mardi 31 décembre 2013

Pourquoi j'ai aimé le cinéma en 2013

C’est un rituel dont je ne me lasse pas. Peut-être le billet que je préfère écrire chaque année. Celui dans lequel je clame toutes les raisons qui m’ont fait aimer le cinéma au cours de l’année passée. Car il ne s’agit pas seulement de faire la liste de ses films préférés. Résumer une année de cinéma à dix films, c’est oublier les centaines d’autres qui sont sortis et que j’ai aimés. C’est oublier ces instants de cinéma qui valent des dizaines de films, oublier que l’on peut trouver des moment inoubliables, des acteurs et actrices formidables, des séquences somptueuses, dans tant d’autres films que les dix, quinze ou vingt dont tout le monde parle quand décembre arrive et qu’il est temps de se souvenir d’une année de longs-métrages. La passion du cinéma m’habite trop pour que je ne vous conte pas tous ces instants de cinéma qui ont fait bondir mon cœur ou exploser ma joie en 2013. Que les films dans lesquels je les ai vécus soient les meilleurs ou non. Que l’on risque de s’en souvenir dans cinquante ans ou non.
Alors, pourquoi ai-je aimé le cinéma en 2013 ?



Parce que Carlos « Elvis » Gutierrez m’a donné des frissons en jouant et chantant « Unchained Melody ».

Parce que Jonah Hill n’a pas les yeux en face des trous dans « Django Unchained » et les dents trop blanches dans « Le Loup de Wolf Street ».

Parce qu’en noir et blanc et muet, Blanche Neige n’a peut-être que six nains, mais l’un d’eux est un chouette travesti.

Parce que les silences sont éloquents du côté de Kiruna.

Parce que j’ai vu « Voyage au bout de l’enfer » et « Taxi Driver » sur grand écran, et qu’après cela il est difficile de se contenter de peu. Surtout venant de Robert De Niro.

Parce que si l’on ne l’y reconnaît pas, James Spader est tout de même irrésistible dans « Lincoln ».

Parce que j’ai vu le premier film saoudien de l’histoire, et que ce n’est pas un homme qui l’a réalisé.

Parce que l’accident d’avion est électrisant dans « Flight ».

Parce qu’Anne Hathaway chante ses rêves au milieu de la misère.

Parce que j’ai jalousé Jérémie Renier dans « Elefante Blanco ». Pas pour le col  du prêtre non (qui a deviné que c’était pour les corps-à-corps enflammés avec la divine Martina Gusman ?).

Parce que même mineur, un film de Terrence Malick reste majeur.


Parce que faire le second couteau continue à aller comme un gant à Luis Guzman.

Parce que James Franco est probablement l’acteur le plus dingue du cinéma américain.

Parce qu’il y a un meilleur pote obsédé sexuel hilarant dans « Les rois du curling ».

Parce que je ne suis pas tout à fait revenu des mondes dans lesquels « Cloud Atlas » et « Le Congrès » m’ont propulsé.

Parce que Gerard Butler devrait définitivement arrêter les comédies romantiques et botter le cul des bad guys plus souvent.

Parce que j’ai encore la mâchoire décrochée par les images de Samsara.

Parce que Steven Soderbergh se transforme mieux en Hitchcock en réalisant « Effets secondaires » qu’Anthony Hopkins en se bardant de maquillage.

Parce que j’attendais de voir De Niro dans un rôle et une performance à la hauteur de ce qu’il a été depuis trop longtemps. Merci David O. Russell.

Parce que Jonathan Cohen est le second rôle le plus drôle du cinéma français en ce moment, non ?

Parce que Joseph Kosinski aime décidément l’électro française et qu’il en tire des choses formidables pour ses beaux films de SF.

Parce que « The Act of Killing » est révoltant mais nécessaire.

Parce que Stephen Merchant drague les demoiselles d’honneur de 6 ans et que Rafe Spall commente ses exploits sexuels conjugaux avec ses beaux-parents.

Parce qu’Emmanuelle Devos reprend le train pour Calais.

Parce que je n’ai pas vu « Turf ».

Parce que Gong Er confesse à Ip Man « Je vous ai tout ce temps porté dans mon cœur »


Parce que je suis allé voir « What Richard did » presque par hasard.

Parce que Sono Sion sait aussi faire d’excellents films sans que Megumi Kagurazaka s’y dénude, même si certains s’en plaindront assurément.

Parce que même quand Michel Gondry rate un film, il fait rêver.

