Quand on a un emploi du temps serré et que l’on étudie le
planning d’un festival comme le PIFFF,
le plus dur c’est de se rendre compte qu’un film que l’on désire ardemment voir
sera hors de portée. C’est le problème des projections uniques, et au PIFFF, il
n’y a que cela, des projections uniques. J’aurais aimé voir le nouvel « Universal
Soldier » (si si !) dont le taulier de « Fun,culture et pop » m’a dit le plus grand bien, mais je n’ai pas pu.
Alors quand l’un des films qui a éveillé mon attention se révèle accessible, la
satisfaction est immense… et la déception d’autant plus cruelle.
« Modus Anomali » m’avait vite sauté aux yeux
dans le programme du Paris International Fantastic Film Festival, peut-être
parce que le dernier film indonésien vu s’appelait « The Raid »,
peut-être parce que le survival est un genre qui me plaît, peut-être parce que
les échos mitigés mais forts du film m’intriguaient. Toujours est-il que
« Modus Anomali », je me suis jeté dedans avec une véritable soif
d’exaltation. La salle du Gaumont Opéra semblait un peu plus pleine que pour « Doomsday Book » la veille.
Est-ce l’actrice Fanny Vallette que j’ai cru reconnaître sur la gauche ?
C’est en tout cas bien Plastic man
que j’ai vu s’asseoir au premier rang. Juste avant que le film commence, un
couple à pop-corn (peut-être le seul de la salle ?) décide de venir
s’asseoir juste à côté de moi, avec un petit bonus de consulting de textos en
prime, et un évident sentiment qu’ils n’avaient pas leur place dans la salle.
Le mec semblait vraiment vouloir se barrer pendant le film, mais la fille
semblait elle ne pas oser, ils ont donc patiemment attendu la fin du film.
La projection a commencé par un amuse-bouche étrange, un
court-métrage philippin produit par Justin Lin (oui oui, celui qui a réalisé
les « Fast & Furious » !), intitulé Vesuvius. Sans dialogue aucun, le film montre la Vierge apparaissant
de façon presque inquiétante à un jeune lui-même louche, du genre
j’aimerais-pas-le-croiser-à-3h-du-mat’-dans-une-ruelle-celui-là, ce genre de
louche là. Pas mal pour mettre l’ambiance avant « Modus Anomali »,
d’autant que l’on s’y plaît à reconnaître Rustica Carpio, une vieille actrice
que l’on croise souvent chez Brillante Mendoza, dans Lola ou le récent Captive.
Juste avant le lancement de « Modus Anomali »
nous a été projeté un petit message vidéo introductif par le réalisateur
lui-même, Joko Anwar, grâce auquel il a fait se marrer la salle en qualifiant
son film de « familial » et susceptible de plaire aux enfants
français, alors que tout le monde se doutait bien du contraire. Dommage que la
blague fut meilleure que le film lui-même. Du potentiel que je distinguais sur
le papier, je n’ai pas trouvé grand-chose à l’écran. Seule l’esbroufe a fait
son apparition. Jamais le film n’est parvenu à me convaincre, pas même dans sa
première partie prometteuse. Un homme s'y réveille en pleine forêt, à moitié
enterré vivant, sans aucun souvenir de qui il est ou ce qu’il fait là. Une fois
sorti de son trou, la panique le gagne vite, et se décuple lorsqu’il trouve une
maison enfoncée dans les bois dans laquelle il trouve le cadavre d’une femme
qui ressemble comme deux gouttes d’eau à la femme présente en photo avec deux
enfants dans son portefeuille. Sa femme. Ses enfants. Il va alors se mettre en
quête de ces derniers, tout en prenant soin d’éviter de tomber sur le
psychopathe qui s’est attaqué à sa famille.
Le synopsis est accrocheur, mais l’exécution
scénaristique de Joko Anwar laisse vite à désirer. Le point essentiel pour
qu’un tel film happe le spectateur, c’est que celui-ci parvienne à s’identifier
au protagoniste malmené, qu’il croit en sa situation, en sa détresse, en sa
volonté de se sortir de ce scénario infernal. Or ce n’est pas le cas dans
« Modus Anomali », qui nous offre un personnage pantin qui fait tout
pour arranger l’intrigue mais rien pour se rendre vivant à l’écran, enchaînant
les actions que personne ne ferait à sa place dans l’optique de s’en sortir, et
ce d’entrée de jeu, avant même que le danger soit évident et qu’il perturbe
potentiellement les neurones.
