dimanche 30 décembre 2012

Pourquoi j’ai aimé le cinéma en 2012


Moi qui pensais écrire encore une poignée de billets avant la fin de l’année, voilà que je n’ai plus écrit une ligne depuis trois semaines. A l’heure du bilan cinématographique de l’année, ça tombe mal. Mais après tout, pourquoi s’évertuer à regarder en arrière quand l’année n’est pas encore écoulée ? Les derniers jours de décembre peuvent receler des pépites, et il faudra donc patienter quelques jours avant que je ne livre le traditionnel Top de mes films préférés de 2012. Mais en attendant, il est un billet tout aussi traditionnel que je m’en voudrais de ne pas partager, celui que j’ai par le passé intitulé « Un point final à 2008 », « Le cinéma en 2009, c’était ça… » (avec son petit frère sur l’année 2010), ou plus récemment « 40 choses dont je me souviendrai de 2011 ». Cette année, je change très légèrement la formule, en lui donnant la forme de ma série de billets « Pourquoi j’aime le cinéma ». Je laisse à d’autres le soin de commenter la baisse des entrées en salles, le bide du nouvel Astérix, le triomphe de James Bond ou le salaire des acteurs du cinéma français. Je veux simplement vous dire pourquoi j’ai aimé le cinéma en 2012. Pourquoi ?


Parce que Millenium et Skyfall se sont ouverts par des génériques splendides.

Parce qu’un distributeur a sorti en salles « Tucker & Dale fightent le mal ».

Parce qu’Adrien Brody est encore un bon acteur.

Parce que cette année, j’ai vu Christophe Lambert sur grand écran. Et Jean-Claude Van Damme. Et Chuck Norris.

Parce que lorsque l’on croit que seuls Marvel et DC Comics font de bons super-héros, on se prend Chronicle en pleine face.

Parce que j’ai vu quatre films norvégiens.

Parce que « John Carter » a pris vie sur grand écran, et que j’espérerai longtemps (en vain ?) qu’une suite voie un jour… euh… bah… le jour.

Parce que « La Dame en noir » m’a bien fait flipper.

Parce que lorsque Cloclo découvre « My Way », c’est magique.

Parce que « Hunger Games » n’a pas cartonné en salles en France. Ouf.

Parce que je suis allé voir Battleship (dans la belle salle du Normandie) uniquement pour découvrir le nouveau logo d’Universal célébrant les 100 ans du studio.


Parce que Francis Ford Coppola et William Friedkin ont prouvé une fois de plus que leur retour en indépendants émerveille de film en film.

Parce que Hulk est tout de même une brute épaisse.

Parce que Paddy Considine est passé derrière la caméra.

Parce qu’il y a un bestiaire dingue dans « La cabane dans les bois ».

Parce qu’enfin, j’ai eu le courage de zapper un film de Tim Burton, après 15 ans de déceptions. Même s’il paraît que je n’ai pas zappé le bon des deux sortis cette année.

Parce qu’il y a eu deux films de Hong Sang Soo.

Parce que Men in Black 3 et The Amazing Spiderman, ça avait l’air tout pourri, mais en fait c’était pas mal du tout.

Parce que j’aime découvrir un beau film que je n’attendais pas, comme ce Summertime sorti dans un coin de l’été.

Parce que Johnnie To a fait un film sur la crise.

Parce qu’à la fin de « Take Shelter », le doute flotte…

Parce que j’ai vu les deux versions de « Guilty of Romance » sur grand écran, et que la director’s cut est la plus courte et la meilleure.


Parce qu’un film de gangsters indien de 5h est sorti, malheureusement en deux fois.

Parce que Joseph Gordon-Levitt et Paul Dano étaient partout !

Parce que Matthew McConaughey porte aussi bien le lycra jaune moulant que le stetson accompagné d’un flingue ou le cache œil de borgne. Quel style ce mec.

Parce que Niels Arestrup et Tahar Rahim se sont retrouvés.

Parce que Camille fait résonner « Dis, quand reviendras-tu ? » dans le juke-box.

Parce que Denis Podalydès était partout lui aussi.

Parce que le portable de Paul, il fait pas mail, hein !

Parce que si le cinéma d’animation hollywoodien n’était pas à la hauteur cette année, il y a eu le cinéma d’animation japonais pour compenser.

Parce que je ne voulais pas descendre du bus conduit par Michel Gondry.

Parce que je n’ai jamais autant eu envie de voir les prochaines aventures de James Bond 007. Merci Skyfall.

Parce que Shah Rukh Khan est passé par là, rapidement mais sûrement.

Parce que Brad Pitt et James Gandolfini dissertent pendant dix minutes sur les problèmes de couple du second.

Parce que Ben Mendelsohn est flippant. Et c’est une bonne chose.


Parce que j’ai enfin vu sur grand écran « Sugarland Express », « La Grande Illusion », « Dans la Chaleur de la nuit », « La servante », « Le grand chantage », « Le Gouffre aux chimères », « Le train sifflera trois fois »… Et « The Killer », ou presque.

Parce que Jan Kounen m'a fait découvrir Ron Fricke.

Parce que Corinne Masiero est une drôle d’actrice.

Parce que j’ai vu les deux plus gros succès du box-office coréen de l’année sur grand écran, même si les chances qu’ils sortent un jour en salles en France sont plus que minces.

Parce que Matthias Schoenaerts est une bête de cinéma.

Parce qu’Oslo au petit matin, ça a l’air magnifique…

Parce qu’Eva Green est magnifique dans « Perfect Sense », Manie Malone délicieuse dans « Viva Riva ! », Chanokporn Sayoungkul divine dans « Headshot », Megumi Kagurazaka à tomber dans « Guilty of Romance »

Parce que Guy Pearce atterrit sur Terre en parachute après s’être extirpé de la prison spatiale, et que c’est ridicule et génial à la fois.

Parce qu’un huis-clos à Wall Street s’est avéré enthousiasmant.

Parce que Wes Anderson m’a appris que si l’on a trop chaud, plutôt que de retirer son chapeau en fourrure, il vaut mieux pour se rafraîchir se mettre des feuilles sur la tête.

Parce que Jonah Hill et Channing Tatum m’ont fait hurler de rire en retournant au lycée.

Parce que cela m’a amusé de compter le nombre de spectateurs qui quittaient la salle devant Cosmopolis.


Parce que mémé est morte en faisant Pif, Pouf, Pschitt.

Parce que ne pas tomber en pamoison devant « Holy Motors » et « Amour » n’empêche pas d’aimer le cinéma.

Parce que Noémie Lvovsky m’a donné envie de retomber en enfance.

Parce que le cinéma cambodgien a beau avoir disparu, il se raconte bien.

Parce que « Compliance » et « Después de Lucia » ne m’ont pas caressé dans le sens du poil.

Parce que Bruce Willis devrait plus souvent faire des films du calibre de « Moonrise Kingdom » et « Looper ».

Parce que Pierre Niney ira loin.

Parce que j’ai échangé quelques mots avec Plastic Man.

Parce que j’ai fait l’effort d’aller voir un film au générique duquel se trouve Maïwenn.

Parce que je suis retourné en Terre du Milieu.

Parce que les tambours du désert continuent de résonner en moi…


jeudi 13 décembre 2012

Ninjas et sacs plastiques, ou le compte-rendu anarchique d'une soirée exceptionnelle à Panic ! Cinéma


Plastic Man qui mange aux toilettes, des chinois qui parlent en français et un ninja qui a l’accent anglais. Ça se passe comme ça à Panic ! Cinéma. Et cette séance du 8 décembre, voilà des semaines que je lorgnais dessus. Pensez-vous. Un film de ninjas hongkongais des années 80 en l’honneur de la journée mondiale du ninja (sérieusement !). Si ça ce n’est pas immanquable pour tout amateur de nanars qui se respecte, qu’est-ce qui peut bien l’être ? Ce qui fait surtout de ce genre de film un must, c’est sa version française absolument hallucinante qui semble avoir été enregistrée spécialement pour faire le bonheur des visiteurs de Nanarland. Les habitués de Panic ! Cinéma ne s’y sont pas trompés et la salle Buñuel du Nouveau Latina était quasiment pleine.