Parce que Sigur Ros et Syd Matters se font entendre dans l’autrement raté « Upside Down ».

Parce que Matthew McConaughey n’est définitivement plus un acteur de comédies romantiques.

Parce que Mama m’a bien fait flipper.

Parce que le distributeur de « Shokuzai » n’a pas fait l’erreur de celui de « Gangs of Wasseypur » et a sorti les deux films dans la foulée l’un de l’autre.

Parce que quand Spock court, sa coupe au bol flotte au vent avec grâce.

Parce qu’il y a des hommes et des femmes qui regardent « Shining » image par image pour voir si l’affiche de ski ne cache pas un minotaure.

Parce que les Minions sont capables de sauver un film.

Parce qu’une poignée de personnages qui parlent au bord d’un lac comme dans « Ma meilleure amie, sa sœur et moi », ça peut être enthousiasmant à regarder.

Parce qu’on ne voit pas assez Kevin Costner dans « Man of Steel ».


Parce que les répliques fleurs bleues de « L’homme aux poings de fer » en font presque un nanar sympathique.

Parce qu’un chewing-gum suffit à rendre Scarlett Johansson vulgaire. Tout en restant sexy.

Parce que le face à face entre Jordan Belfort et l’agent Denham dure de longues minutes jubilatoires.

Parce qu’il y a un an, je ne connaissais pas Vincent Macaigne, mais qu’aujourd’hui je n’envisage pas de ne pas aller voir un film au générique duquel il figurerait.

Parce que Legolas revient dégommer de l’orque.

Parce que Robert Redford n’a besoin que de quelques mots pour nous scotcher et nous renverser.

Parce qu’Olaf le bonhomme de neige rêve de l’été.

Parce que Sam Rockwell est irrésistible quoi qu’il fasse.

Parce que même mineur, un film de James Gray reste majeur.

Parce que je n’avais jamais vraiment apprécié Emmanuelle Seigner jusqu’à ce que je la voie dans « La Vénus à la fourrure ».

Parce que je n’ai pas pu retenir mes larmes devant « Il était temps ».

Parce que j’entends encore chanter Llewyn Davis, quelque part dans un coin de Greenwich Village.

Parce que « La Stratégie Ender » est à la fois le film le plus étrange, le plus culotté et le plus raté qu’ait produit Hollywood cette année.

Parce que ça faisait longtemps que Thierry Lhermitte ne m’avait pas fait autant rire. Merci Bertrand Tavernier.

Parce que même mineur, un film de  Bong Joon-ho reste majeur.

Parce que je n’ai plus besoin de faire le rêve d’être un astronaute. J’en fus un pendant 1h36 grâce à Alfonso Cuaron.

Parce que « Lettre à Momo » a fait souffler un vent d’émotion dans la salle.


Parce que je savais qu’un jour, David Gordon Green mixerait à la perfection l’humour de ses buddy movies et la délicatesse de ses drames naturalistes.

Parce que je ne m’étais pas retrouvé en retard et au premier rang depuis des années. Mais que ça ne m’a pas empêché d’apprécier « Omar ».

Parce que j’ai redécouvert le plaisir d’aller au cinéma le matin le weekend pour ne pas avoir à me battre avec les spectateurs qui parlent pendant le film. Surtout les spectateurs de films d’horreur.

Parce qu’il y a un beau plaisir enfantin à découvrir la traversée des États-Unis filmée par Jean-Pierre Jeunet.

Parce que le Louxor a rouvert ses portes.

Parce que j’ai aimé un film d’Arnaud Desplechin. Et ça ne m’étais jamais arrivé.

Parce que les reprises de Robert Charlebois et… Niagara me trottent encore dans la tête bien après avoir vu « Gabrielle ».

Parce que 2013 était une fois n’est pas coutume un bon cru pour Hong Sang-soo.

Parce que le dernier plan de « Prisoners » ne me quitte pas.

Parce que j’ai aimé un film d’Abdellatif Kechiche. Et bah ça aussi je crois bien que ça ne m’était jamais arrivé.

Parce que le Festival du Film Coréen à Paris s’est installé au Publicis, et que Plastic Man était assis au premier rang presque tous les jours.

Parce que Daniel Brühl était parfait en Nikki Lauda.

Parce que je ne pourrai plus entendre la magnifique chanson de Dead Man’s Bones sans imaginer Laëtitia Dosch roulant à scooter dans les rues de Paris.

Parce que « Les Miller, une famille en herbe » et « C’est la fin » m’ont fait hurler de rire. Littéralement.

