samedi 17 octobre 2009

Funny People, la grandeur à une ou deux bobines près...

En une poignée d’années, Judd Apatow s’est imposé comme le parrain de la comédie US. Producteur, scénariste ou réalisateur, l’association de son nom à un film est un gage de qualité quasi systématique. Petit bide aux États-Unis cet été (50 millions de dollars de recettes quand ses précédents films ont tous deux passés la barre des 100), sa troisième réalisation, Funny People, débarque en tout discrétion dans les salles françaises. Son œuvre la plus ambitieuse, la plus réussie, et pourtant la plus ratée.

Pour la première fois, Apatow convoque devant sa caméra son vieux pote Adam Sandler, star du box-office américain, ami de près de 20 ans du cinéaste, idéalement placé pour incarner l’un des deux protagonistes de Funny People. Il incarne George Simmons, vedette comique passé du stand up de ses débuts à une carrière de star de cinéma dans des comédies bas du plafond qui apprend qu’il est atteint d’une maladie grave. Assez égocentrique de nature, George croise un soir dans une salle de stand up un jeune comique hésitant, Ira. Ce dernier se rêve roi des planches de l’humour, mais squatte le canapé d’un pote tournant dans une série débile et vit d’un petit job dans un supermarché.
George, dans sa mauvaise passe, propose de manière impromptue à Ira de devenir son assistant. Celui-ci lui écrira des blagues, mais va surtout devenir un confident inattendu pour la star en fin de vie.

Si ce résumé couvrait les presque 2h30 que dure Funny People, ce serait alors le résumé du meilleur film de Judd Apatow à ce jour. Car dans cette partie du film, le réalisateur signe une œuvre drôle et tendre sur le milieu du stand up américain. Un milieu fascinant, approfondi par une double perspective : celle de Ira, débutant plein de rêves galérant et voyant arriver un coup de pouce du destin en la personne de George ; et celle de George, star fatiguée, malade, qui retourne vers ses racines de stand up pour couper le cordon hollywoodien en ces temps difficiles (Sandler, qui a connu le même parcours que George, apporte au personnage son allure de clown triste avec force crédibilité).

Le regard que porte Apatow sur cet univers sent le vécu à plein nez. On devine qu’en chacun des personnages, Ira, George, mais aussi les seconds rôles savoureux qui leur tournent autour (les deux potes comiques de Ira, un irrésistible duo Jonah Hill / Jason Schwartzman), ou les nombreuses apparitions savoureuses, se cache un aspect de Judd Apatow, de sa personnalité, de son passé d’aspirant comédien, d’aspirant auteur. C’est un milieu dépeint avec amour et nostalgie, bienveillance et amertume. L’auteur s’y sent comme chez lui, et cela se ressent totalement. C’est juste, féroce, drôle. A un certain moment, je sentais que j’avais sous mes yeux un des tous meilleurs films de l’année, à n’en pas douter.

Mais le film ne s’arrête malheureusement pas à ce cadre. Si dans toute cette première partie, Apatow aborde également avec talent la crise de la quarantaine, la remise en question, le face-à-face générationnel, les affres de la célébrité, il fait tout à coup basculer son histoire dans un deuxième film, en faisant intervenir le personnage de l’ex fiancée de George. Celui-ci n’a jamais réussi à l’oublier, et il va chercher à la reconquérir alors que celle-ci est en couple et mère de famille. Et là, Apatow s’égare. A-t-il voulu offrir à tout prix un rôle consistant à sa femme Leslie Mann ? A-t-il absolument tenu à apporter un tournant romantique au film ? Toujours est-il que cette couche inattendue plaquée à Funny People est superflu. Le film perd de sa dynamique, de son piquant, de ses dialogues relevés et irrésistibles, pour offrir une quarantaine de minutes inutiles, un deuxième film dans le film où Seth Rogen, meilleur que jamais, se fait plus rare, et où seul l’apport du personnage du nouveau mari de l’ex apporte quelque chose, grâce à la performance jubilatoire d’Eric Bana.

Apatow passe à côté de son chef-d’œuvre, pour une maudite histoire de femme. A-t-il eu peur que toutes ces blagues en dessous de la ceinture utilisant à foison les termes « bite », « couilles » et « nibards » passent mal auprès du public féminin ? Est-il trop gourmand à vouloir densifier le récit de son film quand cela n’était point nécessaire ? C’est un beau regret, car pendant 1h30, Funny People était un film remarquable, hilarant et émouvant, qui heureusement retombe bien sur ses pieds pour le dernier acte. Trop tard pour ne pas regretter le grand film qu’il a failli être.

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