Avant d’entrer en salles, je vécus cependant une véritable rencontre du 3ème type devant les toilettes du cinéma, sans extraterrestre mais avec un Plastic Man généreux et expansif. La première fois que j’ai échangé un (court) mot avec lui, c’était au Cinéma du Panthéon (déjà aux toilettes, décidément…). Cette fois, le cinémaniaque le plus célèbre de la place parisienne, toujours de noir vêtu et toujours aussi légèrement avec T-shirt, jogging et espadrilles, avait étalé ses fameux sacs dans le couloir bordant les toilettes du Nouveau Latina pour… dîner. Quand j’arrivai dans le couloir, il était en train de fouiller dans un des sacs pour en extirper, entre autres merveilles, une boîte de thon qu’il ouvrit et commença à déguster sur place, avant de se déporter au-dessus du lavabo pour ne pas en renverser sur la moquette. La plus longue conversation que j’ai eue avec lui s’ensuivit, d’abord sur la difficulté de manger du thon sans boucher le lavabo (si si !), puis sur la difficulté de manger rapidement entre deux séances (discussion très gastronomique, je sais). Je le laissai finalement manger tranquillement (rapidement, surtout), particulièrement débraillé mais éminemment sympathique, en le quittant d’un « Bon appétit ».

Dans la salle, il se posta à son fidèle premier rang, et lorsque la salle fut presque remplie et qu’un groupe de mecs, six ou sept, arriva et sembla décidé à s’installer aux avant-postes à côté de Plastic Man… ils changèrent finalement d’avis, semblant méfiant de ce voisin mal attifé, mal sapé, et étalant des sacs plastiques au sol. L’ambiance dans la salle était électrique. « Clash of the Ninjas » promettait d’être un tel régal, les extraits aperçus sur Internet auguraient d’un doublage si poilant, que la salle fut réactive au film tout du long – et même un chouia trop pour les mecs installés le rang derrière le mien, qui semblaient ne pas trop faire la différence entre rire du film et chercher à faire rire la salle. Les gars, si vous aviez mis la pédale douce sur l’aspect participatif en lançant les piques juste ponctuellement plutôt que tout du long à chaque minute, chaque réplique et chaque plan, l’expérience eut été d’autant plus poilante.

Mais le spectacle fut tout de même total, et hilarant. « Clash of the Ninjas », un film de Godfrey Ho (crédité en tant que « Wallace Chan »), un nom qui ne vous dit probablement rien dont la looongue filmographie (plus d’une centaine de films) consiste essentiellement en des films dont le titre contient le terme « Ninja ». Oui, le Godfrey aime le ninja, il leur a dédié sa vie de cinéaste et nul doute que « Clash of the ninjas » en est l’un des fiers représentants. Le film raconte… enfin… raconte est peut-être un grand mot, en tout cas il suit une organisation criminelle à Hong Kong à la tête de laquelle un britannique du nom de Mr Roy se révèle être un méchant ninja qui fait du trafic d’organes (bouuuuh !). La police hongkongaise et Interpol, dont un agent qui s’appelle Tony et arbore un mulet et une moustache dignes des plus beaux looks des années 80, vont tenter de démanteler cette horrible organisation (bouuuuuh bis).

Si le scénariste annoncé au générique s’appelle Spielberg, difficile de croire qu’il s’agit là d’un cousin de Steven qui se serait essayé en douce au film de ninjas. Ici, on est dans le nanar total qui a dû sembler has been dès 1988 (le film date de 86) tant rien n’a été ici conçu pour résister à l’épreuve de la ringardise cinématographique, ce qui bien sûr en fait ce plaisir coupable absolument délicieux dont nous nous sommes délecté à Panic ! Cinéma. Évidemment la première chose qui rend ce film si vitalement nanaresque et hilarant, c’est sa magnifique VF. Le genre de doublage qui semble avoir été effectué en un après-midi par deux doubleurs amateurs se chargeant de faire toutes les voix à eux deux en changeant les intonations, accents et autres variations vocales d’un personnage à l’autre, y compris les personnages féminins (sérieusement, j’ai été incapable de déterminer s’il s’agissait de voix masculines ou féminines qui doublaient les femmes dans le film, effet « Hey chéri, tu t’attendais à quoi en venant au Bois de Boulogne à cette heure-là ? »). Si la VF a eu la bonne idée de ne pas donner des accents asiatiques racistes aux personnages chinois, les voir avec de bons accents franchouillards face à des anglais qui avaient des accents so british - ou pour le héros arborant moustache et mulet, une voix à la Stallone - ajoutait finalement au grand n’importe quoi. Même si je ne saurais dire ce qui était le plus savoureux, entre l’accent franchouillard des chinois ou l’accent British du méchant ninja qui balançait des « Attrapez-moi ces zygotos » avec l’accent de Hugh Grant ou des « Fuck Off ! » et autres « Ooooh encore Fuck Off !! » en VF dans le texte.

Mais ne mettons pas tout sur le compte de la VF endiablée. Le film en lui-même regorgeait de petits trésors nanaresques qui n’avaient même pas besoin du doublage pour entrer dans les annales du Z. Une magnifique scène d’amour kitsch et mal montée (hop j’ai des vêtements ! hop j’en ai plus ! hop j’en ai de nouveau !) sur fond de synthé, des répliques qui tuent (« On les a retrouvés sur le sol » et autres « Le sang que tu as perdu, tu ne l’auras pas versé en vain » dans la bouche de monsieur mulet à son pote sur son lit d’hosto), des ninjas qui apparaissent et disparaissent avec de la fumée, des explications historiques sur l’origine de la mafiaaa ou des ninjaaas (oui, monsieur mulet a tendance à accentuer les « a » en VF), des scènes de combat où l’on voit bien que les acteurs ne se touchent même pas, des flash-backs ou le mec lève la tête au plafond pour faire style « Attention flash-back ! », et un duel final où le gentil ninja fait exploser le méchant ninja d’un mouvement de main à distance (applaudissements nourris garantis). Non, décidément, même en VO il y aurait eu de quoi se marrer. Bien sûr cela n’arrange rien que le film soit paraît-il réalisé à partir de deux films remontés, les acteurs occidentaux ayant été apparemment insérés à l’intérieur d’un film HK déjà existant. Bref (avec un accent britannique maléfique) un bon bordel bien jouissif ! Et moi des films comme ça, des séances aussi délectables, j’en veux encore ! Ninjaaaaa !

mardi 11 décembre 2012

Le blogueur est un spectateur comme les autres (ou presque)


Tenir un blog, c’est quelque chose de très personnel. Quand j’ai commencé ce blog il y a quatre ans, je ne me suis pas posé la question de tout ce que cela pourrait m’apporter, les rencontres, les propositions, les opportunités. Quand on tient un blog qui parle de cinéma, si tant est que l’on puisse considérer le mien ainsi (oui, je crois qu’on peut non ?),  on intègre un vrai petit monde, avec des gens qui vous invitent à des projections, d’autres qui vous proposent de vous envoyer des DVD, des gens qui vous proposent de l’argent si vous diffusez des extraits de leurs films, et que sais-je encore.

Oui, tenir un blog c’est être soumis à tout un tas de tentations, auxquelles je dois bien avouer rarement céder. Pas de pub, pas de sponsoring, tout juste accepte-je de temps à autres des invitations à des projections ou profite-je de mon blog pour être accrédité dans un festival. Alors forcément, je me sens un peu à l'écart de la blogosphère ciné qui se voit souvent aux projections, aux invitations… (ne croyez pas que je leur reproche). Chaque blog a sa propre identité, et celle du mien, cela a toujours été, autant que faire se peut, de raconter mes pérégrinations dans les salles obscures de Paris ou d’ailleurs, de partager la passion sans forcément rendre compte précisément des films. Si je répondais à toutes les sollicitations, je n’aurais plus grand-chose à raconter, non ?

Bref, je suis une sorte d’asocial de la blogosphère. Et ce que je regrette le plus là-dedans, c’est qu’à cause de ça, je passe à côté de rencontres, celles des autres blogueurs passionnés, et en dehors de quelques-uns qui officient sur Made in Asie, Kim Bong Park, La Cinémathèque de Phil Siné, Les Nuits du Chasseur de films ou Filmosphere, je dois bien avouer que je ne connais pas les têtes d’autres blogueurs aimant à exprimer leur amour du cinéma sur leurs blogs.

