jeudi 29 octobre 2009

L'imaginarium du Docteur Parnassus : Heath Ledger disparaît, Terry Gilliam renaît

Terry Gilliam est de ces cinéastes qui promettent à chaque film un voyage unique. Ces dernières années, la saveur de ses voyages s’est affaiblie. Peut-être l’intéressé s’en est-il rendu compte lui-même pour avoir eu envie de concevoir L’Imaginarium du Docteur Parnassus, son œuvre la plus ambitieuse depuis bien longtemps, dont l’une des saveurs particulières est d’être la dernière apparition à l’écran d’Heath Ledger, décédé pendant le tournage. Une perte ayant certainement poussé Gilliam à se surpasser pour offrir un film cohérent malgré cette absence, et encore plus riche par la force des choses.

A l’évidence, si Ledger n’était pas mort brutalement en plein tournage, le film aurait été bien différent. La disparition du comédien a forcé Gilliam à adapter son scénario et l’emmener dans une autre direction. Mais L’imaginarium du Docteur Parnassus ne commence pas avec Ledger. Il commence avec Christopher Plummer, qui incarne le personnage titre, vieux de plusieurs siècles et allant de ville en ville présenter son Imaginarium avec une petite troupe de fidèles. Le docteur permet aux volontaires de s’aventurer dans son imaginaire en traversant un miroir. Ledger incarne Tony, retrouvé pendu à un pont, qui va aider le vieux docteur à remporter un pari lancé par le Diable, une vieille connaissance du Docteur…

Après le désastre artistique qu’a été Tideland, la méfiance était de mise pour ce nouveau long-métrage de Terry Gilliam. Pourtant cet Imaginarium est sans conteste son meilleur film depuis L’armée des douze singes voilà bientôt quinze ans. Si L’Imaginarium est un film orphelin de son acteur, c’est aussi un film malade. Un film interrompu, remanié, réorienté pour perpétuer le travail de Ledger et ne pas abandonner le film. C’est un film qui ne ressemble certainement pas exactement à ce que Gilliam désirait à l’origine. Parfois un peu bancal, paraissant rafistolé avec trois bouts de ficelles pour faire tenir le récit.

Pourtant L’Imaginarium du Docteur Parnassus est un film fort. Un film souvent passionnant, fascinant. Avant tout parce que Gilliam y insuffle ce qu’il sait faire le mieux : un imaginaire et une mythologie qui donnent du poids au récit. Le film baigne dans un univers magique qui renvoie avec bonheur vers la « fantasy » littéraire. Un héros qui traverse les siècles, un miroir magique, une histoire dans l’histoire, le Destin, le Diable… Gilliam bâtit un récit qui rappelle ses œuvres des années 80 (Les aventures du Baron de Munchausen notamment) et une certaine littérature, dont les auteurs ont pour nom Terry Pratchett, Christopher Priest, et d’autres encore.

Ambitieux, Gilliam tisse une narration dense, dont les réajustements pour palier la mort de Ledger affaiblissent parfois le récit. Mais le cinéaste a trouvé dans cette épreuve matière à enrichir son film. Lorsque Ledger traverse le miroir, voici donc qu’il prend les traits tour à tour de Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell. Ce n’est pas la participation (relativement courte) de ces comédiens qui enrichit le film, mais la possibilité que s’offre ainsi Gilliam d’explorer les faux semblants. L’être et le paraître qui s’insinuent. Il en profite également, en se recentrant plus sur la fin sur le personnage du Docteur Parnassus, sa lutte avec le Diable et son désespoir face aux éternelles épreuves, pour esquisser une métaphore sur sa propre carrière, ses propres épreuves de cinéastes. Les personnages ayant glissé dans son imaginaire ont tous un choix à faire, une route à emprunter : la voie facile, faite de tentation et de familiarité ; et la voie des braves, rocailleuse et semée d’embûches.

Au long de sa carrière, Gilliam, cinéaste maudit, n’a jamais emprunté la voie la plus évidente. Malgré les erreurs de parcours, son chemin a été sans compromis. Même si le Diable guette toujours du coin de l’œil, prêt à entraîner sur un chemin plus alléchant. Gilliam a d’ailleurs eu l’idée grandiose de confier le rôle du Malin à Tom Waits, nonchalant et inquiétant à la fois dans la peau du Prince des Ténèbres.

Et Heath Ledger dans tout ça ? Un an après son inoubliable Joker, confirme-t-il qu’il aurait été un grand, avait-il vécu plus longtemps ? Il fait du mystérieux Tony un personnage insaisissable, à la fois trouble et charismatique, envoûtant la charmante fille du Docteur, et le spectateur au passage. Lorsque le film se termine, au lieu de la mention « Un film de Terry Gilliam », le cinéaste a préféré indiquer « Un film d’Heath Ledger et ses amis ». Une vérité, tant le film sera longtemps associé à sa fin tragique, tout en existant uniquement par l’acharnement d’un cinéaste et de collaborateurs qui ont tout fait pour rendre justice à ce film qui sera à jamais son dernier.

mardi 27 octobre 2009

La malbouffe et le réchauffement climatique attaquent !! C'est une tempête de boulettes géantes !! (et un spectateur s'en fout)

Véritable carton au box-office américain, Cloudy with a chance of meatballs (« Nuageux, avec un risque de boulettes de viande », titre original génialissime) semble parti pour ne pas reproduire ce succès de notre côté de l’atlantique. A l’évidence trop décalée et geek pour attiré le public familial attendu, cette tempête satisfera tout de même les grands enfants majeurs qui le verront (plus que les petits !).

La projection de Tempête de Boulettes Géantes à laquelle j’ai assisté a commencé par un pur moment cinémaniaque. C’était lundi soir dans la petite salle 13 de l’UGC Ciné Cité Les Halles (non, je n’ai pas vu le film en 3D… le voir en VO comptait plus à mes yeux que le gadget numérique), à la séance de 22h30 (oui je sais je vais souvent en semaine à la dernière séance, public adulte et tranquillement cinéphile quasi assuré). J’ai pu assister à l’étrange et savoureux bal d’un cinémaniaque (inconnu au bataillon) dans toute sa splendeur.

Arrivé au début de la séance, pendant les bandes-annonces, le personnage en question s’est installé au premier rang avec tout un barda de sac qu’il étala sur les sièges autour de lui. Puis il se tourna et interpella un spectateur installé au deuxième rang, manifestement afin de lui demander l’heure exacte, oui bien peut-être l’heure à laquelle commencerait le film, puisque chacun des deux tripotait sa montre pendant leur bref échange. Marmonnant un peu tout seul, notre cinémaniaque se leva finalement, laissant ses affaires non sans leur jeter plusieurs coups d’œil avant de sortir de la salle, se dirigeant sans doute aux toilettes.

A peine sorti, la séance se termina, et bientôt c’est le film qui commença. Lorsque le spectateur du premier rang revînt, le film était entamé depuis cinq bonnes minutes, et à peine entré en salle, il sembla tout déboussolé. Il ressortit alors aussitôt sans toucher à ses affaires en marmonnant des « Mais… mais… mais… ». Et rentra de nouveau une minute plus tard, attrapant à toute vitesse ses sacs et sortant enfin définitivement de la salle. S’était-il trompé de salle et donc de film ? Refusa-t-il catégoriquement de voir le film en ayant raté les cinq premières minutes ? Malgré sa cinémaniaquerie évidente, je pencherais plutôt pour la première explication.

Cette mise en bouche ultra geek dans la salle fut une excellente entrée en matière pour Tempête de boulettes géantes, film d’animation bien amusant traitant sous couvert d’un délire coloré de la génération malbouffe et du réchauffement climatique. A sa manière, Tempête de boulettes géantes peut être vu comme un mix en version fiction et animée des documentaires Super Size Me et Une vérité qui dérange. Une combinaison étonnante s’il en est pour un film « pour gamins ».

Il n’empêche que l’histoire de Flint, jeune inventeur rêvant de gloire sur sa petite île vouant un culte à la sardine, vise plus haut qu’un film pour enfants simplement divertissant. Le héros parvient vite à attirer le regard de la population locale, et bientôt du monde, en mettant au point une machine qui transforme l’eau tombant du ciel… en aliments. Le ton a beau être très léger, la satire métaphorique sur la société d’ultra consommation se lit entre les images d’un délire rafraichissant. Et c’est bien plus qu’il en fallait pour s’amuser.

