A force de traîner mes guêtres au Festival du Film Coréen
à Paris (remember que je vous en causais déjà en 2008, alors que mon blog avait deux jours et était lu par mon chat et moi ?),
des visites discrètes et sporadiques d’il y a quatre ou cinq ans à aujourd’hui
où je me permets de tutoyer le directeur du festival, faire des sourires au
filles de l’équipe (mais bien sûr que non je ne me serais pas permis en
2008 !) et voir une vingtaine de films dans la semaine, les organisateurs
se sont dits, quitte à ce qu’il soit là tous les jours celui-là, autant qu’il
se rende utile. Alors quelques semaines avant le début du festival, le
directeur (DongSuk Yoo pour ceux qui le connaîtraient pas, en même temps il a
été quasi invisible cette semaine, occupé à fouetter les sous-titreurs pour qu’ils
livrent leurs lignes en temps et en heure) m’a appelé et m’a proposé de faire
partie des intervenants à la rencontre avec le réalisateur invité de l’édition
2012 du FFCP. Je ne savais pas qui c’était, je ne savais rien de ses films,
mais la vie étant courte, je me suis dit que toute occasion pour frimer devant
mes rivaux de Made in Asie et Kim Bong Park (vous ne croyiez tout de
même pas qu’on était potes !) était bonne à prendre.
La rencontre avec Kim Kyung Mook, le fameux cinéaste
invité, avait lieu le dimanche en fin d’après-midi. A l’origine, j’étais censé
découvrir les films du monsieur (enfin, du jeune homme, il est né plus tard que
moi, et comme moi, je me considère comme un jeune homme…) avant le festival,
envoyé par les bons soins de l’équipe du festival. Finalement les films ont
tardé à m’arriver, et à la veille de l’ouverture,
j’ai découvert qu’avec mon problème récurrent d’ordi qui plante toutes les
heures, il me serait difficile de télécharger les fichiers avant plantage
habituel. Zut, et moi qui me disais que
ça me permettrait de libérer des cases pour voir plus de films pendant le
festival… Mais ouf, Cassandre, cette attachée de presse toujours aux petits soins, eut le temps de me
faire un DVD avec le long-métrage de Kim Kyung Mook, « Stateless
Things », plus le court « Sexless » et le quasi long
« Faceless things » (oui, celui-là même dont je parlais hier). Je me crus en partie sauvé, mais le mauvais œil
semblait décidément planer sur moi lorsque je découvris que le DVD en question
ne voulait se lancer ni sur mon lecteur DVD, ni sur mon ordi, si sur celui de
ma copine, qui se mit même à planter sous son effet.
« C’est un signe des Dieux ! » m’exclamai-je
devant mon bureau, « un message divin pour me remettre sur le droit chemin
de la cinéphilie : « Découvrir ces films sur un ordi, sérieux
Dav’ ? » » (oui les Dieux se montrent un peu familier parfois).
Non, non, c’est vrai, j’ai l’occasion de les voir sur grand écran, alors je les
verrai sur grand écran, tant pis s’il me faut réarranger mon planning à la
dernière minute pour cela. C’est ce que je fis, et c’est la raison pour
laquelle je vis la première fournée de courts-métrages de Kim Kyung Mook le vendredi, la seconde fournée le samedi, et enfin, « Stateless
Things » le dimanche, juste avant la rencontre avec le réalisateur.
De « Stateless things », je crus un moment que
j’allais devenir fan. La première partie du film, qui suit le destin chaotique
de deux immigrés nord-coréens à Séoul, affiche une vitalité, un éclat hésitant
entre réalisme brut et douce mélancolie, qui m’a rappelé le puissant « Breathless » de Yang Ik-June.
Malheureusement cet éclat ne dure pas, et lorsque Kim Kyung Mook introduit une
seconde intrigue en apparence totalement indépendante de la première, le film
perd de son fil directeur fort. Il nous rejoue en partie « Faceless
things » et sa relation entre un homme mûr et un mineur, avec certes plus
d’espace mais pas grand-chose de neuf. Il revient ensuite par touche vers les
nord-coréens du début, et finit par faire se rejoindre les deux intrigues, mais
c’est trop tard, quelque chose de prometteur s’est rompu entre temps, malgré un
sens esthétique bien plus raffiné que dans ses courts et une mise en scène
offrant quelques plans magnifiques. Non, la déception est finalement au bout du
chemin.
