J’en suis presque sûr, je n’avais jamais vu autant de monde assister à une projection au Publicis. Arrivé près d’un quart d’heure avant le début de la séance dans la salle, il y avait déjà plus d’une quinzaine de personnes installées (un taux de remplissage inhabituel). Au moment où le film a commencé 25 minutes plus tard, la salle était presque à moitié pleine (et c’était la grande salle !). De mémoire de spectateur du Publicis, du jamais vu.
Mais quel est donc ce film qui attire tant de monde au Publicis ? Un petit film indépendant américain datant de 2006 figurez-vous. Wristcutters : a love story, intitulé en français Petits suicides entre amis. Le film, projeté pour la première fois au Festival de Sundance en janvier 2006, a été présenté dans bon nombre de festivals avant de sortir aux États-Unis à l’automne 2007. En France, le voici qui débarque enfin grâce à CinéMadness, une société de distribution spécialisée dans le film de genre, proposant aux internautes un rôle participatif en misant sur les films que CinéMadness distribue. Le système est original, les films faisant le tour de quelques salles à travers la France à la manière d’un festival de films de genre itinérant. Oui, car Petits suicides entre amis n’est pas le seul film à être distribué cette semaine par CinéMadness au Publicis. Il est accompagné de trois autres longs-métrages, Grace, Donkey Punch et Confession d’un cannibale (et le prochain opus de CinéMadness est déjà annoncé, dont l’alléchant film à sketches The Ten !), que je n’ai pu voir.
Voilà, ce sont donc ces Petits suicides entre amis qui ont attirés tant d’amateurs au Publicis samedi après-midi. Il faut dire que les films ne bénéficient pas de séances tous les jours, il ne fallait donc pas traîner si l’on tenait à les voir. Moi je tenais à voir celui-là. Anecdote amusante d’ailleurs, l’homme aux sacs plastiques a délaissé sa chère cinémathèque pour lui aussi attraper ce long-métrage. Mais vu comme il a détalé comme une flèche à peine sorti du cinéma, courant plus vite que Christophe Lemaître à Barcelone pour descendre les Champs-Élysées, nul doute qu’il avait une autre séance qui l’attendait incessamment sous peu, ailleurs…
Revenons à nos moutons. Les suicidés de Petits suicides entre amis. Il a eu beau traîner plus de quatre ans sans distributeur en France, en voilà un qui valait largement d’être vu. Derrière ses airs de p’tit film qui casse pas trois pattes à un canard, le film américain du croate Goran Dukic s’est révélé éminemment agréable. Sa grande qualité, c’est son imaginaire simple mais tout à fait fou. Le héros du film est Zia, un jeune homme qui se taille les veines. Après sa mort, le voici coincé dans un autre monde, un monde réservé aux suicidés. Un monde qui ressemble au nôtre sans être le nôtre. On y croise donc que des morts dans un décor déprimant, où tout semble cassé ou à peine rabiboché. Tout le monde tire un peu la tronche, déçu de constater qu’il y a une vie après la mort, et que celle-ci est encore plus déprimante que celle qu’ils avaient délibérément choisi de quitter. Zia est comme les autres, jusqu’au jour où il apprend que sa petite amie Desirée, qu’il avait laissé parmi les vivants et qui lui manque, s’est suicidée elle aussi, peu après lui. Avec son pote Eugene, un rockeur russe mort sur scène, et Mikal, une jeune femme tenant absolument à trouver les instances dirigeantes de ce monde parce qu’elle n’est pas censée être là, Zia s’embarque donc sur les routes à la recherche de Désirée.
Petites suicides entre amis, c’est donc un road movie existentiel, dans lequel les personnages roulent au petit bonheur la chance, dans une quête au cours de laquelle ils trouveront peut-être des réponses à leurs questions. Et à défaut, ça les occupera, car hein, ils ont quoi de mieux à faire dans leur purgatoire éternel ? C’est ça le charme du film de Dukic. Ce ton tragicomique hésitant entre le glauque et le surréalisme. Au début, c’est déroutant et on se demande un peu dans quoi on s’est embarqué. Et finalement, la sauce prend. Le surréalisme prend le dessus sur le glauque. Des personnages joliment déglingués apparaissent, et ils ont les traits de Tom Waits, Will Arnett, John Hawkes. Des têtes qu’il fait bon voir traîner dans des seconds rôles.
Bizarrement, cette ballade m’a rappelé Tout est illuminé, sans le côté bouleversant mais avec du fantastique en plus. Le road movie réalisé par Liev Schreiber avait ce même esprit loufoque et existentiel. Peut-être est-ce aussi dû au personnage d’Eugene, le pote russe rocker qui secoue et déride Zia, et nous fait profiter d’un humour et d’une musicalité qui rappelle celle d’Eugene Hutz, un des acteurs de Tout est illuminé (également musicien avec son groupe Gogol Bordello, présent sur la bande originale de Petits suicides entre amis...).
Quelle que soit la raison, ça valait le coup d’attendre quatre ans.
2 commentaires:
ah ça fait plaisir cette critique... j'ai trouvé cette programmation cinemadness formidable !
et c'est drole, je l'ai déjà vu plein de fois l'homme aux sacs plastiques, presque à chaque fois que je vais à la cinémathèque en effet... on doit parler du même :)
POur le moment je n'ai pu voir que "Wristcutters", mais je vais tenter d'en attraper au moins un autre ce week-end, probablement "Grace".
Je suis sûr que tu parles du même homme aux sacs lastiques que moi^^
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