dimanche 31 mai 2009

Precious, un certain regard sans le son

Rétrospectivement, c’est toujours sympa d’avoir une anecdote marrante à raconter sur une projection qui se déroule étrangement. Sur le coup par contre le sentiment qui domine est plutôt, sinon l’agacement, du moins le mécontentement. Toujours en pleine période de rattrapage des films d’Un Certain Regard du Festival de Cannes, le Reflet Médicis a été samedi soir le théâtre de la découverte de Precious, Grand Prix du dernier Festival du Film de Sundance.

La projection de Precious est donc à ranger du côté de celles émaillées d’un problème technique perturbant la vision du film. Je me souviens être allé au Bienvenue Montparnasse il y a 2 ou 3 ans (pour quel film, je ne sais plus…) et avoir passé les 5 premières minutes du film dans la lumière, car le projectionniste avait oublié de plonger la salle dans le noir. Ce samedi, ce fut un problème du même ordre, puisque Precious a commencé… sans le son.
Tant qu’il s’agit des logos des distributeurs et producteurs, puis du générique de début, le doute est possible, on se dit « Ca doit être un effet de style, ce silence, voulu par le réalisateur ». Mais quand les images apparaissent à l’écran et que les sous-titres de ce qui semble être une voix-off s’inscrivent à l’écran, toujours sans le son, là, ça sent l’oubli dans la cabine de projection.

La salle grogne… commence à crier « Le son !!!! »… « Eh oh, y a pas de son !!!! »… Jusqu’à ce qu’un homme qui entrait dans la salle se voit apostrophé par sa compagne, déjà installée : « Tu veux pas monter leur dire qu’il y a pas de son, ces connards l’ont oublié ! ». Finalement la voix de Precious retentit enfin dans la salle, après 3 bonnes minutes muettes.

Après une entrée en matière un peu catastrophique, il faut se rattacher au film, et les premières minutes du film ont aidé, offrant d’emblée le visage d’un film hybride, mêlant réalisme du cadre, le Harlem de 1987, et délires rêveurs de la jeune héroïne qui donne son titre au film. Si la mise en bouche accroche, sur la durée, Precious séduit mais ne renverse pas. Brossant une période bien définie, le film veut s’affranchir du carcan de la reconstitution 80’s et offrir un ton narratif et visuel original.

Precious, c’est une adolescente afro-américaine de Harlem, en large surpoids, esclave de son horrible mère, enceinte pour la seconde fois de son propre père, et ayant de grandes difficultés à lire. Bref une gamine de 16 ans partant avec un sérieux handicap dans cette impitoyable jungle qu’est la vie. Le film est assurément intéressant, et l’indéniable ambition du réalisateur lui permet de tenter de belles choses, notamment de faire de son drame une sorte de conte urbain faussement féérique qui a de la gueule.

Mais cette ambition a aussi un prix, celui de concocter une œuvre un peu foutraque, parfois trop appuyé dans ses effets de style (les ralentis devraient être interdits au cinéma !), et oubliant à l’évidence que même les plus grands drames doivent réserver de beaux moments de légèreté, voire d’humour, des traits dont le film est trop dépourvu.

Un bon petit film indépendant américain, courageux mais peu mémorable, où l’on s’amusera à reconnaître les apparitions de Mariah Carey et Lenny Kravitz, respectivement en assistante sociale et en infirmier. Lee Daniels, producteur devenu cinéaste, avait par le passé produit deux drames indépendants autrement plus marquants, A l’ombre de la haine et The Woodsman.

samedi 30 mai 2009

Mother, cinéaste monstre pour mère courage coréenne

De tous les films présents à Cannes cette année, Mother était sans conteste le plus haut placé sur ma liste des films incontournables. La raison ? Son réalisateur Bong Joon-Ho, le meilleur cinéaste asiatique en exercice (point de vue personnel bien sûr), dont la carrière suit un tracé semblable à une montée en puissance, de la sympathique et iconoclaste comédie sociale Barking dogs never bite au film de monstre allégorique et humaniste The Host. Jeudi 28 mai, direction donc le Reflet Médicis pour découvrir le nouveau Bong, présenté à Un Certain Regard sur la Croisette la semaine précédente.

Dès le pitch, il est clair que le réalisateur comptait abandonner l’ampleur d’une production telle que The Host (dont le statut de blockbuster ne l’empêche pas d’être l’un des films les plus importants de ces dernières années) pour retourner à la portée plus « intimiste » d’un drame comme Memories of Murder, son sombre polar qui le révéla en 2004 en France.
La protagoniste de Mother est une femme presque en âge d’être qualifiée de « vieille », veillant sur son grand fils un peu (beaucoup) dadais. Lorsque ce dernier se trouve accusé de meurtre et que la police s’accommode très bien de considérer le jeune homme simplet comme coupable, sa mère va remuer ciel et terre dans cette ville provinciale pour disculper son fils, et mettre la main sur le véritable auteur du crime.

Après deux bonnes heures de projection, deux heures d’un polar tendance drame social, sombre et amer, force est de constater qu’à mes yeux Mother est un bon film. Un très bon film. Mais « seulement » un très bon film. La quête désespérée de cette mère poursuivant sans relâche son enquête étale une fois de plus les capacités de mise en scène de Bong, et l’extrême acuité de son écriture.
Mais après la montée en puissance de l’œuvre du réalisateur, Mother semble tout de même être un (tout petit) pas en arrière. Moins dense que Memories of Murder (qui avait également l’énorme avantage de se conclure par une des plus belles fins cinématographiques qui soit), moins ambitieux que le presque parfait The Host, Mother ne remue pas autant que ses prédécesseurs. D’autant que le cinéma coréen nous a offert il y a peu une véritable pépite au rayon polar, The Chaser.

