Mon premier souvenir de Tim Burton, comme beaucoup de ma
génération, c’est à « Batman » que je le dois. Michael Keaton,
impassible, Jack Nicholson, incontrôlable. On ne peut pas dire que ce fut le
début d’une histoire d’amour avec le cinéaste américain, car lorsque je l’ai
découvert enfant, je me souciais moins du nom du réalisateur que des gadgets de
l’homme chauve-souris, mais dès que la franchise a été reprise en main par Joel
Schumacher, la nostalgie burtonienne a été facile à assimiler. C’est pourtant
plus tard, en revoyant une seconde fois à la télé « Mars
Attacks ! », et surtout en découvrant sur le tard « Edward aux
mains d’argent » que le langage cinématographique de Tim Burton m’a
enveloppé et hypnotisé. L’homme est devenu à mes yeux, par ces deux films, un
chantre de l’absurde hilarant autant qu’un narrateur au romantisme hors-pair.
Ce devait être à la fin des années 90, et c’est exactement au même moment que
Burton a commencé à perdre sa patte.
Bien sûr, certains diront que Burton n’a pas perdu sa
patte. Que « Sleepy Hollow », « Charlie et la
Chocolaterie », « Sweeney Todd » ou « Alice aux Pays des
Merveilles » conservent la touche unique de Burton, mais de mon côté, je ne
peux trouver grâce que dans une moitié de « Big Fish » (celle avec
Ewan McGregor). « Sleepy Hollow » a à mes yeux signifié le début de
la fin. A partir de là, Burton s’est laissé entraîner dans une spirale de
facilité, voire même de mauvais goût (c’est toi que je regarde, « Alice au pays des merveilles »…). Burton, cette ex-icône du gothique romantique,
s’est laissé happer par un cinéma plus commercial, plus familial, et plus
trivial. Ce qui en soit pourrait n’être qu’une déception morale mais non une
déroute artistique, mais ce ne fut pas le cas. Burton a perdu le fil. Son
cinéma a perdu de sa personnalité, ses personnages ne sont plus devenus que des
caricatures de ce que l’on attend de lui. J’étais presque prêt à l’enterrer
définitivement.
Et puis est arrivé « Dark Shadows ». Une
bande-annonce funky, une ambiance colorée dans le bon sens du terme, et de
l’humour à revendre. Tiens, Timmy avait-il retrouvé une partie de sa raison
pour concocter un film, à défaut d’être à la hauteur de ses meilleurs, au moins
amusant et agréable, des traits qui échappent à son cinéma depuis quelques
films maintenant ? J’y ai cru, et je m’y suis donc rendu, avec toute la
naïveté d’un garçon peut-être corrompu par le doux visage d’Eva Green trônant sur l’affiche. Tuons le suspense dans
l’œuf, non seulement « Dark Shadows » n’a pas réhabilité le moins du
monde Tim Burton à mes yeux, mais il l’a pour ainsi dire définitivement
entraîné dans sa chute.
A ce moment de sa carrière, Burton avait besoin de
montrer qu’il n’était pas devenu ce cinéaste tiraillé entre ses racines
romantiquement sombres et ses dernières années gentiment familiales. Il ne fait pourtant
que creuser un peu plus dans ce sens-là avec son dernier film, et le fait avec
ce qui ressemble à une flemmardise des plus décevantes. L’intrigue, qui
commence comme un conte gothique et finit par pousser vers une guéguerre
familiale sans enjeu dramatique digne de ce nom, est d’une platitude folle. Quant
à Johnny Depp, il devrait sérieusement repenser sa place dans le cinéma américain
sous peine de vite trébucher de façon violente. C’est peut-être déjà trop tard,
quand on voit qu’il s’est embarqué dans « The Lone Ranger » avec
Jerry Bruckheimer et Gore Verbinski. Depp, comme Burton, n’est plus que l’ombre
de lui-même. Il s’est enfermé dans un cinéma hollywoodien de mauvais
divertissement où il se contente d’amuser la galerie sans génie. Il est sans
surprise, et le statut que lui a offert l’incroyable succès de « Pirates
des Caraïbes », sa nomination aux Oscars, et la sympathie véhiculée par
Jack Sparrow, du moins dans les premiers temps, se sont refermés sur lui tel un
piège dont il n’a pas su s’extraire en se renouvelant. Depuis bientôt dix ans,
Depp surfe sur la même vague, et un jour ou l’autre, il va tomber de la planche
en se faisant mal. Vu le four de « Dark Shadows » aux États-Unis, où
le film va ramer pour engranger 70 millions de dollars alors qu’il en visait
vraisemblablement près du double pour amener des suites, la chute de Depp est
amorcée. Et son duo avec Burton pourrait en souffrir.
Quoi qu’il en soit, mon histoire avec Tim Burton prend le
coup de trop. Je n’avais déjà plus beaucoup d’espoir pour le réalisateur de
« Ed Wood », mais « Dark Shadows » vient d’enterrer les
derniers. Je me contenterai peut-être de revoir « Edward aux mains
d’argent » en DVD la prochaine fois.
