samedi 15 octobre 2011

Festival Franco-Coréen du Film 2011 : mais c’est qui ce Hyeon Bin ?

FFCF 2011, quatrième jour. La moitié du chemin a déjà été parcourue. Mince, les bonnes choses passent décidément trop vite. Je me sens bien au St-André des Arts. On y voit des films coréens toute la journée, on discute avec le staff, qu’ils soient programmateurs, bénévoles ou autres, on échange les points de vue avec d’autres blogueurs et des spectateurs qui se montrent aussi assidus et passionnés que moi…

La veille, enchaîner quatre films dans la journée a été un tel plaisir que vendredi je n’ai pas pu résister et que de nouveau, j’ai campé au festival de 14h à minuit. D’autant que le soir, c’était annoncé d’avance, la séance de Late Autumn attirerait du monde. Il paraît qu’il y a un playboy de drama très populaire qui joue dedans, et les filles se précipitent pour venir voir le film. Moi j’ai décidé de tout voir, alors je viendrai, mais bon, je ne parlerai de Hyeon Bin que plus loin. Un peu de patience mesdemoiselles (et messieurs, je sais que mon camarade Sans Congo de Kim Bong Park regrette déjà de ne pas être venu le voir et a hâte de lire ce que j’ai à en dire…).

Le Festival a d’abord été moins glamour vendredi, avec deux documentaires très personnels, Cheonggyecheon Medley et Grandmother’s Flower. C’est sûr que sans acteur de drama, les fans en extase sont moins nombreux dans la salle. Oui bon d’accord, les amateurs de documentaires ne sont pas franchement des fans en extase, même si le réalisateur du premier des deux documentaires a bien essayer de nous faire entrer en transe avec Cheonggyecheon Medley, un documentaire intime et social dont la forme le place plus comme un objet d’art moderne que comme un film classique. Le réalisateur Kelvin Kyung Kun Park s’y adresse à son grand-père décédé, qui a passé sa vie professionnelle à travailler le métal, de la direction d’une usine à Tokyo à un retour en Corée dans le quartier de Cheonggyecheon, qui à l’époque où le réalisateur tourne son film demeure un dédale d’ateliers artisanaux.

Ce qui commence comme un film très intime se transforme peu à peu en une exploration de la vie de ces artisans en voie de disparition dans un quartier appelé à ne plus être. C’est dans cette observation minutieuse de ces travailleurs, leur application sur leurs machines, leur vie de quartier que Cheonggyecheon Medley se montre le plus absorbant. Mais cette obsession de l’esthétique du réalisateur, cet enrobage pointu, cette recherche d’une rythmique coordonnée entre l’image et le son, tout ce qui fait que le réalisateur utilise son sujet à des fins esthétiques, finit par lasser. Kelvin Kyung Kun Park veut faire trop beau, trop chic, trop arty, et finit petit à petit par s’éloigner du cœur de son sujet. Un reproche qu’il m’est impossible de faire au second documentaire, vu dans la foulée, Grandmother’s Flower.

Mun Jeong Hyun ne s’est pas embarrassé d’une quelconque recherche esthétique. Comme le précédent, c’est un film qui part d’une histoire personnelle et familiale, ici celle de sa grand-mère mourante. A la demande de sa mère, Mun se penche sur le destin hors norme de cette femme. Mais contrairement à l’autre documentaire, Mun ne passe pas à côté de son sujet, il l’embrasse pleinement et parvient même à le transcender. L’histoire de sa grand-mère, c’est l’histoire de la Corée. L’histoire d’un pays qui s’est déchiré il y a 60 ans, l’histoire d’une déchirure qui a perduré. L’histoire de sa grand-mère, c’est l’histoire de trois villages de la province du Jeolla dans le sud du pays, des villages déchirés entre sympathisants communistes et sympathisants capitalistes.

En se penchant sur l’histoire de sa famille, Mun Jeong Hyun découvre une véritable saga familiale bouleversée par les évènements historiques. Les conflits idéologiques qui ont marqué le pays se sont imprimés sur le destin de cette famille. La violence psychologique de ce déchirement est forte, à l’image du sang qui a été versé il y a soixante ans et qui hante encore ceux qui l’ont vécu. Grandmother’s Flower rappelle en cela « L’invité », le magnifique roman de Hwang Sok Yong qui traitait lui aussi de l’impact de la déchirure des Corée à l’échelle d’un village. Cela a beau être basique sur le plan cinématographique, c’est une histoire renversante qui nous est contée. Et après le premier documentaire de la journée, il apparaît évident que l’émotion est plus importante que la recherche formelle.