D’autant que le film est également parcouru de personnages savoureusement croqués (le père ne sachant s’exprimer qu’en métaphores de pêche), d’un univers visuel assez fort, et d’une ode à la geekitude sympa. Si l’on rajoute le plaisir (uniquement en VO bien sûr) d’un casting vocal principalement composé de membres du Saturday Night Live, on en ressort pleinement satisfait ! Le cinémaniaque disparu dès les premières minutes aurait dû rester…

lundi 26 octobre 2009

Il était une fois le plaisir de voir la Révolution selon Leone sur grand écran


Ne pas avoir vu certains des grands classiques du cinéma peut paraître lacunier aux yeux de certains pointilleux, mais les lacunes offrent l’instant de bonheur inaltérable qu’est le rattrapage en bonne et due forme. Pour Il était une fois la révolution, millésime 1971 de monsieur Sergio Leone, la bonne et due forme est proposée depuis le 21 octobre avec la reprise magnifiquement restaurée du long-métrage au Max Linder Panorama, une des plus belles salles et un des plus beaux écrans de la capitale.

Des six grands films de Sergio Leone (la trilogie de l’homme sans nom et la trilogie des « Il était une fois… »), Il était une fois la révolution est probablement le moins connu et apprécié à sa juste valeur aujourd’hui. Peut-être parce qu’il se situe dans un genre moins définissable que les autres, peut-être parce qu’à son casting ne figure ni Clint Eastwood, ni Henry Fonda, ni Robert De Niro, bien qu’en 1971 Rod Steiger était sans conteste une star, auréolé de son récent Oscar pour Dans la chaleur de la nuit.

Il serait pourtant temps que l’on admire l’avant-dernier film de Leone. L’action s’y déroule au Mexique en 1913. Si la révolution bat son plein dans le pays depuis quelques années, elle est loin des soucis de Juan Miranda, brigand rêvant de dévaliser la banque de Mesa Verde avec ses fils. Lorsque le destin met sur sa route un terroriste irlandais spécialiste des explosifs, il voit là le parfait complice pour enfin assouvir son vieux rêve. Mais au lieu de se trouver sur la piste de l’or, Miranda va malgré lui se trouver embarqué sur les chemins de la Révolution.

Il serait bien aisé de définir Il était une fois la Révolution comme un autre western spaghetti de Leone. On en trouve en effet très vite les ingrédients qui font notre régal. Le décor crasseux, ensoleillé et sableux ; la soif de l’or qui agite les personnages ; l’absence de morale qui caractérise ces derniers ; la musique de Morricone, emblématique et entêtante (shom, shom, shooooom). Pourtant Il était une fois la Révolution n’est pas un autre western spaghetti de Leone.

Le cinéaste italien, sans plonger son film dans l’épopée historique, ne se contente pas de laisser le contexte en arrière-plan. Mieux. En traitant de la Révolution Mexicaine des années 10, Leone trouve un sujet aux échos de son époque. La révolte du peuple face à la bourgeoisie était parfaitement d’actualité en ce début des années 70, ce soulèvement des masses face aux autorités trouvant un véritable écho à l’agitation mondiale de la fin des années 60. En faisant également de l’un de ses deux héros un révolutionnaire irlandais, Leone liait les révoltes des peuples de tous les pays, et pointait du doigt les conflits et ses dérives atroces de toutes nationalités.
Plus qu’aucun autre film de Leone, Il était une fois la Révolution est empreint d’un véritable discours politique et sociétal.

Ce qui fait le sel du film, c’est aussi le duo improbable formé par ce mexicain égocentrique et cet irlandais exilé, qui rappelle d’autres personnages de l’œuvre de Leone, notamment le duo Charles Bronson / Jason Robards dans Il était une fois dans l’Ouest et celui de Clint Eastwood / Eli Wallach dans Le bon, la brute et le truand. Leone aime à associer un mystérieux charismatique avec un bandit débraillé, amoral et bonhomme. Il pousse dans Il était une fois la révolution l’association plus loin que d’habitude, approfondissant la relation entre les deux hommes aux caractères opposés. Juan et John deviennent amis par la force des choses, en pointillé, dans le non-dit. Transformant presque le film en buddy movie inattendu, dense, épique, poignant.

Si l’on admire Leone, c’est pour l’ambition de son sujet. Si l’on aime son film, c’est parce qu’il affectionne plus que jamais ses personnages, les propulsant héros de la Révolution sans jamais les glorifier, dessinant avec force et simplicité leur humanité. Rod Steiger et James Coburn y sont magnifiques. Quel régal qu’un tel film sur grand écran…

jeudi 22 octobre 2009

The Descent 2 : rallumez c'est trop drôle !

The Descent de Neil Marshall fut l’un des films d’horreur les plus flippants de ces dernières années, portant haut l’étendard du genre en Europe au même titre que [REC] ou Martyrs. Cependant Hollywood et l’avidité de ses producteurs ont beau se trouver à des milliers de kilomètres, le vieux continent sait lui aussi se montrer gourmand et commander des suites inutiles pour le simple apport financier qu’elles représentent. The Descent 2, ou la poilade improbable.

S’il est évident qu’on ne peut pas réaliser La communauté de l’anneau sans le faire suivre par Les deux tours, les cas où une suite est nécessaire, ou du moins se révèle satisfaisante, sont rares. Encore plus lorsque le réalisateur est changé et que la dite suite sent l’exploitation d’un filon à plein nez. L’exception à ce constat pourrait être 28 semaines plus tard de Juan Carlos Fresnadillo, qui se permet même (à mes humbles yeux) de dépasser l’original de Danny Boyle en intensité.

C’est peut-être à cause de la réussite de cette suite remarquable de 28 jours plus tard que je me suis laissé tenter par l’audace de cette suite pas du tout attendue de The Descent. Après tout le film de Neil Marshall se suffisait totalement à lui-même, sombre, claustrophobe, surprenant, sanglant, et très, très angoissant, avec une fin pessimiste et réjouissante. Pourquoi donc aller plus loin ?

Bon admettons. Admettons que les scénaristes aient trouvé une excellente idée qui prolonge l’horreur et nous plonge plus loin dans le frémissement. Pourquoi pas. La lumière s’éteint, le film démarre. Alors, où nous emmène-t-on ? Rappelons que dans The Descent, une bande de copines allaient faire un petit week-end spéléo dans les Monts Appalaches qui tournait au cauchemar lorsque les aventurières d’un week-end tombaient sur des êtres humanoïdes cannibales particulièrement laids et voraces dans les profondeurs des grottes. Et qu’à la fin du film, aucune d’elles ne trouvaient la sortie, que deux d’entre elles étaient encore vivantes mais à l’évidence condamnées à ne pas le rester longtemps.

La lumière s’éteint donc pour faire place à The Descent Part 2, à la séance de 22h au George V sur les Champs (dernière séance en semaine, le seul moment où les grands cinés de l’avenue sont fréquentables car presque vides, sinon c’est ados en folie et pop corn à volonté…). Accompagné de deux amis amateurs de films d’horreur, le frisson est attendu. Pourtant ça sent tout de suite le coup fourré. Le lancement du film ? L’une des deux filles encore vivantes du premier est sortie toute seule comme une grande du labyrinthe plein de monstres et est emmenée à l’hôpital. Où le shérif local constate que la fille, recouverte d’un sang qui pourrait être celui de la fille du sénateur qui l’accompagnait dans l’expédition, ne se souvient de rien.

Aux États-Unis c’est comme en France, les enfants d’élus haut placés ont des avantages, et là-bas c’est celui d’avoir la police locale qui pousse à fond les recherches pour retrouver la progéniture disparue. Le shérif local, ni une ni deux, éjecte donc l’amnésique de son lit et la trimballe, avec son adjointe et trois spéléologues professionnels, dans les grottes infernales auxquelles elle venait de réchapper.

Bon à ce point-là déjà le film sent le foutage de gueule. La ficelle scénaristique du « J’ai tout oublié » est utilisé trop facilement, d’autant qu’ils ont beau emmener la fille dans la forêt, puis devant un gouffre qui les descendra au fond, puis enfin dans les caves étroites proprement dites, la survivante met bien du temps à réagir, reprendre ses esprits, et se dire « Eh mais attendez les mecs, je suis déjà venu dans le coin, et y a des cousins visqueux et incestueux de Voldemort qui ont bouffé les tripes de mes copines et je m’en suis sortie miraculeusement !!!! AU SECOURS !!!!! LAISSEZ-MOI SORTIR DE LA BANDE D’ABRUTIS !!!!!!! » (et ça elle le dit même pas, mais je suis sûr qu’elle le pense très fort quand même).

