Les attentes peuvent être
trompeuses. Samedi, deux films étaient inscrits à mon programme de l’Étrange
Festival 2012, l’un que je guettais avec impatience, l’autre qui n’était pas
loin de m’être inconnu. Le premier des deux ouvrait la journée, 14h30, l’heure
où les spectateurs de l’étrange sont sur les starting blocks pour une journée
de plus au Forum des Images. Salle 300, l’homme aux sacs plastiques avance
toujours incognito pendant que l’homme au chronomètre scrute la salle à la
recherche de visages familiers. Il y a du monde qui s’est déplacé pour
« Motorway », un polar HK signé Soi Cheang.
Je garde un fauteuil
idéalement placé pour un ami, fauteuil convoité par cette spectatrice aimant
applaudir que j’avais croisé à Paris Cinéma en juillet dernier. Le
tempo est plutôt à l’excitation, Motorway oblige, même si la projection cale au
démarrage. Après l’apparition du logo Media Asia, l’image se transforme en un
nuage gris de mauvais augure. La salle se rallume. Après une minute écoulée,
l’homme au chronomètre profite de cette interruption précoce pour aller saluer
un de ses potes de la Cinémathèque, chronomètre toujours autour du cou pour le
relancer dès que le film commencera à nouveau. Ce qui se produit trois minutes
plus tard.
L’attente suscitée par
Motorway s’est avérée presque vaine. A l’excitation s’est assez rapidement substituée
la déception. Annoncé comme une petite bombe, le film n’est pas loin de
provoquer les bâillements, faute de réelle ambition. En suivant une paire de
flics à la dynamique jeune/vieux qui sont préposés à la route, et leur course
pour mettre la main sur deux truands qui filent à toute allure, Soi Cheang ne
parvient pas à franchir le cadre de l’attendu. Certes les courses automobiles
sont filmées avec un certain panache, mais le film peine à afficher de la
substance. Il nous fait tous les vieux coups du film mentor/élève, avec un
sérieux bien trop appuyé lorsqu’il s’agit d’enseigner à prendre des virages
ultra serrés dans des ruelles à angles droits. C’est tout juste si l’on ne se croirait
pas dans un Karaté Kid de la bagnole dans certaines scènes, sans la moindre
malice.
On s’amuse, un peu, Anthony
Wong affiche une mine bonhomme qui est loin de justifier que le présentateur du
film l’ait proclamé « Meilleur acteur du monde » (hum… dans le genre
film survendu en préambule, chapeau), et Josie Ho fait trois ou quatre
apparitions fantomatiques (on la préférait dans « Dream Home »…). Le fait que les conditions de projection
n’étaient pas optimales, avec des plans saccadés tout du long et des trous
sonores épisodiques, n’ont rien arrangé. Motorway figurait aisément dans le Top
3 des films que j’attendais le plus lors de cet Étrange Festival, mais les
chances que je l’oublie rapidement sont réelles. Tout le contraire de
« Headhunters ».
Il faut dire que le film
norvégien avait pour lui un avantage non négligeable : mes attentes
étaient inexistantes en ce qui le concernait. Bien sûr, j’en avais entendu
beaucoup de bien, mais les films noirs scandinaves ne se trouvent pas vraiment
dans mon giron cinéphile, et en plus de n’avoir vu aucune image du film, je
savais à peine de quoi il retournait. J’avais donc bien tout à apprendre et
découvrir de Headhunters. Et la
découverte fut grande. Enthousiasmante. Ebouriffante. Je sais qu’il me reste
encore de nombreux films à voir au cours de l’Étrange Festival, mais le niveau
devra être élevé pour que je revoie quelque chose d’aussi bon.
Que dire ? J’aimerais
tant en dire en même temps que rien du tout. Car s’il est une force qui
caractérise Headhunters, c’est celle de balader le spectateur. De nous offrir
un visage que le réalisateur va prendre un malin plaisir à déformer tout au
long du récit, sans jamais nous laisser sur le bas-côté, nous entraînant
toujours au plus près des personnages et de l’intrigue. Je ne peux rester muet
au risque de ne pas faire naître l’étincelle de la curiosité. Le protagoniste,
Roger, est chasseur de tête. Il est haut placé dans un cabinet de recrutement,
a une grande maison, une femme magnifique, une vie proche de l’idéal. Mais
Roger n’est pas que cela. Roger dérobe également des peintures à ses heures
perdues.
C’est ainsi que l’on découvre
Headhunters et son personnage principal, et ce point de départ que nous
présente le réalisateur va vite être malmené, détourné, amplifié. Imaginez les
ruelles de Hong Kong que nous fait parcourir à toute allure Motorway. C’est
ainsi que l’on pourrait se représenter le scénario de Headhunters. Un dédale de
possibilités, des routes qui se succèdent, chacune tranchant avec celle qui la
précède. Un ballet narratif passionnant explorant tout le potentiel du film
noir, arnaque, vol, manipulation, tromperies, méfiance, violence, mort. Avec
une aisance insolente, le réalisateur pousse chaque pion de son scénario
millimétré dans une direction inattendue, creusant toujours plus loin le sillon
du retors, avec un savant dosage de réalisme et d’invraisemblable qui confère
même au film un sens de l’humour délicieux.
Je ne sais pas ce que me
réserve l’Étrange Festival dans les jours à venir, mais j’en suis désormais
certain, j’ai bien fait de venir.
2 commentaires:
Je suis d'accord avec toi sur "motorway". J'étais assez déçu au final. Rurik l'a sur-vendu :) (en même temps il peut difficilement le critiquer)
De la survente de compétition tu peux le dire ! Il a nettement moins survendu "A Chinese ghost story"... à lire dans le prochain billet ;)
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