Oldman et David Thewlis). Avec Le Prisonnier d’Azkaban, Harry Potter m’a intrigué et emballé. Enfin.

C’est parce que je sais depuis ce film que Harry Potter a les moyens d’offrir du bon cinéma que je les ai tous vus en salles. Mon histoire avec la saga s’est écrite en dent de scie, de la fatigue des débuts aux promesses contrebalancées par des déceptions ou des fadaises. J’ai espéré que chaque film serait du niveau du Prisonnier d’Azkaban. Si j’avais lu les romans de J.K. Rowling, peut-être aurais-je été moins pointilleux, plus aveuglé par la passion, plus influencé par les mots de l’auteur. Mais il n’est pas besoin d’avoir lu les livres pour être séduit ou non par les longs-métrages, et pour juger de leurs qualités purement cinématographiques. En filigrane, peut-être est-il même plus facile de voir les défauts d’adaptation que si l’on avait lu les livres.

Il m’aura tout de même fallu attendre cinq ans et le sixième film, Harry Potter et le Prince de Sang Mêlé, pour retrouver la qualité du troisième volet. Je commençais à désespérer, et à croire que la saga Harry Potter se résumerait finalement à un seul film de grande qualité. Entre temps, après un essai oublié de Mike Newell, David Yates s’était définitivement approprié le poste de réalisateur, une position qu’il justifierait pleinement avec Le Prince de Sang Mêlé. Visuellement, il s’agit du plus beau film de toute la saga. Un univers fort, une photographie somptueuse (du français Bruno Delbonnel, au passage). Mais si tout à coup, Harry Potter redevenait une série cinématographique passionnante, c’était parce qu’elle plaçait enfin en son cœur le meilleur personnage de la saga : Severus Snape, campé par l’immense Alan Rickman.

Absent ou presque de l’inepte première partie de Harry Potter et les reliques de la mort, Rickman et son air sombre se devait d’être une des grandes figures du dernier film. Il l’est. Ce dernier film n’est peut-être pas au niveau d’Azkaban ou du Prince de Sang-Mêlé, la faute à ce découpage en deux long-métrages qui rend le début du film peu agréable à regarder, entre un rapide plongeon dans l’action et la nécessité de raccrocher les wagons des souvenirs du précédent film (quand celui-ci aurait pu être réduit à 15 minutes et ne faire qu’un avec cette suite). Mais ce dernier film a le mérite de confirmer, même si trop brièvement, que Severus Snape (Rogue en VF) est la grande figure tragique de la saga Harry Potter. Si j’avais été Steve Kloves, scénariste de quasi tous les Harry Potter, j’aurais placé le personnage au cœur de ce dernier chapitre. Et surtout, j’aurais supprimé ce flash forward final vingt ans en avant qui confine presque au ridicule (et a déclenché des ricanements évidents dans la salle). Mieux valait finir sur les héros jeunes, épuisés, et promis à un avenir qui nous aurait été inconnu.

Je les aurais bien quittés sur ce pont, hagards comme on peut l’être en quittant une saga cinématographique de dix ans, commencée à l’aube de la vingtaine et conclue à la veille de la trentaine. Je m’imagine dans la peau des inconditionnels d’Harry Potter qui ont dégusté chaque page des romans et chaque plan des films, se retrouvant au lendemain de la dernière image de leur épopée culte. J’imagine leur mélancolie, tandis que je regrette seulement qu’avec tous ces films, tout ce potentiel, toutes ces aventures, tous ces grands acteurs, la saga Harry Potter n’ait pas pu être plus à mon goût. Mon palais s’en remettra, et gardera tout de même toujours cette saveur étrange d’un grand personnage qui n’aura jamais été reconnu à sa juste valeur par ses créateurs. Adieu Harry Potter, adieu Severus Snape.

