jeudi 24 février 2011

Césars 2011 : les préférés, les oubliés...

Une des traditions des Césars, en tant que spectateurs, c’est de choisir ses préférés en plus de prédire quels seront les vainqueurs. C’est d’autant plus amusant que la cérémonie est bien moins prévisible que celle des Oscars, les surprises pouvant être nombreuses. Et chaque année, il y a toujours des oubliés. A quelques heures des Césars, l’envie me prend de choisir mes préférés parmi les principaux nommés, et de pointer du doigt celles et ceux qui ont été injustement oubliés par l’Académie. Pour ne pas égrener les catégories, je préfère me concentrer sur dix d’entre elles que voici.

Meilleur Film

Les nommés : L’arnacoeur, Des hommes et des Dieux, The Ghost Writer, Le nom des gens, Gainsbourg (vie héroïque), Mammuth, Tournée.
Mon favori : The Ghost Writer. S’il s’agit là de mon film préféré parmi les nommés, il paraît improbable que Des hommes et des Dieux ne remporte pas le César du Meilleur Film. Et je ne verrais rien à redire à la victoire du beau film de Xavier Beauvois.
L’oublié : La Princesse de Montpensier. Passage remarqué mais non récompensé à Cannes, score honorable sans étinceler au box-office… Le film enthousiasmant de Bertrand Tavernier n’a pas eu les éloges et la carrière qu’il méritait, et il est regrettable que les Césars n’aient pas rattrapé le coup, malgré les sept nominations possibles pour le César du Meilleur Film.

Meilleur Réalisateur

Les nommés : Xavier Beauvois (Des hommes et des Dieux), Mathieu Amalric (Tournée), Roman Polanski (The Ghost Writer), Olivier Assayas (Carlos), Bertrand Blier (Le bruit des glaçons).
Mon favori : Xavier Beauvois. J’aurais dit Polanski, puisqu’il a réalisé mon film nommé préféré, mais le travail de Beauvois pour donner vie à Des hommes et des Dieux est tel qu’il est assurément le cinéaste le plus méritant.
L’oublié : Bertrand Tavernier, forcément. Le réalisateur plein de bouteille a prouvé avec La Princesse de Montpensier qu’il n’avait rien perdu de sa modernité et de son romantisme avec son remarquable film en costume. Qu’il soit oublié au profit de Bertrand Blier me révolte. Ouais, me révolte !

Meilleur Acteur

Les nommés : Gérard Depardieu (Mammuth), Lambert Wilson (Des hommes et des Dieux), Jacques Gamblin (Le nom des gens), Eric Elmosnino (Gainsbourg), Romain Duris (L’arnacoeur).
Mon favori : Voici une catégorie bien difficile à départager. A mes yeux aucun ne se détache franchement. Elmosnino livre peut-être l’interprétation la plus « performance d’acteur », mais les biopics me gonflent un peu, celui-là aussi. Lambert Wilson ne se détache pas de ses camarades dans Des hommes et des Dieux. Depardieu fait du Depardieu. Gamblin est bon, mais de là à dire qu’il est le meilleur acteur de l’année. Et si finalement c’était l’interprétation légère, physique, comique et inattendue de Duris, lui le multi-oublié des Césars, qui était cette année le plus méritant ?
L’oublié : Si l’absence la plus étonnante est certainement celle du déjà Césarisé Fabrice Luchini, réjouissant en 2010 dans Les invités de mon père et Potiche, celle qui l’est moins mais se révèle la plus injuste est sans conteste l’absence de Denis Podalydès, qui portait avec mélancolie et humour le méconnu Huit fois debout. Il paraît à peine concevable que Podalydès, l’un des tous meilleurs acteurs français depuis quelques années maintenant, n’ait été nommé qu’une fois, pour le César du Meilleur Second Rôle dans Embrassez qui vous voudrez il y a huit ans, et c’est tout.

Meilleure actrice

Les nommées : Isabelle Carré (Les émotifs anonymes), Catherine Deneuve (Potiche), Sara Forestier (Le nom des gens), Charlotte Gainsbourg (L’arbre), Kristin Scott Thomas (Elle s’appelait Sarah).
Ma favorite : N’ayant pas vu Elle s’appelait Sarah, pas de Kristin Scott-Thomas pour moi. Celle qui m’a fait le plus sourire et m’a le plus ému cette année, parmi les nommées, s’appelle Isabelle Carré, même si la fougue de Sara Forestier m’a séduit.
L’oubliée : Mélanie Thierry qui offrait une force et une délicatesse au rôle-titre de La Princesse de Montpensier de Tavernier.