C’en est en tout cas fini des documentaires au FFCF, je les ai vus tous les trois. La soirée pointe le bout de son nez, et la fiction reprend le pas sur la réalité avec le troisième film de la journée. Une fiction à la lisière du fantastique, End of Animal de Jo Sung Hee, un film au pitch intrigant et une scène d’ouverture pleine de promesse : une jeune fille enceinte se trouve dans un taxi lorsqu’un mystérieux homme s’impose dans le voyage et se révèle très étrange. Il annonce un évènement important imminent, dans quelques secondes. Et un éclair aveugle le taxi. La jeune fille se réveille seule sur la banquette arrière. Le chauffeur et l’homme mystérieux ont disparu. Commence alors pour elle une véritable odyssée à travers un paysage triste, des routes presque vides, et des rencontres inquiétantes. Au lieu de m’intriguer totalement, le film m’a profondément déçu.

Ceux qui se trouvent autour de moi dans une salle de cinéma peuvent deviner lorsqu’un film me déçoit, m’ennuie, m’agace ou m’indiffère. Je remue. Je ne tiens pas en place. Je m’enfonce dans mon siège avant de me redresser, je m’appuie à gauche, puis à droite. Je plie les jambes sous mon siège et les étend le plus loin possible devant moi. J’observe mes voisins afin d’essayer de deviner s’ils ont le même ressentiment que moi. Et surtout, souvent, je secoue la tête dans un mouvement de négation affligé. « C’est pas vrai !!! »… « Pffffff, n’importe quoi »… « Naaaaan, ils n’ont pas osé !!! », je ne dis pas ça tout haut, mais je le pense très fort. Et c’est ainsi que j’ai vécu End of Animal. Jo Sung Hee ne parvient pas à offrir autre chose que de bonnes prémices. Il nous lance avec aplomb dans un nuage de mystère fascinant, mais ne fait pas l’effort de l’entretenir ou l’enrichir. Il se contente de nous balader dans ce purgatoire sans nom en compagnie de personnages tous plus apathiques et antipathiques les uns que les autres.

Au bout d’un certain temps, je me suis rendu compte avec déception qu’aucun des personnages du film ne m’intéressait sinon cet intrigant passager du taxi en tout début de film. Et celui-ci ne repointe le bout de son nez qu’en toute fin de film, dans le dernier acte, pour redonner un coup de peps à l’ensemble. Trop tard, bien sûr, lorsque l’on s’est ennuyé pendant 1h30. Jo Sung Hee a beau nous appâter de nouveau avec cette figure omnisciente hésitant entre Dieu et le Diable, la fin s’est faite trop désirée à force d’ennui. A la sortie, les avis font rage entre ceux qui s’excitent devant cet improbable film qui ne fait rien comme on l’attendrait ou le voudrait, mais moi je préviens mes camarades de salle de ma joie d’en être enfin sorti. Sans Congo de Kim Bong Park est pressé de rentrer chez lui pour écrire dessus, mais moi j’ai encore un film au programme, et quel film !!!

Ca y est les filles, c’est maintenant que Hyeon Bin entre dans la conversation. Le fameux acteur de dramas est le héros de Late Autumn, énième remake d’un scénario plusieurs fois porté à l’écran, notamment dans deux films qui seront projetés dimanche au FFCF dans le cadre des KOFA Classiques. J’ai su que le film serait populaire au Festival lorsque toutes mes amies se sont mises à m’annoncer qu’elles comptaient venir au St-André des Arts en premier lieu pour ce film, enfin, pour « Hyeon Bin, il est trop beau » ! Hyeon qui ? Il a joué dans quels films ? Aaaaah, dans des dramas, d’accord c’est pour ça que je ne le connais pas… et que toutes les filles veulent venir voir le film.

Et effectivement, à 21h, la file d’attente était longue devant le St-André des Arts, et la salle belle et bien pleine, à peu de choses près. Hyeon Bin a un pouvoir d’attraction plus fort que les documentaires coréens en forme de journaux intimes, le doute n’est plus permis. 1h30 plus tard, lorsque la lumière se rallume et que le public sort peu à peu, je tente de me remettre de l’expérience surréaliste que je viens de vivre. Je crois que dans d’autres circonstances on pourrait appeler ça une séance d’hypnose collective avec deux petits malins récalcitrants qui refusaient de jouer le jeu (moi et ID de Made in Asie) et une dormeuse convaincue à nos cotés.

Mais que s’est-il passé aux yeux des autres spectateurs ? Quel est ce mystère plus grand que l’assassinat de JFK et la zone 51 réunis ? Ont-ils vraiment trouvé ça… bon ? Drôle ? Touchant ? Mais pourquoi riaient-ils dès que Hyeon Bin bougeait un bras (sérieusement, n’importe quel geste de l’acteur déclenchait une salve de rires) ou répétait pour la 23ème fois « Hao » (cassant par l’occasion tout effet émotionnel à la scène où l’héroïne raconte pourquoi elle s’est retrouvée en prison) ?

