Observer ce qui se passe dans une salle de cinéma peut
amener à se poser une multitude de questions, allant de la plus basique
(pourquoi il retire pas son bonnet celui-là ?!) à la plus sérieuse (et
elle, elle va manger son pop-corn pendant tout le film ??… ah non pardon,
celle-là aussi est basique). Il m’arrive de me demander ce qui a fait de moi le passionné de cinéma que je suis, et lorsque je vois certains enfants ou
adolescents dans une salle, je m’amuse à m’interroger sur le cinéphile ou
simplement le spectateur qu’ils ou elles seront plus tard. Je ne me considère
pas comme un cinéphile ou spectateur parfait, mais je passe suffisamment de
temps dans les salles obscures pour savoir que tous les hommes et toutes les
femmes qui peuplent les cinémas ne nourrissent pas la même fièvre pour le 7ème
Art. Et si lorsque l’on atteint la trentaine ou la quarantaine, il semble
difficile de changer nos habitudes, les enfants, les ados, et allez, même
certains jeunes adultes sont encore malléables. A cet âge-là, sans le savoir,
notre instinct cinéphile se forge. Par les films que l’on voit, bien sûr, mais
également par l’environnement dans lequel on les découvre, par l’image de
spectateurs que nous renvoient nos parents, et par le comportement que l’on
choisit peu à peu d’adopter lorsque l’on est confronté à un film. On ne naît
pas cinéphile, on le devient.
Quelles spectatrices seront les adolescentes qui se
trouvaient derrière moi lorsque je suis allé voir « Sur la piste du Marsupilami »
il y a quelques semaines ? Pas les plus cinéphiles de France, j’en ai bien
peur. En même temps, aller voir une comédie populaire (familiale ?) un
dimanche après-midi à 16h dans un multiplexe, c’est risquer de se frotter à un
public plus laxiste dans le respect de leurs voisins. Des enfants, j’en ai vu
devant le film d’Alain Chabat, venus rire devant les facéties de Jamel Debbouze
et de l’ancien Nul (ou l’irrésistible Lambert Wilson dans sa petite robe à
paillette), et les ados venant seuls ont cela d’embêtant qu’ils n’ont pas de
figure parentale pour les recadrer lorsqu’ils se laissent emportés par le
plaisir d’être entre potes, oubliant qu’ils partagent la salle avec 350 autres
êtres humains.
Ces ados-là, piaffant, tapant, grognant et parlant comme
s’ils étaient dans leur salon, sont-ils perdus ? Doit-on abandonner tout
espoir qu’ils sachent un jour que le cinéma peut (doit) être autre chose qu’un
lieu où s’épancher entre potes ? Quand dans cette même salle, on peut voir des adultes se comporter avec à
peine plus de discrétion, l’heure n’est pas à l’optimisme, car pourquoi donc
s’afficher autrement si les aînés ne sont pas capables de montrer un meilleur
exemple ? On a beau se dire qu’une séance de week-end en plein après-midi
dans un multiplexe ne saurait être représentative de ce que les spectateurs
sont, les compteurs ont plutôt tendance à prouver que si.
L’important c’est que tous les enfants ne soient pas
uniquement confrontés à cette vision du cinéma et à cette seule expérience de
la salle. Les ados du samedi après-midi en multiplexe ne sont pas l’unique
espoir de la cinéphilie (ouf !). Car de temps en temps, sous l’impulsion
de parents audacieux, des adolescents s’assoient dans une salle art & essai
pour aller voir un film d’auteur japonais en VO. C’était il y a quelques jours,
rue de Rennes à Paris, dans la plus petite des trois salles de l’Arlequin.
Celle-ci était presque pleine, et je me suis surpris à dénombrer une douzaine
d’adolescents dans la salle, certains même encore des enfants, accompagnant
leurs parents pour voir « I wish – nos vœux secrets », le
nouveau film du japonais Kore-Eda Hirokazu. Bien sûr, les adultes leur avaient
très certainement un peu forcé la main, c’est le jeu des sorties ciné avec les
parents, je me souviens bien avoir été entraîné par les miens vers des films
auxquels j’aurais préféré le dernier blockbuster américain en date. Mais
l’enfant suit, une fois, deux fois, trois fois... Et chemin faisant, il devient
plus facile d’aller voir ces films d’auteur auxquels vos parents vous traînent.
On rechigne moins. Le plaisir que l’on trouve dans les films populaires se fait
aussi peu à peu jour dans ces films pour lesquels il faut lire les sous-titres.
Les enfants que j’ai vu dans la salle de l’Arlequin ce
jour-là, je me suis un peu reconnu dedans. Ils n’avaient peut-être pas
franchement envie de voir ce film-là. Mais ils sont venus, ils se sont assis.
