Ils sont marrants les programmateurs de l’Étrange
Festival. On les sent passionnés par les films qu’ils ont choisi de nous
montrer, c’est indéniable. On en viendrait presque à se demander s’ils n’en
font pas un peu trop, lorsqu’avant chaque projection, on sait d’avance qu’ils
vont nous annoncer que le film que l’on est sur le point de voir est un chef
d’œuvre, ou le plus grand film de tel genre depuis tant d’années, ou qu’il est
interprété par le meilleur acteur au monde. Hum… on commence à se méfier, même si la plupart du temps, les films
sont effectivement bons, les superlatifs employés semblent un chouia déplacés.
Lundi après-midi, c’est « A fantastic fear of
everything » qui a bénéficié d’une survente évidente. Celui-là nous a tout
simplement été présenté comme « le meilleur film du festival » et
« la comédie la plus drôle » de l’année. Ah ouais quand même, ils n’y
vont pas avec le dos de la cuillère quand ils aiment un film. Après plusieurs
films, on sait à quoi s’attendre, et je n’ai donc pas été surpris de constater
que le film n’était à mes yeux ni le meilleur film du festival, ni le film le
plus drôle de l’année (dors tranquille, « 21 Jump Street »). Mais encore une fois, le film s’est tout de
même avéré sacrément sympathique, et la présence en tête d’affiche de Simon
Pegg n’y est pas pour rien.
Le comédien britannique y campe un écrivain en pleine
crise de paranoïa, cloîtré chez lui et persuadé qu’on cherche à l’assassiner.
Bien sûr, le fait qu’il fasse depuis des semaines des recherches sur les grands
tueurs en série de l’Angleterre Victorienne pour un projet de série l’a rendu
un peu crispé. Du fond de son canapé ou penché au-dessus de son lavabo, il
guette chaque bruit et mouvement suspect dans son appartement, prêt à se
défendre contre tout agresseur potentiel, un couteau de cuisine à la main. Il y
a véritablement quelque chose d’étonnant dans cette première moitié du film de
Crispian Mills et Chris Hopewell. Un huis clos à un personnage, ne quittant presque jamais l'appartement, avec des dialogues en solitaire et un
sens du cadre souvent sidérant. Ce n’est pas loin d’être unique en son genre.
Les peurs du protagoniste se matérialisent entre rires et tension, et à défaut
de parvenir à donner l’impression qu’un tel exercice de style pourra durer sur
la longueur, « A fantastic fear of everything » a de la gueule.
Lorsque le scénario vire de bord, fait sortir le
personnage de chez lui pour commencer un second huis-clos, cette fois dans un
lavomatique, c’est presque comme si un second film commençait. Ce qui est à la
fois regrettable et en même temps nécessaire pour insuffler un rythme qui
commençait à manquer (du fait de l’absence de personnages secondaires ?).
Le film trouve un second souffle là où il perd forcément en originalité. Plus prévisible,
il gagne par contre en humour avant un dernier acte peu convaincant. Sur la
longueur tout de même, j’ai eu bien du mal à voir en « A fantastic fear of
everything » le film le plus drôle de l’année.
La raison aurait voulu que je coure à peine le générique
de fin entamé. Oui, car la projection de la comédie britannique avait commencé
avec trente minutes de retard dues à une alerte incendie au Forum des Halles
plus tôt dans la journée, alerte qui avait décalé toutes les séances. « A
fantastic fear of everything » s’est donc terminé exactement à l’heure où
devait commencer le film suivant, que j’allais voir, Samsara. S’il y avait autant de monde que je le craignais pour ce
dernier, j’aurais mieux fait de me presser pour être sûr d’avoir un bonne
place… mais voilà, que voulez-vous, je n’arrive pas à partir avant la fin du
générique, c’est comme ça, je suis incapable de me lever dès un film achevé, je
dois laisser le générique défiler pour reprendre mes esprits et laisser le film
finir de s’installer en moi. J’aurais l’impression de partir avant la fin du
film autrement. Alors je suis resté, j’ai donné ma note sur le film pour le
Prix du Public, et je suis ressorti.
Et effectivement, la réputation de Ron Fricke et la
perspective de voir en avant-première son nouveau film qui remplit actuellement
les salles art & essai nord-américaines ont attiré en masse les cinéphiles
parisiens. La queue était longue. Mais rester jusqu’à la fin du générique de
« A fantastic fear of everything » a dû doper mon karma en bonnes
ondes, car alors que je m’apprêtais à remonter la longue file d’attente pour m’y
poster à son extrémité, je suis tombé sur un compère cinéphile qui se
reconnaîtra et m’a alpagué à mon passage, commençant à m’interroger sur le film
que je venais de quitter. Après une minute de discussion, il me demanda si
j’allais voir Samsara, je lui dis
oui, et il m’invita à le rejoindre dans la queue, lui qui était posté parmi les
premiers. Les Dieux du cinéma étaient donc avec moi en ce jour !