Attendez ça me fait réaliser que j’ai oublié de préciser le pitch du film. Bon alors soyons punchy et sexy, histoire de draper le film de plus beaux atours qu’il ne porte réellement. Il est beau, jeune, insouciant et bourré d’humour (bon en fait il fait l’escort-boy pour de vieilles coréennes aux États-Unis). Elle est jeune, mystérieuse, et a la beauté de la tristesse (en fait elle sort juste de taule pour le week-end histoire d’aller à l’enterrement de sa mère). Leur route va se croiser, et la magie de l’amour va opérer (bon, ils essaient de le faire dans un motel, ils n’y arrivent pas, mais après avoir joué aux auto-tamponneuses, ils s’aiment bien quand même et ont de nouveau envie d’essayer).

Enfin vous voyez quoi, la « romance impossible mais si on va y arriver mais non en fait peut-être pas » par excellence. Le genre de film confortable qui peut très bien se laisser regarder un vendredi soir après deux documentaires et un film prometteur finalement raté. Sauf qu’il y a des limites quand même. Les dialogues foireux (« Maiiiiis euuuuh, il m’a piqué ma fourchette c’est pour ça que je lui ai cassé la gueule »), la mise en scène sans vie du cinéaste (à l’exception de la fameuse séquence d’auto-tamponneuse, amusante), le dénouement à tiroirs absolument désolant (Ha ha, on avait oublié le mari jaloux d’une nana qu’on a vu dans une scène 30 minutes plus tôt, mari qui débarque avec gros bras et vient mettre le bordel dans la romance trop mimi, hein !)… Late Autumn enchaîne les mauvaises idées.

On en vient à Hyeon Bin. Le fameux, le seul, l’unique. La star. Celui grâce à qui la salle était si pleine, probablement. Le drama a peut-être été une bonne école pour certains acteurs ayant enchaîné avec le cinéma… mais il semble que soit Hyeon Bin aura besoin de quelques autres films pour prendre le pli du jeu de cinéma, soit… soit… Non je ne sais pas. Je le revois encore dire “If you want me to be good, I can be good. If you want me to be bad, I can be BAAAAAAAAAAAAD”, qui m’a valu un bel éclat de rire, pas forcément pour les mêmes raison que le reste des spectateurs(trices). Je ne sais pas. C’est un mystère de plus. Heureusement, il y a Tang Wei, qui est venue se perdre dans cette galère, parce qu’il faut bien s’occuper lorsqu’on est bannie du cinéma chinois à cause d’un grand rôle, celui de Lust, Caution d’Ang Lee.

Au moins, j’aurai ri grâce à Late Autumn. J’aurai découvert une idole coréenne et j’aurai ri. D’avance, excusez-moi chères lectrices fan de Hyeon Bin. A l’évidence, je ne peux pas comprendre. Consolez-vous en croyant que ce n’est que de la jalousie, ça ne me gêne pas !

10 commentaires:

Benoît Di Pascale a dit…

Je pense personnellement que Hyeon Bin pourrait à la limite capable d'être un bon acteur (il avait quand même été choisi par Lee Yoon-Ki pour Come Rain, Come Shine), mais que le problème ici, ce sont les dialogues en anglais ! Eh bah oui, il parle pas anglais le Hyeon Bin, et ça complique quand même pas mal les choses quand on est pas foutu de mettre les bonnes intonations et nuances dans la diction (je pense que c'est ce qui, dans le futur, va empêcher les tentatives des acteurs coréens de percer aux Etats-Unis). Ca plombe le film, pas aidé par le scénario sans éclat. Mais perso j'avais bien aimé la première demie-heure, où Tang Wei est quand même bien.

David Tredler a dit…

Ca, c'est certain qu'il a du mal à mettre les bonnes intonations et nuances dans ses dialogues plats. Tang Wei surnage dans le film. Elle apporte un petit quelque chose au film, mais elle fait ce qu'elle peut avec ce que le scénario lui offre, c'est à dire pas grand chose...

Pierre a dit…

J'adore ta partie sur Hyeon Bin ^^ j'aurais aimé être là ^^

David Tredler a dit…

Aaaah, il aurait fallu que tu sois là Pierre, tu te serais autant amusé que moi j'en suis sûr ^_^

Benoît Di Pascale a dit…

Moi je pense que j'aurais eu des envies de meurtre si j'avais été dans la salle...

David Tredler a dit…

Je naviguais entre l'incompréhension et l'amusement, je n'aurais pas été jusqu'au meurtre ^_^

Nyal a dit…

Que faisait la scène à la gordon/abel dans "Late Autumn" ? je n'ai pas compris :)
Pour ma part, je ne le trouve pas si raté que cela. Mais il est très oubliable.

David Tredler a dit…

Aargh, tu es indulgent pour le coup Nyal ;)

I.D. a dit…

Jo Sung-hee is back... http://forum.hkmania.com/viewtopic.php?f=5&t=1730

;)

David Tredler a dit…

Naaaaaan, c'est le réal de "End of Animal" qui a réalisé "Werewolf boy" ? Eh bah, c'est décevant comme tournure...

over-blog.com