A l’heure où vous lirez ces
lignes, l’Étrange Festival, 18ème du nom, aura déjà refermé ses
portes, couronnant au passage l’excellent Headhunters du Prix Sang Neuf et du Prix du Public (un excellent choix si
vous me permettez). Une récompense logique qui parachève un festival ayant
offert son lot de bons films. Les organisateurs peuvent être fiers de leur
sélection, elle nous a tenu en haleine pendant dix jours, et confirmé que
l’Étrange Festival est bien un rendez-vous cinéphile incontournable en
septembre (comme s’il était besoin d’une autre confirmation…).
Si certains ont clos le
Festival avec Dredd, je n’ai pas eu
cette chance. La dernière fois que j’ai attendu en compagnie de mes congénères
amateurs de l’étrange que les portes de la salle 300 s’ouvrent, ce fut le
samedi après-midi pour « Down
Terrace » de Ben Wheatley. Ben Wheatley, pour ceux qui n’auraient pas
encore retenu son nom (tsssss…), c’est l’homme à qui l’on doit l’électrique « Kill List »,
découvert l’an dernier à l’Étrange Festival et sorti en salles en France cet été, et le poilant « Touristes », passé par la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes
cette année. L’incontournable Phil Siné
m’a rejoint devant les portes de la salle alors que je captais pour la dernière
fois les bribes de conversation des spectateurs à propos des films qui auront
été notre quotidien ces dix derniers jours.
Phil et moi avons fait notre
bilan, lui m’assurant qu’ « Iron Sky » était sympathique mais se
souvenant avec plus de délectation de Touristes (justement) et de Citadel, quand de mon côté j’essayais
de lui faire regretter d’avoir fait l’impasse sur Headhunters, Games of Werewolves et le diptyque Baraka / Samsara. Avant même que l’on s’en rende compte, nous étions assis,
cette fois parfaitement campés au cœur de ce sixième rang circulaire qui
m’avait échappé la veille. Une
surprise nous tendit les bras, puisque Ben Wheatley, sa barbe et ses
marmonnements aux accents british, nous rejoignit pour lancer le film (son
premier, datant de 2009) qui pour la toute première fois était projeté en
France. Wheatley était la star de la journée au Festival, puisque « Kill
List » et « Touristes » étaient programmés dans la foulée.
Une petite photo de la salle
l’applaudissant, un petit discours sur l’humilité, et hop, nous découvrîmes
enfin « Down Terrace ». Dix jours au sein d’une famille de gangsters
de la province anglaise, dont un père et un fils venant juste d’échapper à une
lourde condamnation et rentrant au bercail après six mois au frais, reprenant
le cours de leur vie en se demandant qui les a balancés aux flics. Ce pourrait
un drame social comme nos voisins les britanniques savent les faire, mais Ben
Wheatley, pour son premier long-métrage, choisit de dynamiter quelque peu les
attentes en la matière. Pour ce faire, il a pris la chose avec le sourire,
bourré son film d’idées et de personnages truculents, et s’est appuyé sur cette
morosité provinciale anglaise pour concocter un récit réjouissant.
Certes le film manque de
maîtrise sur toute la longueur, et une baisse de régime se fait sentir, mais
l’irruption excessive et jubilatoire du dernier acte compense largement. Dans
ce ton sarcastique, dans cette verve noire, Ben Wheatley laisse entrevoir le
cinéaste passionnant qu’il allait devenir, posant notamment les bases du
spectacle enthousiasmant que sera trois ans plus tard son road-movie
« Touristes ». Je n’ai peut-être pas eu droit au juge impitoyable
pour clore mon Étrange Festival, mais j’ai trouvé le moyen de le finir dans
l’excès, le sang, le rire et la jubilation. Un beau point final tout de même,
non ?
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