dimanche 12 février 2012

24 heures de la vie d'un cinéphile

Vendredi soir, quelques minutes avant 22 heures.
Je ne le sais pas encore, mais je m’embarque pour 24 heures intensives de cinéma. Et après une semaine exténuante, c’est au rayon de l’entertainment que je cherche mon programme du vendredi soir. A ce moment-là de la semaine, puiser dans un cinéma plus posé reviendrait à pousser celle qui m’accompagne dans les bras de Morphée comme elle en a trop souvent l’habitude dans les salles obscures. C’est donc vers Sherlock Holmes  et son Jeu d’ombres que nous nous tournons, visant ainsi un divertissement américain aux doux accents british qui soit capable de délivrer du spectacle comme Mission Impossible : Protocole Fantôme l’a si bien fait il y a quelques semaines.

Vendredi, minuit.
Perdu(e). Tandis que le fameux détective de Baker Street et son fidèle Docteur Watson s’échinent depuis 1h30 à concocter un spectacle ébouriffant, ma voisine préférée m’a depuis longtemps abandonné pour un sommeil constant. A l’évidence, l’affrontement entre Holmes et le Professeur Moriarty l’a laissée de marbre, et je ne peux lui en vouloir, tant Guy Ritchie s’égare avec cette suite poussive qui a le défaut de nombreux films d’aventures hollywoodiens de ces dernières années : un scénario mal ficelé tentant de créer l’illusion avec moult action partant dans tous les sens mais n’amenant que la lassitude au spectateur. Je m’imagine déjà deux jours plus tard tentant d’expliquer l’histoire du film à quelqu’un qui ne l’aurait pas vu… pas sûr que j’y parvienne. Ah ça, Guy Ritchie aime bien les ralentis anticipant les séquences d’action, mais si cela faisait le sel d’un film, cela se saurait… Heureusement qu'il a eu la bonne idée d'embaucher Stephen Fry pour jouer Mycroft, le frangin de Sherlock qui se balade à poil chez lui. Fry, lui, est toujours irrésistible.

Samedi, 11h10.
En me levant ce matin, le but était d’arriver à attraper un film à la séance d’11h en solo, car malgré la maigre offre de films depuis le début de l’année, les derniers jours m’ont fait accumulé un retard certain que mon emploi du temps des jours à venir ne me permettra peut-être pas de combler. Autant donc aller voir un maximum de films au cours de ce samedi à l’emploi du temps vierge. Et convaincu par une bande-annonce de toute beauté et quelques échos faisant état d’un film magnifique visuellement (merci France Inter…), l’objectif fixé s’intitule Félins. Séance affichée aux Halles : 11h15. Départ de chez moi : 11h10. Avec le gros quart d’heure de bandes-annonces et publicité, j’y serai les doigts dans le nez, en ratant les bandes-annonces (je déteste les rater, mais tant pis, on est samedi matin, je m’en remettrai !).

Samedi, 11h25.
Le film est commencé ? Comment ça le film est commencé ? Quand j’entre en salles, je fonce vers la première place qui s’offre à moi (comme il se doit…) au 4ème rang quand je me rends compte que les images passant à l’écran sont celles de lionnes et que si si, Félins est bien commencé alors qu’il n’est, comme me le confirme mon téléphone au moment où je l’éteins dès que je suis assis, que 11h25. Et puisque je n’ai droit à aucun logo Disney ou titre affiché à l’écran, le documentaire animalier doit être commencé depuis deux minutes au moins. Encore une chose dont j’ai horreur, rater le début d’un film. Mais bon, pour un film qui va suivre des guépards et des lionnes pendant 1h30 dans une réserve du Kenya, je suppose que c’est moins gênant que s’il s’agissait d’un film de Bong Joon-Ho. Dans la salle, beaucoup de parents qui ont emmené leurs enfants, et ils ne sont pas tous aussi sages que ceux, exemplaires, qui s’étaient trouvés juste devant moi le mois dernier pour la belle Colline aux Coquelicots de Goro Miyazaki.