A la fin du film, pendant que les spectateurs
remontaient, je restais dans la salle pour les préparatifs de la rencontre avec
Kim Kyung Mook. Pierre Ricadat, chef programmateur du film, me présente
Bastian, qui dirigera les opérations et le fil conducteur de la rencontre,
pendant que l’on interviendra en parallèle en suivant le plan chronologique de
l’entretien. A peine me serre-t-il la main que Bastian me tance directement
d’un « Ah ! Fantasmagorique ! » en référence à une vidéo
dans laquelle Gilles Collot, ce petit malin du FFCP, m’a demandé à la sortie de
« The Empty Dream » ce que j’avais pensé du film de la section
classique, à quoi j’ai eu le malheur de répondre que j’avais trouvé le
long-métrage « fantasmagorique ». Depuis la vidéo tourne sur la page
Facebook du FFCP, dans les couloirs du festival, on me ressort l’adjectif deux
ou trois fois par jour au bas mot, et Bastian fut l’un de ceux qui me le sortirent
dimanche. Gilles lui-même ne cacha pas sa joie de me le sortir une seconde fois
lors du test micro « David tu peux dire « Fantasmagorique » ? ».
Inutile de préciser que je ne lui fis pas ce plaisir.
Finalement ce fut l’heure. Les spectateurs étaient là,
moins nombreux que pour découvrir le film une heure plus tôt. Des têtes
familières fréquentées quotidiennement depuis le début du festival, certaines
amicales. Pendant deux heures, nous avons brassé la carrière de Kim Kyung Mook,
de ses courts de jeunesse à « Stateless things », face à ce public
dans lequel ne se cachait pas une seule personne venue vilipender Kim Kyung
Mook pour lui avoir mis un goût d’excrément dans la bouche suite à la vision de
« Faceless things ». Je me retins de lui préciser d’ailleurs que
j’avais été obligé de retenir mes hauts les cœur pendant ce film… En même temps
il semblait si gentil, si curieux et si posé qu’à lui parler ainsi, j’avais
peine à croire qu’il s’agissait là de l’homme qui avait pondu ces films
perturbants que j’avais vus trois jours durant.
On apprit ainsi qu’il avait recruté
« l’autrichien » de « Faceless things » (copyright Kim Bong Park) sur Internet, qu’il ne
revoyait pas ses films et donc n’avait aucun souci à les assumer, même le
fameux segment scato, que « Stateless things » avait été financé par
la KOFIC à partir du scénario, et que la… hum… radicalité de ses jeunes œuvres
n’avait donc fait tiqué personne au moment de signer le chèque. Il fut amusant
de le voir, plié en deux sur sa chaise, osant à peine regarder l’extrait de
« A Cheonggyecheon Dog » avec le berger allemand tant il riait à le
revoir, et je fus pour ma part pris d’inquiétude lorsque je vis apparaître à
l’écran le début du segment scato de « Faceless things ». « Mince,
ils vont pas le passer là sans prévenir, quand même ? » Non, ça va,
cela s’est arrêté juste à temps.
Pour ma part je passai plus de temps à écouter le
réalisateur et son interprète (ainsi que les révélations croustillantes de
Bastian sur... euh… sa vie privée…) qu’à poser de questions, voyant la plupart
de celles que j’avais préparées sortir de la bouche de Bastian. Mais je ne
restai pas muet, ma hantise en avant la rencontre, et réussis à en placer. L’honneur
fut sauf. Et je ne doute pas qu’il se trouvera quelques curieux qui en ce dernier
jour de festival oseront aller mettre les pieds devant « Faceless
things », rediffusé pour tous ceux qui n’auraient pas vécu cette
expérience cinématographique sur grand écran, absolument immonde et
parfaitement inoubliable, et qui dessinera à l’avenir une ligne claire :
ceux qui auront vu « Faceless things », et les autres.
2 commentaires:
« Fantasmagorique » ! Ça restera ! Encore un looong moooment... ;)
Sans ça, c'était sympa cette p'tite rencontre. Elle a permis d'approfondir le travail du jeune cinéaste, même si je ne sais toujours sur quel pieds danser pour ses courts et moyen-métrages.
Et perso', j'étais fier de t'avoir en face de moi, en bas de cet écran. Sans déc', c'est écrit avec le cœur. Ça m'a fait un p'tit truc. Un peu comme un père voyant son fils s'illustrer dans une pièce de théâtre à l'école. J'en aurai presque eu une p'tite larme si je n'étais si insensible. En tout cas, tu t'es débrouillé comme un chef ! :)
Bastian et... son intimité ! Passons. Bientôt la fin... dans quelques heures... j'ai le vague à l'âme.
Merci papa ;)
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