samedi 12 mai 2012

Un dernier Kevin Smith ? "Red State" à Panic Cinéma !

 Kevin Smith est-il en voie de retomber dans l’anonymat ? A une époque golden boy du cinéma indépendant américain, Silent Bob rame de plus en plus pour réaliser ses films et les (faire) distribuer. L’envie lui serait même passé selon ses propres dires, et s’il parvient enfin un jour à monter son film de hockey qui lui tient tant à cœur (« Hit Somebody »), ce pourrait bien être son dernier passage derrière la caméra. L’ex-enfant de l’écurie Weinstein, qui avait épaté son monde il y a 18 ans avec sa comédie fauchée Clerks, semble désormais préférer parler ciné aux quatre coins des Etats-Unis plutôt qu’en être un artisan. Les amateurs de « Méprise multiple » et « Dogma » dont je fais partie en auront certainement un pincement au cœur si cela s’avère vrai, mais en France, on ne peut que tristement constater que Kevin Smith n’est plus en odeur de sainteté depuis un petit moment, s’il l’a jamais été.

Si sa comédie policière oubliable avec Bruce Willis, « Top Cops », a eu sans difficulté les honneurs d’une sortie en salles (because Bruce Willis, sans doute…), ses deux autres films les plus récents ne peuvent s’en vanter. « Zack et Miri font un porno » avait un beau jour directement débarqué sur Canal +, quand le tout dernier film estampillé Smith, « Red State », va se retrouver dans les rayonnages à DVD des magasins spécialisés dans quelques semaines sans être passé par la case ciné. Pour un film à la réputation flatteuse et qui se trouvait parmi les préférés de Quentin Tarantino l’année dernière, c’est frustrant… même si depuis que Tarantino a annoncé qu’il considérait « Anything Else » de Woody Allen comme l’un de ses dix films préférés des années 2000, on se pose des questions sur les goûts du réalisateur de « Pulp Fiction »…

Heureusement, il s’est trouvé qu’une opportunité de voir ce fameux dernier film de Kevin Smith, Red State, s’est présentée à Paris. Ce sont les mecs de « Panic Cinéma ! », rarement à court de bonnes idées, qui ont décidé de programmer le film un samedi soir de mai, et la copie avait beau ne pas avoir l’air 100% officielle, découvrir un Kevin Smith sur grand écran est suffisamment rare en France ces dernières années pour se jeter sur une telle occasion. Parce que qu’est-ce que « Red State » ? Une plongée dans l’Amérique redneck comme on les aime de temps en temps. Trois lycéens d’un bled du sud des Etats-Unis qui se lancent dans une virée nocturne dans la perspective d’une partie à quatre avec une cougar en roulotte et qui se retrouvent malgré eux les otages sur le point d’être sacrifiés d’une secte religieuse extrémiste. Le genre qui aime envoyer elle-même au Diable les déviants sexuels.

Pour ceux qui connaissent le cinéma de Kevin Smith - qui se résume en général génialement à des dialogues denses et ancrés dans la contre-culture geek proférés par de jeunes glandeurs professionnels - la perspective de « Red State » équivaut presque à un saut dans l’inconnu pour le réalisateur de « Jay et Bob contre-attaquent ». Et l’énorme qualité du film, c’est bien qu’il est aussi imprévisible qu’un délire lynchéen. J’exagère, mais franchement à peine. Est-ce dû au noviciat de Kevin Smith dans le genre ou à son imagination féconde et fébrile, toujours est-il que Red State emprunte rarement les chemins que l’on attend de lui, changeant plusieurs fois de point de vue narratif en cours de film, zigouillant sans vergogne ses protagonistes, balançant des zestes de fantastique avant de les faire tanguer, avant de terminer par une séquence d’autant plus lynchéenne qu’elle emprunte un acteur de « Mulholland Drive ».

Red State est-il pour autant une bombe ? Pas évident. A force de changer d’angle et de brouiller les pistes, Kevin Smith finit par apparaître comme fébrile, et l’on en vient à se demander si le réalisateur sait vraiment ce qu’il fait avec son film. Sera-ce un film d’horreur… non. Un survival… non plus. Un thriller dans le milieu des sectes… non, pas franchement. Il ne faut surtout pas essayer de faire entrer « Red Sate » dans une case, car cela ne pourrait que lui nuire. Non, il faut prendre le film de Smith pour ce qu’il est. Une fantaisie survitaminée, surréaliste et un peu folle sur les bords. Une bonne soirée Panic Cinéma ! en somme. Et comme rien ne dit que « Hit Somebody » verra bien le jour, c’est agréable de pouvoir se dire « J’ai vu le dernier film de Kevin Smith sur grand écran ». En espérant tout de même le suivant.

2 commentaires:

I.D. a dit…

Ha ! Ha ! C'est marrant l'élan de pessimisme au sujet de la carrière cinématographique de Kevin Smith qui contamine ton billet. En tout cas, tu le ponctues avec une once de fatalité et d'espoir tout en même temps.

Voilà un sacré personnage tout de même. Je ne suis pas bien sûr d'ailleurs qu'il ait intéressé à un moment donné le public français. Une petite portion sans doute qui porte certains de ses films au hall of fame des films dit "cultes". Pour les autres... Sinon, je dois avouer avoir été conquis à un moment donné par son cinéma. Mais plus ça va... et plus je remets en cause son réel talent de cinéaste. J'ai l'impression que c'est le mec qui a eu une bonne idée ou deux. Ces derniers temps, il ne parvient à réellement se renouveler ou à persévérer sur cette voie. Encore faut-il voir la liberté en tant qu'artiste qu'il a sur ses récents films. Il se peut que le système ait la main mise faisant de lui qu'un tâcheron surfant sur son propre nom. Passons.

Le pitch de "Red State" est pas mal sinon. Maintenant, je prends un peu de recul à la lecture de ton avis mais également de la cinématographie en phase descente du bonhomme.

Petite aparté concernent Tarantino. Ce mec n'est franchement pas sérieux. Il a beaucoup perdu en crédibilité en ce qui me concerne alors préférons nous amuser de ses délires. ;) Il ne doit pas vivre sur la même planète-cinéma que nous. :)

David Tredler a dit…

Il faut dire que Smith n'est lui-même pas franchement optimiste quant à l'avenir de sa carrière cinématographique, alors forcément... ;) Il n'a jamais été époustouflant avec une caméra, mais il a su manier une certaine verve dans l'écriture souvent enthousiasmante.

Tarantino, il cultive une étrangeté latente dans ses goûts, mais bon c'est aussi ce qui fait le fun du bonhomme, sans doute.

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