samedi 8 septembre 2012

L’Étrange Festival, 1er jour : poisse espagnole et peur irlandaise


S’il est permis de penser que les premiers films vus au cours d’un festival définissent la qualité de la manifestation à venir, alors les espoirs sont forts pour la 18ème édition de L’Étrange Festival. Concocter son programme pour suivre un tel évènement cinéphile nécessite choix drastiques et paris hasardeux que l’on préfère ne pas avoir à regretter, alors tomber d’entrée de jeu sur des films qui nous confortent dans nos choix, cela fait grimper l’envie d’un cran supplémentaire – si c’était possible.

Certains diront qu’en décidant d’entamer le festival par le nouveau film d’Alex de La Iglesia, le risque était mesuré, mais ceux-là auront certainement adoré ce « Balada Triste » qui m’a été une telle souffrance cinématographique. Non, « Un jour de chance » n’était pas une évidence dans mon programme, et Salma Hayek ne m’eut-elle envoûté à jamais ce jour où je l’ai découverte dansant sur les tables du Titty Twister, peut-être aurais-je été moins enclin à me poster dans l’amphithéâtre du Forum des Images ce soir-là. Mais heureusement ce fut le cas.

Contrairement à ce que laisse penser le titre au premier abord, la journée de Roberto, protagoniste d’ « Un jour de chance », se déroule diablement mal. Après avoir été agressé par un SDF, arrosé de la tête au pied avant un rendez-vous crucial et humilié par un ancien ami qui lui refuse un job, Roberto va voir sa journée se terminer sur une tige de fer. Tombé d’une grue, et la tête percée. Mais cet évènement dramatique va se transformer aux yeux de Roberto, miraculeusement conscient mais incapable de bouger, en une opportunité unique de passer de looser pathétique à winner connu de tous lorsque les caméras du monde entier s’intéressent à ce pauvre bougre planté sur sa tige en position christique.

Il est étonnant de découvrir le nouveau film du cinéaste espagnol quelques jours après avoir fait les frais du « Superstar » de Xavier Giannoli, car bien qu’ils soient très différents dans la forme et sur certains points essentiels, il y a une concordance évidente entre les deux longs-métrages, dans leur volonté de mettre en scène et dénoncer cette société du spectacle permanent, cette époque où les valeurs les plus recherchées sont celles de l’argent et de la reconnaissance. « Un jour de chance » est une comédie noire qui s’amuse à tourner en dérision les obsessions humaines contemporaines tout en s’inscrivant dans l’observation sociétale d’une Espagne, et plus généralement d’un monde, en crise. L’être humain qu’il prend pour héros se sait dans une situation au bord du gouffre mais en bon publicitaire qu’il est détecte les possibilités qui s’offrent à lui dès lors que les caméras sont braquées sur lui. Il ne s’agit pas tant d’être célèbre, mais de tirer parti des quinze minutes de célébrités par tous les moyens possibles, même s’il faut pour cela empiéter sur la dignité humaine. Et si les êtres sont ainsi aujourd’hui, c’est bien la crise qui est la première fautive.

Certes le scénario manque parfois de finesse, mais d’audace certainement pas (malgré un dernier acte un peu trop moral où les valeurs familiales reprennent le pouvoir), tout comme le second film vu lors de cette première journée à L’Étrange Festival. Celui-là, l’irlandais « Citadel », était précédé d’une flatteuse réputation qui a suffi à me faire immédiatement retourner dans l’amphi du Forum des Images sans passer par la case départ. Le réalisateur présent en début de projection nous révéla que malgré le genre, l’envie de faire le film était partie de son expérience personnelle d’agoraphobe suite à une violente agression dont il avait été victime. Bien sûr, dans le film, cela va plus loin que cela. Tommy, un jeune homme marié, voit sa femme enceinte se faire attaquer par une bande de jeunes dans leur immeuble. Le bébé sera sauvé, mais pas la mère. Dès lors, après avoir déménagé quelques rues plus loin, et alors que les agresseurs courent toujours, Tommy n’ose plus sortir de chez lui. Jusqu’à ce que les agresseurs refassent surface et menacent son bébé.

Ce qui frappe dans Citadel, c’est l’intensité dramatique qui s’en dégage. Ces agresseurs au physique étrange, inquiétants, qui n’ont pas l’air tout à fait humains. Cette banlieue sinistre, grise, froide, industrielle, menaçante. Cette présence sourde mais palpable d’une menace qui pèse constamment. Le jeune réalisateur instaure une atmosphère suffocante et terriblement angoissante qui imprime totalement la pellicule. A mesure que Tommy doit faire face à sa phobie et à ses agresseurs, l’angoisse se transforme en peur. Et non content de tisser cette ambiance glacée, le cinéaste se montre à l’aise dans la métaphore, ces jeunes agresseurs que la société a enfanté avant de la laisser pourrir dans son coin, retranchée dans des barres d’immeuble où elle espérait qu’elle se ferait oublier alors que d’elle nait la peur et surgit la violence, tant et si bien que la seule réponse que l’on sait lui trouver, c’est la violence en retour.

Le film est fort, décidément très fort… pourtant il est loin d’être exempt de défauts, au premier rang desquels se situent une nette approximation scénaristique, et des personnages trop souvent esquissés dans la facilité, en dépit du bon sens. L’agacement m’a souvent assailli au cours de la projection, à la vue d’une telle maîtrise visuelle gâchée par des détours narratifs flous qu’il est difficile de pardonner. J’aurais voulu embrasser le film, me laisser embarquer et me prendre une claque, je n’en étais pas loin, mais ce ne fut finalement pas le cas. Une belle gueule et un bon caractère ne suffisent parfois pas pour tout emporter sur son passage. Mais c’est nettement suffisant pour me sentir déjà bien dans cet Étrange Festival, 18ème du nom. Les films font d’emblée effet (comme l'an passé), l’ambiance est là, l’homme aux sacs plastiques tente de passer incognito sans ses sacs plastiques. Vivement la suite.

4 commentaires:

Phil Siné a dit…

oh, déjà un article sur citadel ?
j'ai trouvé que le film commençait très fort, et puis la dernière partie m'a quand même paru un peu plus faible, ce qui est en effet dommage...
alors c'est quoi la suite du programme ? ;)

David Tredler a dit…

Il faut maximiser sur le peu de temps libre que j'ai en ce moment pour écrire au plus vite ;)
La suite... eh bien dans le prochain article, ce sera voitures HK et chasseurs de têtes norvégiens ;)

Nyal a dit…

"8000 tour, 2 km/h, et donne tout ce que tu as". :) C'était bien divertissant "motorway". (mais loin d'un grand film) J'étais déçu, je pensais qu'il allait prendre sa voiture tonyjacko pour le final :)
Pou ma part, je continuerai le festival à partir de Lundi. On se croisera sûrement. (ou peut être ce soir pour dead sushi si j'ai pas la flemme)

David Tredler a dit…

Mon programme du jour, c'est "Chinese Ghost Story" et "Game of Werewolves". On se croisera sûrement demain en effet ;)

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