Pourtant le seul véritable défaut que je peux pointer à l’encontre de Mother, c’est que le film n’est pas un bijou, un film majeur s’imprimant à jamais sur la rétine comme ont pu l’être Memories of Murder, The Host, et le sketch du cinéaste dans Tokyo !, un pur moment de magie cinématographique suspendu hors de toute convention. Quelle horrible chose que de dire que finalement, le défaut d’un cinéaste est qu’il ait réalisé de trop grands films par le passé pour que l’on puisse se satisfaire de ne voir qu’un très bon film de sa part.
C’est le trait des grands, de montrer sa faillibilité dans une excellence que l’on serait tenté de qualifier d’ « ordinaire ». Et nul doute que Bong Joon-Ho ne se contentera pas d’une excellence manquant de vibrant très longtemps…

vendredi 29 mai 2009

Air Doll, poétique poupée nippone

Chaque année, à peine le Festival de Cannes achevé, les cinéphiles parisiens n’ayant pas eu la chance de descendre sur la Croisette faire une dégustation de films ont droit à une séance de rattrapage. Pendant que le Forum des Images programme tous les films présentés à la Quinzaine des Réalisateurs, le Reflet Médicis reprend Un Certain Regard. Un rendez-vous incontournable pour découvrir les films, des mois avant leur sortie en salles. Les festivités se sont ouvertes mercredi 27 juin, et ma première tentation a été Air Doll, le nouveau long-métrage de Kore-Eda Hirokazu.

Sur le papier, cela semblait forcément partir vers une comédie, à mille lieues de ce à quoi le cinéaste japonais nous avait jusqu’ici habitué. Après tout, comment l’histoire d’une poupée gonflable prenant soudainement forme humaine et tombant amoureuse d’un jeune employé de vidéo club (dans le dos de son propriétaire plus âgé) pouvait-elle offrir autre chose que des rires ? La rupture avec les thèmes chers à Kore-Eda semblait inévitable.

Pourtant, étonnamment, pour qui est familier de l’œuvre du réalisateur, Air Doll se glisse avec une évidence incroyable dans la continuité de la filmographie du japonais. L’absence, la mort, la transmission du savoir, des traditions, des valeurs, sont des thèmes essentiels dans l’œuvre de Kore-Eda, et Air Doll, avec cet objet sexuel découvrant sans prévenir la vie et tous ses composants, les sentiments, les sensations, la peur, la réalité d’une fin commune à tous, s’inscrit tout à fait dans la continuité d’œuvres telles que After Life ou Still Walking.

Et comme toujours chez ce cinéaste, ces thèmes aussi sombres sont abordés avec une délicatesse et une grâce qui élèvent le film vers une poésie fascinante. Croisant et décroisant les personnages par fines touches, Air Doll s’intéresse au vide qui emplit nos vies, et nos propres interrogations sur la fragilité, la vacuité de l’existence.
Plus que par les longues tirades et les dialogues existentiels, et c’est cela qui offre au film sa grâce, c’est par les gestes, par l’expression des corps, par ce qu’on ne voit pas ou ne dit pas à l’écran que le cinéaste s’exprime. Air Doll est un film sensoriel, s’inscrivant dans la veine du court métrage « Shaking Tokyo » de Bong Joon-Ho, présent dans Tokyo ! (un des plus grands moments de cinéma de 2008). Chez Bong aussi, le sensoriel avait une place prépondérante. Sous le regard de Kore-Eda, jamais un geste aussi simple que le souffle aura semblé si érotique, apportant la vie, soulageant la douleur, et procurant une certaine forme d’extase.

Seul bémol au film, une partie du dénouement est en trop, maladroite, ratée. Une idée qui a pu sembler bonne sur le papier mais qui casse la rythmique poétique et sensorielle de l’aboutissement. C’est dommage, mais pardonnable compte tenue de la qualité globale de l’œuvre.

D’autant que le réalisateur a eu l’excellente idée de confier le rôle titre à Bae-doo Na, comédienne coréenne absente des écrans depuis The Host voilà trois ans. Elle offre à Nozomi la poupée douée de vie son physique iconoclaste, irradiant d’une beauté insoupçonnée lorsque son visage s’illumine de curiosité ou transpire de joie (plus d’une fois dans le plus simple appareil).

Mon rattrapage cannois débute de fort belle manière. Demain, mon compte-rendu de Mother, le nouveau film de Bong Joon-Ho, vu ce soir…

dimanche 24 mai 2009

Johnnie To, plus rapide que les balles


On dit de Woody Allen qu’il est un cinéaste prolifique. Le cinéaste new-yorkais est pourtant une paresseuse tortue lorsque l’on compare son rendement d’un film par an à son confrère de Hong Kong Johnnie To. Ces dix dernières années, To a réalisé (tenez-vous bien…) 25 longs métrages, dont 10 seulement sont sortis en salles en France. Évidemment, à ce rythme-là, le cinéaste ne sort pas un film remarquable de son chapeau à tous les coups. Les spectateurs français sont d’ailleurs peu à savoir que To signe autant de comédies légères que de films noirs (mais seuls ces derniers arrivent jusqu’à nos écrans). A l’occasion de la sortie française de Vengeance, petit panorama des polars indispensables de To (avis tout à fait subjectif bien sûr).