J’acceptai et après quelques minutes, nous entrâmes parmi les tous premiers
dans la grande salle 500 dont je venais de sortir. Bon, c’est là que je dus quitter
mon bienfaiteur, car étant un peu maniaque sur mon positionnement dans la
salle, je n’ai pu me résoudre à m’installer avec lui et ses amis qui se
plaçaient trop haut à mon goût, et je descendis donc me caler bien en face de
l’écran, paré pour une aventure cinématographique unique.
Je n’avais pas encore vu la salle 500 aussi proche d’être
pleine depuis le début du festival, pour cette carte blanche à Jan Kounen qui
avait choisi de présenter les films de Ron Fricke, Baraka surtout parce qu’il le connaît bien (je le verrai plus
tard), et ce tout récent Samsara, que
lui-même n’avait pas encore vu et s’apprêtait à découvrir à nos côtés.
D’ailleurs après sa présentation, Kounen sembla déçu d’apprendre que la place
que le festival lui avait réservée se trouvait au dernier rang de la salle. Je
le comprends, si vous connaissez la salle 500 du Forum des Images, plus on est
au fond, plus on est au-dessus de l’écran, en plus de s’en éloigner bien sûr - ce qui en soit est déjà horrible. Alors en remontant la salle vers sa place
réservée si haut, il demanda à un spectateur placé un ou deux rangs en dessous
de moi si le fauteuil à côté de lui était libre, mais il ne l’était pas, et le
réalisateur se résolus donc à se poster si loin.
Moi j’étais au sixième rang (rétrospectivement, un rang
trop loin), pile en face de l’écran, la tête prête à y plonger. Samsara est de
ces films dans lesquels on se sent précipité la tête la première, oubliant que
l’on se trouve entouré de centaines d’autres spectateurs dans une salle de
cinéma. Le monde autour de nous arrête de tourner et l’écran devient l’unique
réalité. Les sens s’éveillent, les yeux se font immenses pour capter la moindre
image, le moindre détail. Samsara n’est pas un film comme les autres. C’est un
documentaire, sans en être vraiment un. C’est une succession de scènes, de
plan, tournés aux quatre coins du monde, sans commentaires, presque sans
paroles, seulement les sons qui peuplent les contrées visitées par la caméra de
Fricke. C’est un film sur le monde qui nous entoure et les hommes et femmes qui
le peuplent. Le monde tel qu’il est, tel que nous le voyons et que nous le
vivons, tel que nous le façonnons. Pour
le meilleur et pour le pire. Fricke parvient au passage à prouver de fort belle
façon que même sans un mot, il est possible de raconter une histoire par le
simple biais du montage.
A la sortie, le hall du Forum des Images rugit de
commentaires. Certains avaient les images encore imprimées sur la rétine, pour
longtemps, d’autres avouaient à demi-mot qu’ils s’étaient ennuyés. Moi je marchais
sur un nuage, les sons de mes congénères bourdonnant à mes oreilles, les images
de Ron Fricke se bousculant encore dans ma tête. La beauté des déserts et
l’incongruité des usines. Les couleurs, les sons, les visages. Le vide et le
fourmillement. Samsara est encore en moi, en attendant que Baraka ne vienne l’y
rejoindre.
4 commentaires:
Comme le siège réservé était à côté du mien il n'a rien regretté ^^
C'est vrai ? Haha !
Bon ok ça compense un peu ;)
Je suis complètement d'accord sur Samsara. Y'a des moments où j'ai été comme hypnotisé. Parti très loin pour revenir des minutes après. C'est un genre de film qui ne peut être vu qu'au cinéma. (ou alors il faut une super installation home cinéma)
P.S: Ton positionnement était bien meilleur ;) Quand je ne suis pas tout seul, j'évite de faire trop de lourdaud. On me reproche déjà de vouloir être 10/20 minutes avant la séance.
Oui Nyal, Samsara je me vois déjà le revoir quand il va sortir au ciné, histoire de profiter encore une fois de le voir sur grand écran.
P.S. : tu es bien trop sympa. Mes amis savent que je suis maniaque et viennent donc au ciné avec moi en connaissance de cause, à l'avance pour faire la queue et placés au 5ème rang dans la salle ;)
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