Pendant plus de deux heures, ils ont découvert en silence cette histoire de
famille déchirée, un film sur l’enfance qui plus est (certainement la raison
pour laquelle leurs parents les avaient emmenés), dans lequel suite à une
séparation, un jeune garçon est parti avec sa mère vivre chez ses
grands-parents en province, pendant que son frère est resté à Tokyo avec leur
père. Chacun des deux frères s’occupe à sa manière de son parent respectif,
tout en fourmillant de cette imagination et de ces rêves inhérents à l’enfance.
Je ne sais pas ce que ces enfants spectateurs en ont pensé,
mais même s’ils n’en sont pas conscients, le film comptera sûrement dans le
caractère de spectateur qu’ils se forgent. Pour le rejeter totalement
peut-être, pour certains, plus probablement pour s’ouvrir un peu au cinéma et
au monde. Voir ces gamins tiraillés entre le désir d’insouciance de l’enfance
et la réalité qui s’est fait jour dans leur quotidien et qui a soustrait une
partie de leur innocence restera sûrement en eux. Légèreté et maturité se
mêlant pour distraire tout en dressant un portrait de la jeunesse et de son
rapport aux autres et au monde. L’enfant qui se cache en moi a surgi à la
vision de « I wish ». Ce n’est pas la première fois que Kore-Eda
Hirokazu me touche, « Nobody Knows », « Air Doll »
et « Still Walking » sont déjà passés par-là, mais ces enfants
qui ont vu ce jour-là, dans la petite salle de l’Arlequin, le nouveau film du
cinéaste japonais, ont peut-être découvert son cinéma pour la première fois.
Son regard tendre, mélancolique et plein d’espoir sur l’enfance.
Peut-être que dans le silence passionné et ému de la salle,
ces enfants-là sont devenus des spectateurs différents. Peut-être que devant
« I wish », ces enfants-là ont fait un pas vers la cinéphilie. Entre
deux coups de pieds dans le dos devant « Sur la piste du
Marsupilami », je me prends à le rêver.
12 commentaires:
Très juste David. Les goûts, l'attitude peuvent varier. Néanmoins, cela sera plus difficile pour l'attitude, je pense. Certains ont dû mal à comprendre qu'on est pas dans leur salon (c'est une expression, car dans le mien, je ne fais pas de bruit devant un film :)
En ce qui concerne le film, je l'ai très apprécié. Il y'a une justesse dans le message. Ce n'est ni trop moralisateur, ni trop mièvre. Si je pouvais faire des reproches, le film est peut être un poil trop long et le scores un peu léger.
Sinon, qu'est-ce qu'elle est mal famée cette ligne 6 :D
Effectivement, ce serait marrant de voir comment vont évoluer ces jeunes spectateurs dont tu parles. L'adolescence passera par là à coup sûr. Ils iront sans doute faire les terreurs dans les salles obscures avec leurs amis en oubliant presque ces moments de cinéma avec leur parent. Qui sait ? Puis ils évolueront à nouveau pour se forger eux-mêmes. Qu'ils n'hésitent pas à goûter aux cinoches asiatiques, tiens ! ;)
Sans ça, "I Wish" est très sympa. Je rejoins le point de vue de Nyal. Moi aussi, j'ai trouvé qu'il y avait une justesse dans le message et qu'il était un poil trop long. Sinon Kore-eda se pose comme l'un des rares qui sache diriger les mômes. Touchant comme œuvre de cinéma. Un vrai bon moment de cinéma. Je ponctue chacun de ces mots pour leur donner le poids de mon ressenti.
Je suis ravis de lire, chers Nyal et ID, que vous avez vous-mêmes tous deux apprécié "I wish". Aucune fausse note dans ce portrait de l'enfance, en effet. C'est juste, tendre, amer, drôle, réfléchi. Du beau cinéma. Le film est long certes, mais cela ne m'a pas gêné en l'occurrence.
Quant aux jeunes spectateurs, tant que j'en croiserai des calmes et absorbés comme ceux que j'ai vu devant "I wish", l'espoir est permis ;)
(et tu as raison Nyal, moi non plus, dans mon salon, je ne me comporte pas comme certains se permettent d'être dans une salle de cinéma)
(et tu as aussi raison pour la fréquentation de la ligne 6, on croise vraiment n'importe qui là-bas^^)
En parlant de film asiatique, je ne sais pas si vous avez vu, mais le film hongkongais est à l'honneur cette année pour Paris Cinéma. J'ai hâte d'y être. Il y'a aussi le festival du film chinois à l'action-christine. Mais par contre, il y'a peu de choses qui me tentent. Je ne suis pas un grand des comédies à l'eau de rose chinoise.
Sinon, je ne sais pas si vous avez vu M. beigbeder se tromper au petit journal: il devait reconnaître "Hong Sangsoo" et "Im Sang-soo". Sachant que c'est un peu son travail, ça la fout mal.
Oh oui Nyal, je guette avec impatience le programme de Paris Cinéma, cette mise à l'honneur de HK promet des réjouissances savoureuses !