Vengeance (2009)
Autant crainte qu’attendue, la rencontre entre Johnnie et Johnny s’avère loin d’être au niveau des meilleurs films du cinéaste. Si le sens implacable de la mise en scène de To est indéniable et réserve des séquences (de gunfights notamment) d’une maîtrise incontestable, son éternelle tendance (habituellement parfaitement gérée) à bâcler ses scénarios se révèle ici clairement marquée. Le coup de l’homme tueur / vengeur s’accrochant autant que faire se peut à sa mémoire rappelle en plus distrait La mémoire du tueur et bien sûr Memento, mais Hallyday, malgré son mutisme, ne semble pas en harmonie avec l’univers du réalisateur. Le film aurait gagné à se recentrer sur le trio de tueurs à gages interprétés par les fidèles que sont Anthony Wong (d’une classe folle), Lam Suet et Lam Ka Tung, parfaits.

Triangle (2007)
Triangle ne compte pas parmi les vingt-cing longs-métrages réalisés par Johnnie To ces dix dernières années, puisqu’il n’en a réalisé qu’un tiers, les deux autres étant l’œuvre de Tsui Hark et Ringo Lam. Mais force est de constater que le segment de To (d’une durée de 40 minutes environ) est le plus fort, le réalisateur ayant eu l’avantage de conclure le film. Il a ainsi pu laisser libre cours à son talent sans pareil pour la mise en scène d’affrontements dans un final grandiose, en nocturne, dans un décor campagnard donnant l’occasion d’une partie de cache-cache à flingues ahurissante.


Exilé (2006)
Si l’on prend Johnnie To dans sa représentation de cinéaste la plus symbolique, alors son plus grand film est sans conteste cet Exilé. Sa fascination pour les tueurs à gages et les affrontements fraternels atteint ici son paroxysme dans un film dont le classicisme scénaristique est magnifié par une mise en forme en rupture totale avec ce qu’on peut attendre d’un polar Hongkongais. To, indéniablement cinéphile, signe un film noir à influence Leonienne, un duel groupé qui sent la poussière, le sable, et les règlements de compte semblant sortis tout droit d’un pur western. C’est beau et époustouflant à la fois, du grand cinéma.

Election (2005)
Election, et par extension sa suite, se détache nettement dans la filmographie de To. Ni comédie légère ni polar sec, il s’agit d’une ambitieuse observation de l’univers des Triades, loin de la glorification ou de l’aseptisation. To, habituellement si chiche lorsqu’il s’agit de densifier ses scénarios, laisse libre cours à une déferlante narrative sans pareil dans sa carrière, démythifiant, rapetissant l’univers mafieux de Hong Kong pour le rendre plus fascinant et terrifiant encore. Pour la première fois, le cinéaste se trouvait en compétition officielle au Festival de Cannes avec le premier Election. Une reconnaissance pleinement justifiée.

Breaking News (2004)
L’évocation seule de ce film renvoie en mémoire une des scènes d’action les plus saisissantes de ces dernières années au cinéma : un plan séquence de près de dix minutes, en ouverture du film, mettant des criminels aux prises avec les forces de l’ordre. Johnnie To, dans cette séquence éclatante, fait exploser sa maestria. Le reste du film, quasi en huis-clos, se veut une dénonciation du cirque médiatique moderne, à travers une prise d’otage dans un immeuble résidentiel populaire de HK, dont la prise en charge policière est filmée en temps réelle par les télévisions. To n’est pas très à l’aise dans la tenue du propos, mais le cadre claustrophobe de l’intrigue lui sied à merveille.

PTU (2003)
Une nuit à Hong Kong. Tel aurait pu être le titre de ce film de To, peut-être le plus réputé de la filmographie du cinéaste, même s’il est loin d’être mon favori. L’arme égarée d’un policier y met en branle une mécanique lente mais fatidique à travers les rues de la cité chinoise. Un long-métrage toujours à contretemps, évitant constamment l’emballement pour mieux faire monter la tension en sourdine. Derrière l’incontournable Simon Yam, To offre l’un des rôles les plus épais de sa carrière à l’imposant Lam Suet, second rôle remarquable de la plupart des films du réalisateur mais habituellement trop souvent cantonné à l’apport comique.

The Mission (1999)
Le film par lequel tout a commencé en France. C’est avec cette histoire de gardes du corps engagés pour protéger un parrain des Triades que la plupart des cinéphiles français ont découvert Johnnie To, dont les films n’avaient jusqu’ici pas atteints les salles obscures hexagonales. Anthony Wong, Francis Ng, Lam Suet et Simon Yam allaient devenir des noms indissociables de l’univers du polar Hongkongais. A la fois décalé, prenant, amusant et tragique, The Mission annonçait le style To, magnifié sur un thème presque similaire quelques années plus tard dans Exilé. La musique de The Mission, tout à fait inattendue, est un sommet de décalage divin.

Running out of Time (1999)
Running out of time ne ressemble pas vraiment aux autres polars de Johnnie To. Probablement parce qu’habituellement, le cinéaste laisse assez peu de place à la représentation policière dans ses films, à quelques rares exceptions près. Ici, To orchestre un jeu du chat et de la souris entre un voleur atteint d’un mal incurable et un flic pugnace bien décidé à le mettre sous les verrous. Les conflits fratricides au sein des Triades sont bien loin, pourtant To signe là un divertissement remarquable, alternant action, humour et émotion avec un brio indéniable. Ce face-à-face palpitant, parfaitement servi par le duo Andy Lau / Lau Ching Wan (malheureusement méconnu en France, où on l’a surtout vu dans le tortueux Mad Detective du même Johnnie To), préfigure un autre grand polar de la même trempe, Infernal Affairs (qui n’a rien à voir avec To).

