Bon, okay, je l’avoue, j’ai raté mon coup. C’est la
honte. Montrez-moi un coin que je m’y cache. J’ai guetté le festival « Un
état du monde… et du cinéma » pendant des semaines, j’ai trépigné
d’impatience à l’annonce de la rétrospective Brillante Mendoza avec
avant-première et Masterclass à la clé… Et au bout du compte, voici mon triste
bilan personnel : un seul film de Mendoza vu. Bon, d’accord, je n’en avais
pas cinquante à voir non plus, mais le fait est que je n’ai pas su tenir mes
envies premières. Zappée, la masterclass, oubliée, l’avant-première, délaissés,
John John et Tirador. Seul « Le masseur », le tout premier
long-métrage de la carrière fulgurante de Brillante Mendoza, a trouvé grâce au
sein de mon emploi du temps de ministre flemmard.
La rapidité avec laquelle le cinéaste philippin s’est imposé comme une figure majeure du
cinéma mondial en ferait presque oublier que son premier long date seulement de
2005. Présent depuis une semaine à Paris pour accompagner le festival, il accompagnait
là une dernière projection de sa présence, devant partir attraper son avion
sitôt sa présentation faite. Ce premier film, « Le masseur », qui fut
précédé d’un clip musical réalisé par le réalisateur philippin à l’occasion des
dernières élections présidentielles de son pays, attira finalement plus de monde
que ce que laissait supposer (craindre) la petite dizaine de spectateurs que
nous étions à une douzaine de minutes de l’heure H. Et parmi ses premiers
spectateurs, une spectatrice assidue (oserais-je la qualifier de cinémaniaque ?) dont j’avais déjà
croisé la route à plusieurs reprises, notamment à Paris Cinéma puis à l’ÉtrangeFestival…
Dans la salle 300 du Forum des Images, il y a un rang
circulaire sur lequel j’aime me poster et que je vise dès que je mets les pieds
dans la salle. Cette fois-ci comme les autres fois, et alors que je choisissais
mon fauteuil, je remarquai très vite qui était assis à deux fauteuils du
mien : la maniaque de l’applaudissement, une spectatrice qui applaudit dès
qu’elle en a l’occasion et a la parole facile. J’ai hésité à abandonner mon
rang favori pour m’éloigner d’elle, mais finalement, je suis resté. Et à peine
assis, j’ai senti son regard sur moi, insistant. Elle avait envie de parler je
l’ai bien senti, et puisque j’étais assis à sa portée, elle a vite jeté son
dévolu sur moi. Voulant retarder au maximum l’échéance, je faisais le mec qui
n’avait pas remarqué, j’évitais de me tourner vers elle, mais au bout de
quelques secondes, je commis une erreur : je me tournai pour jeter un œil
à la salle et à sa poignée de spectateurs. Boum, ma voisine attrapa la perche
tendue et me lança un « Y a pas beaucoup de monde hein ? » que
j’aurais dû voir venir. Une erreur de débutant.
« Eh non, lui répondis-je.
- En même temps le film a quelques années déjà, il y en a
sûrement beaucoup qui l’ont déjà vu.
- Sûrement.
- Mais bon moi je ne l’ai jamais vu alors j’en profite,
hein !
- Eh oui », lui répondis-je avec le sourire tout en
attrapant mon bouquin, tentant une échappée littéraire pour me prémunir d’une
conversation pendant les dix minutes nous séparant du début de la séance.
Je fus de toute façon sauvé par l’arrivée d’une de ses copines
qui se cala entre elle et moi et auprès de laquelle elle trouva une bien
meilleure compagnie pour discuter. Je compris même vite qu’une seconde amie
risquait d’arriver qui était peut-être allé voir « It’s a free
world » de Ken Loach juste avant. Et effectivement, l’autre amie arriva,
pendant que la salle se remplit doucement mais sûrement, et lorsqu’enfin
Brillante Mendoza se présenta à nous, la salle 300 du Forum des Images était
bien fournie en cinéphiles. Bien sûr, l’applaudisseuse lui réserva un tonnerre
de claquements de mains pour l’accueillir, première qu’elle fut dans le geste,
et dernière à l’arrêter. Elle riait et acquiesçait à chacun de ses mots, ou
plutôt de ceux de la traductrice.
Mendoza resta cinq minutes pour nous parler de son clip
musical pour les présidentielles, censurés aux Philippines, de ses premiers pas
dans le long-métrage avec « Le masseur », qui fut une première pour
lui-même mais également pour son acteur fétiche Coco Martin, pour son
scénariste, son producteur… Cette fraîcheur des débuts, on la ressent bien dans
le film qui suit un jeune masseur qui offre un peu plus que de la détente
musculaire à ses clients s’ils sont prêts à y mettre le prix (et ils y sont
tous prêts). On sent les prémices du style vif et poétique de Mendoza, avec une
certaine fébrilité qui disparaîtra bien vite dans ses films suivants.
Alors que le clip musical projeté en préambule
commençait, ma voisine applaudisseuse prit son temps avant de se projeter
dedans, préférant faire des commentaires à sa copine sur la facilité d’accès à
l’aéroport depuis Les Halles grâce au RER (mais bon, franchement, j’ai du mal à
imaginer Mendoza y allant en RER…), ou demandant à brûle-pourpoint à sa voisine
« Mais au fait, c’est où les Philippines ? ». L’indication
« A côté de la Malaisie » de son amie ne sembla pas trop la
convaincre… « Le masseur » la convainquit bien plus, lui réservant
une belle salve d’applaudissements bien sûr. Tandis que les spectateurs se
levaient au générique de fin, je l’entendais discuter, persuadé qu’une de ses
amies était encore en sa compagnie. Mais en me tournant vers elle, je constatai
qu’elle était seule et discutait avec elle-même. Avant qu’elle n’en profite
pour m’alpaguer, je me tournais dans l’autre sens… Elle choisit donc une
spectatrice du rang derrière pour exprimer ses impressions sur le film
« C’est bien hein pour un premier film ? ».
Moi je m’esquivai en douce… De toute façon, je ne doute
pas qu’un jour ou l’autre, elle me tombera à nouveau dessus…
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