En fait à partir de là, le film n’est qu’un remake de The Descent. L’exploration de la cave, les drôles de bruit, la surprise effrayante (Aaaaaah, c’est quoi cette horreur !!!???), le schéma est calqué sur le premier film sans grande surprise. Et une fois que la cavalcade commence, The Descent 2 n’est plus qu’un enchaînement de séquences plus prévisibles les unes que les autres. Au point de pouvoir faire le décompte (5… 4… 3… 2… 1… maintenant !!) du moment où la vilaine créature va apparaître ou attaquer.

Au moins la prévisibilité est telle que les rires fusent, et ceux-ci, contrairement au premier, ne sont pas des rires évacuant l’angoisse. Seulement des rires de dépit devant une suite qui se confirme inutile.
A Noël sortira [REC] 2, qui contrairement à The Descent 2 a été concocté par les mêmes réalisateurs que le premier opus. Un bon signe ? Réponse dans deux mois.

lundi 19 octobre 2009

Y a-t-il quelqu’un dans la salle qui veut me gâcher le film ? On dirait bien…

Une projection idéale se déroule comme suit : arrivée à l’heure pour voir les bandes-annonces, être dans une salle tranquille et calme, et (accessoirement mais c’est quand même mieux) voir un bon film. Je ne dirais pas que la projection de Mademoiselle Chambon a pris le contrepied de cette version idéalisée d’une séance de cinéma, mais cela a bien failli. Récit d’une sortie ciné où la catastrophe a été frôlé.

Arriver en retard à la séance n’est pas exceptionnel, ni honteux, rater de la pub et des bandes-annonces étant tout à fait excusable (même si voir les bandes-annonces sur grand écran est un plaisir constant). Ce qui en revanche est exceptionnel et, à défaut d’être honteux, vache et énervant, c’est qu’un cinéma ne respecte pas les délais de lancement de la projection d’un film. Depuis près de quinze ans que je fréquente l’UGC Ciné Les Halles, jamais, jamais je n’ai vu un film démarré moins de 15 minutes après le début de la séance.

Eh bien samedi après-midi, il semble que le projectionniste ait eu peu de bandes-annonces et publicités à montrer aux spectateurs, puisqu’au moment où je mettais les pieds dans la grande salle 6, précisément huit minutes après le début de la séance (j’ai regardé, devant la surprise de ce qui se passait), la salle s’éteignait, le logo UGC passait, et le film s’apprêtait à commencer. Se farcir moins de publicités avant un film, c’est toujours appréciable, mais lorsque la salle ne compense pas par quelques bandes-annonces pour commencer le film à l’heure attendue, cela met quelques spectateurs, dont moi, dans l’indélicatesse d’être en retard tout en étant à l’heure (pour le film).

Résultat, le logo du distributeur du film s’affichait juste, précédent le début du film, lorsque je repérai mon ami Michael installé au cinquième rang me gardant une place. Je fus obligé de passer devant une femme passablement énervée de me voir aller chercher cette place plutôt que de me poser dans un coin où je ne dérangerais personne, soupirant et grognant à mon passage. « Le film est même pas commencé connasse » m’a traversé l’esprit, mais bon moi aussi je suis parfois maniaque en salle, alors bon, je gardai la réplique pour moi. D’autant que j’allais sans le savoir m’asseoir à deux places d’une connasse de compétition qui fait passer la simple râleuse pour un ange.

Installé, je me trouvais avec à ma droite un homme, quinqua bien tassé, et sa femme à côté de lui. A les voir, on aurait pu les prendre pour des cinéphiles sages. Alors qu’en fait derrière cette façade bien policée se cachaient des emmerdeurs n’ayant rien à envier à des ados de 15 ans ou à un grand sceau de pop-corn consommé bruyamment. J’exagère à peine. Surtout elle. Comment ? Madame s’est montrée aussi pipelette que Matt Damon dans The Informant. Inlassablement, continuellement, il lui fallait commenter le film. Et lorsque je dis commenter le film, il ne s’agit pas de se pencher discrètement à l’oreille de son compagnon pour lui murmurer ce qu’elle pensait discrètement.

Non, madame opérait comme si elle était dans son salon et qu’il n’y avait pas 200 personnes avec elle dans la salle. Une plaque d’immatriculation 13 apparait à l’écran ? « Oh, ça se passe du côté de Marseille ! ». Le vent souffle dans les cheveux de Vincent Lindon ? « Tiens, le Mistral !! ».

OOOOOOOOH !!!!! C’est pas vrai ça !? Ceux qui ont vu Mademoiselle Chambon devineront à quel point un tel comportement agace facilement pour un tel film, délicat, économe de mots, instaurant une atmosphère, filmant les gestes, les regards, avec justesse et précision. Le genre de film par-dessus lequel les commentaires de la voisine de salle donnent des envies de meurtre…

Mais madame était imperturbable dans sa projection privée du film. Mes « Oooooh ! », « Tsssssss ! » et « Chhhhhhhhh ! » et regards noirs n’y ont rien changé, sinon quelques minutes de répit avant qu’elle ne reprenne comme si de rien n’était. Le comble fut lorsque le film se termina, qu’elle se leva et passa devant moi pour sortir. Je déplaçai légèrement mes jambes pour la laisser enfin partir (bon débarras !), quand elle me regarda avec un grand sourire et me dit « Merci ». Là, je lui aurais décroché la tête sans le moindre remord. Je me dis que parfois, je suis trop civilisé…

Ce ne fut ni la première, ni la dernière des spectatrices à tenter de me gâcher un film. J’espère tout de même que la prochaine, ou bien sûr le prochain, n’arrivera pas de sitôt… ou alors devant une futilité sans intérêt autre que le divertissement.

dimanche 18 octobre 2009

Mais t'étais passé où, Sam Neill ?!


Les grandes stars hollywoodiennes sont rarement les acteurs (trices) les plus fascinants sur grand écran. Je leur ai presque toujours préféré les seconds couteaux, ou ces acteurs qui accèdent au statut de tête d’affiche tout en restant des « character actors », des gueules de cinéma aux capacités souvent caméléonesques. Sam Neill a définitivement fait partie de cette deuxième catégorie, avant de se faire désirer pendant un bout de temps. 2010 pourrait lui offrir son rôle le plus intéressant depuis bien longtemps, et nous amener à poser cette question qui me titille aujourd’hui : « Mais t’étais passé où Sam Neill ?!! ».

Lorsque je pense à Sam Neill, le premier film qui me vient à l’esprit est Jurassic Park. Ce n’est pas bien original, puisqu’il s’agit à l’évidence du plus grand succès au box-office de sa carrière. C’est probablement aussi le premier film que j’ai vu au cinéma avec lui, en 1993, au cinéma Jacques Tati de Tremblay-en-France si vous voulez tout savoir. Une belle claque hollywoodienne pour le gamin de 12 ans que j’étais, qui découvrait du même coup la présence rassurante et paternelle (malgré lui) de Neill dans le rôle du paléontologue Alan Grant, rôle qu’il reprendra huit ans plus tard dans le troisième volet réalisé par Joe Johnston.

Je dis qu’il s’agit « probablement » du premier film que j’ai vu avec lui, parce que malgré ma mémoire infaillible pour tout ce qui touche au cinéma, je n’arrive décidément pas à me rappeler si j’ai vu La leçon de piano de Jane Campion au cinéma, sorti quelques mois avant le Spielberg. Je me dis qu’à 11 ans, j’étais sûrement un peu jeune pour voir le magnifique film de Campion sur grand écran, dans lequel Neill campait l’époux violent de Holly Hunter, dans la rude Nouvelle-Zélande du 19ème siècle. Mais cela ne m’étonnerait pas non plus franchement que ma mère - peu pointilleuse sur ce qui pouvait choquer ses enfants au cinéma du moment que le film avait un bon pédigrée et était susceptible d’en faire de bons cinéphiles (merci maman !) - m’ait emmené voir le film de Campion au cinéma art & essai du coin à l’époque.

Du fait de l’avoir vu chez Spielberg, le grand public le prend certainement pour un acteur américain, mais Sam Neill est un produit métissé entre l’Irlande qui l’a vu naître et la Nouvelle-Zélande de son père où il a finalement grandi. Si sa filmo remonte au années 70, c’est essentiellement dans les années 80 qu’on le remarque en Europe, grâce à des rôles chez Zulawski (Possession), Chabrol (Le sang des autres) et Robert Enrico (La révolution française).