Alors pour une fois, j’ai décidé il y a quelques jours de sortir de ma grotte et d’aller me frotter aux autres blogueurs. Certains d’entre eux ont créé il y a quelques années « How I met your blogger », des soirées créées par des blogueurs ciné pour les blogueurs ciné où il s’agit de se retrouver, se rencontrer, et regarder un film ensemble. Vendredi 7 décembre, je me suis donc faufilé au Grand Action pour la nouvelle soirée du genre. Je ne sais pas si vous êtes familiers du cinéma de la rue des Écoles, mais imaginez l’espace situé entre les deux salles envahie de blogueurs, dans les 150, parmi lesquels se sont également invités quelques professionnels, de chez Wild Side, Warner, Sony, I Like Cinema et quelques autres, sponsorisant plus ou moins la soirée avec des cadeaux à la clé pour les blogueurs.

Drôle de soirée à dire vrai. Tous ces blogueurs dont la tête ne me disait absolument rien, une poignée dont j’avais déjà aperçu la bobine dans quelques festivals ou projections... Bon, le Grand Action n’était peut-être pas l’endroit idéal pour accueillir un tel regroupement. C’était ambiance on se marche dessus, on se rentre dedans et on a du mal à respirer, c’est vrai. Et quand les organisateurs ont annoncé à un bout du hall que les goodies Avengers qui trônaient sur un côté, c’était libre-service, ce fut un peu le chaos tout à coup, une ruée de geeks se jetant sur les figurines Captain America et Thor, les sweat et T-shirt Avengers, une panique incontrôlée qui en a vu certains se servir allègrement en plusieurs exemplaires et en a laissés quelques uns, dont moi, les mains vides. Les gars, la prochaine fois, sérieusement, faut repenser le concept de la distribution des goodies. Et si je peux me permettre un autre bémol (il faut bien pour que cela s'améliore d'année en année, non ?) il faudra peut-être aussi revoir le concept de la programmation, parce qu’à l’annonce que le film projeté serait « Premium Rush » de David Koepp, sorti il y a quatre mois au ciné, un quart de la salle s’est vidé (bon ok il y avait aussi ceux qui avaient un train à attraper).

Choisir de projeter un film sorti il y a trois mois à une foule de passionnés de ciné qui ont déjà presque tous vu le film, ce n’était peut-être pas ce que les blogueurs redevenus spectateurs attendaient (une bonne avant-première ou carrément un classique, ou quitte à passer un film ayant fait peu d’entrées, autant harceler la Fox pour qu’elle crache une de ses sorties techniques – cette fois en VO - là tout le monde serait resté, hors histoires de RER à attraper). Même si sur un plan personnel, ça m’allait très bien puisque je n’avais pas vu « Premium Rush » qui voit Joseph Gordon-Levitt faire le coursier à vélo avec un flic véreux au cul joué par Michael Shannon.

Mais loin de moi l’idée de mettre en doute l’intérêt ou la réussite de la soirée. J’étais venu motivé par la rencontre, et je fus servi. Avec le badge d'un autre invité épinglé sur le revers de ma veste, j’eus pleins d’occasion de naviguer entre les blogueurs pour retrouver celui qui avait mon badge, et celui dont j’avais le badge. J’ai rencontré des gens tenant des blogs dont je n’avais jamais entendu parler, des gens avec qui je discutais virtuellement depuis quelques temps (Audrey de New Kids on the Geek ! Fred de MyScreens !), et j’ai même papoté business avec un ou deux pros, dont un mec de Potemkine avec qui j’ai parlé de la carrière de « God Bless America ». Et puis mince, j’ai même gagné un DVD de « Ronal le Barbare », un film d’animation doublé par Kev Adams (je te sens envieux toi, au deuxième rang…), même si  j’ai jalousé ceux qui ont pu choper un goodie Avengers, ou reçu un coffret Blade Runner ou un bouquin sur Robert Mitchum.

Alors voilà, je suis reparti de la soirée "How I met your blogger" avec quelques cadeaux, un petit film d’action sympa vu, et quelques nouveaux followers sur Twitter, mais surtout, j’en suis reparti en ayant fait quelques rencontres des plus sympathiques, et en sachant que la prochaine fois que je serai à un festival ou à une projection, j’aurais quelques amis de plus dans la salle.

dimanche 9 décembre 2012

La maniaque de l'applaudissement se fait masser en présence de Brillante Mendoza


Bon, okay, je l’avoue, j’ai raté mon coup. C’est la honte. Montrez-moi un coin que je m’y cache. J’ai guetté le festival « Un état du monde… et du cinéma » pendant des semaines, j’ai trépigné d’impatience à l’annonce de la rétrospective Brillante Mendoza avec avant-première et Masterclass à la clé… Et au bout du compte, voici mon triste bilan personnel : un seul film de Mendoza vu. Bon, d’accord, je n’en avais pas cinquante à voir non plus, mais le fait est que je n’ai pas su tenir mes envies premières. Zappée, la masterclass, oubliée, l’avant-première, délaissés, John John et Tirador. Seul « Le masseur », le tout premier long-métrage de la carrière fulgurante de Brillante Mendoza, a trouvé grâce au sein de mon emploi du temps de ministre flemmard.

La rapidité avec laquelle le cinéaste philippin s’est imposé comme une figure majeure du cinéma mondial en ferait presque oublier que son premier long date seulement de 2005. Présent depuis une semaine à Paris pour accompagner le festival, il accompagnait là une dernière projection de sa présence, devant partir attraper son avion sitôt sa présentation faite. Ce premier film, « Le masseur », qui fut précédé d’un clip musical réalisé par le réalisateur philippin à l’occasion des dernières élections présidentielles de son pays, attira finalement plus de monde que ce que laissait supposer (craindre) la petite dizaine de spectateurs que nous étions à une douzaine de minutes de l’heure H. Et parmi ses premiers spectateurs, une spectatrice assidue (oserais-je la qualifier de cinémaniaque ?) dont j’avais déjà croisé la route à plusieurs reprises, notamment à Paris Cinéma puis à l’ÉtrangeFestival

Dans la salle 300 du Forum des Images, il y a un rang circulaire sur lequel j’aime me poster et que je vise dès que je mets les pieds dans la salle. Cette fois-ci comme les autres fois, et alors que je choisissais mon fauteuil, je remarquai très vite qui était assis à deux fauteuils du mien : la maniaque de l’applaudissement, une spectatrice qui applaudit dès qu’elle en a l’occasion et a la parole facile. J’ai hésité à abandonner mon rang favori pour m’éloigner d’elle, mais finalement, je suis resté. Et à peine assis, j’ai senti son regard sur moi, insistant. Elle avait envie de parler je l’ai bien senti, et puisque j’étais assis à sa portée, elle a vite jeté son dévolu sur moi. Voulant retarder au maximum l’échéance, je faisais le mec qui n’avait pas remarqué, j’évitais de me tourner vers elle, mais au bout de quelques secondes, je commis une erreur : je me tournai pour jeter un œil à la salle et à sa poignée de spectateurs. Boum, ma voisine attrapa la perche tendue et me lança un « Y a pas beaucoup de monde hein ? » que j’aurais dû voir venir. Une erreur de débutant.
« Eh non, lui répondis-je.
- En même temps le film a quelques années déjà, il y en a sûrement beaucoup qui l’ont déjà vu.
- Sûrement.
- Mais bon moi je ne l’ai jamais vu alors j’en profite, hein !
- Eh oui », lui répondis-je avec le sourire tout en attrapant mon bouquin, tentant une échappée littéraire pour me prémunir d’une conversation pendant les dix minutes nous séparant du début de la séance.

Je fus de toute façon sauvé par l’arrivée d’une de ses copines qui se cala entre elle et moi et auprès de laquelle elle trouva une bien meilleure compagnie pour discuter. Je compris même vite qu’une seconde amie risquait d’arriver qui était peut-être allé voir « It’s a free world » de Ken Loach juste avant. Et effectivement, l’autre amie arriva, pendant que la salle se remplit doucement mais sûrement, et lorsqu’enfin Brillante Mendoza se présenta à nous, la salle 300 du Forum des Images était bien fournie en cinéphiles. Bien sûr, l’applaudisseuse lui réserva un tonnerre de claquements de mains pour l’accueillir, première qu’elle fut dans le geste, et dernière à l’arrêter. Elle riait et acquiesçait à chacun de ses mots, ou plutôt de ceux de la traductrice.