Non je ne me suis pas arrêté dessus, mais OUI j’adore Fulltime Killer, duel de tueurs au sommet, Mad Detective, portrait tortueux d’un ancien flic meurtri mais génial, ou Sparrow, qui suit avec légèreté les sympathiques méfaits d’un groupe de pickpockets.

lundi 18 mai 2009

Meilleures perf' : Kevin Costner

Il est rare que l’on puisse attribuer à un acteur ou une actrice les dates précises de naissance et de mort en tant que star. Définir précisément une période de leur carrière au cours de laquelle ils ont brillé au firmament d’Hollywood. Une période au cours de laquelle tout ce qu’ils touchaient se transformait en or. S’il est un acteur à qui l’on peut attribuer une telle chronologie, c’est bien Kevin Costner. 1987-1994 : né en Eliot Ness, mort en Wyatt Earp.

Durant ce laps de temps, Kevin Costner fut, sans l’ombre d’un doute, la plus grande star internationale hollywoodienne (même si Harrison Ford était probablement la star nationale). Les Incorruptibles, Danse avec les loups, Robin des Bois, JFK, Bodyguard… Que d’énormes succès au box-office, doublés d’éloges critiques pour certains. S’il aura suffit de la conjonction d’un western malade (Wyatt Earp) et d’une épopée post-apocalyptique marine (Waterworld) pour couler le statut de star de Costner, il semble qu’il faille plus d’un ou deux succès pour rendre à Costner sa légitimité méritée. En attendant que celle-ci lui soit rendue, voici une revue d’effectifs de ses meilleures performances d’acteur…

1. Un monde parfait (1993)
En 1993, Costner est au pinacle de sa gloire. Il vient d’enchaîner les quatre plus gros succès de sa carrière, Danse avec les loups, Robin des Bois, JFK et Bodyguard. Son nom seul garantit des millions de dollars au box-office américain et des millions d’entrées en France, Allemagne ou Grande-Bretagne. La star mondiale surprend son monde en s’engageant auprès de Clint Eastwood, qui vient de triompher avec Impitoyable, pour camper un meurtrier en cavale prenant un gamin en otage dans l’Amérique des années 60. Un antihéros violent mais attachant, un contre-emploi total pour Costner, qui n’a jamais été meilleur.

2. Danse avec les loups (1991)
Il est impossible d’arrêter Danse avec les loups à la seule performance de Costner. A l’époque, l’acteur est LA star montante d’Hollywood. Il a 35 ans et n’a jamais réalisé de film. Il se met pourtant en tête de mettre en scène une fresque épique de 4 heures sur la rencontre entre un soldat yankee et le peuple sioux, en pleine Guerre de Sécession (à moitié tournée en langue indienne !). Hollywood n'y croit pas et laisse l'acteur se démerder. Le film, un western amer et flamboyant, est un triomphe. Costner est de presque tous les plans, américain héroïque se détournant des siens pour embrasser le peuple et la culture sioux.


3. Open Range (2003)
Douze ans après Danse avec les loups, Costner retourne au western en tant que réalisateur. Cette fois-ci, il ne s’agit plus d’une fresque indienne, mais d’un western plus classique dans le sujet qu’il traite, un affrontement entre des cowboys et un propriétaire terrien véreux dans l’Ouest vieillissant. Un film sec, brut, collant au plus près du réalisme de l’époque. Si Kevin Costner a offert le beau rôle à Robert Duvall, il s’en est réservé un auquel il donne une incroyable présence : un ancien soldat devenu convoyeur de bêtes, hanté par les crimes de son passé. Costner a vieilli, cela se voit, et cela lui va bien.


4. Les bienfaits de la colère (2005)
Premier film tourné par Costner après le succès inattendu d’Open Range, Les bienfaits de la colère symbolise bien ce que le comédien a encore à apporter au cinéma américain, même si le cinéma hollywoodien semble trop souvent vouloir se passer de lui. L’acteur délaisse les premiers rôles pour camper une ex-gloire du base-ball devenu ringard et alcoolique sur les bords, veillant avec plus ou moins de tact sur une épouse abandonnée avec ses quatre grandes filles sur les bras. Costner se lâche et ce faisant se rend irrésistible, se montrant aussi drôle qu’à ses débuts de second couteau comique dans Silverado, le poids de l’âge (au sens positif) en plus.

5. Sens unique (1987)
Tourné avant Les Incorruptibles, le film qui révèlera Costner dans la peau d’Eliot Ness, Sens Unique a attendu son heure pour profiter de la renommée qui semblait inévitable de Costner. Sa performance dans ce thriller très marqué 80’s, avec ambiance double jeu et Guerre Froide aux tenants et aboutissants souvent complexes, se révèle trouble, bien plus que nombre de personnages l’ayant rendu célèbre. Tour à tour romantique, dépassé, pourchassé, avant de se faire étrangement mystérieux, il campe un officier travaillant pour un politicien à Washington, qui se voit confier l’enquête du meurtre d’une femme dont il partageait les faveurs avec son patron.

Bonus : la perf’ inattendue de Mr Brooks
Si une affiche Kevin Costner / Demi Moore aurait fait rêver au début des années 90, 15 ans plus tard, un tel duo sonnait plus comme une série B boiteuse. La surprise, c’est que si Mr Brooks s’avère effectivement être une série B inégale, elle l’est avec un certain style, et offre un personnage central, campé par Costner, particulièrement réussi. Ce qui le rend si intéressant, c’est qu’il est double, avec Wiliam Hurt personnifiant la conscience maléfique du tueur en série bien sous tous rapports interprété par Costner. L’alchimie et l’interaction entre Hurt et Costner confère souvent à la jubilation, élevant nettement le niveau du long-métrage.