mardi 16 août 2011

Les Goonies, Super 8 et les rêves d'enfance

Le calendrier est parfois bien fait. Alors que Les Goonies de Richard Donner ressort en salles en copies neuves, Super 8 de JJ Abrams débarque partout en France. Un film culte de mon enfance refait surface, tandis qu’un film qui s’est nourri de ce cinéma étale une filiation évidente, avec pour point commun, un producteur : Steven Spielberg. J’ai rêvé des deux. J’ai rêvé de voir pour la première fois dans une salle de cinéma ce film qui a émerveillé mon enfance. Ils étaient quelques uns ainsi, dans les années 80 et 90, à transporter le jeune spectateur que j’étais dans l’univers fascinant du cinéma à hauteur d’enfant. Mais Les Goonies, je l’ai vu plus encore que L’histoire sans fin ou Princess Bride. Ma sœur et moi le regardions régulièrement, religieusement, même si à l’époque religieusement signifiait le regard pétillant du désir d’aventures exalté par le film, et commentant le film en mimant les répliques (aujourd’hui, « religieusement « , ce serait plutôt dans le silence le plus total…). Notre vieille VHS a tourné sans fin jusqu’à nous faire connaître par cœur les répliques de Mickey, Data, Bagou et Choco.

Je les regardais, ces Goonies, cette bande de potes d’une douzaine d’années partant pour une chasse au trésor dans leur petite ville, une chasse au magot d’un vieux pirate légendaire qui les fait se mesurer à une famille de criminels, une chasse au trésor leur faisant goûter au danger pour tenter de sauver leur ville de la destruction, pour tenter de maintenir l’unité de leur bande, et éviter qu’elle ne se trouve éclatée par un déménagement. Ils partent ainsi à travers forêt et maison délabrée, tunnels et grottes, psychopathe doux dingues et monstres pacifiques.

Ces Goonies, il était hors de question que je n’aille pas les redécouvrir sur grand écran, en copie neuve, même s’ils ne s’exposaient que dans une salle parisienne (le Publicis pardi), même s’il n’y avait qu’une séance par jour, même s’il ne restait plus qu’un jour pour le voir. Ces Goonies sur grand écran, c’était un des films que j’attendais le plus cet été, même si j’avais partagé leurs aventures des dizaines de fois, quinze ou vingt ans plus tôt, sur la télé de mon enfance. A l’époque, notre enregistrement n’avait pas tout à fait fonctionné, et sur notre vidéo manquaient les dernières minutes du film. Alors que Mickey et sa bande étaient en train de s’échapper de la grotte s’effondrant, le film se coupait, nous empêchant de voir si les Goonies allaient s’en sortir, s’ils allaient tout de même réussir à sauver la maison des parents de Mickey. Mais cela ne nous empêchait pas de l’adorer, et de le re-regarder quelques semaines plus tard.

Cette fin, je l’avais finalement découverte en DVD, il y a quelques années. Mais aller redécouvrir ce film cher à mon enfance avec mes yeux d’adulte, dans une salle obscure, fut un moment de jubilation à la hauteur de mes souvenirs. Cette VF que je connaissais sur le bout des doigts, Data et ses inventions, Bagou et sa tchatche en espagnol, Cinoque et son amour pour Choco, tout était là et plus encore. Avec le recul des années, j’ai peut-être vu Les Goonies d’un autre œil, celui qui m’a fait réaliser pourquoi ce film me subjuguait tant étant enfant. Je n’étais sûrement pas le seul, étant donné que la salle était quasi exclusivement remplie de garçons et de filles ayant grandi dans les années 80, visiblement nourris aux Goonies comme je l’ai été avec ma sœur.

Mais au-delà de l’aventure, voir le film sur grand écran, 25 ans plus tard, m’a fait prendre conscience que moi aussi, j’ai eu mes Goonies. Cette bande de potes qui étaient comme les cinq doigts de la main, toujours ensemble, toujours les uns chez les autres. Moi aussi j’ai eu mes Goonies. Sauf que tous les trésors du monde n’auraient pu me garder à eux, et que je les ai perdus sans que j’y puisse rien. Les obstacles n’ont pas été insurmontables. Les années ont passé, et si j’en ai retrouvé quelques uns, cette amitié ne sera plus jamais comme avant. Mais je l’ai revécue à chaque fois que j’ai mis la cassette des Goonies dans le magnétoscope de ma mère, et il y a quelques jours, je l’ai revécue en allant voir le film sur grand écran.