Parce que « The Conjuring » aussi ça m’a bien fait flipper.

Parce que « Oh Boy » m’a pris par surprise et m’a rendu à fleur de peau sur la fin.

Parce qu’un film a rarement aussi bien porté son titre que la balade sous le cercle Arctique qu’est « La Grâce ».


Parce que j’ai déjà vu « Ugly », « Blue Ruin », « On the job », et d’autres excellents films de 2014.

Parce que j’ai lancé des petites cuillères sur l'écran de cinéma du Nouveau Latina.

Parce que j’ai vu Tony Leung Chiu Wai s’approcher de Faye Wong à son comptoir et retirer sa casquette au son de « California Dreamin’ » des Mammas & Pappas. Avec quelques années de retard...

Parce que je n’ai pas dérogé à la traditionnelle journée du Ninja à Panic Cinéma.

Parce que personne ne le sait, mais le film d’horreur « You’re next » est génial.

Parce que j’ai enfin vu sur grand écran « Vacances Romaines », « As tears go by », « L’ultimatum des trois mercenaires », « Une place au soleil », « Les sept samouraïs », « Un, deux, trois », « La Belle et la Bête »…

Parce que j’ai découvert Maud Wyler et Nimrat Kaur, et j’espère qu’elles continueront à faire battre mon cœur sur grand écran dans les années à venir.

lundi 16 décembre 2013

« Rêves d’Or », un trésor au Lincoln

Depuis des semaines je me promets d’écrire. De redonner des couleurs au blog au milieu de cet apparent relâchement. De vivre cet instant de cinéma qui rendra irrésistible cette envie de noircir quelques lignes. J’en ai vu passer quelques-uns, de ces films ayant su me séduire, certains même jusqu’à avoir leurs chances de figurer dans mon Top 10 de fin d’année sur lequel je me pencherai bientôt. Mais j’ai laissé passer le moment, et la page est restée blanche.

Et voilà que je me suis retrouvé assis au Lincoln, à quelques enjambées des Champs-Élysées, avec une toute petite poignée de spectateurs qui se sont tenus bien loin de mon 5ème rang fétiche (tant mieux). A la caisse devant moi, un couple n’arrivant pas à se décider sur le film à voir, demandant les différents horaires au caissier, et lui demandant même de quoi parlaient les films et lequel serait le meilleur à voir. Et pendant ce temps, moi, je trépignais de pouvoir prendre ma place pour le film que je m’étais choisi en amont. Ah, ces spectateurs qui se pointent au cinéma sans savoir quoi voir ni même ce que sont les films proposés…

Après qu’ils aient enfin choisi d’aller voir le délicieux « The Lunchbox » 30 minutes plus tard, j’ai pu prendre ma place et descendre l’escalier du Lincoln pour aller me poser devant « Rêves d’Or ». « La Jaula de Oro » en VO, pour ce film sud-américain de Diego Quemada-Diez, remarqué et récompensé en mai dernier au Festival de Cannes, et ayant acquis depuis une solide réputation sur le circuit festivalier.

C’est la réputation du film, et ses critiques élogieuses, qui m’ont attiré, plus que le sujet lui-même qu’il me semblait avoir déjà vu traité plusieurs fois au cinéma ces dernières années. Un road-movie de migrants latino-américains traversant le Mexique dans l’espoir de franchir la frontière avec les États-Unis et s’offrir un nouveau départ au pays des Yankees. Ici, les rêveurs sont adolescents. Ils ont tout laissé derrière eux, au Guatemala, pour toucher du doigt leur rêve nord-américain.
 
Et là, le déjà-vu aperçu sur le papier s’est transformé en une odyssée tremblante et touchante. Quelque chose de magique s’est faufilée à travers l’écran, une sensibilité inattendue. Le réalisateur trouve une voie mêlant la dureté et la grâce. C’est un voyage semé d’embûches d’une brutalité inattendue, où la beauté n’est qu’éphémère, et la joie si fragile. « Rêves d’Or » est un film à la voix claire et sombre où les dangers d’un tel voyage se font jour avec force. C’est un film puissant sur cette migration clandestine dont l’issue n’est jamais garantie, mais c’est aussi un beau film sur l’adolescence, et le passage forcé vers l’âge adulte, où en quelques jours, quelques semaines, l’innocence peut se trouver broyée par la réalité. Les rêves d’or peuvent se payer chers, même au doux royaume du cinéma. J’en suis sorti séduit, interloqué, bousculé. Et avec cette irrépressible envie d’écrire ces trop courtes lignes…
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