Mendoza resta cinq minutes pour nous parler de son clip musical pour les présidentielles, censurés aux Philippines, de ses premiers pas dans le long-métrage avec « Le masseur », qui fut une première pour lui-même mais également pour son acteur fétiche Coco Martin, pour son scénariste, son producteur… Cette fraîcheur des débuts, on la ressent bien dans le film qui suit un jeune masseur qui offre un peu plus que de la détente musculaire à ses clients s’ils sont prêts à y mettre le prix (et ils y sont tous prêts). On sent les prémices du style vif et poétique de Mendoza, avec une certaine fébrilité qui disparaîtra bien vite dans ses films suivants.

Alors que le clip musical projeté en préambule commençait, ma voisine applaudisseuse prit son temps avant de se projeter dedans, préférant faire des commentaires à sa copine sur la facilité d’accès à l’aéroport depuis Les Halles grâce au RER (mais bon, franchement, j’ai du mal à imaginer Mendoza y allant en RER…), ou demandant à brûle-pourpoint à sa voisine « Mais au fait, c’est où les Philippines ? ». L’indication « A côté de la Malaisie » de son amie ne sembla pas trop la convaincre… « Le masseur » la convainquit bien plus, lui réservant une belle salve d’applaudissements bien sûr. Tandis que les spectateurs se levaient au générique de fin, je l’entendais discuter, persuadé qu’une de ses amies était encore en sa compagnie. Mais en me tournant vers elle, je constatai qu’elle était seule et discutait avec elle-même. Avant qu’elle n’en profite pour m’alpaguer, je me tournais dans l’autre sens… Elle choisit donc une spectatrice du rang derrière pour exprimer ses impressions sur le film « C’est bien hein pour un premier film ? ».

Moi je m’esquivai en douce… De toute façon, je ne doute pas qu’un jour ou l’autre, elle me tombera à nouveau dessus…

vendredi 7 décembre 2012

« The Land of Hope » : tsunami et sonotone pour Un état du monde… et du cinéma


Si j’aime à retrouver chaque année L’Étrange Festival au Forum des Images, il est un autre rendez-vous cinéphile qu’offre le Forum et dont je rate rarement une édition, c’est « Un état du monde… et du cinéma », un festival aux accents politiques, sociaux et sociétaux qui tente de dresser chaque année un portrait de l’époque à travers des films. Cette année, si la rétrospective Brillante Mendoza a fait briller mes yeux de désir, une avant-première a particulièrement retenu mon attention, celle de « The Land of Hope » de Sono Sion.

Bon, Sono Sion et moi, c’est une histoire assez récente, parce que le premier film de lui que j’ai vu, c’est « Cold Fish » l’année dernière, un film qui a eu le malheur de ne pas me plaire du tout. C’est « Guilty of Romance » l’été dernier, entre fièvre et poésie, qui m’a réconcilié avec le cinéaste japonais. Comme je ne m’étais pas trop penché sur « The Land of Hope » avant de le voir, je pensais qu’il s’agissait d’un film consacré à la catastrophe de Fukushima. Or c’est bien plus intéressant que cela. Sono Sion préfère s’intéresser à l’héritage de Fukushima, et cette ombre que porte la tragédie nucléaire sur le Japon, et plus globalement sur notre époque.

Mais ce n’est pas tant au drame que s’attache le cinéaste. Il préfère pousser son exploration plus loin en inscrivant son récit dans un Japon où Fukushima a effectivement déjà eu lieu, dans un Japon qui va de nouveau être frappé par une catastrophe similaire. L’espoir du titre semble pouvoir renvoyer à beaucoup de choses, et il est possible de s’interroger sur la nature de cet espoir. Qu’est-ce que l’espoir dans une zone qui a été frappé par une telle catastrophe ? Est-ce la vie qui continue et résiste vaille que vaille ? Est-ce le questionnement, l’affrontement idéologique, la remise en question que l’on va trouver chez certains citoyens qui refusent de suivre le troupeau ? Ou serait-ce justement l’illusion que la vie peut reprendre son cours comme avant, en somme un espoir naïf, voire vain ?

Quelle que soit la réponse à la question de l’espoir, Sono Sion prend le parti de bousculer ses concitoyens. Je me souviens à l’époque de Fukushima avoir lu, entendu, pensé même que le peuple japonais affrontait ce drame avec une rigueur héroïque, montrant au monde par leur comportement un courage exemplaire. Sono Sion plonge donc une poignée de personnages, principalement une famille, dans un scénario similaire, une petite ville mitoyenne d’une centrale nucléaire frappée par un tremblement de terre puis un tsunami. Et si courage et humanisme il y a chez Sono Sion, on trouve également cet agacement face à l’autorité qui ne remplit pas son devoir de transparence à l’égard du peuple, et en parallèle un agacement face à ce peuple qui ne remplit pas son devoir de mise en doute de la parole de l’autorité, et qui donne ainsi un autre sens à cette rigueur aperçue d'un oeil étranger.

Le Japon traumatisé de Sono Sion est le portrait d’un pays qui se cherche encore dans son rapport à l’autorité, comme s’il n’avait pas encore tué le père. Le réalisateur bouscule ses personnages en leur intimant de cesser d’attendre la parole de la figure paternelle pour s’exprimer en tant qu’individu, sortir de la masse et oser aller à contrecourant. « The Land of Hope », s’il est un drame fort, est surtout un film contestataire qui semble vouloir ouvrir les yeux des japonais, et par extension, des hommes et femmes de par le monde n’ayant pas encore cassé l’illusion des jours meilleurs. La radioactivité n’est dès lors presque plus le cœur du film, qui questionne en réalité plus globalement sur la possibilité d’être heureux malgré le danger, malgré l’incertitude, malgré le drame.

Pour éclairer un peu plus le public sur la question du nucléaire, le festival « Un état du monde et du cinéma » avait invité Albert Jacquard, éminent scientifique et fervent opposant au nucléaire, à découvrir le film de Sono Sion en notre compagnie et à en discuter après la projection. Et pendant que des spectateurs à bonnet (par la chaleur régnant dans la salle 500 du Forum, c’est courageux) quittaient la salle avant la rencontre, un vrai sketch s’est joué devant les spectateurs. Un doux bonbon, excusez-moi monsieur Jacquard, magnifiquement poilant.

En effet alors que l’on installait table et chaises pour Albert Jacquard et le responsable du festival, ce dernier nous apprit que l’appareil auditif de monsieur Jacquard s’était déréglé et qu’il allait falloir patienter quelques instants pour qu’il soit réparé. Ce qui a donné lieu à une scène savoureuse où le responsable du festival essayait de réparer le sonotone d’Albert Jacquard sous les instructions de ce dernier qui ne semblait pas convaincu par la procédure : « Ça n’a pas l’air de marcher, ça doit pas être les bonnes pièces », à quoi il se voyait répondre : « Mais si c’est forcément les bonnes c’est votre appareil ! ». Au bout de quelques instants, l’homme du festival annonça que c’était bon, que cela semblait réparé. Jacquard a alors enfilé son sonotone, et le responsable s’est lancé dans la discussion… devant un Jacquard ne réagissant pas du tout… avant de dire au micro « Je ne sais pas si c’est normal mais je n’entends rien du tout ! ». Monsieur Jacquard (excusez-moi encore) est sourd comme un pot, et son sonotone ne fonctionnait toujours pas. Il a alors commencé à parler de lui-même, sans s’entendre, sur la question du nucléaire.

Pressé par le temps, je ne suis pas resté plus longtemps… Mais je n’aurai pas raté une miette de ce petit sketch inattendu et involontaire. Le sonotone a-t-il fini par fonctionner ? C’est un mystère que m’a laissé « Un état du monde et du cinéma »…

dimanche 2 décembre 2012

Voir « Lawrence d’Arabie » et redécouvrir le cinéma


Je sens encore les tambours résonner en moi. Leur rythme cogne dans ma poitrine. Je vois le soleil percer à l’horizon et les yeux de Peter O’Toole d'un bleu si limpide illuminer ce visage ensablé. A l’heure où j’écris ces lignes, vingt-quatre heures se sont écoulées depuis la projection de « Lawrence d’Arabie » à la Cinémathèque Française dans le cadre de leur festival « Toute la mémoire du monde » parrainé par Martin Scorsese, et il ne s’est pas écoulé cinq minutes depuis sans que je pense au film de David Lean. Il est là et ne veut pas me quitter comme je ne veux pas le laisser s’enfuir. Je n’ai pas hâte qu’il devienne ce film que j’ai vu, je veux qu’il vive en moi le plus longtemps possible car je pressens que je ne suis pas près de le revoir.