Ce qu’il y a de passionnant chez Sam Neill, c’est que son physique lui ouvre une énorme variété de rôle. A première vu assez passe-partout, il excelle dans les rôles de bon gars faciles à apprécier (Calme Blanc, L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux). Mais en se penchant un peu plus près, on remarque un homme pouvant se montrer froid, inquiétant, voire carrément flippant (L’antre de la folie, Event Horizon).
Ils sont rares ces acteurs capables d’un film à l’autre de naviguer entre le bien et le mal avec une aise égale, et une crédibilité sans faille. C’est ce que j’ai toujours aimé chez Sam Neill, cette confiance absolue que l’on peut avoir en lui pour se glisser d’un côté ou de l’autre de la moralité sans douter un seul instant de la justesse de sa performance.

Après une décennie 90’s solide qui l’a vu également épauler Sean Connery dans A la poursuite d’Octobre Rouge ou apparaître chez Wenders dans Jusqu’au bout du monde, Neill s’est montré plus discret dans les années 2000, tournant souvent en Nouvelle-Zélande ou en Australie, apparaissant occasionnellement dans des productions européennes (Wimbledon ou Angel de François Ozon pour ce que j’ai vu), mais ne trouvant pas de rôle à sa mesure sur la scène internationale.

Après l’avoir longtemps attendu dans un rôle à la hauteur de sa dualité, le voici bientôt à l’affiche d’une œuvre qui promet d’être un des films de genre les plus attendus de 2010, Daybreakers. Un film de vampires par les frères Spierig, deux jeunes australiens à qui l’on doit l’enthousiasmant Undead, invasion extraterrestre zombie sortie il y a 5 ans. Dans le futuriste Daybreakers, les congénères de Dracula ont pris le contrôle du monde et asservi ce qu’il reste d’humanité pour s’en servir de bétail. Sam Neill y incarne le leader des vampires, un rôle à n’en pas douter bien sombre qui devrait lui aller à ravir.
Peu importe où était passé Sam Neill, du moment qu’il nous revient dans de tels rôles.

samedi 17 octobre 2009

Funny People, la grandeur à une ou deux bobines près...

En une poignée d’années, Judd Apatow s’est imposé comme le parrain de la comédie US. Producteur, scénariste ou réalisateur, l’association de son nom à un film est un gage de qualité quasi systématique. Petit bide aux États-Unis cet été (50 millions de dollars de recettes quand ses précédents films ont tous deux passés la barre des 100), sa troisième réalisation, Funny People, débarque en tout discrétion dans les salles françaises. Son œuvre la plus ambitieuse, la plus réussie, et pourtant la plus ratée.

Pour la première fois, Apatow convoque devant sa caméra son vieux pote Adam Sandler, star du box-office américain, ami de près de 20 ans du cinéaste, idéalement placé pour incarner l’un des deux protagonistes de Funny People. Il incarne George Simmons, vedette comique passé du stand up de ses débuts à une carrière de star de cinéma dans des comédies bas du plafond qui apprend qu’il est atteint d’une maladie grave. Assez égocentrique de nature, George croise un soir dans une salle de stand up un jeune comique hésitant, Ira. Ce dernier se rêve roi des planches de l’humour, mais squatte le canapé d’un pote tournant dans une série débile et vit d’un petit job dans un supermarché.
George, dans sa mauvaise passe, propose de manière impromptue à Ira de devenir son assistant. Celui-ci lui écrira des blagues, mais va surtout devenir un confident inattendu pour la star en fin de vie.

Si ce résumé couvrait les presque 2h30 que dure Funny People, ce serait alors le résumé du meilleur film de Judd Apatow à ce jour. Car dans cette partie du film, le réalisateur signe une œuvre drôle et tendre sur le milieu du stand up américain. Un milieu fascinant, approfondi par une double perspective : celle de Ira, débutant plein de rêves galérant et voyant arriver un coup de pouce du destin en la personne de George ; et celle de George, star fatiguée, malade, qui retourne vers ses racines de stand up pour couper le cordon hollywoodien en ces temps difficiles (Sandler, qui a connu le même parcours que George, apporte au personnage son allure de clown triste avec force crédibilité).

Le regard que porte Apatow sur cet univers sent le vécu à plein nez. On devine qu’en chacun des personnages, Ira, George, mais aussi les seconds rôles savoureux qui leur tournent autour (les deux potes comiques de Ira, un irrésistible duo Jonah Hill / Jason Schwartzman), ou les nombreuses apparitions savoureuses, se cache un aspect de Judd Apatow, de sa personnalité, de son passé d’aspirant comédien, d’aspirant auteur. C’est un milieu dépeint avec amour et nostalgie, bienveillance et amertume. L’auteur s’y sent comme chez lui, et cela se ressent totalement. C’est juste, féroce, drôle. A un certain moment, je sentais que j’avais sous mes yeux un des tous meilleurs films de l’année, à n’en pas douter.

Mais le film ne s’arrête malheureusement pas à ce cadre. Si dans toute cette première partie, Apatow aborde également avec talent la crise de la quarantaine, la remise en question, le face-à-face générationnel, les affres de la célébrité, il fait tout à coup basculer son histoire dans un deuxième film, en faisant intervenir le personnage de l’ex fiancée de George. Celui-ci n’a jamais réussi à l’oublier, et il va chercher à la reconquérir alors que celle-ci est en couple et mère de famille. Et là, Apatow s’égare. A-t-il voulu offrir à tout prix un rôle consistant à sa femme Leslie Mann ? A-t-il absolument tenu à apporter un tournant romantique au film ? Toujours est-il que cette couche inattendue plaquée à Funny People est superflu. Le film perd de sa dynamique, de son piquant, de ses dialogues relevés et irrésistibles, pour offrir une quarantaine de minutes inutiles, un deuxième film dans le film où Seth Rogen, meilleur que jamais, se fait plus rare, et où seul l’apport du personnage du nouveau mari de l’ex apporte quelque chose, grâce à la performance jubilatoire d’Eric Bana.

Apatow passe à côté de son chef-d’œuvre, pour une maudite histoire de femme. A-t-il eu peur que toutes ces blagues en dessous de la ceinture utilisant à foison les termes « bite », « couilles » et « nibards » passent mal auprès du public féminin ? Est-il trop gourmand à vouloir densifier le récit de son film quand cela n’était point nécessaire ? C’est un beau regret, car pendant 1h30, Funny People était un film remarquable, hilarant et émouvant, qui heureusement retombe bien sur ses pieds pour le dernier acte. Trop tard pour ne pas regretter le grand film qu’il a failli être.

jeudi 15 octobre 2009

Moment nostalgie avec Stand By Me

Aussi cinéphile que l’on soit, il y a toujours des films que l’on n’a jamais vus, à notre plus grand regret. Certains sont des classiques ultimes (si vous saviez tous ceux qui manquent à ma culture…), d’autres des lacunes qui le sont plus d’un point de vue personnel. Stand By Me fait partie de cette seconde catégorie, tant le film de Rob Reiner avait le potentiel d’être un film cher à mon enfance. Il ne le fût pourtant jamais, et il aura fallu attendre mes 27 ans pour que je le découvre enfin.

Le Grand Action a profité de la ressortie en copie neuve de My Own Private Idaho pour programmer un petit cycle River Phoenix, dont faisait partie Stand By Me. La copie était loin d’être neuve, parfois grésillant, avalant quelques bribes de dialogues, surtout sur la première bobine, mais j’ai déjà vu bien pire. Pas de quoi gâcher le plaisir de cette découverte tardive !

Stand by me, pour ceux qui ont toujours le train de retard que je viens de rattraper, est une chronique adolescente datant de 1986. Rob Reiner, trois ans avant le carton planétaire de Quand Harry rencontre Sally, portait là à l’écran une nouvelle de Stephen King. Le film dépeint les derniers jours de l’été 1959 pour un groupe de garçons de 13, 14 ans, amis inséparables. L’un d’entre eux a appris par hasard où se trouvait le corps d’un adolescent porté disparu, et la bande d’amis part à pied, longeant la voie ferrée jusqu’au lieu supposé où reposerait le cadavre. Une aventure de deux jours dans le dos de leurs parents.

Si je l’avais vu à la même époque que Princess Bride (du même Rob Reiner) ou Les Goonies, nul doute que Stand by me aurait été, comme les œuvres citées, un film culte de mon enfance. Cette apologie de l’amitié enfantine touche à un sentiment universel, celui du rapport de chacun à sa jeunesse et à ces amitiés envolées. Heureuse ou malheureuse, l’enfance est la période de la vie la plus propice à ces instants de joie insouciante, lorsque même les plus grandes difficultés peuvent être oubliées le temps d’une aventure entre amis. Cette bande, je l’ai connue, j’en ai fait partie, quelques années, quelques instants, dont il ne reste aujourd’hui que quelques miettes, mais dont le souvenir est présent et éternel. Je me suis reconnu dans ces garçons inséparables.