Prenez le coup du téléphone, un détail qui en dit long
sur les problèmes du scénario. Notre héros, John, lorsqu’il se réveille enterré
vivant, a la présence d’esprit d’attraper son téléphone et d’appeler les
secours, parce qu’il se dit tout de même que c’est plus que louche de se
réveiller enterré vivant, même s’il ne se souvient de rien. Mais quand, au bout
du fil, les secours lui demandent son nom et qu’il se rend compte qu’il ne se
souvient pas de comment il s’appelle, que fait-il ce brave John ? Il
raccroche, laisse tomber son téléphone, fouille son portefeuille et passe à
autre chose, laissant là son téléphone. Hein ? Quoi ? Tu te réveilles
dans la forêt, tu sais pas où t’es, qui t’es, qui t’a foutu vivant dans un
trou, et tu laisses ton téléphone derrière toi, John ? D’entrée de jeu, un
détail comme ça me fait tiquer. J’ai vu suffisamment de films du genre pour
être agacé par un scénario qui n’essaie même pas de nous faire croire au truc.
L’empathie ne nait jamais puisqu’on ne croit jamais au personnage central. Cela
finit même par confiner au ridicule lorsque les actions inconsidérées du
protagoniste finissent par avoir des conséquences néfastes. C’est peut-être
même cela le pire. Il arrive un point dans « Modus Anomali » où après nous
avoir baladés en vain dans la forêt pendant plus d’une heure, la seule réaction
devient le rire face au grand-guignolesque même pas cherché. Le rire ne vient
pas d’un humour noir corrosif, mais de portes ouvertes au ridicule qui rendent
même le film prévisible (et oui et franchement, avoir tourné le film en
anglais, c’était aussi une très mauvaise idée qui n’arrange rien…).
Et puis il y a ce dernier acte. Ce dernier quart d’heure
qui voudrait redistribuer les cartes du film et y apposer un nouvel enjeu, nous
coller une baffe en nous disant « Tiens ! Tu l’as pas vue venir
celle-là, hein ?! ». Le souci c’est que pendant les 70 minutes
précédentes, le film ne tournait tellement pas rond que l’on avait le temps de
se concentrer sur des détails, sur certains personnages, certaines
caractéristiques, et surtout l’esprit avait le temps de divaguer pour tenter
d’expliquer pourquoi rien ne fonctionnait dans le scénario. Il y avait
forcément quelque chose qui clochait dans l’intrigue pour justifier un tant
soit peu la tournure ridicule des évènements. D’où l’attente du twist. Oh je ne
prétendrai pas avoir deviné parfaitement le twist avant qu’il ne s’impose à nos
yeux, mais le fait est que les contours s’en dessinaient plus tôt que le
réalisateur ne le voulait certainement. Et c’est d’ailleurs symptomatique de
« Modus Anomali », ce sentiment qu’en tant que spectateur, on ait
toujours un ou deux coups d’avance sur le héros et sur l’intrigue. Les effets
de surprise affolent ainsi à peine l’électrocardiogramme. Et en ce qui concerne
le retournement du dernier acte, même si cette nouvelle perspective donne du
piment au film, elle arrive bien trop tard, à moins de vingt minutes du
générique de fin, pour véritablement changer l’appréciation du film jusqu’ici.
Lorsque l’on passe 75% d’un film à se dire « N’importe quoi… », le dernier
quart d’heure devient un détail, à l’image de ceux qui ont malheureusement souligné
les carences du scénario.
Ainsi s’est achevé mon PIFFF 2012, trop vite après avoir
commencé trop tardivement. Mais 2013 sera certainement une année différente, si
la fin du monde nous est épargnée, non ?
4 commentaires:
rendez vous au pifff 3 alors ! :)
en effet j'ai moi aussi été déçu par celui là...
Il y avait de quoi Phil. Dommage qu'on ne s'y soit pas croisé !
Rah punaise ! Je le suis depuis un moment ce film, Joko Anwar étant un cinéaste que je trouve intéressant. Je voulais même profiter du PIFFF pour le voir mais j'étais pris. Entre toi qui le descends et notre ami Nico (de Filmosphere) qui en disait du bien...
Sinon voici un court-métrage tendance horrifique du réal' : "Grave Torture" (2012). Il y a une présentation de deux gus puis le court démarre vers les 50 secondes. Pas mal. Plutôt angoissant.
http://www.youtube.com/watch?v=672iO9Qh3-M
Nan mais Nico il a fumé sur ce coup-là ;) (Nico, si tu lis ça, je blague, hein, t'as le droit d'aimer le film).
Je le materai ce court-métrage en tout cas...
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