Ce n’est pas un hasard si je n’avais jamais vu « Lawrence d’Arabie » jusqu’à ce soir de novembre. J’ai expressément attendu, je me suis refusé de regarder sur un écran de télé cette fresque épique de 3h40 pour laquelle le grand écran semble avoir été inventé. J’ai patiemment attendu que le film bénéficie d’une restauration  et qu’il soit ainsi projeté dans une salle de cinéma à ma portée. Aimer le cinéma va parfois bien au-delà de la seule envie de voir un film sous quelque forme que ce soit ici et maintenant. J’ai choisi la patience afin de poser mes yeux sur un film dans des conditions optimales, le luxe d’habiter la capitale de la cinéphilie me le permettant. « Il était une fois dans l’Ouest » m’avait conforté dans cette idée.

La patience a donc finalement été récompensée. Un jour j’ai ouvert le programme de la Cinémathèque, et parmi les films programmés dans leur festival du film restauré, j’ai lu « Lawrence d’Arabie, version restaurée pour les 50 ans, salle Henri Langlois, jeudi 29 novembre 2012, 20h30 ». Un sourire. Enfin. Je n’ai pas honte de mes lacunes. Il me reste tant de films à voir, des classiques que je préfère attendre de voir sur grand écran puisque l’on n’a pas vraiment vu un film tant qu’on ne l’a pas vu sur grand écran. Et cette semaine, j’ai enfin vu « Lawrence d’Arabie ». Omar Sharif était là pour nous présenter le film, avec joie, humour et classe et nous gratifiant au passage de quelques anecdotes sur le tournage de ce film qui a changé sa vie. Ont suivi une standing ovation, puis un message vidéo de Martin Scorsese pour nous parler de la restauration des films et du festival de la Cinémathèque qui lui a offert une carte blanche.

Puis la lumière s’est éteinte, et dans cette immense salle baignée d’obscurité, sur cet immense écran noir, les premières notes de tambours imaginées par Maurice Jarre ont résonné. Les murs et les fauteuils ont tremblé sous l’effet vibrant de ce thème musical entré dans l’Histoire. Le cinéma offre parfois des moments de grâce promis à rester gravés longtemps dans nos mémoires. C’est ce qui me pousse, le moteur, l’envie, cette éventualité incroyablement forte et magnifiquement rare où l’expérience cinématographique bouleverse. Pas le bouleversement de l’émotion qui se dégage d’une belle histoire. Non. C’est le bouleversement indicible qui transcende les mots, l’histoire, l’émotion. C’est cette sensation d’avoir assisté à un instant unique. Un instant de quatre heures certes mais un instant tout de même à l’échelle du temps qu’il restera en nous.

Je n’ai même pas trouvé « Lawrence d’Arabie » parfait, la faute à cet entracte inattendu qui m’a sorti du film et a coupé un peu de cet élan formidable qui me gagnait, mais ce que m’a fait ressentir la fresque de David Lean ne se limite pas à l’appréciation que je m’en suis faite. Découvrir « Lawrence d’Arabie » sur ce grand écran de la salle Langlois, ce fut ouvrir les yeux et s’ébahir. Ce fut poser les yeux sur un écran de cinéma comme si c’était la première fois, comme si je n’avais jamais vu de film avant. Ce fut un voyage à travers le désert, à travers le temps, à travers une vie, des vies.

Des grands films, il en existe des dizaines, peut-être des centaines. Certains n’ont même pas besoin d’une salle de cinéma pour afficher leur grandeur. Mais je ne suis pas en train de vous dire que j’ai vu un grand film. Pas seulement en tout cas. J’ai vécu une expérience incroyable. Cinématographique et humaine. Une expérience que jamais je n’aurais pu vivre, des sensations que jamais je n’aurais pu éprouver en me contentant de regarder « Lawrence d’Arabie » en DVD ou Blu-ray. Même le goût amer de cette précipitation forcée pour tenter en vain d’attraper le dernier métro, cette déception constatée chez d’autres spectateurs obligés de quitter le film prématurément pour aller attraper leur RER, même cela n’a pu altérer l’aventure et cette douce musique qui m’accompagne depuis. Je cherche les mots mais je ne les trouve pas.

Bien sûr j’aurais préféré que la Cinémathèque programme le film trente minutes plus tôt, j’aurais aimé laisser le film s’infuser en moi pendant le générique de fin puis le regard dans le vague, la tête ailleurs, laisser mon esprit s’égarer pendant que le métro m’aurait ramené chez moi. Au lieu de cela, j’ai couru pour rater mon métro, j’ai erré pour trouver un vélib’ et j’ai fini par attraper un taxi. Une heure et demi du matin un jour de semaine à marcher dans le froid parisien, à mille lieues de ce désert qui m’a transporté quatre heures durant. Je me suis rêvé Lawrence, Ali, Auda. Je me suis rêvé loin de ce bitume et de ce gris. Mais ce n’était pas vraiment un rêve. Pendant quatre heure ce soir-là, « Lawrence d’Arabie » m’a procuré ce que seule une salle de cinéma peut offrir. Un autre monde devenu la seule réalité à mes yeux, le temps d’un film. Un voyage éphémère mais dont l’écho résonnera longtemps en moi. « I’ve seen another world » disait Witt. Moi aussi je l’ai vu, cet autre monde.

mardi 27 novembre 2012

« Modus Anomali », syndromes d’un échec décevant au PIFFF


Quand on a un emploi du temps serré et que l’on étudie le planning d’un festival comme le PIFFF, le plus dur c’est de se rendre compte qu’un film que l’on désire ardemment voir sera hors de portée. C’est le problème des projections uniques, et au PIFFF, il n’y a que cela, des projections uniques. J’aurais aimé voir le nouvel « Universal Soldier » (si si !) dont le taulier de « Fun,culture et pop » m’a dit le plus grand bien, mais je n’ai pas pu. Alors quand l’un des films qui a éveillé mon attention se révèle accessible, la satisfaction est immense… et la déception d’autant plus cruelle.

« Modus Anomali » m’avait vite sauté aux yeux dans le programme du Paris International Fantastic Film Festival, peut-être parce que le dernier film indonésien vu s’appelait « The Raid », peut-être parce que le survival est un genre qui me plaît, peut-être parce que les échos mitigés mais forts du film m’intriguaient. Toujours est-il que « Modus Anomali », je me suis jeté dedans avec une véritable soif d’exaltation. La salle du Gaumont Opéra semblait un peu plus pleine que pour « Doomsday Book » la veille. Est-ce l’actrice Fanny Vallette que j’ai cru reconnaître sur la gauche ? C’est en tout cas bien Plastic man que j’ai vu s’asseoir au premier rang. Juste avant que le film commence, un couple à pop-corn (peut-être le seul de la salle ?) décide de venir s’asseoir juste à côté de moi, avec un petit bonus de consulting de textos en prime, et un évident sentiment qu’ils n’avaient pas leur place dans la salle. Le mec semblait vraiment vouloir se barrer pendant le film, mais la fille semblait elle ne pas oser, ils ont donc patiemment attendu la fin du film.

La projection a commencé par un amuse-bouche étrange, un court-métrage philippin produit par Justin Lin (oui oui, celui qui a réalisé les « Fast & Furious » !), intitulé Vesuvius. Sans dialogue aucun, le film montre la Vierge apparaissant de façon presque inquiétante à un jeune lui-même louche, du genre j’aimerais-pas-le-croiser-à-3h-du-mat’-dans-une-ruelle-celui-là, ce genre de louche là. Pas mal pour mettre l’ambiance avant « Modus Anomali », d’autant que l’on s’y plaît à reconnaître Rustica Carpio, une vieille actrice que l’on croise souvent chez Brillante Mendoza, dans Lola ou le récent Captive.

