J’ai longtemps pensé que
j’étais allergique à la science. « Longtemps » et
« allergique » étant deux termes tout à fait relatifs. Disons que mes
années lycée ont créé une distance certaine entre mes goûts personnels et la
science, alors qu’enfant je rêvais des étoiles avec un planisphère stellaire
phosphorescent accroché au mur de ma chambre.

Et voici qu’en l’espace de dix
jours à peine, trois films m’ont envoyé en l’air, chacun à sa façon, et chacun
avec brio. Deux d’entre eux sont des documentaires. Le premier, je l’ai vécu en
Imax, à la Géode, un sombre soir où il n’y avait pas foule dans la salle de La
Villette, et où j’ai presque littéralement plongé dans « Hidden
Universe », ce documentaire s’intéressant aux télescopes géants du désert
d’Atacama au Chili, qui scrutent les confins de l’univers. Avec lui je me suis
senti partir à des millions d’années-lumière, retrouvant par lui mes sensations
d’enfant découvrant le pouvoir d’une salle Imax, et mes rêves de gosses avec ce
ciel phosphorescent plaqué sur mon mur.

L’émotion berce également le
troisième film que j’ai vu ces jours-ci et qui m’a permis lui aussi de
concilier ma vieille histoire avec les étoiles et mon actuelle histoire avec le
cinéma. « Interstellar », de Christopher Nolan. Évidemment. Le
réalisateur britannique s’est taillé au fil de ses films une image de cinéaste
ambitieux et appliqué, à la mise en scène impressionnante, mais où l’émotion
n’était que circonstancielle, pour ne pas dire absente. Il la prend ici à bras
le corps.
« Interstellar » se
veut à la fois une odyssée humaine épique s’interrogeant sur le courage et le
rapport de l’homme à sa mortalité, sur sa capacité et son besoin de repousser
ses limites, et sur notre rapport à la nature. Mais c’est également une
exploration bien plus intime des relations filiales, et plus particulièrement
des rapports père/fille. Et l’émotion devient prégnante dès lors que l’odyssée
épique et l’exploration de l’intime s’entrechoquent.

L’une des grandes réussites du
film, malgré quelques faux-pas, est ce jeu sur la temporalité, un jeu qui n’en
est pas un puisque le temps est ici, en fait, le cœur du récit d’où découle la
dramaturgie. Nolan s’en sert pour nous mettre face à l’un des grands fantasmes
humains, traverser le temps, tout en nous confrontant à l’une de nos plus
grandes peurs, la solitude.
Il y a tant de choses qui
s’entremêlent dans « Interstellar »,
le romanesque et le scientifique, le courage et la peur, l’exaltation et
l’émotion. Il y a tant d’envie que l’ambition et la puissance du film prennent
le pas sur les maladresses du scénario. Nolan vient nous prouver, un peu malgré
lui certes, que l’imperfection n’empêche pas la grandeur.
Voilà de nombreuses années que
j’ai compris que je n’étais pas un scientifique, mais il suffit d’être un
rêveur pour se laisser emporter dans les étoiles avec « Hidden Universe »,
« La Fièvre des Particules » et « Interstellar ».
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