Samedi, 14h50.
Après une pause okonomiyaki rue Sainte-Anne avec ma chère et tendre pour oublier l’ennui qui m’a gagné devant les félins, l’idée d’aller nous marrer devant JC comme Jésus Christ nous trotte dans la tête. Allez, pourquoi pas, n’écoutons pas les échos négatifs, et fions nous à ces teasers funs que nous avons vus en salles. Dans la queue, nous tombons par hasard sur Michaël, mon fidèle pote de Fun, Culture & Pop qui entame son après-midi ciné comme j’en ai tant partagé avec lui ces dix dernières années. Et si nous n’avons pas toujours partagé les même avis cinéphiles au cours de la dernière décennie, la première réalisation de Jonathan Zaccaï nous met d'accord : la déception prend le pas sur l’amusement de la première demi-heure, à la suite de laquelle il apparaît que JC comme Christ aurait fait un super court-métrage plutôt qu’un bon long, l’idée de base du faux  documentaire sur ce jeune surdoué de la caméra tournant vite dans le vide. Ma voisine préférée a de nouveau manifesté sa déception par le sommeil.

Samedi, 16h50.
Michaël, qui hésitait avec La Taupe et Une bouteille à la mer, continue sa route avec nous pour un second film, El Chino. Après cet enchaînement de films décevants depuis la veille au soir, j’ai envie, j’ai besoin d’être remonté par un film tendre et drôle, et enfin, le film argentin m’offre ce plaisir. Certes le film est plus anecdotique que l’immense succès qu’il a connu sur ses terres le laisse deviner (quoique c'est souvent le trait des plus grands cartons du box-office…), mais son visage léger cache tout de même quelques doux brins de folie qui collent un grand sourire au visage. Ricardo Darin, LA star du cinéma argentin, y campe un quincailler solitaire dont la vie réglée au millimètre est  bouleversée par l’arrivée impromptue d’un chinois ne parlant pas un mot d’espagnol sur son chemin. Le plaisir est simple, mais il est entier (malgré une spectatrice très démonstrative aimant trop commenter le film au grand désarroi de son compagnon essayant de lui faire comprendre qu'elle dérangeait les autres spectateurs...), et alors que le samedi après-midi touche à sa fin en ce week-end jusqu’ici chiche en satisfaction cinéphile, cela suffit à me ravir.

Samedi, 19h30.
Après avoir fait un debriefing avec Michaël et quelque magasinage comme disent nos cousins québécois, l’heure est grave. Ma dormeuse préférée (qui n’a cette fois nullement fermé l’œil) et moi-même débattons avec gravité de la suite des opérations du samedi. La soirée est désormais entamée, le froid règne toujours sur la capitale, et il nous reste encore quelques films à voir que les jours qui viennent ne nous laisseront pas forcément loisir de découvrir. La soirée qui s’offre à nous libre de tout engagement est donc l’opportunité d’aller voir un dernier film ce jour, son troisième, mon quatrième. Et que faire ? Prendre des places parmi les 50 restantes pour La Taupe, dont la séance commence dans quinze minutes, au risque d’être mal placé ? Jeter son dévolu sur une des séances de 20h30 en mangeant sur le pouce ? Aller manger et revenir pour la séance de 22h (option vite écartée, il faut profiter de la dynamique du moment, sans quoi la fatigue nous rattrapera pendant le film choisi) ?