Je n'étais pas au courant pour Beigbeder... pfffff... ça me tue à chaque fois que je constate les carences des journalistes, présentateurs et autres, censés être spécialisés en cinéma, et qui se ridiculisent dans de telles situations. C'est ridicule en effet.
Grosse attente également pour cette édition du Fest' Paris Cinéma. HK c'est ma came ! ^^
En attendant la prog'. On a pu voir un avant-programme avec une nuit Johnnie To :
- The Mission (1999)
- Loving You (1995)
- Lifeline (1997)
- The Longest Nite (1998)
On aurait pu se passer de Loving You mais bon, ça permet de montrer qu'il sait faire autre chose que du polar alors pourquoi pas. Les films présents sont pas mal mine de rien. Ils me plaisent même si je n'ai plus grand souvenir de Lifeline.
Sinon, il y aura la soirée Cat.3. Je suis un peu plus mitigé sur cette nuit. Je pense qu'il y avait beaucoup mieux à mettre en avant :
- The Untold story (1993) d’Herman Yau
- Crazy love (1993) de Roman Cheung
- The story of Ricky (1991) de Nam Lai-choi
- Sex and zen II (1996) de Chin Man-kei
Le Herman Yau et le Nam Lai-Choi donnent bien. Ça peut être sympa de les voir sur grand écran. Poilade assurée. Après, il n'y a pas vraiment d'audace. Toute personne qui s'intéresse un tant soit peu à ce genre de film les connaissent par coeur. Je ne fais pas non plus ma fine bouche, hein ?
Perso', je vais guetter les films de la Nouvelle Vague HK qui n'a rien avoir avec son homonyme français puisqu'on y trouve également des films dits "commerciaux" (on verra en ce que retient la prog'). Il y aura notamment une mise en lumière de Patrick Tam (ses travaux télé) et Allen Fong (Ah Ying que je conseille devrait être programmé).
80 films seront projetés. Il y a moyen qu'on y trouve son bonheur.
Bref, on verra tout ça en détail plus tard...
Bon, niveau cinéma asiatique, I.D. et moi ne boxons pas dans la même catégorie ! Respect !
J'ai bien aimé les deux Kore-eda que j'ai eu l'occasion de voir, mais je pense que je vais devoir attendre le DVD pour découvrir "I wish". Frustration...
Dites, les gens, pourquoi une minuscule dans la deuxième partie des noms composés asiatiques ? Exemple: pourquoi "Kore-eda" et pas "Kore-Eda" ? Quelqu'unpeut m'expliquer ça ?
Sinon, belle chronique, David !
Bonjour à tous ... Je m'excuse je fais un petit message perso... Je suis assigné en justice par Rose Bosch pour "Insultes" dans un de mes articles datant du 02 octobre 2010 ! Audience hier où un avocat de Over-blog m'a défendu mais il va y avoir une autre audience. Rose Bosch veut la suppression de mon article où je réagis à ses propos après la sortie de son film "La rafle"... J'aurais donc besoin de soutien ... Article en question : http://www.selenie.fr/article-rose-bosch-devrait-fermer-g-82372688.html
Je te rassure Martin, niveau ciéma asiat', je ne peux que m'incliner moi aussi devant ID. Les nuits de Paris Cinéma, ça m'étonnerait que j'y ailler, mais j'attends avec impatience la programmation régulière du cycle HK. Ca, je vais beaucoup y traîner je pense... ;)
Sion Martin pour ce qui est de l'orthographe des noms asiatiques, étant donné que c'est une transcription occidentale, personne ne s'offusque que l'on mette majuscule ou minuscule après le tiret je pense, mais je ne saurais offrir une explication précise...
@Selenie : Wouah, attaqué par Rose Bosch ?! Incroyable. Quelle histoire. Je n'ai pas vu son film donc difficile de juger, mais traîner un blogueur au tribunal après avoir tenu de tels propos...
@Martin K. Au sujet de l’orthographe des noms propres. Il me semble qu'on peut l'écrire des deux façons. Je ne saurais tout comme David l'expliqué mais il me semble qu'il n'y a pas véritablement d'erreur donc les deux sont bons. D'ailleurs, il serait même logique d'y mettre la majuscule. Nous le faisons bien pour nos prénoms composés.
En fait et les propos suivants ne sont en rien confirmés, je pensais que la non-majuscule était du au fait que les prénoms japonais en kanji ont une signification, du coup la traduction littéral si elle est en plusieurs mots ne prend la majuscule à chaque mot. Imaginons un prénom qui veuille dire "l'aube mouillée". En la traduisant dans nos caractères à nous... bref, attendez. Mon explication est carrément bancale... si un jour j'ai la réponse, je viendrais te faire un coucou sur ton blog ! ;)
Les deux sont possibles, c'est ce que l'on doit retenir ! ^^
J'ai un peu trop traîné (manque de temps) et maintenant il ne passe que le matin à 11h. Vais essayer de l'attraper.
Fonce Wilyrah !^^
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