A voir aussi :

Fandango : un des premiers rôles de Costner, sur la jeunesse américaine ayant à affronter la perspective de partir au Vietnam.
Silverado : Costner en second rôle comique, jeune chien fou cavalant à cheval avec maestria et humour.
Les incorruptibles : Eliot Ness a beau être un brin fade comparé aux truculents seconds rôles concoctés par De Palma, Costner est impeccable.
Jusqu’au bout du rêve : Costner construit un terrain de base-ball dans son champ et nous fait rêver à un cinéma d’influence Capresque. Magique.
Robin des Bois, Prince des voleurs : Kevin Costner, l’incarnation parfaite de l’Amérique, en brigand des bois anglais ?? Bah oui, c’est une drôle d’idée, mais c’est un classique de ma génération.
JFK : Costner émeut en Jim Garrison lors du plaidoyer final. Le film d’Oliver Stone, d’une densité monstre, est passionnant bien qu’extravagant.
Treize Jours : la crise des missiles de Cuba vue du bureau oval. Costner incarne le plus proche conseiller des Kennedy, un rôle classique, un film tendu.
Destination Graceland : encore un contre emploi pour Costner, psychopathe fan d’Elvis ayant ses moments de délire. Une vraie curiosité.

Le film à guetter dans les mois à venir :
The Company Men
John Wells, producteur et scénariste des séries « Urgences » et « A la Maison Blanche », réalise son premier long-métrage en prenant pour toile de fond la crise mondiale. Ben Affleck, Tommy Lee Jones, Maria Bello et Chris Cooper donnent la réplique à Kevin Costner. Ca c’est du beau casting !

vendredi 15 mai 2009

Rendez-leur la Palme d'Or !!!!!

Le monde est fait d’injustices, et parmi les moindres d'entre elles, il y a celles qui touchent au cinéma. Mais dans le cœur d’un cinéphile, certaines injustices peuvent en valoir d’autres plus évidentes, plus humaines, sociales. Dans le cœur d’un cinéphile, qu’un grand film ne soit pas récompensé à sa juste valeur peut faire figure d’injustice suprême. Puisque l’on est en pleine période de Festival de Cannes, et que je n’ai pas assez de place pour faire un historique complet des injustices du plus grand festival de films au monde, voici celles qui sont à mes yeux les trois impardonnables de la décennie écoulée…

Mai 2008
Entre les murs de Laurent Cantet, film hautement méritant et remarquable à plusieurs niveaux, emporte l’unanimité du jury présidé par Sean Penn. Chouette, un film français (et un bon en plus !) !!! Le premier depuis Sous le soleil de Satan 21 ans plus tôt !! Alors où est l’arnaque ?
L’arnaque c’est qu’en compétition se trouvait également Two Lovers, quatrième film de James Gray, un drame amoureux, sombre, amer, aux accents de tragédie Shakespearienne. Le meilleur film de l’année, qui repart de Cannes sans le moindre prix. Une honte.

Mai 2004
Avec Quentin Tarantino en Président du Jury, tout le monde s’attend à une Palme d’Or rock’n roll, hors des sentiers battus des films habituellement primés. Tout le monde attend un film de genre débridé, violent, puissant, bouleversant, qui remue les tripes et balance un uppercut à tous ceux qui posent les yeux dessus. Tout le monde attend Oldboy du sud-coréen Park Chan-Wook, une bombe qui ne pouvait que séduire à mort QT.


Mais voilà, la guerre en Irak pèse lourd sur les consciences, et sur le jury cannois en particulier apparemment, qui préfère offrir la récompense suprême au documentaire démago de Michael Moore Farenheit 9/11, et laisser la médaille d’argent, le Grand Prix, à un Oldboy volé.

Mai 2000
Attention, le cru 2000 recèle la plus grande injustice de l’histoire de la Croisette ! Cette année-là, c’est Luc Besson qui se trouve à la tête du jury. Les mauvaises langues dont je fais partie pourraient dire que déjà, un tel président ne pouvait qu’augurer du pire. Et effectivement, le pire est arrivé.
Quelle est donc l’infamie ultime ? Est-ce que la comédie musicale puante de pathos de Lars Von Trier, Dancer in the Dark, ait cette année-là remporté la Palme d’Or et valu à son interprète , la débutante Björk, le Prix d’interprétation féminine ?

Non, le pire, c’est tout de même que le chef-d’œuvre éternel, absolu, frisant la perfection de Wong Kar Wai, In the mood for love, ne se soit pas vu offrir cette palme qui lui revenait de droit. La passion contenue, l’amour impossible, la volupté du cadre et des personnages, le rythme lancinant, hypnotisant, fascinant, d’un interdit déchirant. Le film a dû se contenter du Prix d’interprétation masculine pour le magnifique Tony Leung, mais quelle idée de le primer lui sans la primer elle, l’immense Maggie Cheung. Cette tâche dans l’histoire des palmarès est malheureusement ineffaçable et éternelle.

