mercredi 8 décembre 2010

Les jeunes aiment le cinéma ukrainien

Peut-être aurais-je dû finir le titre de ce billet par un point d’interrogation. Car c’est une question que je me suis posé en allant voir My Joy. Lorsque le film de Sergei Loznitsa était passé par Cannes, en compétition pour la Palme d’Or en mai dernier, ma curiosité avait été éveillée par ce qui ressemblait à un étrange objet cinématographique. Le film est sorti il y a quelques semaines dans l’indifférence la plus totale des spectateurs français, ce qui a très vite rendu difficile l’accomplissement de mon envie de voir le film. Moins d’un mois après sa sortie, seul le MK2 Parnasse le projetait encore, et seulement à 16h40.

Je ne peux pas non plus faire le grand étonné lorsque l’on parle d’un film Ukrainien de 2h07, le succès aurait certainement été plus étonnant que ce dédain du public. Après tout, le film est même revenu du Festival de Cannes bredouille. En me rendant en plein après-midi d’un jour de semaine au MK2 Parnasse, je m’attendais donc à ne trouver à mes cotés dans la salle que quelques cinéphiles curieux et une poignée de vieux (eh oui, pour les films d’art et essai en journée, i y a toujours des vieux). Or si j’ai bien trouvé mes cinéphiles et mes vieux, j’ai également trouvé un échantillon étonnamment conséquent de jeunes. Et par jeunes, je n’entends pas des mecs de 29 ans comme moi, mais bien des gamins à peine sortis du lycée qui devaient avoir entre 17 et 20 ans.

Mais que se passe-t-il chez les (post)ados aujourd’hui ? Ils viennent en bande voir un film ukrainien de plus deux heures ?! Pendant un moment je me suis demandé si je n’étais pas entré par erreur dans une salle programmant Harry Potter, avec ma petite dizaine de spectateurs nés dans les années 90. Et c’est qu’ils sont restés en plus, ils ne se sont pas démontés, ils ne s’étaient pas trompés de salle, ils ne se sont pas lassés et enfuis en cours de route. Non, ils sont bien restés. Ils ont regardé avec moi cette odyssée ukrainienne à travers la campagne et le temps, un film incroyablement maîtrisé et intrinsèquement fou dans lequel un routier perd peu à peu pied sur les routes, à la rencontre d’hommes et de femmes au contact desquels sa nature va être mise à rude épreuve. Le scénario est l’un des plus élaborés qu’il m’ait été donné de voir à l’écran cette année, un scénario dont la maîtrise est surlignée par une mise en scène implacable dont le caractère posé cache un sang bouillonnant.

Reste que le film est lent et que son propos est si riche qu’il déconcerte et égare, d’où mon étonnement à ne pas entendre moufter ces deux bandes de post-ados plantés là, dans cette même salle, alors que j’ai plutôt l’habitude de devoir supporter des ados élevés au pop-corn et aux sms en plein film. Ca fait plaisir de savoir qu’il y a des curieux dans toutes les générations de cinéphiles. Et cela me pousse à me poser la question : quelle a été mon premier vrai acte cinéphile ? Quelle a été ma première envie de cinéma différent, un cinéma ne parlant ni anglais, ni français, un cinéma que je ne serais pas allé voir poussé par ma mère. Une simple envie personnelle d’un cinéma d’ailleurs qui ouvrant à un autre horizon que celui du cinéma français ou américain qui marquent tous les ados.

Je crois que cet acte cinéphile a eu lieu pour moi à l’automne 2000, lorsque je suis allé seul, pour satisfaire une envie qui m’était propre, deux films d’auteur asiatiques. C’était Yi Yi d’Edward Yang et In the mood for love de Wong Kar Wai. Il y a à peine plus de dix ans. Il y a dix ans, j’aimais les films chinois (je les aime toujours). Aujourd’hui, je suis heureux d’aimer un film ukrainien.

2 commentaires:

Chris a dit…

Ouais, OK, mais coup de bol tu as vu deux chefs d'oeuvre avec ces deux films chinois ! Ce sont tous les deux des films de la décennie....

David Tredler a dit…

J'ai eu le nez fin sur ceux-là, oui !

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