jeudi 2 juin 2011

Senna, live fast, die young.

Où étais-je le 1er mai 1994 ? Que faisais-je ? Je me suis posé la question en sortant du cinéma mardi soir. J’ai failli aller voir Stone de John Curran ce soir-là, pour le plaisir de voir Robert De Niro et Edward Norton se faire face une fois de plus. Et puis non. Il y a quelques jours j’avais regardé la bande-annonce de Senna sur Internet, un documentaire d’Asif Kapadia. Contre toute attente j’ai eu envie de voir le film. Je dis « contre toute attente », car voilà de nombreuses années que je ne m’intéresse plus à la F1, et il me paraît peu probable que je regarde un Grand Prix dans les cinquante années à venir. Mais voilà, j’ai été enfant.

J’ai été enfant dans les années 80, ado dans les années 90. J’ai été un garçon passionné de voitures avant de m’en désintéresser totalement. Le nom d’Ayrton Senna m’a fait rêver quand j’étais gamin. Alors j’ai eu envie de voir ce documentaire passé par Sundance et sorti en catimini sur Paris. J’ai eu envie de retrouver ce héros de ma jeunesse dont je me suis détaché au fil des ans. « Héros » est un mot fort, mais vous savez ce que c’est, on arrondit toujours un peu certains détails de l’enfance. Le film de Kapadia m’a replongé des années en arrière. Il ne m’a pas converti en aficionado de Formule 1, mais avec ces images d’archives dont le film est uniquement constitué, avec quelques commentaires en voix-off des personnes ayant côtoyé Senna, Kapadia trouve une voix cinématographique sensible.

D’abord parce que son sujet est fort, bien sûr. Ayrton Senna, champion automobile, héros brésilien, destin tragique. Un homme pareil fait une matière passionnante pour un documentaire. Mais il y a autre chose. Il y a ce regard sur les coulisses de ce sport, ces briefings d’avant-course entre pilotes offrant tension et détente. Il y a cette marque laissée par Senna sur son pays, l’influence que ce sportif a eu sur la santé morale de ses concitoyens, l’enthousiasme national pour lui, la détresse profonde que sa disparition a entraîné (essayer de trouver une personnalité française dont le décès aurait un tel impact sur le peuple, vous n’en trouverez pas). Il y a aussi, bien sûr, la compétition sportive entre Senna et Alain Prost. Ces ennemis intimes ayant donné le meilleur ou le pire d’eux-mêmes pour arriver premier au nez et à la barbe de l’autre. A travers les images d’archive, Kapadia parvient à nouer une tension hautement cinématographique entre Senna et Prost, leur lutte continuelle, tantôt fraternelle, souvent haineuse, qui fait ces grands antagonistes cinématographiques, si loin et pourtant si proches.

Où étais-je en ce funeste jour de mai 1994, pendant que sur le circuit d’Imola à San Marin, deux pilotes perdaient la vie au cours du même week-end, dont Ayrton Senna, fonçant à 300 kilomètres heure dans un mur ? C’était un dimanche, j’avais 12 ans, et je ne me suis plus jamais vraiment intéressé à la F1. Le cœur battant, j’ai revécu ces épisodes du passé, de la vie d’Ayrton Senna, de mon enfance. J’ai découvert les funestes coulisses de ce Grand Prix à Imola, les attentes, les nervosités, et l’inéluctabilité d’un week-end violent et tragique. Mourir trop jeune et trop vite a forgé la légende de Senna, et offert un documentaire aussi palpitant qu’émouvant au cinéma, sorti aussi discrètement que Senna est parti en faisant du bruit.

8 commentaires:

I.D. a dit…

Je l'adorais ce type. J'avais son poster au-dessus de mon lit. J'ai vu le départ comme je le faisais à chaque fois puis j'ai appris plus tard dans la journée qu'il était mort. Ouais. Après je n'ai plus eu le coeur à regarder la F1, encore aujourd'hui. Je ne savais pas pour ce documentaire.

David Tredler a dit…

Il n'y a qu'une copie qui circule à Paris. Je l'ai vu la semaine dernière au Ciné Cité Les Halles, et cette semaine il est à l'Orient Express maintenant.

Nyal a dit…

J'ai adoré la F1 de l'époque avec Nigel Mansell, Riccardo Patrese, Prost, Senna... L'époque où la fin n'était pas que technologie.
Sinon je pense que tu trompes. Au niveau français on pourrait comparer à la mort de Marcel Cerdan. ;)

David Tredler a dit…

Nyal, je dis "aurait", et non "a eu un impact" ;)

glucozze a dit…

Tiens, étrange mais s'il passait en province j'irai le voir... par contre je me rappelle où j'étais à l'époque: en train de regarder le grand prix justement.

David Tredler a dit…

Je ne crois pas que je le regardais personnellement... je ne me souviens plus !!

My Little Discoveries a dit…

Merci pour ta visite, je découvre ton blog qui me plait bien! ;o)
Sans aimer du tout la F1 ou même Senna, j'ai a-do-ré ce documentaire, et je regrette beaucoup qu'il n'ait pas été mieux distribué!
A voir en DVD pour ceux qui l'auraient manqué!

David Tredler a dit…

Merci en retour ;)
C'est vrai que le film a été très discrètement distribué. De l'autre côté de la manche en revanche c'est un vrai petit phénomène, c'est en train de devenir un des documentaires les plus vus au cinéma en Grande-Bretagne. ILs ont bon goût les anglais !

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