C’est là que réside les grandes qualités de certains films. On ne les regarde pas, on les vit. On ne les voit pas d’un œil extérieur, ils nous happent en eux, et nous font vivre l’aventure comme si nous en faisions partie. Plus de 25 ans après Les Goonies, Steven Spielberg producteur a remis ça en produisant Super 8 de JJ Abrams. Un film qui figurait en début d’année parmi ceux que j’attendais le plus pour 2011. Parce que Abrams a réalisé Star Trek et créé « Lost », parce qu’il a su réaliser son film dans le plus grand mystère, parce que les rumeurs le concernant étaient alléchantes. Et parce que finalement, une fois que les premières images furent dévoilées, j’y ai vu la possibilité que ce soit un héritier de ce cinéma qui me faisait vibrer enfant.

Et c’est effectivement ce que j’ai trouvé dans Super 8. Il a fait renaître en moi l’enfant des années 80 comme l’avait fait Les Goonies quelques jours plus tôt. Encore une fois, il était question d’une bande d’amis dans une petite ville provinciale, ici dans une Amérique de la fin des années 70 encore empreinte d’une atmosphère de Guerre Froide. Cette petite troupe de collégiens tournent un court-métrage un soir, près de la voie ferrée, lorsqu’un train militaire entre en collision avec une voiture et déraille. Quelque chose s’échappe de la carcasse du train. Quelque chose qui va semer la panique en ville, et y amener une colonie de militaires.

Évidemment, on pense au cinéma de Spielberg. Rencontres du 3ème Type, E.T… Évidemment on pense à ces films d’aventures comme Les Goonies, justement. Évidemment, ça pourrait n’être qu’un hommage distant et pas à la hauteur de ses références. Mais JJ Abrams ne se contente pas de connaître ses classiques, il sait se les approprier, et en sortir un film excitant et émouvant, où les personnages ont tout autant leur place que le mystère, le suspense et l’action. Il parvient à ne pas empêtrer son film dans un pathos américain imbuvable comme c’aurait pu être le cas. Entre justesse et sensibilité, mélancolie et amertume, enfants et parents forment un noyau de personnages auquel on s’accroche et s’attache.

Je ne suis plus un Goonies, et mes yeux d’adultes perçoivent des défauts que je n’aurais pas perçus 15 ans plus tôt. Des ellipses un peu trop voyantes dans la narration, des personnages laissés de côté trop longtemps avant qu’on ne les rattrape. Des petits trous qui font que non, Super 8 n’est pas parfait, loin s’en faut. Mais l’aventure qu’il offre est plus qu’un bon spectacle hollywoodien. C’est un film sur l’enfance et ses désillusions. Sur l’amertume de la perte. La difficulté d’achever son deuil. C’est une invitation à l’apaisement et au rêve, quel qu’il soit. Que l’on ait été un rêveur dans son enfance ou qu’on soit prêt à le devenir sur le tard. Et en plus, il offre un beau rôle à Kyle Chandler.

J’ai été un Goonie. Peut-être en suis-je encore un. Si j’en étais un à hauteur d’enfant aujourd’hui, je rêverais de Super 8, et m’apprêterais à passer quelques années à le regarder en boucle sur la télé du salon. Avec ou sans la fin. Aujourd’hui je ne suis plus qu’un ex-Goonie, et cela me suffit à regarder Super 8 avec les yeux pétillants. Et à le quitter avec le cœur qui bat.

vendredi 12 août 2011

Au pays de la Guinness, les écrans de cinéma sont géants

Le cinéma à l’étranger est une curiosité que je ne peux m’empêcher de tester lorsque j’en ai l’occasion. Il y a quelques années, deux petites semaines en Californie m’avaient permis d’aller voir six films dans les salles de San Francisco et sa région. En 2009, mon séjour en Corée du Sud s’était soldé par deux visites dans les salles obscures de Seoul, pour découvrir les cartons locaux Haeundae et Take Off. Les vacances passent toujours trop vite, et me voici revenu d’un trop court périple irlandais qui m’aura conduit de Dublin à Cork en passant par le Parc National du Connemara et les impressionnantes falaises de Moher qui ont vu un Harry Potter et le cher Princess Bride de mon enfance se tourner.

