L’avant-première mondiale d’un film asiatique est
rarement à la portée d’un spectateur parisien lambda. Pour la simple et bonne
raison qu’un tel évènement n’a jamais lieu en France, hors les grands festivals
bien sûr. Et puis comme ça, un beau jour, on se réveille, et la nouvelle
tombe : l’avant-première mondiale du nouveau film de Mamoru Hosoda sera
une projection publique à Paris, à l’UGC Ciné Cité des Halles. En un clic sur
le site d’UGC, et avec un ticket de métro, le Graal serait accessible. Un mois
avant que le film sorte dans son Japon natal, deux mois avant que le film
débarque en salles en France. Un cadeau inattendu que j’ai été immédiatement
prêt à ouvrir.
Alors voilà, lundi dernier, avec quelques 450 autres
spectateurs, j’étais dans la file d’attente pour voir « Les Enfants
Loups – Ame et Yuki » de Mamoru Hosoda. J’ai trépigné en attendant
que la salle ouvre ses portes, j’ai joué des coudes pour ne pas me faire
doubler lorsque cette marée humaine exaltée s’est avancée et est entrée dans la
salle. Je n’ai pas fait le gourmand au milieu de cette cohue générale et j’ai
pris le premier fauteuil libre à peu près bien placé, car dans ces moments-là,
si l’on réfléchit trop à l’emplacement idéal, non seulement on se rend compte
que celui-ci n’est pas disponible, mais en plus ceux qui étaient acceptables
ont entretemps été réquisitionnés. Et puis j’ai attendu. Attendu que Mamoru
Hosoda arrive.
C’est étrange une telle avant-première. On devine
l’exaltation que peut en tirer un cinéaste qui montre son film pour la première
fois à un public, on devine la joie qu’il peut ressentir à voir une salle
pleine à craquer dans un pays qui n’est pas le sien, prête à se plonger avec
lui dans un long-métrage auquel il a consacré deux ans de sa vie. Il y a cette
électricité dans l’air, cette excitation palpable dans les rangs. L’excitation
d’être parmi les premiers au monde à découvrir ce film que nous attendons
impatiemment. Si la communion entre public et réalisateur est si forte, c’est
parce que Mamoru Hosoda n’est pas le premier venu. Le japonais était déjà venu à Paris il y a deux ans pour
présenter son précédent film, « Summer Wars ». De mon côté si Hosoda
était si important jusqu’ici, c’était surtout pour « La Traversée du
Temps », un des plus beaux films d’animation qui soit. Si beau que je n’ai
même pas eu à regarder une bande-annonce ou même lire un simple synopsis pour
découvrir ce qu’avait à offrir « Les Enfants Loups ». J’y suis allé
les yeux fermés pour qu’une fois ouverts, l’effet soit encore plus grand.
Et l’effet fut grand. La banlieue de Tokyo, Anna est une
étudiante qui tombe amoureuse d’un garçon qui s’avère être un homme loup. Cela
n’empêche en rien leur amour, et bientôt, une fille puis un garçon naissent.
Mais tout à coup, l’homme loup meurt. Notre héroïne se retrouve seule avec deux
enfants, qui plus est deux enfants qui portent les mêmes caractéristiques
animales que leur père. Alors pour cacher au mieux sa progéniture tout en leur
offrant une vie agréable, Anna décide de s’installer loin, au milieu de nulle
part, entre campagne et montagne, là où il n’y aura pas de voisins, là où il
n’y aura que la nature à perte de vue.
Ainsi décolle « Les Enfants Loups ». C’est dans
cet exil familial que Hosoda va trouver le cadre idéal à son récit. C’est dans
cet exil qu’il va trouver la force narrative. C’est là que se dessine un
magnifique portrait de femme, et que le réalisateur tisse la toile des
relations humaines et familiales avec une justesse admirable. Si l’on trouve à
l’évidence des éléments fantastiques dans le film d’Hosoda, ils sont là pour
souligner son regard sur les hommes, et par les hommes il faut surtout entendre
la femme et les enfants. Il est beaucoup question de maternité dans « Les
Enfants Loups », des relations parents-enfants et de la lutte permanente
pour qu’un enfant puisse choisir le chemin qui semble le mieux lui
correspondre. « Les enfants loups » est un film majestueux parce
qu’il ne joue pas la carte de la fantaisie pour faire de la fantaisie. Celle-ci
est là pour appuyer un propos absolument humain et réel sur les êtres. Il
s’appuie sur le fantastique pour parler de la société telle que nous la
connaissons, et c’est souvent à cela que l’on reconnaît les grands films. C’est
ainsi que le récit nous emporte vers le rire, l’émotion, la réflexion, sans la
moindre esbroufe, avec une justesse et un naturel exemplaires.
Si je suis allé voir « Les enfants loups »
chargé d’attente et d’excitation, c’est parce que Hosoda avait fait preuve d’un
potentiel certain pour devenir, dans les années à venir, un grand nom du cinéma
japonais. Nul doute que la plupart des autres spectateurs, qu’ils soient restés
silencieux comme moi, encore envahis de la beauté du film, ou qu’ils aient pris
la parole à l’issue de la projection pour lui poser une question, à lui ou à
Aoi Miyazaki qui prête sa voix à l’héroïne du film et qui était elle aussi
présente, étaient parés du même sentiment. La standing ovation fracassante à
laquelle Hosoda a eu droit à la fin l’a bien illustré.
Pendant que les questions ont défilé pendant une
quarantaine de minutes, sur le pays natal du réalisateur ou son amour pour les
trains (ne cherchez pas à comprendre), je suis resté scotché à mon siège,
l’esprit encore embué du spectacle ravissant auquel je venais d’assister, 1h50
durant.
Je suis venu voir « Les enfants loups » pour le
plaisir de voir un film d’animation japonais avant que les japonais n’en aient
la possibilité. Je suis venu voir « Les Enfants Loups » parce que
l’émotion laissée par « La traversée du temps » était encore intacte.
Je suis venu voir « Les enfants loups », et j’en suis sorti convaincu
que Mamoru Hosoda est bien un cinéaste majeur.
2 commentaires:
Je ne retiendrais qu'une chose ! La présence de la douce Aoi Miyazaki ! Ce que j'aurai donné... allons donc, pensons à autre chose pour se changer les idées comme le spectacle presque navrant de Summer Wars ! :D
Je ne sais pas pourquoi, mais je devinais que tu retiendrais surtout la présence de la belle Aoi... ;)
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