Juste avant le lancement de « Modus Anomali » nous a été projeté un petit message vidéo introductif par le réalisateur lui-même, Joko Anwar, grâce auquel il a fait se marrer la salle en qualifiant son film de « familial » et susceptible de plaire aux enfants français, alors que tout le monde se doutait bien du contraire. Dommage que la blague fut meilleure que le film lui-même. Du potentiel que je distinguais sur le papier, je n’ai pas trouvé grand-chose à l’écran. Seule l’esbroufe a fait son apparition. Jamais le film n’est parvenu à me convaincre, pas même dans sa première partie prometteuse. Un homme s'y réveille en pleine forêt, à moitié enterré vivant, sans aucun souvenir de qui il est ou ce qu’il fait là. Une fois sorti de son trou, la panique le gagne vite, et se décuple lorsqu’il trouve une maison enfoncée dans les bois dans laquelle il trouve le cadavre d’une femme qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la femme présente en photo avec deux enfants dans son portefeuille. Sa femme. Ses enfants. Il va alors se mettre en quête de ces derniers, tout en prenant soin d’éviter de tomber sur le psychopathe qui s’est attaqué à sa famille.

Le synopsis est accrocheur, mais l’exécution scénaristique de Joko Anwar laisse vite à désirer. Le point essentiel pour qu’un tel film happe le spectateur, c’est que celui-ci parvienne à s’identifier au protagoniste malmené, qu’il croit en sa situation, en sa détresse, en sa volonté de se sortir de ce scénario infernal. Or ce n’est pas le cas dans « Modus Anomali », qui nous offre un personnage pantin qui fait tout pour arranger l’intrigue mais rien pour se rendre vivant à l’écran, enchaînant les actions que personne ne ferait à sa place dans l’optique de s’en sortir, et ce d’entrée de jeu, avant même que le danger soit évident et qu’il perturbe potentiellement les neurones.

Prenez le coup du téléphone, un détail qui en dit long sur les problèmes du scénario. Notre héros, John, lorsqu’il se réveille enterré vivant, a la présence d’esprit d’attraper son téléphone et d’appeler les secours, parce qu’il se dit tout de même que c’est plus que louche de se réveiller enterré vivant, même s’il ne se souvient de rien. Mais quand, au bout du fil, les secours lui demandent son nom et qu’il se rend compte qu’il ne se souvient pas de comment il s’appelle, que fait-il ce brave John ? Il raccroche, laisse tomber son téléphone, fouille son portefeuille et passe à autre chose, laissant là son téléphone. Hein ? Quoi ? Tu te réveilles dans la forêt, tu sais pas où t’es, qui t’es, qui t’a foutu vivant dans un trou, et tu laisses ton téléphone derrière toi, John ? D’entrée de jeu, un détail comme ça me fait tiquer. J’ai vu suffisamment de films du genre pour être agacé par un scénario qui n’essaie même pas de nous faire croire au truc. L’empathie ne nait jamais puisqu’on ne croit jamais au personnage central. Cela finit même par confiner au ridicule lorsque les actions inconsidérées du protagoniste finissent par avoir des conséquences néfastes. C’est peut-être même cela le pire. Il arrive un point dans « Modus Anomali » où après nous avoir baladés en vain dans la forêt pendant plus d’une heure, la seule réaction devient le rire face au grand-guignolesque même pas cherché. Le rire ne vient pas d’un humour noir corrosif, mais de portes ouvertes au ridicule qui rendent même le film prévisible (et oui et franchement, avoir tourné le film en anglais, c’était aussi une très mauvaise idée qui n’arrange rien…).

Et puis il y a ce dernier acte. Ce dernier quart d’heure qui voudrait redistribuer les cartes du film et y apposer un nouvel enjeu, nous coller une baffe en nous disant « Tiens ! Tu l’as pas vue venir celle-là, hein ?! ». Le souci c’est que pendant les 70 minutes précédentes, le film ne tournait tellement pas rond que l’on avait le temps de se concentrer sur des détails, sur certains personnages, certaines caractéristiques, et surtout l’esprit avait le temps de divaguer pour tenter d’expliquer pourquoi rien ne fonctionnait dans le scénario. Il y avait forcément quelque chose qui clochait dans l’intrigue pour justifier un tant soit peu la tournure ridicule des évènements. D’où l’attente du twist. Oh je ne prétendrai pas avoir deviné parfaitement le twist avant qu’il ne s’impose à nos yeux, mais le fait est que les contours s’en dessinaient plus tôt que le réalisateur ne le voulait certainement. Et c’est d’ailleurs symptomatique de « Modus Anomali », ce sentiment qu’en tant que spectateur, on ait toujours un ou deux coups d’avance sur le héros et sur l’intrigue. Les effets de surprise affolent ainsi à peine l’électrocardiogramme. Et en ce qui concerne le retournement du dernier acte, même si cette nouvelle perspective donne du piment au film, elle arrive bien trop tard, à moins de vingt minutes du générique de fin, pour véritablement changer l’appréciation du film jusqu’ici. Lorsque l’on passe 75% d’un film à se dire « N’importe quoi… », le dernier quart d’heure devient un détail, à l’image de ceux qui ont malheureusement souligné les carences du scénario.

Ainsi s’est achevé mon PIFFF 2012, trop vite après avoir commencé trop tardivement. Mais 2013 sera certainement une année différente, si la fin du monde nous est épargnée, non ?

dimanche 25 novembre 2012

Le film que Stanley Kubrick ne voulait pas que je voie


David, Stanley. Stanley, David. La première fois que l’on m’a présenté à Stanley Kubrick, ça aurait pu se passer comme ça. Cela s’est même certainement passé ainsi, mais de manière beaucoup plus… comment dire… suggérée. Je me suis retrouvé devant un écran de télé qui passait « Full Metal Jacket », et l’écran de télé m’a dit « David, Stanley », d’où ma supposition que de l’autre côté du poste, et donc de la Manche, dans son manoir anglais, ma tête apparaissait chez Stanley Kubrick, et son écran lui disait implicitement « Stanley, David ». Enchanté. Enchanté, je le fus de découvrir son film qui me fit l’effet d’une claque, comme tous les films estampillés Kubrick que j’ai découverts depuis, de l’humour ravageur et conscient de « Docteur Folamour » à la troublante inquiétude de « Eyes Wide Shut ».

Quand on aime le cinéma, on apprend puis l’on découvre avec nos propres yeux que Stanley Kubrick était l’un des plus grands, et que s’il n’a pas fait beaucoup de films, tous ont su marqué leur époque et le cinéma d’une empreinte puissante. Et puis un jour, j’ai appris que le film que je croyais être son premier, « Le baiser du tueur », était en réalité son second déjà. Qu’une poignée d’années avant, à peine, il avait réalisé un long-métrage qui s’intitulait « Fear and Desire », un film rare que Kubrick lui-même a passé sa carrière à dénigrer et à chercher à faire disparaître, tout honteux qu’il en était.

Mais quoi qu’en ait pensé Stan lui-même, la ressortie en version restaurée de ce premier film de Kubrick représentait un évènement incontournable, et je me suis donc engouffré dans le souvent triste Saint-Lazare Pasquier pour y découvrir en compagnie de une… deux… deux… deux… ah non, en voilà une troisième, trois spectatrices curieuses tout comme moi de poser les yeux sur cette rareté (oui je sais, quatre dans la salle pour un Kubrick, c’est maigre…). Eh bien devinez quoi ? Il avait raison, le bougre de Stan. Ils n’étaient pas terribles, ses premiers pas derrière la caméra. Il a envoyé quatre acteurs déguisés en soldat dans une forêt californienne en nous faisant croire que la guerre faisait rage dans cette forêt d’un pays non-identifié, cette guerre non identifiée qui n’est même pas réelle. C’est un voyage auquel il nous convie, une hypothèse qui tient plus de la réflexion malickienne, sans l’assurance de maître Terrence.

Nos soldats divaguent entre les arbres, les acteurs surjouent, et Kubrick semble peu sûr du ton qu’il veut donner, de l’atmosphère qu’il veut accrocher. Le fait que le film manque clairement de moyens n’arrange rien, le désir de créativité ayant peut-être été brimé par le potentiel budgétaire du long-métrage (qui n’est pas si long, à peine plus d’une heure). Alors c’est comme ça que tu avais commencé ta carrière, Stanley ? C’est cela, le film que tu voulais que le monde oublie ? Oui, bon, ça peut se comprendre. Mais le plaisir de découvrir un Kubrick sur grand écran aura été plus fort que ton désir de nous le cacher, finalement…

vendredi 23 novembre 2012

Apocalypse à la coréenne au PIFFF


A le voir ainsi s’afficher Boulevard des italiens, dans l’une des grandes salles du Gaumont Opéra, ce Paramount Opéra de mon enfance, on pourrait croire que le Paris International Fantastic Film Festival, le PIFFF pour tout le monde déjà, est implanté dans le paysage cinématographique parisien depuis plus d’un an. Pourtant ce n’est bien qu’un premier anniversaire que la manifestation fête avec cette seconde édition. Il était facile de se demander si la capitale mondiale de la cinéphilie avait de quoi loger un second festival de films de genre important, dans l’ombre de « L’Étrange Festival » qui ouvre traditionnellement le mois de septembre, et il avait suffi de la première édition pour se rendre compte que la place cinéphile parisienne regorgeait d’amateurs de fantastique, horreur et autre SF qui définissent la ligne éditoriale du festival.

