mardi 15 septembre 2009

L'Australie sauvage et armée à l'Etrange Festival

L’étrange Festival, deuxième. Avec un peu de retard, mon compte-rendu de la manifestation (déjà close) continue… Après le clinquant Japon féodal, direction les antipodes, avec un film que l’on croyait oublié (pour l’Hexagone). Car si le western australien The Proposition est bien inédit chez nous, et ne sortira en salles qu’en décembre, il date de… 2005 ! Peut-être doit-on ce soudain intérêt français pour ce film à la sortie imminente du nouveau film de son réalisateur, John Hillcoat, dont la très attendue transposition de « La Route » sortira dans quelques semaines. Quelle que soit la raison de cette sortie tardive, on s’en réjouit, car elle est amplement méritée.

Le western, genre immédiatement associé à l’imaginaire hollywoodien, réserve parfois de belles surprises hors des frontières américaines. Oubliez un instant la conquête de l’Ouest, et projetez-vous « Down Under » comme ils disent, à la fin du 19ème siècle. L’Australie est toute fraîche pour les européens exilés sur cette terre sauvage où l’ordre a bien du mal à régner. Deux des frères Burns, redoutables criminels insaisissables, sont attrapés par le Capitaine Stanley, représentant de l’ordre d’un coin paumé. Mais celui-ci s’intéresse plus au troisième frère Arthur, le leader de leur gang, qui vit caché dans la montagne. Il passe alors un marché avec Charlie, un des deux frères arrêtés. S’il tue son sanguinaire frère aîné avant Noël, son jeune frère sera épargné et relâché.

The Proposition ressemble assez peu à un western traditionnel - si tant est qu’une telle chose existe encore de nos jours - malgré un énorme gunfight en ouverture qui met notre instinct sur une mauvaise piste. En réalité, le film de Hillcoat a plusieurs facettes. La première, la plus réussie, est offerte par le rôle du Capitaine Stanley, campé par l’anglais Ray Winstone. Un personnage qui de prime abord semble être une ordure de première, pourri jusqu’à la moelle, alors qu’au fil du film, malgré son aspect rustre, il va peu à peu s’affirmer comme le personnage apportant le plus d’humanité au récit (malgré lui tout de même). En défendant avec force le jeune Burns contre les vautours de la ville, il agit plus par peur des représailles que par conviction humaniste.

La seconde facette du film, plus risquée mais trouvant un parfait équilibre avec l’autre, est celle d’un western tendant plus vers le naturalisme. Il s’agit du personnage de Charlie Burns, interprété par Guy Pearce. Un criminel ayant quitté son frère aîné par dégoût pour les actes de ce dernier, et forcé de le tuer pour sauver son plus jeune frère. Cette quête, elle se fait dans le désert, la montagne, les paysages grandioses, sans pour autant chercher la contemplation. Si ce versant du film lorgne vers un western style Jeremiah Johnson ou L’Assassinat de Jesse James (réalisé par le compatriote australien Andrew Dominik), l’âpreté et la violence demeurent.

Elles demeurent tant et si bien que le film offre un goût de pessimisme profond dans son exploration de l’âme humaine, d’une noirceur évidente sous l’œil de sa caméra envers les hommes et femmes qui ont bâti l’Australie de l’époque. Si l’on ne peut s’empêcher parfois de penser à l’Australia de Baz Luhrman (tourné après) pour ses espaces et certains personnages (ou le rôle miroir de David Wenham), on est loin de l’image plus politiquement correct de la superproduction hollywoodienne.

A quelques semaines de la sortie de La Route, The Proposition montre en tout cas à quel point John Hillcoat est un cinéaste bien choisi pour porter à l’écran le chef-d’œuvre littéraire de Cormac McCarthy, auquel les adjectifs âpre et noir collent aussi parfaitement.

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