Cette tranche de vie de l’Amérique des années 50 n’est pas un simple conte idéalisant l’enfance et la décennie, mais un portrait de ce délicat moment où l’on sort de l’enfance. Où l’on perd peu à peu son innocence. Où les aspects douloureux de la vie font leur apparition. C’est cet éphémère instant de nos vies à tous, au cours duquel il est possible de détourner les yeux de la réalité le temps d’une escapade où l’imagination et l’amusement priment sur tout.

Si le sujet est universel, le cadre 50’s de Stand By Me est un régal, baignant dans l’atmosphère musicale de l’époque entre Jerry Lee Lewis et l’inévitable tube de Ben E. King donnant son titre au film. Devant la caméra, de nombreuses têtes connues défilent dans leur jeunesse, Kiefer Sutherland, John Cusack ou Jerry O’Connell, mais déjà, du haut de ses 15 ans, River Phoenix volait la vedette à ses camarades. Pour quelques années encore…

mardi 13 octobre 2009

The Box : appuierez-vous sur le bouton imaginé par Richard Kelly ?

Voir The Box un mois avant sa sortie en salles (américaines et françaises) est un privilège ayant fait suer d’impatience une poignée de cinéphiles lundi soir à l’UGC Ciné Cité Les Halles. D’autant que son réalisateur prodige Richard Kelly était là pour lancer le film. Et quel film… Quiconque a déjà vu au moins l’un des deux précédents travaux de Kelly, Donnie Darko et Southland Tales, sait que le cinéaste promet toujours un voyage dans l’étrange. The Box ne déroge pas à la règle.

Les films comme The Box sont ceux dont on aime débattre pendant des heures avec ceux l’ayant vu, en sortant de la salle, mais qu’il est bien difficile de retranscrire pour des yeux vierges du film. Les risques de spoiler sont grands et c’est bien pour ma part la dernière chose que je souhaite accomplir, déflorer cette boîte. Je me restreindrai donc au maximum pour ce qui est des éclaircissements scénaristiques, et resterai en marge.

La projection de lundi soir aux Halles était sans doute une des premières projections publiques du film, tous pays confondus, comme semblait le laisser deviner la nervosité de Kelly lorsqu’il a présenté son film en début de séance. L’angoisse d’un jeune cinéaste ayant enchaîné deux bides (bien que cultes) se dessinait dans son discours lorsqu’il nous annonçait souhaiter que l’on apprécie son film car selon ses propres paroles, « I could really use a hit ». Lorsque la lumière s’est éteinte pour laisser place au film, Kelly semblait peu enclin à vouloir quitter la salle - comme semblaient l’avoir prévu les organisateurs. Le cinéaste aurait vraisemblablement aimé rester avec le public pour percevoir sa réaction, et sembla donc errer discrètement dans les hauteurs de la salle pendant quelques minutes au moins (plus ?).

Richard Kelly a beau avoir besoin d’un succès au box-office, j’ai peur de ne pas trop m’avancer en devinant que ce n’est pas avec The Box que le cinéaste américain cartonnera au box-office. Certes le pitch pourrait le laisser croire : En Virginie, en 1976, les Lewis, un couple respirant bon l’Amérique avec une belle maison, un coupé sportif sexy et un enfant, se voient offrir un paquet par un mystérieux personnage : un vieil homme à qui il manque une partie du visage leur fait don d’un « bloc contact ». Une boîte, ornementée d’un bouton. S’ils décident d’appuyer sur ce bouton, une personne qui leur est inconnue, quelque part, mourra. Mais peu après, une valise contenant un million de dollars en liquide leur sera livrée.

Le film choisit à ce moment-là une direction audacieuse. En fait non. Cette direction audacieuse, le film la prend dès les premiers plans. Le film ne choisit en fait jamais de dévier de cette direction pour tomber dans les travers modernes du film hollywoodien. Cette direction, c’est une atmosphère. Un style cinématographique apposé au film, choisi consciencieusement par Richard Kelly. Celui du thriller américain des années 70.

Non seulement Richard Kelly choisit de situer son film dans cette décennie, mais il choisit de réaliser son film comme si nous étions en 1976. Imaginez ce pitch, adapté d’une œuvre de l’auteur Richard Matheson (déjà adaptée pour un épisode de « La quatrième dimension ») tournée dans le style d’un Brian De Palma, fer de lance du thriller angoissant dans le paysage américain des années 70. Cette photographie, léchée et étrange. Cette musique, posée et inquiétante (composée par Arcade Fire). Et ajoutez-y le sel du cinéma de Richard Kelly. Ses obsessions. Sa volonté de dépeindre l’American Way of Life et de le contorsionner, le faire souffrir.

Le choix du cinéaste de confier les rôles principaux à Cameron Diaz et James Marsden m’avait surpris, voire déçu, lorsque Kelly avait annoncé le tournage de son film. Deux archétypes de l’imaginaire hollywoodien rarement convaincants. Le film justifie pourtant ce choix. Kelly a choisi son Ken et sa Barbie, cette incarnation parfaite du couple américain, pour les plonger dans le test ultime, celui qui le fascine de film en film. Une course éthique, une interrogation sur la morale, sur ce qui fait la nature humaine (au-delà du choix parfait pour ce que leur physique représente, Marsden s’avère étonnamment bon dans le rôle de l’époux… Diaz en revanche continue à me laisser de marbre).

The Box est un film posé, qui comme ses références 70’s, préfère faire monter la tension, calmement mais sûrement, plutôt que de chercher les effets du film à rebondissements parsemé d’action. Le film se nourrit d’une tension sourde, un malaise palpable, parfaitement incarné par Frank Langella, ce Monsieur Steward qui offre au couple modèle la possibilité d’appuyer sur le bouton. La question de savoir s’ils appuieront ou non sur le bouton n’est pas un mystère, on le sait, on le sens tout de suite, et d’ailleurs, la réponse vient vite. Le cœur du film est ce qui vient après. La conséquence de nos actes. La place de chacune de nos actions dans l’ordre du monde.

Par certains aspects, il sera possible de trouver The Box réac, et surtout misogyne, offrant à la gente féminine cette millénaire image de « celle par qui le péché est commis ». Mais c’est sa portée biblique, au cœur de l’obsession de Kelly, qui pousse le film dans cette voie-là. La religion m’intéresse peu en soi, je suis profondément athée, mais les questions morales que soulève la foi donnent lieu à des enjeux dramatiques des plus forts. Et permettent, par la métaphore ésotérique de la croyance, d’observer avec distance mais profondeur, et lucidité, les questions les plus terre-à-terre qui soient.

The Box n’est assurément pas un film trépidant par l’action. Mais la force de son propos rappelle à quel point il est plus trépidant, et passionnant, de goûter à un film qui ne fera peut-être pas de vagues au box-office, et n’est pas parfait de par son caractère très personnel, mais nous stimule intellectuellement.
Non monsieur Kelly, vous ne tenez sûrement pas avec The Box le film qui fera de vous une star du box-office. Mais en vous obstinant à ne pas sacrifier votre talent sur l’autel du succès, en persistant à explorer un cinéma adulte, tout en vous appuyant sur le film de genre (à la force hautement évocatrice), vous faites assurément grandir votre nom dans l’esprit, et le cœur, de nombreux cinéphiles. Et cela vaut tous les millions de dollars du monde.

vendredi 9 octobre 2009

500 jours ensemble : quand le buzz fait pschhhh...

L’audace ne paie pas toujours au cinéma. Un film peut sembler regorger d’idées pour créer un moment unique et totalement novateur, le résultat s’avère parfois loin des espérances. Que ce soit sur le papier ou par bribes au gré du film, 500 jours ensemble a tout d’une œuvre inédite, fascinante et jubilatoire. L’alchimie ne naît pourtant jamais.

Il y a toutefois, sincèrement, beaucoup de choses qui me plaisent dans cette fausse comédie romantique. Des éléments scénaristiques, des tentatives visuelles, des personnages qui dans une autre dimension cinématographique auraient concocté un film qui m’aurait frappé en plein cœur. Le parcours sentimental de Tom, fin de la vingtaine, qui écrit des textes de cartes de vœux mais se rêve architecte, Tom dont l’amour pour Summer nous est conté, un amour à sens unique qui, on nous le dit dans le titre, ne durera que 500 jours. Tom qui est à n’en pas douter un portrait assez réaliste de cette génération. Ma génération.