2009 sera-t-elle une année d’injustice, ou de reconnaissance méritée ? Réponse dans quelques jours…

dimanche 10 mai 2009

Une scène à hurler de rire, en ce moment au cinéma

L’humour est vraiment imprévisible. Qui peut bien prédire quel film offrira la scène la plus hilarante de l’année ? Par réflexe on imagine que celle-ci se trouvera cachée parmi la verve irrésistible d’une comédie écrite par Judd Apatow, ou une autre interprétée par Will Ferrell. OSS 117 avait lui aussi une chance de renfermer une séquence appelée à devenir immortelle par sa puissance comique. Eh bien non, contre toute attente, ce n’est pas un tel film qui m’a offert aujourd’hui ce fou rire énorme.

Le film en question est un documentaire britannique intitulé Toute l’histoire de mes échecs sexuels, sorti le 6 mai dernier sur une petite combinaison de 29 salles en France (dont quatre seulement sur Paris). Le réalisateur et protagoniste de ce long-métrage s’appelle Chris Waitt. C’est un acteur/réalisateur/scénariste trentenaire qui vient de se faire larguer une énième fois. Lassé de cette récurrence dans sa vie sentimentale, Waitt décide donc de s’interroger sur le cuisant échec de sa vie personnelle, et se met en tête d’aller interroger toutes ses ex pour essayer de comprendre pourquoi il se fait invariablement larguer.

De ce projet initial, Waitt dérive au fur et à mesure de ses rencontres pour s’interroger également sur ses problèmes d’ordre sexuel. D’entrée de jeu le documentaire se présente sous forme de comédie, tant Chris Waitt apparaît comme un homme à côté de la plaque. Personnage ahuri et niais, il pousse très vite à se demander quelle est la part de vérité et celle de mise en scène dans le récit. Car malgré tous les problèmes dont souffre à l’évidence le britannique, son comportement laisse parfois supposer qu’il force ses propres traits benêts pour accentuer sa propre déchéance sentimentale (et parfois psychologique).

Je vous mentionnais en titre la scène la plus drôle de l’année au cinéma. Il ne s’agissait nullement d’un appât mensonger. Toutes les personnes ayant déjà été avec moi au cinéma savent que lorsqu’une scène ou une réplique me font rire, je ne suis pas du genre à me retenir ou à pouffer le plus discrètement possible dans mon coin. Ca serait plutôt l’explosion, aussi ponctuelle soit-elle. Aujourd’hui, dans la salle 9 de l’UGC Ciné Cité Les Halles, devant Toute l’histoire de mes échecs sexuels, encadré par deux amis, j’ai probablement vécu un des dix… je dirais même des cinq plus irrésistibles fous rires de ma vie de spectateur. La salle pleine pourrait en témoigner.

Attention, je ne parle pas ici d’un fou rire qui vous pousse à crier « HAHAHA » avec une petite larme à l’œil. Non, je parle ici d’une véritable tornade de rires, une sauvagerie imprévisible et puissante qui pousse à hurler, à se contorsionner dans tous les sens sur le siège, à pleurer de rire à grosses larmes, et bien sûr à en avoir mal au ventre sous la force des secousses, à se demander si l’on pourra tenir encore longtemps ainsi avant de mourir étouffé sous les rires. C’est exactement ce qui m’est arrivé aujourd’hui lorsque Chris Waitt, sérieusement inquiet par son évidente impuissance sexuelle depuis près de trois ans, décide, après avoir épuisé toutes les options pour surmonter son handicap, de se rendre chez une maîtresse dominatrice. Là pourra-t-il peut-être enfin retrouver sa vigueur perdue. Certaines des épreuves subies par le réalisateur sont l’élément déclencheur de l’irrépressible hilarité qui s’est emparé de moi. A vous de voir le film pour découvrir cette séquence, la plus drôle à laquelle j’ai assisté dans un film depuis plusieurs mois.

Au-delà de cette séquence, Toute l’histoire de mes échecs sexuels regorge de moments savoureux, faisant fuser de jolis rires tout du long de l’aventure de Chris Waitt. Le climax comique est tellement énorme qu’on pourrait l’oublier, mais le film est, dans son intégralité, une réussite. On parle même d’une adaptation fictive à Hollywood par Jay Roach, réalisateur des Austin Powers.

samedi 9 mai 2009

Star Trek, les yeux dans les étoiles

Le blockbuster Hollywoodien se porte bien. Certes les studios dépensent encore des centaines de millions de dollars afin de produire des inepties telles que Dragonball Evolution ou des suites aussi ratées que Spiderman 3, X-Men 3 ou Indiana Jones 4. Mais après le summum de jouissance geek que constituait Iron Man ou la trouble auscultation du rapport entre le bien et le mal qu’était The Dark Knight, la machine à rêves nous a une fois de plus envoyé un film à gros budget intelligemment conçu et hautement divertissant. Star Trek.

J’écrirais bien que certains d’entre vous tiquent sûrement à l’évocation de tels qualificatifs pour un film associé à la vieille franchise spatiale. Mais il est plus que probable que vous ayez au moins lu les échos indéniablement positifs relayés par la critique. Ce n’est donc finalement pas une surprise que cette remarquable réussite de JJ Abrams, créateur culte de la série « Lost » qui fait plus que redonner une jeunesse à Star Trek : il offre une légitimité cinéphile à un objet de culture populaire jusqu’ici réservé à un public de connaisseurs éminemment geek.

Je ne ferais pas semblant de faire un historique de la saga Star Trek, ou un comparatif entre ce qui a précédé et ce que le film d’Abrams offre aujourd’hui, tout simplement parce que Star Trek ne fait pas du tout partie de ma culture geek. Je n’ai pas été élevé à coup de Star Trek, je n’ai pas rattrapé mon retard des années après, et je ne me suis jamais intéressé de près ou de loin à Spock et ses amis. J’ai regardé cet épisode reboot avec un œil vierge.

