Le problème avec le Festival Paris Cinéma – vous me direz
que c’est un problème de riche et vous aurez raison – c’est qu’il est si
passionnant de se plonger dans les films du pays mis à l’honneur que l’on en oublierait presque d’aller voir les films
projetés en compétition. Oui, il y a une compétition au festival, des films
indépendants de tous pays jugés à la fois par un jury de professionnels, un
jury de blogueurs (je peux postuler pour l’année prochaine ?) et le
public. L’année dernière déjà, je n’avais pu voir qu’un film de la compétition,
« Hospitalité », quand
« La guerre est déclarée »
raflait sans surprise presque tout.
Cette année, si je ne l’avais pas déjà vu quelques
semaines plus tôt au Forum des Images, je serais certainement allé voir le film
d’animation coréen « The King of Pigs ». Mais un film de la compétition a tout de même rapidement
attiré mon attention, « Our Homeland ». Même si le fait qu’il soit
japonais a joué en sa faveur, c’est son sujet qui m’a accroché l’œil. Le retour
au Japon dans sa famille d’un nord-coréen. Un fils envoyé à Pyongyang 25 ans
plus tôt par un père convaincu à l’époque par l’idéologie de Kim Il-Sung, et à
qui le régime a donné une permission spéciale de trois mois pour se faire
soigner à Tokyo d’un mal face auquel la médecine nord-coréenne est mal équipée.
Il est accompagné d’un surveillant nord-coréen chargé de superviser son séjour
japonais. Voir dans la peau de ce dernier Yang Ik-June, l’acteur/réalisateur de
Breathless que j’avais justement
découvert à Paris Cinéma en 2009, une projection qui m’avait laissé dans une émotion dont je me souviens encore, n’a
fait qu’attiser un peu plus ma curiosité.
Est-ce une coïncidence de retrouver le cinéaste coréen au
casting de « Our Homeland » ? Filmé simplement, caméra à
l’épaule, avec une sincérité confondante, les yeux dans ceux de personnages
fracassés, « Our Homeland » m’a indubitablement rappelé dans son
style l’écorchure bouleversante de « Breathless ». Ceux qui ont
fréquenté le Festival Franco-Coréen du Film ces dernières années se souviennent peut-être du nom Yang Yong-Hi, la
réalisatrice de « Our Homeland ». Elle y avait notamment présenté son
documentaire « Dear Pyongyang » qui déjà la faisait se pencher sur
l’histoire de sa famille. Car si ce nouveau film est son premier long-métrage
de fiction, de fiction il est finalement à peine question comme nous l’a
confirmé Yang Yong-Hi, présente en fin de projection. L’histoire décrite dans
« Our Homeland » est la sienne. Ce frère envoyé en Corée du Nord par
leur père, c’est le sien. Cette communauté nord-coréenne relocalisée au Japon
suite à la guerre et à la partition, c’est la sienne.
Il serait mensonger de dire que le fait qu’il s’agit
d’une histoire vraie n’influe pas sur l’émotion qui se dégage du film. Mais
c’est aussi justement grâce à cette intimité entre l’histoire et la
réalisatrice que celle-ci parvient à trouver une justesse et une sobriété
admirables qui habitent le film. Parce que c’est son histoire, Yang Yonghi sait
trouver les mots et les images pour crier sa douleur dans un silence déchirant.
La rage et l’émotion qui se dégagent affleurent autant par ce qui se dit et se
voit que par l’invisible et l’indicible, comme pour montrer que même en dehors
de ses frontières infranchissables, la Corée du Nord et son régime imposent un
cruel silence, une douleur inexprimable.
En fin de projection, la réalisatrice s’est présentée à
nous, joyeuse, heureuse de partager son film et son histoire. L’histoire d’une
femme au nom coréen et à l’identité japonaise qui a pourtant du mal à définir
son pays natal. Une femme dont les frères lui ont été arrachés par une
idéologie meurtrière. Une femme qui a longtemps hésité à s’exprimer pleinement et
clairement eu égard à sa communauté. Une femme qui a envie que le monde
connaisse son histoire, l’histoire de ses parents, de ses frères, de tous ceux
qui se trouvent derrière ces frontières si opaques que celles de la Corée du
Nord.
Je ne sais pas si c’est un hasard que trois ans plus
tard, c’est dans ce même festival, dans ce même cinéma, dans cette même salle
que j’ai découvert « Our Homeland » après y avoir découvert pour la
première fois « Breathless ». Mais je sais que l’émotion est aussi
encore au rendez-vous, frappante, amère et belle. Je sais que cette image du
frère fredonnant la chanson de la balançoire, assis dans cette voiture le
ramenant vers son inextricable destin, restera longtemps en moi. Je ne sais pas
si je reverrai un film de la compétition à Paris Cinéma avant la fin du
festival, mais celui-là, je veux le voir
figurer au palmarès, et je veux surtout le voir trouver un distributeur en
France. A bon entendeur…
4 commentaires:
Excusez de ce message... Mais c'est important pour la liberté d'expression... Rose Bosch m'a assigné en justice via OverBlog il y a quelques semaines. Rose Bosch a perdu et déboutée de toutes ses prétentions... Mais chose hallucinante ! J'apprends aujourd'hui que la réalisatrice de "La rafle" fait appel du jugement !!!
Il y aura donc une autre audience ! Cette fois-ci il faut se faire entendre et réagir sur la toile et notamment sur la cinésphère.
Besoin de soutien et surtout créez du BUZZ !
http://www.selenie.fr/article-hallucinant-rose-bosch-fait-appel-du-jugement-107782769.html
Ne t'excuse pas selenie, tu fais bien de faire passer la nouvelle, et tu sais que tu peux compter sur mon soutien ;)
roh la la, je l'ai raté... :'(
en tout cas c'est vrai que l'année dernière la sélection de la guerre est déclarée était un peu injuste pour les autres films...
et pour l'année prochaine tu as toutes tes chances vu l'originalité de ton blog, mais il faudrait te faire remarquer ! maintenant que tu es sur twitter, essaie de tweeter tes articles à leur intention... ;)
Tu as raté un bien beau film Phil !
Je sais, je sais, il faut que je fasse du lobbying pour mon blog, je suis nul à ce jeu-là, mais bon, il faut bien... ;)
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