Marc Webb, le réalisateur, sait que l’histoire d’un garçon qui tombe amoureux d’une fille qui ne tombe pas amoureuse du garçon est une histoire déjà racontée des centaines de fois. D’où ce désir qui saute aux yeux de filmer cette histoire de façon différente. De prendre le genre à contre-pied, et les attentes du spectateur du même coup. Ce qui est un désir louable.

Le problème, c’est que Marc Webb s’y prend mal. Sa structure temporelle totalement désossée de sa chronologie s’ajuste mal au sujet. Son narrateur intervient trop maladroitement (et se contente malheureusement 80% du temps de raconter les sentiments du personnage). Les effets de style se succèdent trop, de la scène musicale aux split-screens, sans cohérence narrative entre chaque séquence sinon un impromptu désir de dynamiter les attentes (dit comme ça, cela peut sembler positif, mais sur l’écran, cela manque de fluidité). La musique envahit trop l’espace sonore du film, comme cachant la timidité du cinéaste à s’exprimer par les mots (le syndrome Elizabethtown de Cameron Crowe…).

Entendons-nous bien. 500 jours ensemble n’est pas un « mauvais film », pas à mes yeux du moins. Son audace séduit malgré les maladresses. Mais il s’apparente à un vaste chantier qui a bien du mal à s’assembler. Webb veut trop bien faire, trop se démarquer, tant et si bien qu’il en oublie que parfois, la simplicité touche autant que l’originalité.

500 jours ensemble semble en fait être l’ombre d’un grand film qui traite presque du même sujet avec les mêmes désirs de chambouler les habitudes visuelles et narratives du genre : Eternal sunshine of the spotless mind de Michel Gondry, qui réussissait exactement là où 500 jours ensemble échoue : conter avec folie, joie et amertume une histoire d’amour vue par un personnage masculin qui court dans tous les sens après une fille, après un passé révolu, après un avenir qui ne sera pas. Le film de Marc Webb est le petit frère plaisant mais malade de l’œuvre grandiose de Gondry qui, lui, avait trouvé le langage visuel parfait pour retranscrire les désirs fous du scénario.

jeudi 8 octobre 2009

Pique-nique à Hanging Rock, ou la chance de découvrir des classiques sur grand écran

Malgré la frénésie incessante des nouveautés sortant en salles chaque mercredi, il est bon parfois de se faufiler dans un cinéma pour voir (ou revoir) un classique (en copie restaurée c’est encore mieux !). Les cinéphiles parisiens oublient parfois un peu vite le vivier de films plus ou moins anciens qui est à notre disposition dans la capitale. Malgré l’inévitable gourmandise de films récents, parfaire sa cinéphilie par le passé est un régal.

J’intercale donc (plus ou moins) régulièrement ces séances de rattrapage de films que je n’ai jamais vus. Le dernier en date était le remarquable A bout de course de Sidney Lumet, et mardi soir, j’ai jeté mon dévolu sur Pique-nique à Hanging Rock, l’un des premiers films du cinéaste australien Peter Weir. Ce dernier, qui depuis 25 ans réalise des films américains, a eu une belle carrière avant son exil hollywoodien pour Witness au milieu des années 80. Pique-nique à Hanging Rock est son deuxième long-métrage, réalisé en 1975 après Les voitures qui ont mangé Paris l’année précédente. La dernière vague, Gallipoli et L’année de tous les dangers finiront de l’assoir comme un cinéaste australien majeur.

Pique-nique à Hanging Rock est ressorti cet été en France en copie restaurée. A l’affiche du Grand Action dans le Quartier Latin depuis près de deux mois, mardi soir était la projection de la dernière chance. Si la filmographie américaine de Weir, de Witness à Master & Commander, n’a aucun secret pour moi, mes lacunes sont énormes sur sa période australienne, n’ayant vu que L’année de tous les dangers avant ce Pique-nique.

Pique-nique à Hanging Rock a pour cadre un collège pour fille huppé dans l’Australie campagnarde de 1900. Nous sommes à la Saint-Valentin, et une sortie au fameux Hanging Rock, une montagne de la région, est organisée pour les élèves. Au cours de cet après-midi qui s’annonçait idyllique, trois jeunes filles et un professeur disparaissent sans laisser de trace. Un accident s’est-il produit ? Ont-elles été enlevées ? Tuées ? La police locale et les témoins semblent bien incapables de résoudre le mystère…

Il y a peu l’Étrange Festival m’a permis de voir sur grand écran The Proposition de John Hillcoat. Si à l’époque j’avais déjà vu Pique-nique à Hanging Rock, nul doute que l’envie de rapprocher les deux films me serait venue. Certes le film d’Hillcoat est un western ultra sanglant dans le désert australien, alors que le film de Weir se déroule dans une ambiance plus feutrée, chic et verdoyante et a pour héroïnes des adolescentes virginales.

Mais on trouve dans les deux films ce portrait d’une Australie naissante, tiraillée entre l’ancien et le nouveau monde. On trouve surtout dans Pique-nique à Hanging Rock l’œil de Peter Weir qui est celui d’un naturaliste, aimant à poser ses personnages et sa caméra dans un environnement à peine touché par l’homme. C’est un trait du cinéaste que l’on retrouve régulièrement dans sa filmographie, même hollywoodienne, comme en témoigne Witness (plongée chez les Amish proches de la nature), Mosquito Coast (un père de famille installe sa famille dans la jungle) ou plus récemment Master & Commander dont l’un des deux personnages principaux est un naturaliste. The Proposition de John Hillcoat se place dans le même élan de films se souciant autant de l’environnement que de l’intrigue.

Cet amour de la nature se perçoit pleinement dans Pique-nique à Hanging Rock, photographie chatoyante et flûte de pan à l’appui. Mais plus que cela, c’est le soin de Peter Weir dans ses cadrages, dans le choix de ce qui passe sous l’œil de sa caméra qui confère au film cet aura aérienne. Comme si Peter Weir était le cousin australien du texan Terrence Malick, qui dans la même décennie réalisait La balade sauvage et Les moissons du ciel. D’ailleurs ces dernières années, Weir se fait presque aussi rare que Malick, n’ayant réalisé que deux films ces quinze dernière années (mais rassurons-nous, un nouveau est en boîte et sortira en 2010).

Malgré la splendeur visuelle et atmosphérique de Pique-nique à Hanging Rock… je me dois d’avouer m’être tout de même un tantinet ennuyé (ce qui ne m’arrive jamais devant un film de Malick…). Mais le désir de Weir de maintenir le mystère autour de son intrigue, de nous laisser dans le flou jusqu’au bout et au-delà, est remarquable.

mardi 6 octobre 2009

The Informant ! La voix off prend le pouvoir !

Je l’ai encore dit récemment, et il faut le répéter : la voix off est un art. Que ce soit un narrateur étranger à l’intrigue ou un personnage dont les pensées nous sont dévoilées en exclusivité, cette technique cinématographique offre de grandes possibilités narratives, mais peut se montrer très dangereuse pour qui ne sait la manier avec dextérité.

Il est tellement facile d’employer la voix off que trop de cinéastes s’en contentent comme d’un moyen de faire passer des informations ou des sentiments qu’ils ne parviennent à caser autrement. A dire vrai les films dont la voix off est un élément déterminant, contribuant à rendre le film meilleur, sont très, très rares. Terrence Malick, les Frères Coen, Jean-Pierre Jeunet ou Wes Anderson sont parmi les rares à savoir l’employer magnifiquement dans le cinéma actuel.

Si c’est Steven Soderbergh et son Informant ! qui me poussent à rappeler l’art que représente la voix off, j’avoue que l’utilisation de cette technique dans ce cas présent n’est pas maladroite. La voix est celle de Mark Whitacre, vice-président d’une grosse compagnie d’agro-alimentaire qui devient informateur pour le FBI, apparemment poussé par sa conscience à dénoncer les pratiques de sa boîte. Whitacre, personnalité à la fois complexe et pourtant d’une grande naïveté, a une foule de pensées qui lui traversent en permanence l’esprit, pensées qui n’ont pas de secrets pour le spectateur qui les entend en permanence.

Soderbergh est un cinéaste qui ne se satisfait pas de la simplicité. Il aime les défis, et celui de The Informant ! est de rendre drôle et passionnante une histoire très bavarde débattant d’agro-alimentaire. Le défi est assurément ardu, et pourtant il est en grande partie relevé par le réalisateur, qui a l’intelligence de faire la part belle à un protagoniste à facettes multiples. C’est un dirigeant semblant sans compétence aucune. Un père de famille paraissant gamin. Un informateur secret ne sachant tenir sa langue. Un menteur invétéré suscitant la compassion.