De ce road trip se cristallisent déjà les souvenirs mémorables, dévaler les pentes d’une petite montagne embrumée et embruinée transi de froid, défier le vide de la côte ouest, chanter à tue-tête un tube de Boyzone des années 90 (vous savez, la chanson de Bean ?) sur une route déserte et tressautante de la campagne irlandaise, et goûter à la vraie Guinness irlandaise, la meilleure du monde dans un pub de la rive sud de Dublin selon un ami irlandais qui m’y a guidé.

Mais de cette escapade irlandaise, des images de cinéma sont rentrées en France avec moi. D’abord parce qu’elle m’aura permis de rencontrer enfin, en chair et en os, un de mes amis virtuels cinéphiles du bout du monde, de l’époque où je tenais une chronique hebdomadaire sur un site de cinéma américain. De cette époque s’est créée une communauté de cinéphiles des quatre coins du monde, mais surtout des antipodes et d’Amérique du Nord, qui depuis que le site d’origine n’existe plus se retrouvent sur un forum où nous avons perpétré nos débats parfois houleux mais toujours passionnés. Ce voyage en Irlande m’aura permis de rencontrer l’irlandais de la bande, au même titre que lui aura rencontré le français.

Arrivé à Dublin, un de mes premiers réflexes, peut-être parce que je n’avais que 48 heures à passer dans la capitale, fut de repérer les cinémas les plus proches. Après avoir un temps caressé l’idée d’aller voir un film à l’Irish Film Institute, en quelque sorte la Cinémathèque irlandaise, j’y ai renoncé lorsque j’ai constaté que, de Poetry à Beginners en passant par Arrietty, j’avais déjà tout vu. Dans les multiplexes du centre ville qui affichaient quasiment à l’unanimité des couleurs hollywoodiennes, les films qui s’offraient à moi étaient essentiellement des films déjà à l’affiche à Paris comme Cars 2 et Bad Teacher, ou certains qui allaient l’être d’un jour à l’autre, Captain America ou Bridesmaids notamment.

Mais quitte à aller au cinéma en Irlande, pourquoi ne pas se frotter au cinéma local ? L’offre n’est pas énorme, comme me l’a confirmé l’ami irlandais, et comme je l’ai constaté en cherchant en ville une salle programmant un film irlandais. Le choix était vite fait, un choix qui me satisfaisait tout à fait par ailleurs, puisque seul The Guard était visible pour ce qui était du cinéma Irish. C’est au cinéma Savoy sur O’Connell Street, à quelques minutes à pied de la guesthouse où je logeais, que je me suis donc engouffré lors de ma seconde soirée irlandaise. A la séance de 20h un lundi soir, le Savoy était loin d’être plein à craquer. Pas de queue à la caisse pour payer le plein tarif, un peu plus de 8 euros, nettement moins cher qu’un plein tarif de multiplexe parisien qui vaut aujourd’hui allègrement plus de 10 euros.

