La première fois que j’ai vu Philip Seymour Hoffman sur grand écran, il courait après les cyclones au côté de Bill Paxton et Helen Hunt. Pourtant ce n’est pas mon premier souvenir de Philip Seymour Hoffman. Ca ne l’est pas car il faut bien avouer qu’aussi fun qu’ait pu être Twister pour l’ado de 14 ans que j’étais à l’époque, le film de Jan de Bont n’est pas franchement mémorable au-delà des fureurs climatiques dans lesquels il nous plongeait. Du coup, la première image qui me vient en tête si l’on me demande quel est mon premier souvenir de Philip Seymour Hoffman, j’oublie en général sa participation à la chasse aux tornades, je le vois bien loin des plaines de l’Oklahoma. Il est dans un studio, cheveux longs et lisses, casque vissé sur les oreilles, appuyé à une perche, attendant de prendre le son sur le tournage d’un film porno.
Cette première image qui m’est gravée, elle est extraite de Boogie Nights de Paul Thomas Anderson. Entre Mark Wahlberg qui jouait le jeune premier bien monté, Julianne Moore l’actrice star et Burt Reynolds le réalisateur ringard, Philip Seymour Hoffman était une nouvelle tête du cinéma indépendant américain, fascinant, dérangeant, touchant. Près de treize ans plus tard, après The Big Lebowski, Presque célèbre, La 25ème heure, Truman Capote, 7h58 ce samedi-là, je vois Philip Seymour Hoffman descendre sous mes yeux les escaliers de la salle 10 de l'UGC Ciné Cité Les Halles, sous un tonnerre d’applaudissements qui n’en finit pas. Hoffman se tient devant nous, attend la fin de l’ovation avec timidité. Lorsque celle-ci s’achève, il a du mal à prendre la parole. Son premier film en tant que réalisateur, Rendez-vous l’été prochain, n’a pas encore été projeté qu’il voit devant lui un public acquis à sa cause.
Quelques minutes auparavant, le directeur de la salle était venu nous demander de réserver un accueil triomphal à cet acteur rare, mais j’imagine mal qu’il ait fallu ces mots pour que tous les spectateurs venus assister à cette avant-première aient eu envie d’acclamer celui qui, ces treize dernières années, s’est érigé parmi les acteurs les plus talentueux du cinéma américain. Des acteurs se lançant dans la réalisation, il y a en a eu dans l’histoire de ce cinéma, justement. Et contre toute attente, la plupart du temps, les comédiens se révèlent souvent excellents derrière la caméra. De Charles Laughton à Ben Affleck, la liste est longue, qu’ils n’en aient réalisé qu’un ou qu’ils soient devenus cinéastes à part entière, les acteurs réservent généralement de belles surprises de l’autre côté de la caméra.
Les acteurs véhiculant une certaine image, une certaine cohérence dans leur carrière, il est facile d’imaginer parfois quel genre de film ils vont réaliser une fois passés de l’autre côté. Rendez-vous l’été prochain, intitulé Jack goes boating en VO, n’est pourtant pas le film que j’aurais imaginé pour Philip Seymour Hoffman. Cet acteur s’épanouissant dans le cinéma d’auteur (oui bon je sais il a aussi fait le méchant dans Mission impossible III…), je ne l’aurais sûrement pas vu s’atteler à une comédie romantique new-yorkaise. C’est pourtant ce qu’est essentiellement son premier film de réalisateur. Attention, il ne s’agit pas là d’une comédie romantique dans laquelle on pourrait caser Ashton Kutcher et Katherine Heigl (au hasard…). Il s’agit bien là d’une comédie adulte sérieuse (bien que bourrée d’humour).
Ce qui surprend le plus de la part d’Hoffman, c’est que son film flotte dans la mélancolie, dans cette atmosphère spleen que l’on est plus habitué à voir dans des films de trentenaires à la Garden State que dans des histoires de couples quadra se faisant ou se défaisant sous la neige new-yorkaise. Rendez-vous l’été prochain raconte deux couples, l’un établi mais prêt à tanguer, l’autre en devenir mais avançant avec timidité. Les premiers aident les seconds à se trouver alors qu’eux-mêmes ont du mal à gérer leurs propres problèmes.
Hoffman interprète lui-même le personnage central de Jack, quadra tendre et timide, passionné de reggae insatisfait comme son meilleur ami de sa petite vie, œuvrant à lâcher son job de chauffeur et à trouver le grand amour en la personne de Connie, qui elle-même a bien du mal à aller vers les hommes. Pour la séduire, Jack décide d’apprendre à cuisiner et à nager, pour l’emmener faire une balade en bateau lorsque l’été viendra. Si Hoffman ne montre pas l’assurance dont certains de ses compères acteurs ont pu faire preuve en réalisant leur premier long, il affiche une sincérité séduisante. Il s’entoure d’une petite troupe de comédiens pour des joutes verbales bien senties tout en laissant un doux sentiment parcourir l’échine de son film, grâce à des images posées, grâce à une bande-son réjouissante, grâce à une simplicité et une émotion qui transparaissent. Grâce à une fin abrupte et délicate qui affirme une voix singulière dans le genre.
Certes le film est mineur, certes il est déséquilibré tant son dernier acte semble disproportionné par rapport au rythme du film jusque-là (avec une séquence de dîner bien trop longue à la fin), mais Rendez-vous l’été prochain séduit, par ses personnages d’égarés conférant gravité et nonchalance à une comédie qui n’en est peut-être pas une. Hoffman n’était pas là en fin de projection, mardi soir, pour recevoir une nouvelle salve d’applaudissements des spectateurs. Mais qu’importe. L’acteur fétiche de Paul Thomas Anderson n’aura pas eu besoin de cela pour comprendre qu’à Paris, on aime les comédies new-yorkaises… Mais cela, le monde entier le sait, non ?
(P.S. : le film sort le 29 décembre !)
(P.S. : le film sort le 29 décembre !)
2 commentaires:
Sympa la chronique, sympathique ce M.PSH
Merci Arthur^^
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