Si l’an passé, le PIFFF premier du nom s’était déroulé en une poignée de jours à peine, les organisateurs de la version 2012 ont fait les choses en plus grand en étalant le festival sur dix jours. Dommage que les prix s’en ressentent également (à moins qu’en 2011, ils furent les mêmes ?), lorsque l’on voit que le pass pour le festival, donnant un accès illimité au festival, soit chargé 140 euros.  140 euros !!! Excusez-moi, je m’en étouffe encore ! Pour rentabiliser le pass, il faut être sûr de voir une vingtaine de films, rien que ça… Je me demande s’ils en ont vendu beaucoup…

Enfin, non merci pas de pass pour moi, ni d’accréditation, je suis entré par la porte des simples spectateurs au milieu de tous ces badges pendant aux cous de tant de spectateurs dans la salle. J’ai démarré le PIFFF avec près d’une semaine de retard, et c’est finalement pour un film coréen que j’ai enfin mis le pied au festival. Un film à sketchs intitulé « Doomsday Book », coréalisé par Yim Pil-Seong et Kim Jee-Woon. Le premier n’a jamais eu la primeur d’une sortie en salles pour ses longs-métrages, que ce soit « Hansel et Gretel » ou « Antartic Journal ». Le second est au contraire l’un des cinéastes coréens les mieux exportés, avec des réalisations telles que « A bittersweet life », « Deux sœurs », ou le plus récent « J’ai rencontré le Diable ». Les deux compères ont réalisé un sketch et demi chacun, si l’on peut dire.

Dans cette grande salle du Gaumont Opéra, pas loin d’être pleine, le présentateur nous a prévenu que le sketch réalisé par Kim Jee-Woon tranchait assez nettement avec ce que l’on connaît du réalisateur de « Le bon, la brute et le cinglé », précisant que si ses films sont habituellement « cosmétiques », celui-ci affichait un ton beaucoup plus sérieux. A moins qu’il ait voulu dire par là, de façon détournée et métaphorique, que le cinéma de Kim Jee-Woon est habituellement artificiel (hum...), je pense que le mot qu’il cherchait plutôt à employer était « caustique » (non ?). Car effectivement, le cinéaste a ici laissé de côté sa causticité pour se plonger dans une réflexion philosophique sans humour aucun. Cela semble par bien des aspects pompeux, cette histoire de robot dans le futur qui travaille dans un temple bouddhiste et se met à penser par lui-même, au point que les moines le prennent pour la réincarnation de Bouddha. Pourtant il s’en dégage une vraie force de caractère réflective qui transporte dans un drôle d’état second. « Heavenly Creature », c’est le titre de ce sketch, est le second acte de cette anthologie de films, qui tranche assez nettement avec le premier, réalisé par Yim Pil-Seong.

C’est « A cool new world » qui avait donc ouvert le bal, avec l’acteur Ryu Seung Beom (le frangin du réalisateur Ryu Seung Wan) qui interprète la première personne infectée par un virus qui va rapidement transformer une bonne partie de la population coréenne en zombies. Le film démarre sur les chapeaux de roues, bourré d’humour et de petites trouvailles qui malheureusement n’aboutissent qu’à un film finalement banal, ne trouvant pas de second souffle et nous guidant vers un dénouement étonnamment pépère. Cela n’en a rendu le film bouddhiste de Kim Jee-Woon que plus marquant, et le dernier segment plus efficace. Celui-ci, intitulé « Happy Birthday » est un film de fin du monde assez branque, et ça, ça le rend tout de suite très sympathique.

Imaginez plutôt le concept : un astéroïde fonce sur la Terre à une allure qui garantit la fin de la vie sur Terre, et nous prenons le compte à rebours à douze heures de l’Apocalypse. Mais à mesure que l’objet approche de notre planète bleue (verte chez les coréens), on se rend compte qu’il ne s’agit pas d’un astéroïde mais d’une… gigantesque boule de billard que la protagoniste, une gamine, avait commandé sur Internet sans se douter qu’elle condamnait ainsi l’humanité entière. Ce n’est pas génialement dingue un concept pareil ? Si, ça l’est, et en plus le sketch est à la hauteur, avec notamment de délicieuses informations télévisées qui font vivre aux coréens la fin du monde en direct sur le petit écran, dans une ambiance foutoir délicieuse, assez similaire aux scènes télévisuelles du premier sketch dans lequel le réalisateur Bong Joon-Ho fait une apparition assez hilarante en activiste qui aime taquiner de la guitare. Oui « Doomsday Book » a définitivement un grain, et ce n’est pas pour me déplaire.

Dans la salle, l’humeur était festive, entre mon voisin de droite qui chantait le thème de Dark Vador lors du dernier sketch en apercevant une figure qui rappelle légèrement le personnage de Star Wars, et mon voisin de gauche qui laissait éclater un rire assez inquiétant lorsque l’humeur lui en prenait (vraiment inquiétant). Pendant ce temps, un spectateur se marrait comme s’il croyait à une blague ou une erreur en entendant parler de la « Maison bleue », le surnom de la résidence du Président coréen, comme l’Élysée en France.

A la sortie, dans le froid retrouvé de l’automne parisien, je tombais sur Plastic Man, toujours aussi pressé et peu vêtu (en T-Shirt par ce beau temps, il n’y a que lui pour oser), et fidèle aux évènements immanquables de la cinéphilie parisienne. Allez, je ne vais pas m’arrêter en si bon chemin au PIFFF…

lundi 19 novembre 2012

Sinister, quand l’horreur est autant dans la salle qu’à l’écran


Le ras-le-bol me guette. J’ai l’impression qu’en ce moment, les dieux de la cinéphilie sont contre moi et que les projections tordues s’enchaînent. J’ai beau me dire que c’est parce que je vais beaucoup au cinéma que je tombe régulièrement sur des connards en guise de co-spectateurs, je commence à sérieusement douter. La poisse me poursuit peut-être véritablement en ce moment. Et là j’ai comme un besoin de souffler. De laisser les cons de côté, de les oublier et de rester entre gens de bonne compagnie.

Bien sûr, finalement, alors que je trouvais vraiment bête que des cinémas déprogramment « Sinister » de Scott Derickson suite aux perturbations connues le soir d’Halloween dans certains multiplexes projetant « Paranormal Activity 4 », il a fallu que je voie « Sinister » lors d’une séance amplement perturbée. Non, je ne suis pas allé voir le film en VF dans un multiplexe de banlieue un samedi soir. J’y suis allé un dimanche, en début d’après-midi, dans un cinéma supposé être, malgré son grand nombre de salles, plus « art & essai » que le tout-venant des multiplexes, à savoir le MK2 Bibliothèque. Je me souviens encore de cette phrase de Nathanaël Karmitz, le patron de MK2, lue récemment, qui disait que lorsque l’on va voir « Harry Potter » dans un multiplexe lambda, on va voir un blockbuster, mais lorsque l’on va voir « Harry Potter » dans un MK2, on se cultive. Bah mon vieux, tu traînes pas souvent dans tes cinémas, sinon tu tournerais plusieurs fois la langue dans ta bouche avant de dire une connerie pareille. Désolé pour le tutoiement, je suis encore un peu tourneboulé par la séance « culturelle » que je viens de vivre dans l’un de vos établissements… (vous voyez, le vouvoiement de rigueur est vite revenu).

