Il n’est pas rare qu’un déçu ou un pointilleux quitte une salle en cours de film. Il y aura toujours quelqu’un pour se rendre compte un peu tard que le film qu’il ou elle est venu(e) voir ne correspond pas du tout à ce qu’il ou elle espérait. Dans ce cas, la plupart des gens restent tout de même et donnent une chance au film, alors que quelques uns abandonnent lâchement la salle.
Ce qui est plus rare, c’est qu’un film pousse tout un pan de ses spectateurs à déserter les lieux les uns après les autres. Mon expérience la plus mémorable tournant autour de ce rejet général a sans nulle doute été Los Bastardos en tout début d’année. L’œuvre du mexicain Amat Escalante avait fait grand bruit à Cannes en 2008, et il m’a suffi de le voir à sa sortie en janvier pour comprendre pourquoi. Les longs plans fixes (très longs) avaient perdus quelques spectateurs en route, avant qu’une séquence d’une violence sauvage ne fasse fuir les derniers résistants.
Entre les premiers plans du long-métrage et le début du générique de fin, la salle s’était vidée de moitié au cours du film. Mardi soir, près d’un an plus tard, j’ai vécu une expérience presque similaire à l’UGC Ciné Cité Les Halles en allant voir Kinatay de Brillante Mendoza.
Comme Los Bastardos, Kinatay a fait sensation à Cannes, celui-ci en compétition officielle où il a séduit le jury et remporté le Prix de la Mise en Scène. Une distinction amplement méritée si vous voulez mon avis. Il y a tout juste un an, j’étais tombé sous le charme de Serbis du même Mendoza, la lumineuse chronique d’une famille de Manille tenant un cinéma porno.
Bien plus sombre, Kinatay conte une descente dans les abymes de la violence. Le premier acte du film est aussi lumineux que l’était Serbis, relatant le mariage d’un tout jeune couple. Ils ont 20 ans à peine, elle s’occupe de leur nouveau-né, il est étudiant à l’école de police. Ils fêtent leur union entre amis et en famille, ils sont heureux, la vie semble partie du bon pied pour eux. Pourtant à l’inverse d’Irréversible de Gaspar Noé qui glissait lentement de l’enfer au paradis à mesure que le récit progressait (grâce à un montage remarquable), Kinatay va peu à peu basculer dans la nuit la plus totale.
Le jeune marié arrondit ses fins de mois en traînant le soir avec des mecs peu recommandables qui l’entraînent pour une petite virée qui tourne au kidnapping. L’insouciant se met à flipper lorsqu’il comprend toute la dangerosité de la bande, et jusqu’où ils semblent prêts à aller.
Cette descente aux enfers est réalisée avec une insolente maestria par Brillante Mendoza. Le sens du récit nous explose au visage, sa capacité à subrepticement changer de ton et d’atmosphère en cours de route, tout en justesse. Avec une caméra vive, à l’épaule, il happe l’énergie de Manille. En étirant ses séquences au maximum, les faisant exister sur une durée rare, il donne une consistance et une intensité remarquables à sa narration. Très vite, l’atmosphère nous englobe et nous fascine jusque dans l’audace contemplative de certaines scènes.
C’est justement cette audace contemplative qui a perdu une première partie des spectateurs, qui ne s’attendaient certainement pas à ce rythme ralenti dans lequel ils n’ont su capter toute l’intensité. La tension monte avec une efficacité incroyable à mesure que le jeune protagoniste s’enfonce dans cette nuit. Bientôt, on perçoit que la violence va se déchaîner à l’écran. Mendoza dépeint alors un traumatisme, celui de notre héros qui met le doigt dans un engrenage qu’il passe tout le film à chercher à éviter, mais n’y parvient pas. Il se laisse prendre dans une spirale ponctuelle qui on s’en doute le marquera à vie, et n’est sûrement qu’une première étape dans une vie qui risque d’être jalonnée de violence.
Ce regard profondément sombre n’aura pas eu le temps d’impressionner une autre partie des spectateurs, qui ont choisi de quitter la salle lorsque les machettes ont commencé à trancher avec force… Plus d’un quart de la salle se sera vidé avant que le film n’atteigne sa conclusion.
Ce n’est pas Twilight qui risque de faire cet effet-là…
Ce qui est plus rare, c’est qu’un film pousse tout un pan de ses spectateurs à déserter les lieux les uns après les autres. Mon expérience la plus mémorable tournant autour de ce rejet général a sans nulle doute été Los Bastardos en tout début d’année. L’œuvre du mexicain Amat Escalante avait fait grand bruit à Cannes en 2008, et il m’a suffi de le voir à sa sortie en janvier pour comprendre pourquoi. Les longs plans fixes (très longs) avaient perdus quelques spectateurs en route, avant qu’une séquence d’une violence sauvage ne fasse fuir les derniers résistants.
Entre les premiers plans du long-métrage et le début du générique de fin, la salle s’était vidée de moitié au cours du film. Mardi soir, près d’un an plus tard, j’ai vécu une expérience presque similaire à l’UGC Ciné Cité Les Halles en allant voir Kinatay de Brillante Mendoza.