C’est envahi de ce sentiment d’échec que je sortais du
cinéma, et que mes sens se sont trouvés agressés puis amusés par une foule
féminine en délire devant le Forum des images. En quelques secondes, ma
déception était oubliée, ou plutôt le film, et devant cette cinquantaine de
filles en furie agglutinées devant les vitres du Forum des Images et cherchant
vraisemblablement à apercevoir une star, la cocasserie m’a réveillé. Mais qui était donc ce jeune homme (car vu
la moyenne d’âge de la cohue, ce ne pouvait être qu’une jeune idole déchaînant
de telles passions…) qui ainsi nous donnait l’impression d’être sur un tapis
rouge cannois ? Robert Pattinson ? Pas Justin Bieber quand même,
qu’est-ce que ce dernier serait venu faire au Forum des Images… Je décidai donc
d’approcher une des créatures en furie du groupe semblant avoir à peu
près mon âge pour lui demander qui donc déchaînait ainsi les passions. Paraissant
un instant honteuse, elle détourna le regard et rougit avant de me dire
« Ian Somerhalder, l’acteur de Vampire Diaries !!! », mais de
l’air de celle qui se dit que je ne dois pas connaître. J’avais envie de lui
dire « J’ai connu Ian Somerhalder avant toi poupée », avant de me
souvenir que je n’appelle jamais les filles « poupée », encore moins
celles dont je ne connais pas le prénom et que je viens d’interpeler dans la
rue. Alors je me suis éloigné après avoir effectivement aperçu de loin l’acteur
des « Lois de l’attraction » et de « Lost ».
Quelle aurait été l’état du lieu si cela avait été Robert
Pattinson ? Je me le demande.
10 commentaires:
Ce pauvre Burton prend des boulets de canons à chaque nouvelle critique paraissant sur lui!
Il est vrai qu'il ne sort plus rien de bon depuis belle lurette. Personnellement je n'en retiendrai qu'Edward aux mains d'argent et le fabuleux Ed Wood.
Le pire du pire restant tout de même sa pauvre adaptation de la planète des singes...un must du navet!
Je suis complètement d'accord. J'ai été voir "Dark shadow" avec un pressentiment négatif et il s'est avéré.
Si ce n'était pas Tim Burton/depp, je me demande s'il ne ferait pas un direct2dvd (et c'est méchant pour les bons direct2dvd). Et je ne parle de M. Elfman...
Il est loin le temps de "beetlejuice" et "ed wood". (dans les récents, seul "Sweeney Todd" avait quelque chose)
@L'accro : je préfère même ne pas mentionner son remake de La planète des Singes, comme tu l'auras remarqué ;)
@Nyal : C'est désolant de la part de Burton. Même si maintenant ça ne nous surprend plus. Par contre moi Sweeney Todd, je le place tout en bas de l'échelle burtonienne ;)
Une déception mais ça reste très bon. Sur une moyenne générale ça reste un très bon film mais c'est aussi un petit cru burtonien !... 2/4
Un très bon film ? Parfois je ne te comprends pas selenie ;)
Je crois que mon point de vue est entre celui de Selenie et le tien, David. Je l'ai trouvé très light côté scénario, ce "Dark shadows", assez caricatural, Johnny Depp, dans son interprétation, mais visuellement, ça m'a tout de même plutôt convaincu. Il y a tout de même beaucoup de films de divertissement qui n'arrivent pas à la cheville de ce qui a été créé ici. Je mets tout de même un petit bémol, sachant qu'il s'agit effectivement d'un remake de série télé.
C'est clair que je l'aurais vite oublié... même si une suite n'est pas à écarter (ce qui serait d'ailleurs une première chez Burton, non ?).
Personnellement, j'avais plutôt bien aimé "Sleepy Hollow", sans le prendre non plus pour le film du siècle alors finissant. Je ne suis pas un inconditionnel de Burton pour autant et, moi non plus, je ne dirais rien sur "La planète des singes". Juste que même Johnny Depp s'était bien gardé de s'embarquer dans cette galère... hé hé...
Je vous trouve très indulgent à l'égard de "Dark Shadows" les gars. Je ne trouve pas qu'il existe de films de divertissements qui n'arrivent pas à la cheville du film de Burton. Tout lui arrive largement à la cheville à mes yeux ;)
Une suite est tout à fait à écarter vu l'insuccès du film aux Etats-Unis. Il y a bien eu "Batman le retour" faisant suite à Batman, mais c'est une franchise.
Mais il y a de l'espoir! Regardez ça -> http://www.youtube.com/watch?v=8roQl9oJTso
Bof... Je n'ai plus aucun espoir avec Burton, c'est fini. Ces 15 dernières années m'ont prouvé que je n'avais plus d'espoir à avoir...
Enregistrer un commentaire