The Guard étant sorti depuis plusieurs semaines à Dublin, je m’attendais à le voir dans une petite salle face aux mastodontes hollywoodiens qui squattaient les autres écrans du cinéma. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je suis entré dans une salle qui à vue de nez pouvait accueillir facilement 400 spectateurs, au bas mot. Mais plus que la taille de la salle, c’était le rideau cachant l’écran qui impressionnait. Un rideau presque collé aux premiers rangs, immense, qui a fait douter l’adepte du cinquième rang que je suis (un de ces quatre, je vous parlerai de ma théorie du cinquième rang, qui peut se résumer par « c’est le meilleur d’une salle »). Tant et si bien que j’ai préféré m’asseoir au neuvième rang, et ceux qui ont l’habitude d’aller au cinéma avec moi savent comme cela me semble loin. Une fois assis, je pensais même être encore trop près. « Si derrière, l’écran est aussi grand que le rideau qui le cache, je suis encore deux ou trois rangs trop près ». Mais le temps que je réalise cela, c’était trop tard, les rangs derrière commençaient à être occupés, notamment deux rangs plus haut par une rangée de mangeurs de popcorns. Tant pis. Va pour le neuvième rang.

Avant que le gros des spectateurs ne rentre, j’ai pris le temps de prendre une photo de la salle (voir ci-contre). Une fois l’heure de la séance sonnée, le rideau s’est ouvert… et là, panique, chose tout à fait impossible, l’écran semblait encore plus grand que le rideau. « Mais c’est quoi cet écran ?! ». Je me serais cru dans une salle Imax, ce qui n’était pas le cas. Proportionnellement, l’écran était bien trop grand pour la taille de la salle. On aurait pu lui enlever deux bons mètres de hauteur, quatre ou cinq de largeur. Je comprends mieux pourquoi l’ami irlandais me disait qu’il se mettait toujours au fond de la salle au cinéma… si tous les écrans sont proportionnés ainsi à Dublin, c’est un coup à se choper une migraine du tonnerre.

Pendant les bandes-annonces du remake de Millenium par David Fincher (The Girl with the dragon tattoo) et de Tinker Tailor Soldier Spy, j’avais l’impression d’être assis au deuxième rang. Mais non, j’étais bien au neuvième. Je n’ose même pas imaginer l’expérience dans les premiers rangs. Un spectateur dublinois a même failli se la jouer « homme aux sacs plastiques » en s’installant directement au premier rang à droite… ce qui a fait paniquer son pote le rejoignant qui l’a fait reculer de quelques rangées. Heureusement, The Guard n’est pas un film à tituber de la caméra à la Tony Scott. La comédie policière irlandaise est plutôt du genre calme visuellement, ce qui me convenait parfaitement, étant donné la situation.

Brendan Gleeson y campe Boyle, un flic de campagne dans une bourgade aux accents gaëliques du Connemara. Pas très à cheval sur la loi ou les conventions, Boyle va voir le FBI débarquer dans la région pour suivre une enquête sur des trafiquants de drogue. Rustre sur les bords (et pas qu’un peu), Boyle est hermétique à une collaboration avec ce flic américain, mais il n’a pas franchement le choix. D’autant que derrière ses grimaces peu amènes, le bougre pourrait bien être plus intègre et malin que ses collègues.

Une fois lancé dans le film, le plus dur ne fut finalement plus de se faire à l’idée de voir les têtes de Brendan Gleeson et Don Cheadle bien trop grandes sur l’écran géant, mais plutôt de s’accrocher pour que mon oreille française anglophile capte bien toutes les subtilités du rugueux accent irlandais. Et ce n’était pas facile tout du long. Mais malgré quelques bons mots qui me sont bien passés au-dessus de la tête, le charme de la comédie de John Michael McDonagh n’était pas sans rappeler celui du film du frère du cinéaste, Bons baisers de Bruges de Martin McDonagh. Soit un cinéma où la bonne humeur cache en filigrane une mélancolie certaine, une amertume face à l’écrasement de l’intégrité par la corruption, un beau portrait de l’amitié lue entre les lignes (un peu de la même manière que dans The Trip de Michael Winterbottom sur ce plan-là). J’aurai certainement l’occasion de le revoir cet automne lorsqu’il sortira en France sous le titre L’Irlandais.