Les éventuelles références distillées au long du film ne m’ont donc pas fait ciller. Le Star Trek que j’ai vu est pour moi le seul. Une aventure spatiale à l’efficacité redoutable, peuplée de mésaventures intergalactiques trépidantes, conçue visuellement et techniquement avec une précision et une qualité plongeant le spectateur tête baissée dans le récit.

Abrams, homme venu de la télévision et sachant qu’il faut accrocher le spectateur à l’histoire d’entrée de jeu, dégaine d’ailleurs une des scènes les plus haletantes du film d’entrée de jeu, en pré-générique (un frisson m’a parcouru dès cette ouverture spectaculaire). La destruction de l’USS Kelvin, et le trépassement à sa tête de George Kirk, capitaine par intérim qui sauva la vie de 800 personnes de son équipage, et celle de son fils naissant : James T. Kirk, futur cadet de la Starfleet, futur membre d’équipage puis capitaine de l’USS Enterprise. Ce Star Trek nous invite à découvrir donc les origines de Kirk et Spock, et la constitution dans la détresse du futur équipage de l’Enterprise.

Au-delà des grandes forces visuelles et scénaristiques du film, qui rendent plus que digeste la mythologie de Star Trek jusqu’ici si impénétrable, kitsch et peu attirante, une des grandes réussites d’Abrams est également d’avoir parfaitement distribué les rôles du film. Le réalisateur a montré avec la série « Lost » sa capacité à gérer un grand nombre de personnages et leur adjoindre des interprètes impeccables. Chris Pine et Zachary Quinto imposent une présence et un caractère qui trouvent une vraie complémentarité avec leurs personnages respectifs de Kirk et Spock. Mais au-delà de ces deux personnages centraux, chacun des membres de l’Enterprise trouve en son interprète une incarnation idéale, offrant de la séduction (Zoe Saldaña et Karl Urban) ou de l’humour (Anton Yelchin et Simon Pegg).

Certes, Star Trek n’est pas de ces grands films hollywoodiens qui en plus d’offrir un divertissement jubilatoire remuent le spectateur jusqu’aux tripes par sa volonté d’offrir un regard qui dépasse l’entertainment. Mais faire de ce produit daté qu’était Star Trek une aventure ébouriffante est déjà une grande réussite, promettant une belle renaissance de la saga au cinéma.

mardi 5 mai 2009

Mais qu’est-ce qui rend "Incognito" si drôle ?


Une comédie française ayant l’air plutôt plate et plutôt beauf peut-elle se révéler être une agréable surprise ? Erreur de la banque en votre faveur a prouvé il y a quelques semaines que c’était effectivement possible, quoiqu’en l’occurrence l’à priori sur le film de Michel Munz et Gérard Bitton portait plus sur l’aspect téléfilm tout à fait trompeur. Les dialogues et situations parfaitement ciselées avaient balayé mes craintes.

Aujourd’hui, ce même genre d’à priori s’est emparé de moi à l’idée de voir Incognito d’Eric Lavaine. Les causes du doute étaient multiples et légitimes. Après tout, derrière la caméra, Lavaine avait déjà commis Poltergay, un faux OVNI raté. Après tout, le personnage principal du film est campé par le chanteur Bénabar qui fait ici ses débuts devant la caméra. Après tout, en haut de l’affiche, on ne peut s’empêcher de voir écrit en gros « Franck Dubosc », qui depuis quelques années se complait dans la « beaufitude » au cinéma (Camping, Disco). Bref trois raisons de craindre le pire.

Mais bon, en période de vacances, je laisse leur chance à des films qui passeraient rapidement à la trappe en temps ordinaire. Etonnamment, comme pour Erreur de la banque il y a quelques semaines, bien m’en a pris. Et encore plus étonnamment peut-être, la qualité première du film vient d’un des trois éléments cités comme facteurs décourageants… Non, pas la mise en scène de Lavaine… Pas non plus Bénabar, qui se débrouille pas mal dans son premier rôle, mais ne pousse pas non plus à une attente particulière pour une nouvelle transition vers la comédie…

Et oui, contre toute attente, la qualité numéro 1 d’Incognito, c’est Franck Dubosc. Drôle au côté d’Elie Semoun dans quelques « Petites annonces », le comique s’était plutôt jusqu’ici forgé une image beauf et imbue de sa personne difficilement appréciable au cinéma.
Peut-être son rôle de Francis, l’acteur raté se rêvant mime mais squattant pathétiquement chez son pote pendant dix ans, est-il le rôle de sa vie, car finalement il s’appuie sur une part de la personnalité de Dubosc qui nous est familière. Mais qu’elle soit le signe d’un talent réitérable ou non, son interprétation dans Incognito est souvent à mourir de rire.

Bon, certains me connaissant se méfieront de mon sens de l’humour, à n’en pas douter, mais toujours est-il que peu de comédiens m’ont fait autant rire ces derniers mois au cinéma que Franck Dubosc dans ce film. Il prouve qu’avec du recul, c’est-à-dire en ne se mettant pas trop en avant et en restant le second couteau servis par des dialogues et situations parfois irrésistibles, Dubosc est un dérideur de zygomatiques en puissance, un ressort comique volant toutes les scènes où il apparait. Si proche des beaufs cons sur les bords qu’il incarne habituellement, et pourtant si loin, tellement mieux servi. Il faut le voir déambuler les fesses à l’air à travers l’appartement sans slip (« je vois pas l’intérêt si c’est pour le retirer dans 2 heures ») ou mimant l’espoir avec un grand sérieux. Il parvient à introduire dans Incognito, sympathique comédie un peu téléphonée, des moments d’hilarité inattendus.