Meilleur acteur dans un second rôle

Les nommés : Michael Lonsdale (Des hommes et des Dieux), François Damiens (L’Arnacoeur), Niels Arestrup (L’homme qui voulait vivre sa vie), Olivier Rabourdin (Des hommes et des Dieux), Gilles Lellouche (Les petits mouchoirs)
Mon favori : S’il y a bien un prix que l’on attend cette année, c’est celui qui va être remis à Michael Lonsdale pour son interprétation du frère médecin dans le film de Xavier Beauvois. Il va l’avoir, et il le mérite. Contrairement à Lambert Wilson, Lonsdale est l’âme du film, fort, tranquille, imposant sa présence dès qu’il est à l’écran. Dommage pour François Damiens, inénarrable dans L’Arnacoeur.
L’oublié : Christophe Lambert dans White Material. En ex-mari blasé et lucide, Lambert montre qu’il n’est pas qu’un acteur de direct-to-video, il impose son calme et sa présence avec tranquillité. Il y a quelques années déjà, je l’aurais bien nommé dans cette même catégorie pour Janis et John.

Meilleure actrice dans un second rôle

Les nommées : Valérie Bonneton (Les petits mouchoirs), Karin Viard (Potiche), Anne Alvaro (Le bruit des glaçons), Julie Ferrier (L’arnacoeur), Laëtitia Casta (Gainsbourg).
Ma favorite : Mes deux préférées dans cette catégorie se trouvent dans des films qui ne m’ont pas emballé. Valérie Bonneton, électrique, survoltée, et clairement la meilleure facette des décevants Petits Mouchoirs. Et Karin Viard, secrétaire féministe du théâtral Potiche.
L’oubliée : Marina Foïs, qui montre qu’elle peut être une excellente actrice dramatique dans L’homme qui voulait vivre sa vie d’Eric Lartigau. En femme fatiguée de Romain Duris, Foïs est remarquable.

Meilleur Espoir Masculin

Les nommés : Grégoire Leprince-Ringuet (La Princesse de Montpensier), Raphaël Personnaz (La Princesse de Montpensier), Arthur Dupont (Bus Palladium), Edgar Ramirez (Carlos), Pio Marmaï (D’amour et d’eau fraîche).
Mon favori : Raphaël Personnaz. A mes yeux il écrase la concurrence cette année. Il brille devant la caméra de Bertrand Tavernier, il se montre virevoltant et séducteur, volant chaque scène où il apparaît, magnétique et très bon acteur, avec un petit côté Delon de la grande époque.
L’oublié : Olivier Barthélémy dans Notre jour viendra. L’un des acteurs de Kourtrajmé est en train de se faire une belle place dans le cinéma français. Face à Vincent Cassel, il est désarmant, inquiétant et surprenant. Il y avait largement de la place pour lui dans les nominations.

Meilleur Espoir Féminin

Les nommées : Leïla Bekhti (Tout ce qui brille), Audrey Lamy (Tout ce qui brille), Léa Seydoux (Belle épine), Anaïs Demoustier (D’amour et d’eau fraîche), Yahima Torres (Vénus noire).
Ma favorite : Anaïs Demoustier. C’est la seconde fois, après sa délicate interprétation dans Les grandes personnes, qu’elle est nommée au César du Meilleur Espoir, et elle le méritait déjà à l’époque. La jeune femme fait étale d’un naturel déconcertant et toujours juste devant la caméra, et figure parmi les plus talentueuses des jeunes comédiennes françaises.
L’oubliée : Géraldine Nakache dans Tout ce qui brille. Tant qu’à nommer Bekhti et Lamy, pourquoi laisser sur le côté Nakache ? Okay, ça aurait fait plus de la moitié des nominations pour la distribution d’un même film…

Meilleure Première Œuvre

Les nommés : L’arnacoeur, Gainsbourg (Vie Héroïque), Simon Werner a disparu…, Tout ce qui brille, Tête de Turc.
Mon favori : L’arnacoeur. L’académie a prouvé l’an passé qu’elle savait se montrer audacieuse dans ses choix avec la victoire dans cette catégorie des Beaux Gosses. Et finalement, il n’y a pas eu plus réjouissant cette année dans le cinéma français que l’énergie, l’humour, la fraîcheur et l’audace de L’arnacoeur.
L’oublié : Notre Jour Viendra. Méritait-il d’être nommé ? Bien sûr. Est-ce surprenant qu’il ne le soit pas ? Pas vraiment. Le premier film de Romain Gavras n’est pas franchement consensuel, ni dans la forme, ni dans le ton. Mais c’est son caractère détonnant, et ses qualités cinématographiques propres bien sûr, qui en faisaient un prétendant légitime. Dommage que l’Académie se montre frileuse avec ce film.