Comme Los Bastardos, Kinatay a fait sensation à Cannes, celui-ci en compétition officielle où il a séduit le jury et remporté le Prix de la Mise en Scène. Une distinction amplement méritée si vous voulez mon avis. Il y a tout juste un an, j’étais tombé sous le charme de Serbis du même Mendoza, la lumineuse chronique d’une famille de Manille tenant un cinéma porno.
Bien plus sombre, Kinatay conte une descente dans les abymes de la violence. Le premier acte du film est aussi lumineux que l’était Serbis, relatant le mariage d’un tout jeune couple. Ils ont 20 ans à peine, elle s’occupe de leur nouveau-né, il est étudiant à l’école de police. Ils fêtent leur union entre amis et en famille, ils sont heureux, la vie semble partie du bon pied pour eux. Pourtant à l’inverse d’Irréversible de Gaspar Noé qui glissait lentement de l’enfer au paradis à mesure que le récit progressait (grâce à un montage remarquable), Kinatay va peu à peu basculer dans la nuit la plus totale.
Le jeune marié arrondit ses fins de mois en traînant le soir avec des mecs peu recommandables qui l’entraînent pour une petite virée qui tourne au kidnapping. L’insouciant se met à flipper lorsqu’il comprend toute la dangerosité de la bande, et jusqu’où ils semblent prêts à aller.
Cette descente aux enfers est réalisée avec une insolente maestria par Brillante Mendoza. Le sens du récit nous explose au visage, sa capacité à subrepticement changer de ton et d’atmosphère en cours de route, tout en justesse. Avec une caméra vive, à l’épaule, il happe l’énergie de Manille. En étirant ses séquences au maximum, les faisant exister sur une durée rare, il donne une consistance et une intensité remarquables à sa narration. Très vite, l’atmosphère nous englobe et nous fascine jusque dans l’audace contemplative de certaines scènes.
C’est justement cette audace contemplative qui a perdu une première partie des spectateurs, qui ne s’attendaient certainement pas à ce rythme ralenti dans lequel ils n’ont su capter toute l’intensité. La tension monte avec une efficacité incroyable à mesure que le jeune protagoniste s’enfonce dans cette nuit. Bientôt, on perçoit que la violence va se déchaîner à l’écran. Mendoza dépeint alors un traumatisme, celui de notre héros qui met le doigt dans un engrenage qu’il passe tout le film à chercher à éviter, mais n’y parvient pas. Il se laisse prendre dans une spirale ponctuelle qui on s’en doute le marquera à vie, et n’est sûrement qu’une première étape dans une vie qui risque d’être jalonnée de violence.
Ce regard profondément sombre n’aura pas eu le temps d’impressionner une autre partie des spectateurs, qui ont choisi de quitter la salle lorsque les machettes ont commencé à trancher avec force… Plus d’un quart de la salle se sera vidé avant que le film n’atteigne sa conclusion.
Ce n’est pas Twilight qui risque de faire cet effet-là…
10 commentaires:
Tiens, à un jour près, on se serait croisée. J'y étais lundi avec une amie, et pareil, des gens se sont barrés de la salle quand ça a commencé à couper :D
En tout cas, tout comme toi, j'ai bien aimé le film, mais mon amie était un peu rebutée, tellement qu'à la fin elle disait des conneries pour dédramatiser, et on était mort de rire même devant les scènes de massacres huhu
Kinatay est l'un des films de l'année sans nul doute. J'ai bien accroché.
J'ai compté le départ de trois personnes lors d'une séance dans ce même cinéma, y a un petit moment maintenant. Ceux qui sont passés devant l'écran, à savoir s'il en est parti par derrière... je ne saurais dire.
Je suis toujours halluciné de voir des gens s'en aller devant un film, à la limite, tu pionces, je sais pas moi... bref, une façon de concevoir le cinéma différemment de la mienne. C'est bien dommage tout ça parce que le film est d'une puissance à couper le souffle !
Gilles, tu m'aurais bien déranger avec ta copine si vous vous marriez devant le film à la fin, je suis bien content de pas m'être trouvé à la même séance que toi^^
I.D., tu vois ça nous arrive d'être en osmose sur un film ;-)
Je suis assez d'accord sur l'ensemble du film mais la demi-heure dans la voiture a eu raison de moi : j'ai dormi presque tout le long... ;-)
Sacré Michael ;-)
Pour une fois que tu reconnais les mérites de Twilight ;-)
Je crois que tu as mal interprété ma phrase mentionnant Twilight...
Par contre, à la séance de 11h30 à l'UGC des Halles, un samedi, avec des gens de tout âge dans la salle, personne n'est parti!
David, si tu apprécies donc B. Mendoza, lance toi dans l'aventure TIRADOR -Slingshot- disponible en dvd depuis novembre. Tu seras, sûrement, retourné.
PS : ça peut être absolument exaspérant que d'assister à un film sombre et d'entendre des rires dans la salle, Gilles...!
Je note, Xavier, je note Tirador, merci ^_^
Bah, si on a rit, c'était purement nerveux. Le film en arrivait à une telle extrémité que c'est parti tout seul. Pourtant j'ai bien aimé le film, je n'aurais même pas ri si j'étais tout seul, mais là, on a pas pu se retenir.
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