C’est le plaisir du soir, le bonbon sucré après une
journée d’amertume, quand la journée ne fut que grisaille et épreuves. Terminer
la journée par un film tout à fait futile, mais dont la légèreté même est
décuplée par la comparaison avec les précédents films de la journée.
« Love Fiction » a fait office de douceur nocturne avant extinction
des feux vendredi soir, parce que le FFCP 2012 m’avait mis à rude épreuve dans
les heures précédentes.
C’est « Self-Referential Traverse » qui avait
ouvert le feu en milieu d’après-midi, alors que les trombes d’eau venaient de
s’arrêter au-dessus de la capitale, que contre toute attente un rayon de soleil
commençait à percer dans le ciel parisien, je me suis engouffré dans la salle 1
pour me prendre en pleine face le trip sous acide de Kim Sun. L’an passé
le festival avait programmé « Anti-Gas Skin » du même réalisateur (et son frère Kim Gok), qui déjà avait
fait sensation dans le n’importe quoi jonglant entre fascination et fumisterie.
Avec ce nouveau film, Kim Sun parvient à pousser l’exercice nuageux encore
plus loin. Les amateurs de belles images en auront certainement avalé de
travers à la découverte du film. Il y avait tout de même dans la salle des
spectateurs qui s’étaient rabattus sur « Self-Referential Traverse »
parce que Masquerade affichait
complet dans la salle 2. Ceux-là, ils ont dû se pincer pour y croire. Passer du
film en costume clinquant avec Lee Byung Hun à une expérimentation politique esthétiquement
laide et narrativement nébuleuse avec pour héros une mascotte de la police en
bois, ça doit faire un choc.
Moi et mes compères du jour ID et Epikt y étions
préparés, et déjà avec cette préparation, la projection ne fut pas de tout
repos. Le film s’ouvre sur une attaque à charge de Lee Myung Bak et de sa
politique (après Two Doors,
décidément…) sous forme de soap familial filmé avec une caméra HD bas de gamme,
puis se poursuit en métaphore de tout ce qui ne tourne pas rond dans l’action du
pouvoir, avec la fameuse mascotte habillée en flic et des rats magnifiquement faux
qui illustrent la lutte entre l’autorité et ceux qui s’y opposent. Tout le
discours en filigrane est intéressant, couillu et dingo à la fois, mais le
parti pris esthétique d’imprimer un aspect cheap, laid et
« grindhouse » à l’ensemble rend l’expérience assez lassante. C’est
l’exemple type de bonne idée de court-métrage qui se perd sous le format long.
Je me demande quand même bien ce que les refoulés de Masquerade en auront pensé. Ils seront
peut-être allés se consoler dans les bras de « Penny Pinchers », pour
retrouver un semblant de beauté dans ce monde de gris, pendant que je
retournais presque immédiatement dans le sous-sol du Saint-André des Arts pour
me familiariser un peu plus avec le cinéma de Kim Kyung Mook, le réalisateur
invité de cette édition 2012 du Festival du Film Coréen à Paris. Trois de ses
courts-métrages y étaient projetés, « Me and Dollplaying », « A
Cheonggyecheon Dog » et « Peace in me », trois propositions de
cinéma radicales. Le premier, un journal intime explorant la quête identitaire,
parfois cru, parfois sensible, très voyeuriste, qui exprime la jeunesse de son
réalisateur. Le second, un moyen métrage loufoque où l’on croise un travesti
qui fait l’amour au téléphone, un flic agissant comme un chien, du sexe, un
mélange de noir et blanc et de couleur, et une séquence proprement hallucinante
où le travesti dialogue avec un berger allemand sous forme de film muet qui en
a laissé sûrement plus d’un pantois dans la salle (moi le premier). Le
troisième, enfin, est un pur exercice de style contemplative qui tient plus du
travail de vidéaste à trouver dans un musée que dans une salle de cinéma.
Les courts de Kim Kyung Mook furent on ne peut plus
différents, et que l’on accroche ou pas à cet univers, on sort de la salle
groggy. D’où la perspective réjouissante, après avoir enchaîné ceux-ci à la
suite de « Self Referential Traverse », de se plonger pour la fin de
la journée dans une comédie légère telle que « Love Fiction ».
J’avais prédit à mes camarades du jour qu’après ce que nous avions enchaîné, la
comédie romantique de Jeon Kye-Soo allait certainement nous sembler
meilleure qu’elle ne l’était vraiment tant une bouffée de joie de vivre allait
nous sembler la bienvenue après cette traversée obscure de l’après-midi…
Je n’eus pas le temps d’en discuter avec eux, mais pour
moi, ce fut effectivement un moment de douceur bienvenue. La récompense sucrée
pour avoir osé du cinéma radical tout le reste de la journée. Une comédie
romantique pleine de charme, trop longue, comme souvent dans les comédies
coréennes, mais avec un grain de folie réjouissant. Le film suit un écrivain
qui connaît une grosse panne d’inspiration, vit grâce à son job de barman à
côté, se laisse tenté par une proposition de son éditeur d’écrire un feuilleton
pour de la presse à scandale, et rencontre celle qui pense être la femme de sa
vie. Mais sa maladresse en amour va lui causer bien des soucis avec elle.
Oui, les baisses de régime deviennent régulières passée l’heure de film, mais le scénario et les comédiens affichent une verve qui
claque et fait passer la pilule d’une histoire parfois trop alambiquée et
étirée. Les gags font mouches, et les moments de délire parsèment le film, avec
une mention spéciale au clip vidéo d’une chanson bien conne sur l’Alaska dans
laquelle l’acteur Ha Jung Woo se lance dans un mini rap hilarant. Le jour où
les réalisateurs de comédies coréennes apprendront à être plus drastiques en
salle de montage, ils feront des merveilles. Pour ce soir, c’était de toute
façon suffisant à me donner la pêche, paré pour une journée de plus au festival.
Il fallait bien cela, car au programme du lendemain, « Faceless things »
de Kim Kyung Mook allait s’avérer… s’avérer… bon, on en reparle demain.
3 commentaires:
icngTiens, en parlant de ciné Coréen, je viens de voir Memories of murder. Et je dois m'atteler à The Host. Je suppose que tu les as vu.
Kang-ho Song était une des raisons, sauf que c'est Park Hae-il qui m'a sauté aux yeux finalement.
Aaaah, "Memories of Murder", effectivement Lalalère, je l'ai vu (j'ai écrit un billet dessus ici si tu veux voir : http://limpossibleblogcine.blogspot.fr/2010/09/memories-of-murder-six-ans-plus-tard.html )
Song Kang-Ho et Bong Joon-Ho sont deux grands artisans de ma passion pour le cinéma coréen ;)
Park Hae-Il était à l'affiche d'un film au Festival, justement, "War of the Arrows", mais je n'ai pas pu le voir...
Oui, Song Kang-ho était aussi excellent dans Thirst, ceci est mon sang.
Mais je trouve que Park Hae-il a un visage extraordinaire dans Memories of murder, une présence, une profondeur.
Je crois qu'il a d'ailleurs été largement récompensé pour sa presta. dans War of the Arrows, à suivre ...
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