Samedi, 20h30.
Après avoir finalement grignoté un petit en-cas  faisant office d’apéritif avant un repas plus tardif, nous voici pénétrant parmi les premiers dans la salle 3 programmant Detachment de Tony Kaye. Quelques heures plus tôt, Michaël me révélait qu’il s’agissait de son film préféré de 2012 pour le moment derrière The descendants. Et comme ce dernier est également mon favori de ces premières semaines de l’année, cette appréciation ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Et il ne me faut pas plus de quelques minutes pour voir en Detachment un film ambitieux, passionnant, naviguant dans les chemins de traverse plutôt que dans l’attendu. Tant mieux. C’est également, malheureusement, un film versant parfois trop facilement dans la sentimentalité, et offrant trop peu de nuances dans son regard sur le monde de l’enseignement. Pourtant c’est un film fort, traversé de quelques moments de grâce cinématographique, inégal mais fascinant, permettant de nous faire regretter qu’Adrien Brody n’ait pas plus de beaux rôles au cinéma (Woody Allen nous l'avait déjà fait regretté en le transformant en Dali). Un véritable point d’orgue aux 24 heures cinéphiles qui viennent de s’écouler.

Samedi, 22h30.
Après l’effervescence de la fin d’après-midi et du début de soirée, le calme règne de nouveau sur le cinéma. Les caisses se sont éclaircies et les spectateurs ne seront pas nombreux à la dernière séance. Après avoir vu quatre longs-métrages, je sais que je ne ferai pas partie des spectateurs de la dernière heure. Cela me permet du même coup de finir sur une belle note, après une journée qui est finalement allée crescendo dans la qualité offerte par les films. La veille à la même heure, je commençais mon marathon de cinq films. Le lendemain dimanche, j’ai rendez-vous à la Cinémathèque Française avec Indiana Jones pour une dernière croisade. Cela suffira à remplir ma journée.

20 commentaires:

I.D. a dit…

Laisse-moi reprendre tes mots laissés sur Made in Asie tant ils définissent bien mon sentiment ^^ :

"Ha !! Etonnant ce billet ! Passionnant pour le moins."

Tu as eu là une très bonne idée en nous faisant partager 24h d'une vie cinéphile. C'était sympa à lire. Sacrée moitié que tu as là et qui passe son temps à dormir ! ;) Ah la laaa.

David Tredler a dit…

Merci ID ! Quant à la dormeuse, elle est restée parfaitement éveillée devant "El Chino" et "Detachment", les deux meilleurs films de ces 24 heures. Comme quoi !

I.D. a dit…

Comme quoi ! ^^ C'est pas plus mal finalement. Elle se garde les meilleurs pour leur donner l'attention qu'ils méritent, lol.

**

Y en a une qui m'a acheté le DVD de "Drive", yeah... :)

Nyal a dit…

J'ai été voir "JC comme Jésus Christ" et j'ai trouvé ce film indigent. Je n'ai rigolé qu'une seule fois. Il risque de rester un moment dans mon top flop. Il me donne juste envie de revoir un vrai docu-fiction: "spinal tap".
En ce qui concerne Sherlock holmes, j'ai trouvé les décors bien faits mais on est trop dans le james bond. Je préfère nettement la mini-série de la BBC. (actuel au niveau époque mais tellement plus proche du héros de Conan doyle au final. Un peu paradoxal :)

David Tredler a dit…

@ID : Oui elle a trouvé la technique, dormir pendant les mauvais, se réserver pour les bons... mais c'est pas une science exacte ;)
Le DVD de Drive ? Yeaaah (je suis retourné le voir en salles en janvier^^)

@Nyal : Effectivement JC restera plus dans les annales comme un mauvais exemple de mockumentary. Et je suis 100% d'accord avec toi concernant la série Sherlock de la BBC, nettement plus intéressante que les films de Guy Ritchie.

Arthur a dit…

Sympa ce billet

D'accord avec toi sur le Sherlok Holmes, trop de ralentis/accélérés, histoire pas hyper bien ficelé

En revanche désaccord sur Detachement, que j'ai trouvé assez juste, avec le petit clin d'oeil (gros ?) à Taxi driver et la pute de 15 ans, Adrian Brody impec', Christina Hendricks pareil (ça change de son "role" dans Drive)

En revanche d'accord avec toi pour The descendant, que j'ai vraiment beaucoup aimé !!