Il y a à coup sûr un avenir dans le cinéma français pour Dubosc, s’il parvient à canaliser son énergie comique dans des seconds rôles taillés sur mesure, plutôt que dans des premiers rôles fadasses. Allez Franck, un peu d’audace par le recul !

lundi 4 mai 2009

Liev Schreiber, acteur de l'ombre

Quoi que puisse en dire les stars de premier plan, les seconds rôles sont les éléments essentiels de la distribution d’un film. Il est vital pour un film qu’ils soient là, bien écrits et bien interprétés. Un film qui n’offre pas de second rôle volant la vedette au premier rôle n’est pas tout à fait abouti. La liste est longue, de ces comédiens auxquels on offre rarement le devant de la scène, mais qui savent se tailler la part du lion derrière les stars. Parmi ceux-ci, il y en a une poignée dont le seul nom suffit à me faire me déplacer en salle. Liev Schreiber en fait partie.

Longtemps cantonné au seul cinéma indépendant, Schreiber est devenu un visage familier du grand public depuis quelques années, moins pour sa carrière cinématographique que pour son apparition remarquée dans la série « Les Experts » ou sa présence dans la presse people en tant que compagnon de l’actrice Naomi Watts.
Grand acteur de théâtre formé à l’Ecole d’Art Dramatique de Yale et à la Royal Academy of Dramatic Art de Londres (croyez-moi, peu d’acteurs américains peuvent se vanter d’un tel CV), Schreiber vaut pour chacune de ses apparitions à l’écran. Vous n’avez pas le temps de voir tous ses films ? Alors pour vous voici les cinq moments clés de sa filmographie.

Le cinéma indépendant
Plutôt que cinq rôles, je préfère détacher cinq moments de la filmo de Schreiber. Le premier est son travail en tant que second rôle dans le cinéma new-yorkais des années 90. Jeune homme accroché à son téléphone dans Denise au téléphone, geek romantique dans Walking and Talking, employé de restaurant dans Big Night ou beau-frère solidaire de sa belle-sœur trompé dans En route vers Manhattan, Schreiber ballade sa grande carrure un poil gauche, figure sympathique, juste, mais pas tout à fait notable.



La trilogie Scream
Entre 1996 et 2000, Schreiber se fait connaître du grand public avec un second rôle dans la fameuse trilogie slasher de Wes Craven. Il campe Cotton Weary, suspect favori du premier film qui s’avère être innocent, tient un rôle plus important dans le second et se fait trucider au cours de la première bobine du troisième. En soi, le rôle n’a rien de très intéressant. Il permet tout de même aux producteurs hollywoodiens de remarquer que ce grand gaillard écumant les planches et les seconds rôles du ciné indé peut se montrer sacrément crédible en personnage trouble.


Profession « scene stealer » à Hollywood
Hollywood débauche Schreiber dès 1996 avec La Rançon, mais c’est dans les années 2000 que Schreiber se voit confier des rôles intéressants sous le soleil californien. Dans La somme de toutes les peurs, il dévore l’écran de mystère et dangerosité dans le rôle de John Clark, le tueur de la CIA bien connu des romans de Tom Clancy. Si les récents Les insurgés et X-Men Origins : Wolverine s’avèrent peu mémorables, le comédien, lui, se détache sans difficulté dans des rôles ambigus, s’y révèlant impeccable. Sa meilleure performance à Hollywood reste tout de même celle qu’il donne pour incarner Raymond Shaw, l’ancien soldat modelé à coup de lavage de cerveau, dans le remake d’Un crime dans la tête par Jonathan Demme.


Cinéaste à l’insu de tous
En 2005, personne ne voit Liev Schreiber venir. L’acteur a préparé dans son coin, loin des spotlights, en Europe centrale et avec un financement indépendant, son premier film en tant que réalisateur, dans lequel il ne joue pas (fait rare pour les acteurs passant derrière la caméra). Son road movie Tout est illuminé, adapté du roman de Jonathan Safran Foer, est un bijou méconnu du cinéma indépendant américain, voyage à travers l’Ukraine moderne à la recherche du passé. L’œuvre hilarante et émouvante d’un cinéaste en puissance qui pourtant ne laisse transparaître aucun indice annonçant une quelconque seconde réalisation. Dommage.


Spring Forward : LA performance
Impossible de ne pas mettre en avant un rôle en particulier de Liev Schreiber, une performance exposant l’étendue de son talent. Il n’y a pas à hésiter sur le choix de Spring Forward. Malheureusement je dois être un des trois seuls en France à avoir vu cette petite perle sortie discrètement aux États-Unis en 1999… et jamais chez nous, pas même en DVD. Schreiber y incarne un ancien taulard en phase de réinsertion qui se voit confier un job de jardinier dans une petite bourgade provinciale, au côté d’un homme au bord de la retraite. Entre les deux hommes, l’amitié semble impossible. Pourtant les secrets de chacun, et leur rapport aux autres, va les rapprocher à leur insu. A découvrir de toute urgence (je suis disposé à prêter mon zone 1 avec sous-titres anglais pour faire découvrir cette merveille !).

Les mois à venir devraient témoigner une fois de plus de sa capacité à faire le grand écart entre Hollywood (Salt, thriller avec Angelina Jolie) et le cinéma indépendant (Taking Woodstock d’Ang Lee, en compétition à Cannes, dans lequel il campe un travesti), toujours avec charisme.
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