jeudi 21 juin 2012

Woody et moi


Voir un documentaire consacré à Woody Allen, c’est un peu comme faire un saut dans le temps pour se pencher sur ce qui a contribué à faire de soi le cinéphile que l’on ose se dire aujourd’hui. J’ai eu la chance de grandir avec Woody Allen. Il vous dira le contraire, que je suis trop jeune pour avoir vécu à Brooklyn dans les années 40, mais lui, sans le savoir, a vécu en banlieue parisienne dans les années 90. Le fait qu’aussi loin que je me souvienne, le cinéaste new-yorkais par excellence ait réalisé un film par an l’inscrit irrémédiablement dans le paysage de mes souvenirs de spectateur. Bien sûr à l’époque ma mère m’entraînait au ciné avec elle pour voir tout ce que Télérama lui avait recommandé, mais pour Woody (il fait partie de ces cinéastes que l’on a envie d’appeler par son prénom, comme s’il faisait partie de la famille), c’était différent. Une mauvaise critique ne l’a jamais empêché de se déplacer pour un de ses films.

J’aimerais pouvoir affirmer que « Meurtre Mystérieux à Manhattan » est le premier Woody Allen que j’ai vu au cinéma, mais je suis loin d’en être sûr alors que je me souviens distinctement y avoir vu « Coups de feu sur Broadway », que je me dois donc de considérer officiellement comme mon premier Woody sur grand écran. Avec son rendement de métronome, le réalisateur a appris au cinéphile en herbe que j’étais dans les années 90 qu’il est des rendez-vous qui ne se manquent pas et bercent le rythme régulier des saisons cinématographiques. Dans « Woody Allen : a documentary » de Robert B. Weide, Woody Allen dit que s’il s’évertue à réaliser un film par an, c’est parce que plus il en fait, plus il a de chances d’en concocter un bon de temps en temps. Même si l’on peut penser qu’en faisant cela, il agrandit plutôt ses chances d’en faire des dispensables… Sa modestie transparaît à l’écran, autant que ses doutes dans ses capacités à faire de grands films. Il parle même comme s’il n’en avait jamais réalisé.

Dans le documentaire, un de ses collaborateurs dit que même dans ses films les moins réussis, il y a quelque chose, une patte qui justifie toujours le déplacement. A l’évidence, celui-là n’a jamais vu « Anything Else » pour oser affirmer cela. « Woody Allen : a documentary » ressemble parfois trop à une hagiographie du cinéaste, se contentant souvent de faire intervenir des acteurs ayant travaillé pour lui et venant dire à tour de rôle, face caméra, à quel point Woody Allen est un réalisateur exceeeeptionnel, un directeur d’acteurs hors pair, un génie comique i-né-ga-lable… On aimerait que le documentaire ose frayer plus hors de ces violons intempestifs, mais il remplit au moins une fonction essentielle : celle de donner envie de replonger dans les films de Woody.

Les souvenirs remontent, les sensations procurées par certains films refont surface. Pour tout un pan du public, Woody Allen n’est peut-être qu’un intellectuel new-yorkais réalisant des films bavards. Pourtant à mesure que les souvenirs remontent, la fantaisie que peuvent opérer certaines de ses œuvres revient. Qu’on se le dise, Woody Allen est un magicien capable de procurer des bonheurs simples et intenses.
Je me souviens du nuage sur lequel je planais en sortant de « Tout le monde dit I love you » lorsque j’avais 15 ans. Je me souviens de la découverte d’ « Annie Hall » un soir sur Arte, de cette joie et cette mélancolie, de cet art du verbe enthousiasmant. Je me souviens du bonheur intense éprouvé à la vision de « Minuit à Paris ». Je me souviens des rires de « Bananas », des délires de « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander », des rêves de « La rose pourpre du Caire » et de l’écrin inattendu de « Match Point ». La carrière de Woody Allen a contribué à l’ossature de mon parcours de cinéphile. Il m’a accompagné avec ses hauts et ses bas. Et dans quelques jours, c’est déjà l’heure du cru 2012, « To Rome with Love ».

Alors non Woody, je n’ai pas grandi dans le Brooklyn des années 40, mais quelque part, toi et moi, on a grandi ensemble, parfois pour le meilleur, d’autres pour le pire, mais avec suffisamment de bonheur le long du chemin pour que je reste fidèle, vaille que vaille.

9 commentaires:

xManuex a dit…

Tout à fait d'accord avec toi...Ma mère étant une fan de la première heure, j'ai grandi avec les films de Woody Allen. Cependant ses derniers films me laissent perplexe...

David Tredler a dit…

Ceux qui me laissent perplexes sont ceux qu'il a fait entre "Tout le monde dit I love you" et "Match Point" (ces deux-là n'était pas inclus dans la perplexité bien sûr !). Mais depuis Match Point, malgré quelques déceptions, on retrouve du Woody enthousiasmants de temps en temps.

Lalalère a dit…

Ouais, Woody il fait partie du patrimoine on va dire. Tellement prolifique, tellement bavard, tellement brouillon. Mais c'est ce qui fait son charme !
Mes préférés sont de loin Annie Hall,Manhattan et Match Point.Et il a tort de minimiser son oeuvre, il a fait des petits bijoux !

David Tredler a dit…

Annie Hall et Match Point sont assurément dans mon Top 3 de Woody... je suis plus hésitant pour élire le troisième...

I.D. a dit…

C'est fou parce qu'en y réfléchissant bien, je n'ai jamais vu de film de lui au cinoche ! Ce serait presque un motif pour avoir honte de soi.

Sans ça mon dernier Woody remonte un peu puisque c'était pour "Match Point". Très bon film par ailleurs. Faudrait que je m'y remette. On ne peut pas dire qu'il emballe à chaque fois mais il y a indubitablement un truc chez lui.

Sinon je pense également retenir les titres que vous citez Lalalère et David comme le meilleur de son travail. Malheureusement, certains de ses films restent pour moi aujourd'hui de vague souvenir...

David Tredler a dit…

Whaaaaaaat ? Jamais jamais ID ? Comment as-tu pu passer 30 ans sans jamais te dire "Tiens le Woody Allen a l'air bien, si j'allais le voir au ciné ce week-end ?". Ralala.
Si tu aimes Match Point, tu pars sur de bonnes bases en tout cas. Note ceux que j'ai indiqué, et au boulot ;)

Nyal a dit…

Il minimise son oeuvre. Il ne devrait pas se comparer à Kurosawa (rashomon, le chateau de l'araignée,...) et bergman (The Seventh Seal)
Ce n'est pas du tout le même registre. Il a une patte à lui. Dans son style, il a fait des chefs d'oeuvre.

David Tredler a dit…

Il se minimise complètement. Tu as tout à fait raison, il a réalisé de grands films lui aussi.

Olivier Velvo a dit…

J’adore ce cinéaste ! Ses films ont toujours eu un charme particulier…

over-blog.com