David Tredler a dit…

Je l'ai peut-être mal exprimé Arthur, ou peut-être mon avis écrit était-il trop nuancé, mais j'ai beaucoup aimé Detachment ! Je dis d'ailleurs que c'est le meilleur film que j'ai vu au cours de ces 24 heures ;)
Merci en tout cas pour le compliment sur le billet, ça fait toujours plaisir ^_^

Martin K a dit…

Hé ben ! C'est ce qu'on appelle enchaîner ! Je sens qu'une soirée romantique se prépare pour demain et que là, pas question de dodo ! ;-)

De tous ces films, je n'ai vu que le Sherlock. Je l'ai trouvé correct, perso. Sans surprise par rapport au premier, mais assez sympa au demeurant. Bon, on est d'accord pour dire que l'intrigue passe au second (voire au troisième plan). Là où c'est flou, faute de profondeur de champ, quoi !

J'ai l'impression que 99% des films argentins sortis en France ont Ricardo Darin dans le casting :D

David Tredler a dit…

@Martin : Je suis peut-être plus critique qu'avant à l'encontre des blockbusters hollywoodien, je ne sais pas. Celui-ci reste à peu près regardable, le Sherlock, mais tellement dispensable, et si peu enthousiasmant, et si mal pensé, avec une intrigue si vaine... Oui, non, vraiment, je n'ai pas été client du film. Sauf pour Stephen Fry, qu'on ne voit jamais assez au cinéma ;)

(c'est vrai que Ricardo Darin est souvent à l'affiche des films argentins qui sortent en salles en France^^)

L'accro au dvd a dit…

Ca c'est du weekend ciné optimisé!
Totalement d'accord sur le second volet de Sherlock Holmes sur lequel j'ai également failli piquer du nez. as étonnant que ta compagne soit tombé dans les bras de morphé.
Pour Detachment, j'ai adoré l'accroche sur l'affiche du genre, le meilleur rôle de brody depuis le pianiste...la phrase qui veut tout dire...

David Tredler a dit…

La phrase qui veut malheureusement tout dire, en effet l'accro au dvd !!!

Ptite Madame a dit…

Je te suis totalement concernant Detachment et surtout concernant Adrian Broody et son époustouflante transformation en Dali. Voilà, je voulais juste le souligner :)

David Tredler a dit…

Tu as raison de le souligner, Ptite Madame !

My Little Discoveries a dit…

Waouh, quel marathon! Tu ne fais pas les choses à moitié (je dis ça mais je crois que je serais capable de faire la même chose si autant de films me tentaient au même moment)!!!
Dans un sens c'est bien que la qualité des films (ou ton appréciations des films tout du moins) soit allée crescendo, le contraire aurait été plus enmbêtant!
J'aimerais beaucoup voir "the Detachment" mais il n'a toujours pas de date de sortie en UK...

David Tredler a dit…

Oui je préfère nettement que la qualité aille crescendo plutôt que decrescendo^^
Pour Detachment, il faut dire que la France est bien lotie, c'est le premier pays dans lequel le film sort, il n'est même pas encore sorti aux USA... Patience My Little Discoveries, patience ;)

samom a dit…

salut

sacré expérience
j'apprécie
bravo
;)
merci pour ton passage sur mon site

David Tredler a dit…

Merci a toi Samom !

Telle Quelle a dit…

Je suis entièrement d'accord pour Mycroft. Il est la seule pause fou rire de ce film... pour le reste, cet avis rejoint mon ennui personnel tout au long de cette projection !

Aurore a dit…

Enorme ce marathon!
Bon si j'ai le temps j'irai voir Detachment, mais j'étais pas tentée, les critiques étaient pas tops !

David Tredler a dit…

@Telle Quelle : You can't go wrong with Stephen Fry ! Son Mycroft en est une preuve !

@Aurore : Laisse-toi tentée par Detachment, tu risques d'être agréablement surprise...

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