Et histoire de prolonger par procuration mon voyage en Irlande, je pourrai toujours, dans les jours qui viennent, aller voir Killing Bono dans une salle parisienne. Quelques jours après avoir vu The Guard à Dublin, un cinéma m’a de nouveau tendu les bras à Cork, sur les rives de la rivière traversant la ville. Je n’ai pas été loin d’aller y voir un blockbuster américain. Mais c’était le dernier soir en ville, le dernier soir en Irlande, et j’ai passé mon chemin. Le plaisir de voir un film chez les amis Irish était déjà accompli, de toute façon.

mercredi 10 août 2011

Isabelle Huppert, actrice asiatique de l'année ?

On appellerait difficilement cela une coïncidence. En l’espace de quelques mois, Isabelle Huppert aura tourné avec deux des plus passionnants cinéastes asiatiques de l’époque. La comédienne française, peu avare en rôles, a dit oui au philippin Brillante Mendoza et au coréen Hong Sang Soo, au passage tous deux parmi les plus prolifiques de leur profession, chacun capable de mettre en boîte plus d’un film par an.

Comment pourrait-on penser qu’il s’agit d’une coïncidence alors qu’Huppert s’est escrimé au fil de sa carrière à ne pas se laisser enfermer par les frontières hexagonales, non seulement en tournant en Europe avec Michael Haneke, mais également aux États-Unis, au sein d’un cinéma américain où on l’a aperçue de La Porte du Paradis de Michael Cimino à J’adore Huckabees de David O. Russell. Voici que les asiatiques franchissent le pas eux aussi.

Brillante Mendoza et Hong Sang Soo ne sont pas les premiers du continent à offrir des rôles à un(e) comédien(ne) français(e). Mais lorsque je pense à Jean-Pierre Léaud chez Tsai Ming Liang (Et là-bas quelle heure est-il ?) ou Johnny Hallyday chez Johnnie To (Vengeance), je ne peux m’empêcher de penser que les acteurs frenchies ne réussissent pas spécialement aux réalisateurs d’Extrême-Orient. Cependant Isabelle Huppert est une comédienne trop audacieuse (passant cette année du cannois My little Princess au futur Mon pire cauchemar, un grand écart certain), et les deux cinéastes auprès desquels elle s’est engagée sont trop excitants pour ne pas se prendre à rêver à la perspective de leurs collaborations.

Déjà tourné et intitulé Captured, le Brillante Mendoza avait été murmuré pour Cannes où le film n’a pas été retenu, pas plus qu’à la Mostra de Venise, étonnamment. Peut-être Berlin, sans quoi le philippin ne passerait pas par un des trois grands festivals pour la première fois depuis un bout de temps, ce qui ne l’empêcherait pas d’être un des évènements cinématographiques de 2012 tant le réalisateur de Kinatay et Lola a la cote chez les cinéphiles, à raison.

Si Huppert risque de naviguer dans l’ombre et la noirceur avec Mendoza, le cinéaste la transformant dans Captured en otage de terroristes philippins, l’actrice Chabrolienne devrait connaître plus de légèreté chez Hong Sang Soo. Ce sont les Inrockuptibles qui ont révélé il y a quelques semaines, au détour d’un article lui étant consacré, que la comédienne tournerait cet été en Corée du Sud un film dont elle n’avait pas lu le scénario, sous la direction du réalisateur de Ha Ha Ha. Son appréciation du cinéaste coréen semble avoir suffi à la motiver pour se laisser embarquer dans une petite ville côtière de la province coréenne. Connaissant les habitudes cannoises de Hong Sang Soo, il y a fort à parier que ce film pour le moment sans titre se dévoilera au printemps 2012 sur la Croisette.

Si je peux parfois reprocher à Isabelle Huppert de se laisser trop facilement filmée comme une femme froide, une chose est sûre, la cinéphile qu’elle semble être a bon goût, au moins en matière de cinéma asiatique, pour incorporer les univers fascinants de ces cinéastes. Tant mieux pour Brillante Mendoza, tant mieux pour Hong Sang Soo et je l’espère, tant mieux pour nous.
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