mercredi 15 septembre 2010

L'Etrange Festival a accueilli des monstres extraterrestres pour sa clôture

La lumière revient déjà, l’Étrange Festival est terminé. Cette année, j’ai plus profité de la manifestation que d’habitude : six longs-métrages au cours des dix jours de festival. Six longs-métrages allant du polar à l’horreur, du slasher à la SF. Six longs-métrages venus du Japon, de la Corée, de Hong Kong, de Serbie, de Suisse et de Grande-Bretagne. Dimanche soir se tenait la soirée de clôture au cours de laquelle on a eu droit à un petit speech du directeur du Festival et à un palmarès (rapide) consistant en un Prix Nouveau Genre remis à Buried (en salles en novembre), et en deux courts-métrages primés, d’un Grand Prix et d’un Prix du Public et projetés en préambule du film de clôture.

Le premier des deux courts, All flowers in time, récipiendaire du Grand Prix, était signé Jonathan Caouette, révélé il y a quelques années par l’étrange film / journal intime Tarnation. Un court sous l’influence évidente de David Lynch, étrange, rébarbatif et angoissant, une vraie curiosité interprétée entre autres par Chloë Sévigny. Le second court, One night, suit presque sans dialogues la nuit d’une poignée de jeunes femmes en boîte de nuit. Un moment débridé et plutôt drôle quelque part en Australie, détendant à merveille l’atmosphère après le court Lynchien précédent.

Mais ce qui nous réunissait tous ce soir-là, c’était évidemment le film de clôture, le très attendu Monsters. Sachant que je le verrai à l’Étrange Festival, je m’étais expressément coupé de toute bande-annonce du premier long-métrage signé de l’inconnu Gareth Edwards. Tout ce que je connaissais du film c’étaient une ou deux affiches, et un vague synopsis. Je ne saurais dire à quoi je m’attendais avec précision, mais une chose est sûre, je ne m’attendais pas à ce que nous a offert Monsters. Si, en fait, je pense que je m’attendais à un film fauché mais flippant et haletant.

Or, tout d’abord, si Monsters est un film fauché dans les faits, il ne l’est pas à l’écran. Voilà un film qui n’aurait coûté que 15.000 dollars à réaliser, et qui donne l’impression d’avoir bénéficié de plusieurs millions, tant l’univers visuel développé par Edwards et son équipe est bluffant. Ce qui est tout aussi bluffant, c’est la réussite du scénario dans sa volonté de créer une mythologie, un univers narratif fort et crédible. Six ans avant le début du récit, une sonde de la NASA ayant récolté des échantillons d’une vie extraterrestre récemment découverte s’écrase au Mexique. En quelques mois, une forme de vie extraterrestre se développe, et tout un pan du Mexique est placé sous quarantaine. Cette « zone infectée », soigneusement délimitée par des murailles immenses et des contrôles stricts, abrite des monstres géants. Un photographe américain cherchant à prendre des clichés non loin de la frontière avec la zone infectée, à San José, doit rapatrier aux États-Unis la fille de son patron.

Le cadre posé par Gareth Edwards est remarquable. A l’évidence tourné en décors naturels en Amérique Centrale, Monsters ne sent pas le chiqué. Chaque plan, chaque séquence est criante de vérité dans cet univers entre misère et chaos, suffisamment réaliste pour que l’on sente une société similaire à la nôtre, tout en y insufflant cette piqûre de science-fiction, ces immeubles en proie aux flammes, ces panneaux indiquant la zone infectée, ces reportages passant sur les écrans de télé. Cela peut sembler anodin, mais ce sont ces détails qui tissent la force d’un récit inscrit dans le surnaturel. Dès lors que ces bases sont solidement ancrées, le récit peut suivre son cours, l’adhésion du spectateur est acquise. La mienne l’était.

Si bien que lorsque le film ne semble pas vouloir emprunter le chemin qu’on attend de lui, celui d’un film pressé et pressant, offrant de l’action, je ne l’ai pas rejeté. Si Monsters avait manqué sa mise en place, la lente errance que le récit adopte ensuite aurait pu renfrogner. Or la minutie apportée à l’univers visuel, malgré la restriction budgétaire, pousse à s’intéresser à cet angle inattendu choisi pour traiter d’un road movie en territoire ennemi et étranger. Le film avance, explore, accélère un peu pour mieux ralentir. Lorsqu’il devient clair que nos deux héros vont finir par devoir frayer en zone infectée, on s’attend à ce que le film bascule dans une course contre le danger, mais il n’en est rien. Edwards maintient son désir d’explorer la mythologie qu’il a bâtie et s’en servir pour aller plus loin qu’un film d’action. Drame social et romance tout autant que film d’aventure, Monsters flirte avec la métaphore politique, avec les inquiétudes migratoires, guerrières et écologistes de notre époque, pour s’affirmer en tant que film de SF original et intelligent.

Monsters sacrifie l’action pour ne pas se laisser enfermer par les limites d’un genre. En à peine plus d’une heure et demie, le film parvient à se renouveler plusieurs fois, à ne pas prendre les voies les plus visibles pour mieux s’enrichir. Le danger n’est pas prévisible, les monstres ne sont pas forcément monstrueux, et les possibilités deviennent infinies. Lorsque l’écran s’éteint, c’est une surprise. Une surprise par l’incroyable potentiel à aller plus loin. L’incroyable potentiel d’un scénario et d’un cinéaste qui auraient pu aller encore plus loin, non pas à la place de ce que le film est, mais au-delà de ce qu’il est déjà. J’aurais voulu qu’il continue. Qu’il ne s’arrête pas là. Mais pour cela, il lui aurait fallu 5.000, ou 10.000 dollars de plus peut-être ? Quand on pense que Michael Bay ne peut même pas mettre en boîte 3 minutes de film pour le même prix en faisant un Transformers, on se dit que l’argent est entre de mauvaises mains.

Monsters devrait sortir en décembre dans les salles françaises. Amateurs de SF sortant de l’ordinaire, diminuez vos attentes en action et cochez la date sur votre calendrier…

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