J’ai cru qu’ils allaient me gâcher le film. J’ai cru que
je n’arriverais pas à prendre sur moi et laisser couler. J’ai même cru un
instant que le film ne serait pas à la hauteur pour me donner la possibilité de
transcender cette interférence extérieure. Je me suis trompé. Ils ne m’ont pas
gâché le film. J’ai pris sur moi. Le film a été à la hauteur.
Le film, c’est « Camille redouble », la
nouvelle réalisation de Noémie Lvovsky dont a été dit le plus grand bien depuis
qu’il a fait ses débuts au Festival de Cannes en mai dernier. L’interférence extérieure, on la doit à l’UGC Ciné
Cité Les Halles et la manie de ses responsables de rapprocher un maximum les séances des films qu’ils projettent, une
fois de plus. Nous étions un vendredi soir à la dernière séance, supposée
commencer à 22h20. 22h15, les portes ne s’ouvrent pas (rien de plus normal aux
Halles). 22h18. 22h20. 22h25. 22h30. 22h32, ah ! Enfin ! L’accès à la
salle nous est gentiment permis avec un « Voilà, bonne séance » avec
le sourire, comme si c’était normal de nous ouvrir les portes avec 12 minutes
de retard sans explication aucune. Bon, vu le retard, au moins, nous
échapperons aux pubs, nous sommes-nous dit avec l’ami qui m’accompagnait…
Eh bien non. Lorsque l’on entre en salles, les pubs
défilent à l’écran. Les dernières peut-être ? Non, les premières
apparemment. 22h35. 22h40. 22h45. Toujours les pubs, alors que le film était
censé débuter à 22h35. 22h50, ah quand même, les pubs se terminent et le film commence,
avec un quart d’heure de retard. Mon ami, qui se déplace en RER, me dit alors
« Avec ce retard, j’espère que je n’aurai pas à partir avant la fin du
film, mon dernier RER est à 00h40 je crois ». Et voilà, après l’agacement
du retard, le stress pour mon pote. Lorsque le film se terminera à 00h39, il
s’enfuira en trombe vers le RER.
Dans ces moments d’énervements en salle obscure, je suis
capable de ne jamais entrer dans le film qui prend vie sous mes yeux. Si
celui-ci n’est pas exceptionnel, mes noires pensées prennent le dessus sur le
plaisir cinématographique, et pendant la première bobine de « Camille
redouble », j’ai cru que je n’arriverais pas à surmonter mon amertume. Mais
petit à petit, le film de Noémie Lvovsky s’est infiltré en moi.
C’est étrange car j’ai grandi avec « Peggy Sue s’est
mariée » de Francis Ford Coppola. C’est un des films que je regardais en
boucle avec ma sœur lorsque j’étais ado. La première fois que j’ai vu la
bande-annonce de « Camille redouble », je n’ai pas pu m’empêcher de
penser au film de mon enfance. Mais « Peggy Sue », je ne l’ai jamais
vu avec mes yeux d’adulte. Je le regardais avec mes yeux d’ado amusé de voir
l’adulte Kathleen Turner retomber en adolescence. « Camille
redouble », je l’ai découvert avec mes yeux d’adulte. Je suis certes
encore trop jeune pour tomber dans la nostalgie béate, mais je suis tout de
même suffisamment « vieux » pour caresser ce doux rêve de revivre de
plus jeunes années, et prendre un plaisir fou à voir Noémie Lvovsky nous entraîner dans ce rêve universel de
quasi insouciance.
La voir retrouver du même coup les années 80 ajoute
certainement à la symbiose, ces années 80 non plus de mon adolescence mais de
mon enfance. Mais l’époque ne fait pas tout. « Camille redouble »
n’est pas que ce bonbon sucré drôle et revigorant aux vibrations pop. C’est un
doux songe de délicatesse, un instant magique que seul le cinéma est parfois
capable de nous procurer, entre fraîcheur, douceur et mélancolie. Ce ne sont
parfois que des gestes et des sentiments qui savent en dire long. C’est un
regard bienveillant de Michel Vuillermoz. Une glissade maladroite de
Samir Guesmi. Un sourire triste de Denis Podalydès. C’est Barbara qui
retentit dans un jukebox pour rendre cette histoire finalement intemporelle et éternelle.
Après « Adieu Berthe, l’enterrement de mémé », avec lequel « Camille
redouble » partage de nombreux acteurs, le cinéma français vient de me
prouver qu’il était capable d’instants rares entre rire et poésie qui
soulignent la magie du cinéma. J’en reprendrais bien quelques instants de plus…
6 commentaires:
J'vais peut-être me décider à lui laisser sa chance, à celui-là. Pas sûr encore d'avoir le temps. On verra. En attendant, je t'imagine revenir en enfance et retrouver un David scotché devant Les Goonies ou Peggy Sue...
Je ne peut que t'encourager à lui laisser sa chance, Martin ;)
Quand j'étais ado, je passais mon temps soit scotché sur mes jeux vidéos, soit scotché à mon magnétoscope à regarder Peggy Sue, les Goonies, Retour vers le futur, Indiana Jones...
Ouais, en somme, y'a pas grand chose qui a changé si je comprends bien. Juste que ce n'est plus des VHS... ;-)
Ça change pas mal quand même, regarder les mêmes films en boucle à la télé et s'asseoir dans des dizaines de salles de ciné pour voir toujours plus de films différents... Bon d'accord on retrouve quelque similitude ;)
Bonsoir,
je oudrais bien le voir celui ci et j'irais dans mon cinéma qui ne passe pas de pub ! Ah oui parce que dans les grandes salles ça commence bien à m'énerver ces séances consommation.
Merci pour ton avis !
Je t'en prie Didi... J'espère que tu l'apprécieras autant que moi, cette merveille de film !
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