Meilleur Film Documentaire

Les nommés : Cleveland contre Wall Street, Benda Bilili !, Entre nos mains, Océans, Yves Saint Laurent – Pierre Bergé : l’amour fou.
Mon favori : Cleveland contre Wall Street ou Océans, aucun des deux documentaires ne m’ont profondément marqué, et ils sont les deux seuls nommés que j’ai vus.
L’oublié : L’épine dans le cœur. Il n’y a peut-être pas plus choquant dans les oublis que celui-ci. Non content d’être le meilleur documentaire de l’année, c’est un des plus beaux films toutes nationalités confondues de 2010. Un portrait des relations filiales tendre et déchirant. Une absence honteuse.

Meilleur Film étranger

Les nommés : Invictus, Les amours imaginaires, The Social Network, Illégal, Inception, Bright Star, Dans ses yeux.
Mon favori : Les amours imaginaires. Xavier Dolan est beaucoup trop talentueux pour son âge, c’est révoltant mais absolument indéniable et magique, à l’image de son second film, un pur moment de poésie cinématographique lorgnant du côté de Wong Kar Wai.
L’oublié : Je ne peux pas en vouloir aux votants de n’avoir pas offert de place à Breathless dans les nominations. En revanche, le Prix du Scénario cannois, Poetry, un des plus grands succès du cinéma d’auteur asiatique ces dernières années en France, pouvait légitimement prétendre à une nomination. L’américain A Single Man et l’espagnol Agora auraient également fait de beaux nommés.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci de cet article ! je voudrais tellement que des Hommes et des Dieux ait meilleur fim et meilleur réalisateur, mais d'accord pour Wilson, il est loin à mon avis d'être le meilleur acteur de la troupe à Beauvois et dommage de ne pas pouvoir récompenser Lonsdale ET Rabourdin.
Et puis, tout à fait d'accord et plus que d'accord pour Personnaz: stupéfiant ! définitivement ! Mais il ne l'aura pas... de toute façon, il a gagné bien plus qu'un César avec sa performance époutouflante...

I.D. a dit…

En gros ton grand gagnant à toi c'est le film de Bertrand : La Princesse de Montpensier. Je peux comprendre la frustration que tu as vis à vis des non nominés comme lui pour la plupart des catégories et tu rejoins amplement concernent Poetry qui aurait mérité sa place ici.

David Tredler a dit…

Je ne sais pas si Personnaz ne l'aura pas, Anonyme... Je dirais que son plus grand concurrent, c'est Edgar Ramirez, stupéfiant en Carlos, mais je me dis que l'acteur sud-américain n'est pas vraiment un espoir du cinéma français... Je crois donc dans les chances de Raphaël ;)

I.D., je ne sais pas si le Tavernier est mon grand gagnant, c'est en tout cas mon grand absent. Qu'il ne concourt pas dans les principales catégories m'étonne et me chagrinne. Il méritait sa place. Surtout quand tu vois que Blier est nommé, lui (vraiment n'importe quoi).
Quant à Poetry, c'est triste. Le cinéma coréen manque cruellement de popularité auprès des votants, d'année en année...

Anne a dit…

@David: en fait, si l'Académie est capable de nommer un acteur vénézuelien comme meilleur espoir français (sic...), elle est capable de le récompenser, même si je suis entièrement d'accord: Ramirez (que je n'ai pas vu) n'a rien à faire dans cette catégorie. Menfin...
Anne (ex-Anonyme) :)

David Tredler a dit…

C'est effectivement le risque, Anne (ex-Anonyme^^)... Mais ça me permet d'espérer que Raphaël Personnaz sera le récipiendaire du César ;)

Phil Siné a dit…

les césar, boarf... mais j'aime bien tes oubliés... et ça me fait bien ch... que "des hommes et des dieux" va ce soir etre considéré comme le meilleur film face à "the ghost writer" !!

David Tredler a dit…

Je suis bien d'accord avec toi, Phil, The Ghost Writer est le meilleur des films nommés... Mais bon, effectivement rien ne pourra empêcher le sacre de Des Hommes et des Dieux ce soir...

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