The Informant est le portrait d’un insaisissable auquel Matt Damon apporte bonhomie et ridicule, rendant le personnage irrésistible d’humour. La voix-off choisie par Soderbergh apporte une réelle dynamique, mais elle est tellement abondante qu’elle rend parfois le film difficile à suivre, noyés que nous sommes sous les innombrables lignes de dialogue intérieur.
Mais qu’importe, Damon est hilarant, et Scott Bakula se voit enfin offrir un rôle consistant au cinéma, bien loin de Code Quantum. Bien joué Scott. Bien joué Steven.

lundi 5 octobre 2009

Quand le cinéma chinois se transforme en Petit Nicolas

Dimanche soir, mon programme (prévu depuis plusieurs jours) s’appelait Chen Kaige. Le cinéaste chinois, autrefois révéré pour le magnifique Adieu ma concubine - et depuis quelque peu perdu dans des méandres cinématographiques indignes de son talent d’antan - était cette année en compétition à Berlin avec Mei Lanfang, film également présent dimanche au Festival du Cinéma Chinois de Paris. Mais voilà, tout ne se déroule pas toujours comme prévu…

Au temps où le Festival était installé aux Max Linder, il était possible d’arriver à la dernière minute sans s’inquiéter de savoir s’il restait ou non des places. Je pensais donc légitimement qu’arriver 20 minutes en avance au Gaumont Opéra, nouveau foyer de la manifestation, serait largement suffisant. Cette naïveté m’a coûté ma place pour Mei Lanfang, puisqu’à peine arrivé au cinéma, j’entendais cette annonce : « Pour le Festival du Cinéma Chinois, c’est complet ».

Je sais que je devrais me réjouir d’une telle annonce. Depuis le temps que je m’indigne de la difficulté des spectateurs français à s’emballer pour le cinéma asiatique, cantonnant le cinéma d’Extrême Orient à quelques amateurs avertis (la plupart, des geeks nourris à l’animation japonaise et au cinéma HK des années 80), un film affichant complet 20 minutes à l’avance est une belle preuve de reconnaissance. Je me souviens encore de ma surprise de voir A Bittersweet Life du coréen Kim Jee-Woon en avant-première sur les Champs-Élysées près d’un an avant sa sortie française… dans une salle quasiment vide !

Mais quand cet engouement soudain dû à une forte promotion dans les salles Gaumont me prive d’un de ces films, la colère et le regret prédominent sur la réjouissance. Où étaient-ils ces spectateurs il y a un, deux ou trois ans, alors que le festival existait déjà ? Les amateurs de la première heure devraient avoir droit à une place réservée, d’office, pour services rendus à l’amour du cinéma chinois… (je rigole mais ça serait quand même cool !)

Du coup, accompagné d’un ami qui était tout de même venu d’une petite ville du côté de Melun pour l’occasion, hors de question de rentrer bredouille, et nous nous sommes donc rabattus dans un autre cinéma sur Le Petit Nicolas. Se rendre dans la France des années 50 en culottes courtes lorsque nous espérions les fastes de l’Opéra chinois, forcément, ce n’est pas vraiment la même expérience ciné. Mais au final, la soirée fût tout de même sympa.

Je ne suis pas de la génération « Petit Nicolas ». Je n’ai jamais lu la BD de Sempé et Goscinny, donc la comparaison est impossible. Mais le film de Laurent Tirard (à qui l’on doit l’excellent Molière avec Romain Duris) s’avère une petite comédie amusante, qui n’a pas grand-chose à dire mais de bons dialogues (coécrits par Alain Chabat) et gags à offrir. Ce n’est pas énorme je sais, mais les éclats de rire sont là, et toutes les comédies françaises ne peuvent pas se vanter de tirer autant de leur public. Et cela compense presque la déception de ne pas être parti en Chine avec Zhang Ziyi… Non là j’exagère. Mais au moins on s’est marré !

dimanche 4 octobre 2009

Mary et Max, les voix de trop

Quelques mois après Le sens de la vie pour 9.99$, l’Australie nous offre un nouveau film d’animation en pâte à modeler. Un film précédé d’un bouche-à-oreille flatteur, auréolé de prix en festivals (à Annecy notamment), et soutenu par la presse, ça fait forcément envie. D’autant que la bande-annonce se terminait par la réplique « Sais-tu que les tortues peuvent respirer par leur anus ? », et ça c’est la marque de l’audace, non ?

Mary et Max démarre tellement fort que l’on en oublie vite la déception du Sens de la vie pour 9.99$. Les trente premières minutes du film sont un régal pour les papilles cinéphiles appréciant le foisonnement créatif de l’art du récit. Mary est une australienne de 8 ans solitaire qui décide de correspondre avec un américain pris au hasard dans un annuaire. Cet américain est Max Horowitz, new-yorkais de 44 ans pour qui l’espèce humaine est un grand mystère. Ces deux êtres à part vont correspondre et tout se raconter pendant de nombreuses années.

Ce qui fait le sel de Mary & Max est également ce qui le rend au final poussif. C’est cette envie du réalisateur Adam Eliott de fournir son film en situations inénarrables et en bons mots. D’en faire une véritable malle fourmillant d’idées. C’est également ce triple récit, avec un narrateur qui nous conte l’amitié de Mary et Max, une deuxième voix off qui est celle de Mary lorsqu’elle écrit ses lettres, et une troisième voix off, celle de Max s’adressant à Mary. Cette triple lecture est jubilatoire dans la première demi heure.

Mais toute cette densité narrative finit par se retourner contre le film. Le trop plein se trouve finalement atteint une fois que les sauts dans le temps se font, et que l’on suit Mary et Max sur plusieurs années. La voix off est un art que l’excès ne saurait maîtriser, et Adam Eliott finit par se perdre dans les méandres de son film. Il nous reste tout de même ce petit bijou qu’est la première partie de Mary & Max, qui bizarrement m’a rappelé Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, par cette incongruité des personnages et de la présentation qui en est faite.

samedi 3 octobre 2009

Pandorum, plongée spatiale au Publicis

« Dans l’espace, personne ne vous entend crier ». La légendaire tagline d’Alien est devenue un genre cinématographique en soi, cultivant le plus souvent le goût de la petite série B plutôt que celui du film de science-fiction remarquable. Pandorum s’inscrit dans la lignée du genre, débarquant dans les salles françaises enrobé de mystère.

A Paris, le choix est bien mince pour qui veut voir Pandorum. Il est même unique si vous êtes un inconditionnel de la VO, et c’est l’habituel Publicis, salle d’accueil par excellence des sorties techniques ou semi techniques de films délaissés par distributeurs et exploitants, qui offre de voir le long-métrage. La salle a assurément trouvé un vrai créneau de programmation en récupérant ces films qui sont soit des comédies américaines (récemment I love you, man) soit des films de genre comme celui-ci. Étant donné la qualité des salles du Publicis, ce ne sont pas les amateurs qui vont se plaindre que ce soit ce cinéma qui récupère ces exclusivités sur Paris.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si je suis tombé sur un des cinémaniaques les plus reconnaissables de la capitale pour Pandorum. L’ « homme aux sacs plastiques » comme j’ai tendance à l’appeler, que je croise plus souvent à la Cinémathèque ou au Forum des Images, s’est lui aussi intéressé au film de Christian Alvart, cinéaste allemand qui fait ses débuts en langue anglaise ici sans quitter son pays d’origine, grâce à un tournage dans les studios Babelsberg.

Pandorum se déroule au 22ème siècle. La Terre, surpeuplée et polluée, s’est trouvée une planète presque jumelle, Tanis, source de vie elle aussi. L’Elysium, un gigantesque vaisseau, est en route pour cette planète pleine de promesse, pour un voyage de huit ans, avec un équipage qui se relaie entre des phases de sommeil prolongé. Mais lorsque le caporal Bower et le Lieutenant Payton se réveillent pour prendre leur quart, quelque chose semble clairement avoir déraillé dans ce voyage au long cours…

Le label « Produit par Paul Anderson » n’est pas le meilleur gage de qualité que l’on puisse apposer à un film. On aurait donc pu craindre le pire (quoi qu’Anderson ait lui-même réalisé une bonne série B spatiale, Event Horizon). Pourtant non, pas de catastrophe à l’horizon dans ce Pandorum. La part de mystère du film est parfaitement entretenue par le propre tâtonnement des personnages à mesure qu’ils découvrent le vaisseau et ce qui s’y passe.
Le réveil suivant leurs deux ans de sommeil les déphasent totalement, les laissant dans le brouillard quant à leur identité, leur présence sur ce vaisseau, et la finalité de leur mission. Cet aspect des choses offre au film un visage semblant dire « Mais il se passe quoi là-dedans, bon sang !? » qui nous met sur un pied d’égalité avec les personnages.