Je ne saurais accuser le MK2 Bibliothèque (seul) des maux de cette pénible séance de Sinister que j’ai vécu. Il y a très certainement plusieurs paramètres qui ont fait que ce jour, en cet endroit, il était écrit que je vivrais une des projections les plus pénibles de ma vie de spectateur, probablement la pire depuis celle, malheureusement inoubliable, de « Dernière séance ». Il y a le genre du film, il y a l’éducation des spectateurs, il y a les smartphones… Et la gestion des salles du MK2 Bibliothèque, quand même, désolé.

Bon, reprenons au commencement. C’était un beau dimanche de novembre, bon d’accord, météorologiquement parlant, c’était plutôt un dimanche pourri, mais pour moi c’était un beau dimanche qui avait commencé autour d’un brunch entre amis et qui allait se poursuivre vers un bon film au ciné. Direction le MK2 Bibliothèque en ce début d’après-midi pour aller se faire peur avec Sinister. Cela me semblait un bon choix pour découvrir le film, plutôt que d’aller le voir un soir entouré de spectateurs emmerdants comme cela peut souvent être le cas en soirée. Dans les couloirs du cinéma, pas grand monde. A un quart d’heure du début de la séance, nous ne sommes que cinq ou six à attendre l’ouverture des portes pour la salle. Le film était projeté dans la salle C, une des nouvelles salles du MK2 Bibliothèque, loin de toutes les autres (sinon la D), où il semble que jamais aucun employé du cinéma ne vient ouvrir les portes et contrôler le flux des spectateurs. Ceux-ci se démerdent. Vous direz que je n’ai pas une grande foi en l’humanité, mais les cinés où les spectateurs se gèrent eux-mêmes, je n’ai jamais trouvé ça bien efficace.

A quelques minutes de l’heure attendue, quatre ados qui ne doivent pas avoir plus de 14 ans arrivent en courant avec leurs seaux de pop-corn, voient que l’on attend, décident d’entrer quand même, en ressortent quand ils constatent que l’on n’attend pas pour rien, et commencent à parler et se marrer fort. Ceux-là, direct, je choisis de les laisser entrer dans la salle avant moi, parce qu’il est hors de question que je les voie se coller à moi. Manque de bol, ils choisissent pile le rang que j’aurais pris eussé-je pénétré dans la salle le premier. C’est bon, déjà, ça me met dans un état d’énervement que l’on pourrait nommer A, je me colle un rang plus haut presque complètement sur le côté, plutôt que rester trop près d’eux, je n’ai pas envie qu’ils me gâchent le film. Si j’avais su la tournure qu’allait prendre la séance, je me serais collé au centre la salle au-dessus ou en-dessous d’eux, car finalement ces quatre-là se sont tus dès que le film a commencé.

Lorsque le film a commencé justement, la salle était quasi pleine. Trois ou quatre places dans les deux premiers rangs, et deux places sur ma rangée, une juste à ma droite, et une autre un peu plus au centre. L’ambiance s’est délitée en deux temps. Le premier temps fut l’entrée en salle d’un couple, alors que Sinister avait commencé depuis au moins trois minutes, qui n’a pas cherché à voir s’il restait des places sur les deux premiers rangs et sont directement montés vers les cinquièmes et sixièmes rangs pour contempler le degré de remplissage. Tout était plein à ce niveau-là, sauf bien sûr les deux places de ma rangée. Ni une ni deux, ils piétinent presque les pieds de ma copine qui ferme le rang sans lui demander pardon et sont sur le point de faire pareil avec moi quand je me lève pour les laisser passer. Ils demandent alors au spectateur tranquillement assis à deux fauteuils de moi de se décaler. Le film est commencé depuis quatre ou cinq minutes à ce moment-là. C’est tout juste s’ils s’excusent de déranger. Je sais très bien qu’il reste quelques places devant, alors je râle allègrement et sans discrétion pour le dérangement causé. Mon état d’énervement passe au niveau B.

A peine assis, le couple commence déjà à se murmurer des commentaires, et la fille à envoyer des sms avec son Blackberry. Gé-nial. Des spectateurs comme je les aime. Je passe directement au niveau d’énervement C. Okay, je souffle un grand coup, je prends sur moi en leur faisant tout de même comprendre qu’ils pourraient être plus discrets, ce sera peine perdue pendant toute la durée du film. Si encore c’en était resté là, je crois que j’aurais pu rester calme, et mon état d’énervement redescendre un peu. Mais quelques minutes après que mes nouveaux voisins se soient installés à ma droite, j’ai commencé à sentir le sol trembler. Y a une escouade de soldats qui court vers le front ou quoi ?

La porte de la salle, située à côté de l’écran, s’ouvre soudain dans le bruit de conversations multiples. Ils ont 14 ou 15 ans tout au plus et semblent entrer tel un troupeau. Un, deux, trois, quatre, cinq, six… j’arrête de les compter quand je crois qu’il s’agit là d’une classe qui s’est trompé de salle. Mais on est dimanche, et il s’agit là d’une bande d’ados, pas loin de dix, filles et garçons, qui arrive en retard et vraisemblablement, vu le nombre de fauteuils libres qu’il reste dans la salle, sans être passés par la caisse et le contrôle des billets. Soit ils auront trouvé une entrée dérobée, soit ils seront sortis d’une salle et seront venus jusqu’à celle-là. Ils ne se posent même pas la question des premiers rangs et montent vers le fond de la salle dans le bruit, ce qui pousse les spectateurs à leur crier en retour d’une seule voix un gros « CHUT ! » auquel ils font à peine attention.  Niveau d’énervement ? D. Arrivés tout en haut de la salle, quand ils comprennent que celle-ci est pleine et qu’ils ne peuvent monter plus haut, ils restent dans les escaliers de la travée et commencent à discuter à voix haute de la stratégie à adopter. Ce qui leur vaut un magnifique « Putain vos gueules » d’une rangée plus haut, à quoi l’un d’entre eux lui répond « C’est qui qui a dit ça, toi ta gueule ! ». Niveau E.

L’un d’entre eux calme le jeu, et ils décident de s’installer là, dans les escaliers, assis par terre, juste à côté de nous. Ma copine, qui me connaît parfaitement, se penche vers moi et me dit « Si tu veux on y va, on ira le voir un autre jour ». Tu parles, je ne vais pas leur donner ce plaisir, je vais rester et je vais te les calmer s’ils se tiennent pas, j’ai déjà trop de films à voir en ce moment, je n’ai pas le temps d’aller voir celui-ci un autre jour. On reste. Évidemment le film a suivi son cours pendant ce temps, Ethan Hawke s’est installé avec sa petite tribu dans la maison où une famille s’est faite massacrée quelques mois plus tôt, et il commence à trouver des trucs flippants dans la maison. Les premiers commentaires, rires, discussions commencent à fleurir dans la travée. Les premières remontrances, de ma part ou de celle d’autres spectateurs, commencent à tomber. Ca les calme parfois. D’autres non. Je m’énerve souvent, j’ai envie de me barrer parfois, je gueule régulièrement. J’ai envie de sortir de la salle et d’aller chercher un mec du ciné mais je devine qu’il n’y en a pas un à l’étage, qu’il va falloir que je descende tout en bas pour aller en chercher un et que je vais rater cinq ou six minutes du film. Non merci. J’encaisse et je riposte, le niveau F est dépassé depuis longtemps et je calme mes envies d’étaler des baffes sur des mineurs.

Sinister avait la réputation de faire peur, mais je dois avouer que je n’étais pas assez plongé dans le film pour le sentir tout à fait, malgré l’atmosphère inquiétante… Malgré les gamins de la travée qui criaient allègrement de peur, et en rajoutaient même à l’évidence pour le plaisir, j’ai vu venir la fin des kilomètres avant qu’elle arrive. Pendant ce temps, ma voisine continuait avec ses textos, bref tout était formidable. Lorsque le film s’est achevé et la lumière revenue, le couple est reparti en nous marchant sur les pieds, les gamins se sont relevés tout contents, et les spectateurs de la séance suivante entraient pendant le générique de fin (une autre chose que j'adoooore). Moi, je me coltinais cette gueule de bois si spécifique des séances de cinéma gâchées. Une envie de tout exploser, une amertume désenchantée, un désir de ne plus jamais remettre les pieds sur les lieux du crime… un peu de tout cela à la fois. Il est grand temps que je retourne aux séances du matin moi, avant que je ne commette une bêtise…  Le respect des autres dans une salle de cinéma, ça reste une notion bien vague pour nombre de spectateurs, même dans celles où quoi que l’on voie, « on se cultive ».
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