Alvart dose plutôt bien les effets de son film, sur le plan narratif principalement, dévoilant graduellement des parts de vérité, levant le voile avec calcul. Et l’on se rend compte que si le visage que le film se donne se rapproche d’un survival spatial à la Alien, ce qu’il cache en son sein se rapproche plus du Sunshine de Danny Boyle. Bien sûr Alvart n’est ni Ridley Scott, ni Danny Boyle, et il ne parvient pas vraiment à s’affranchir du carcan série B pour le transcender, comme les deux références citées.

Mais le film est efficace, à la bonne idée d’avoir pour acteurs principaux un jeune bourré de talent (Ben Foster) et un briscard toujours solide (Dennis Quaid), et sait se montrer surprenant dans son dernier acte. Pas de quoi marquer l’histoire de la SF, mais de quoi passer un moment sympa en salle.

vendredi 2 octobre 2009

L'armée du crime, aime-t-on le film ou le sujet ?

Où commence l’intérêt que l’on porte à un film pour ce qu’il offre cinématographiquement, et non plus pour l’Histoire qu’il raconte et qu’il transmet ? C’est une question à laquelle il est souvent difficile de répondre face à une œuvre historique qui retrace des évènements et des personnages forts. Comme c’est le cas avec L’armée du crime de Robert Guédiguian.

Le nouveau film du cinéaste marseillais s’attache au groupe armé de Manouchian, poète résistant d’origine arménienne sous l’occupation allemande, qui fût chargé par sa hiérarchie de mener une armée de combattants fomentant des attaques stratégiques contre l’occupant, principalement à Paris. Un personnage charismatique ayant entraîné dans son sillage des jeunes de toutes origines prêts à lutter jusqu’à la mort.

Un tel récit promet d’être hautement cinématographique, pourtant le film s’engage de façon bancale. Une belle séquence en voiture ouvre L’Armée du crime, où les résistants sont conduits vers leur mort, admirant ces parisiens et parisiennes flânant dans la rue avec la vie devant eux, lorsqu’eux savent que dans quelques heures, le néant les attend. Cette scène très forte laisse ensuite place à une entame de film qui se cherche clairement, à travers des dialogues maladroits et un jeu de comédiens guindé.

Pourtant Guédiguian ne craque pas, l’écriture se fait plus souple, les acteurs trouvent leurs aises, et le film trouve son souffle. Habitué au cinéma d’auteur de moindre envergure, Guédiguian peut parfois sembler peu à l’aise avec une production d’une telle ampleur. Mais le cinéaste trouve le cœur du film dans l’histoire qu’il veut transmettre, celle de l’idéal et de la lutte contre l’oppression et le pouvoir, un thème qu’il développe régulièrement dans sa filmographie.

Si l’histoire de Manouchian et ses hommes est celle de la résistance, c’est aussi celle d’un ennemi qui a pour visage la France elle-même, la France de la collaboration, de la police pétainiste, écœurante. Les allemands ne seraient presque « que » des méchants de second plan comparés à ceux, plus sournois et zélés, qui collaborent avec l’ennemi.
Face à la classe de Simon Abkarian, Robinson Stévenin (pourtant souvent agaçant devant la caméra d'autres cinéastes) tire son épingle du jeu dans la peau du personnage le plus fort, juif, résistant, frère, fils, amant, homme de cran et d’émotion que le comédien s’approprie magnifiquement. Les autres jeunes se montrent pâles à ses côtés.

Où commence l’intérêt porté au film et non plus au simple sujet ? Lorsque l’œuvre fait se poser cette question, elle vaut déjà d’être vue.

jeudi 1 octobre 2009

Une Perle Rare au Festival du Cinéma Chinois de Paris

Peu de gens le savent, mais la 4ème édition du Festival du Cinéma Chinois de Paris a lieu en ce moment même. Les trois années précédentes, c’est le Max Linder Panorama qui accueillait la manifestation, dans une ambiance que l’on pourrait qualifier de confidentielle étant donné le nombre de spectateurs que nous étions en salle (la plupart du temps une trentaine, dans la gigantesque salle du Max Linder, ça fait vide). Sûrement est-ce pour s’ouvrir à une audience plus importante que le festival a cette année été déplacé au Gaumont Opéra (l’ancien Paramount).

La conséquence de ce changement de salle est évidente. Arrivé à 19h30 pour découvrir un film programmé à 19h40, je me suis trouvé devant une queue déjà bien fournie devant la salle, indiquant clairement que Gaumont avait fait son job de promotion pour le festival. Au moment où la lumière s’est éteinte pour laisser place au film, la salle 4 du Gaumont Opéra qui doit contenir facilement 150 ou 160 places, était pleine à craquer.

Le film justement, il serait temps d’en parler. Il s’agissait de La perle rare, le dernier film en date de Feng Xiaogang, cinéaste chinois dont aucun film n’est jusqu’ici sorti en salles en France, sinon en festival. Son précédent, notamment, avait été présenté l’année dernière à l’édition précédente du festival, un film de guerre patriotique presque pénible intitulé Héros de Guerre (Assembly), et sorti en DVD il y a quelques mois en France.

Connaissant assez peu la filmographie de Feng, je ne savais pas trop à quoi m’attendre avec La perle rare. La surprise fût agréable. Comédie très ancrée dans la société chinoise actuelle, naviguant entre la romance et le road-movie, La perle rare est un bol d’air qu’il fait bon respirer au milieu de l’offre cinématographique chinoise qu’il nous est faite à Paris habituellement (à savoir rare et rarement légère).

Le film conte la rencontre entre un quadragénaire cherchant une femme par petite annonce, et une jeune et belle hôtesse de l’air dont le cœur est déjà pris mais qui va se prendre d’amitié pour ce personnage iconoclaste. D’abord d’accord pour ne pas se revoir, ils se recroisent par hasard, et commencent une amitié qui va leur permettre d’opposer leurs expériences et leurs visions des relations homme/femme, avec une distance et un humour qui vont en faire les meilleurs amis du monde.

Avec un compteur s’arrêtant à 2h10, La perle rare est assurément trop long. C’est LE défaut du film, que le réalisateur s’évertue à rallonger et densifier quand cela n’a plus lieu d’être. Ce qu’il y a de bien, c’est que c’est le seul vrai point négatif d’un film qui par ailleurs est un modèle du genre. Il offre un regard assez inédit dans les salles françaises sur la Chine du 21ème siècle, elle aussi rattrapée par la technologie et les soucis des rapports humains modernes. Le scénario laisse la part belle aux éclats de rire par le personnage masculin, hurluberlu écumant les rendez-vous irrésistibles d’humour. Il est campé par Ge You, acteur fétiche du cinéaste plus connu en Occident pour les films de Chen Kaige et Zhang Yimou du début des années 90 Adieu ma concubine et Vivre !

Face à lui, dans la peau de la fragile et touchante XiaoXiao, la comédienne Taïwanaise Shu Qi, que je n’avais plus vue, elle, depuis le très beau Three Times de Hou Hsiao Hsien. Il peut y avoir différentes raisons qui font que l’on se plonge facilement dans un film, et dans cette Perle rare, ma raison a été Shu Qi. J’avais oublié à quel point cette actrice a un visage magnifié par la caméra. Ce n’est pas le plus beau des visages du cinéma chinois, pourtant il a quelque chose d’unique. Une mélancolie infinie, des traits qui semblent prêts à craquer à chaque instant pour laisser couler les larmes.

Cette sensibilité de Shu Qi sied parfaitement au personnage à fleur de peau qu’est XiaoXiao, et par sa seule grâce, l’actrice fait exister le film dès son apparition à l’écran, à la table d’un bar, dans l’attente, le regard dans le vague, si fragile déjà (les organisateurs du festival ne s’y sont pas trompés, et ont choisi cette image pour l’affiche de la manifestation). Cette fragilité, associée à la bonhomie apparente de Ge You, offre une dynamique à la fois jouissive et amère au récit, qui porte le film.
On peut bien sûr parler de certains thèmes abordés, du moins effleurés, comme le rapport aux parents, la crise financière, les relations avec le Japon, le déracinement, et d’autres choses encore. Mais la vraie force du film réside dans ce couple inattendu, et pourtant si évident à l’écran.
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