lundi 31 mai 2010

Cannes à Paris : Ha Ha Ha, rions en coréen !


La première chose à laquelle j’ai pensé en sortant de Ha Ha Ha, c’est à quel point ce film porte bien son titre, moi-même et toute la salle du Reflet Médicis ayant tant ri aux éclats devant l’humour ravageur de Hong Sang Soo (pour une fois que le titre français peut être le même que le titre original 하하하…). Récemment récipiendaire du Prix Un Certain Regard à Cannes (certains ont clamé que ce n’était pas mérité, tant pis pour eux s’ils le pensent), le film était repris cette semaine dans la salle du Quartier Latin, comme Simon Werner a disparu dont je parlais il y a quelques jours.

Il y a quelques semaines à peine, je m’étonnais de la faculté du cinéaste coréen Hong Sang Soo a inlassablement charmer par ses films bien que ceux-ci sont les miroirs les uns des autres par leurs personnages et leurs thèmes abordés. Ha Ha Ha ne fait pas exception, et repousse une fois de plus les limites de Hong. J’irai même jusqu’à dire que le bonhomme n’avait jamais été aussi drôle dans son écriture qu’avec ce nouveau film. Pas étonnant que le jury Un Certain regard l’ait couronné.

Je ne surprendrais pas les familiers du cinéma d’Hong Sang Soo en révélant que le protagoniste de Ha Ha Ha est un cinéaste looser sur les bords. Celui-ci s’apprête à s’envoler pour le Canada où il compte s’installer, et avant de partir boit quelques verres avec un ami. Les deux hommes viennent tous deux de passer quelques jours dans une petite ville de province sans s’y croiser, et se racontent leurs pérégrinations mutuelles. Sans le savoir, ils ont fréquenté le même quartier et les mêmes personnes. Les mêmes femmes, surtout. Eux n’en savent rien, mais nous découvrons rapidement cela avec amusement.

Au premier abord, Ha Ha Ha a un drôle de look. On voit deux hommes sur des photos en noir et blanc se succédant, on entend leurs voix par-dessus les images fixes, leur dialogue. Puis lorsqu’ils commencent à se raconter leur séjour provincial, les images prennent vie et couleurs. A chaque fois que l’on reviendra à leur discussion, on entendra seulement leurs voix superposées à ces photos de retrouvailles en noir et blanc. Un vrai concept narratif qui fonctionne et offre un gimmick comique tout du long du film.

Les deux personnages n’ont pas la même saveur. L’un, le réalisateur qui ne réalise pas et vient rendre visite à sa mère, est un régal de tous les instants. Un indécis poursuivant assidûment une femme sur laquelle il craque, se posant tout un tas de questions existentielles et idolâtrant un militaire légendaire (cela aide grandement que le personnage féminin à qui il fait face soit une forte tête idéalement campée par la comédienne Moon So-ri…). Le second est tout aussi indécis, mais sur son dilemme immédiat : que faire de sa maîtresse qu’il aime tant ? C’est un personnage plus classique, mais ses aventures savent se montrer tout aussi drôles (bon, non, un peu moins quand même).

Ce qui fait le sel et l’humour de Ha Ha Ha, comme souvent chez Hong Sang Soo, ce sont les relations homme/femme. Le réalisateur n’a pas son pareil pour tricoter des liens houleux, des situations ubuesques et des dialogues savoureux entre les hommes et les femmes qui peuplent ses films. Prétendant et femme courtisée ; fils et mère ; amants. Les hommes et les femmes chez Hong Sang Soo ne savent pas vivre en harmonie et sont dans le conflit constant, même lorsqu’ils s’aiment. Ces conflits sont dans Ha Ha Ha source d’un humour délicieux qui parvient à faire ressortir et mettre en valeur le cadre du film, cette petite ville portuaire coréenne dans laquelle on se croise en long en large et en travers, sans forcément se voir.

Il n’y a pas meilleur catalyseur des relations entre les hommes et les femmes dans le cinéma coréen que les films de Hong Sang Soo, ainsi que ce portrait comico-pessimiste de la condition d’artiste en Corée le prouve avec panache. C’est long, comme toujours chez Hong, mais cette longueur n’apporte jamais la lassitude. C’est un film qui accroche malgré ces éternels bavardages et marivaudages comiques. Qui aime Hong Sang Soo se régalera de Ha Ha Ha le jour où il ne manquera pas de sortir dans les salles françaises.

12 commentaires:

Diana a dit…

Ah ce Hong Sang soo nous étonnera toujours et c'est rassurant. Comme tu le sais je découvrirai l'oeuvre qu'à sa sortie officielle mais à te lire, je trépigne d'impatience...
J'avais adoré (et c'est d'ailleurs mon préféré de HSS) Night and Day en grande partie pour cette humour ravageur :)C'était tout bonnement irrésistible. Alors quand je lis "le bonhomme n’avait jamais été aussi drôle", ça promet de grands moments !

David Tredler a dit…

Hahaha (héhé), figure-toi que Night & Day était justement mon préféré jusqu'ici Diana, je sens que Ha Ha Ha va te plaire^^

I.D. a dit…

Ca y est, je suis frustré, j'ai envie de le voir comme jamais. Je suis en train de regretter de ne pas être allé le voir au Reflet ! Dégoûté ! Zut !

David Tredler a dit…

Bah oui c'est dommage il a été programmé trois fois cette semaine !

David Tredler a dit…

Dans le Monde de cet après-midi ils publient un article intéressant le parcours de "Oncle Bonmee..." pour être acheté par un distributeur français, et à la fin du papier, ils indiquent que "Ha Ha Ha" n'a lui toujours pas été acheté par un distributeur français =(

I.D. a dit…

Oh ! Déconne pas. C'est quoi cette mauvaise nouvelle. Bon, allez. On ne s'inquiète pas. Ca va le faire. Ses derniers films sont sortis alors pourquoi pas celui qui a fait parler de lui à Cannes, enfin à son niveau.

David Tredler a dit…

Oui oui, il y a tout lieu de garder espoir, il n'y a pas de raison que celui-ci ne sorte pas^^

Unknown a dit…

le HSS sortira sans problème. Peut-être dans un an, ceci dit (on se souvient du combo Woman on the Beach/Night and Day). Ah, et juste au passage, Syndromes and a Century, n'est toujours pas sorti en dvd (bien que dispo dans une sublime copie Zone 2 UK, avec le court Worldly Desires).

I.D. a dit…

Syndromes and a Century, c'est vrai. Je l'aurais presque oublié celui-là. J'attendais avec impatience la sortie du DVD parce que ça seule vision au cinéma ne m'avait pas permis d'apprécier correctement l'oeuvre. Disons que de le voir une fois était trop peu pour l'appréhender de manière juste. Du coup, le DVD je l'attendais limite pour visionner certaine scène, voir au plus près la mécanique de mise en scène etc... captivant comme film.

David Tredler a dit…

Peut-être qu'Oncle Boonmee me rendra fan de Weerasethakul, mais d'ici là, y a du boulot... Du coup je suis curieux de le voir...

I.D. a dit…

Ah oui, c'est vrai t'es un réfractaire (terme un peu dur) de son cinéma. Il est vrai que ses films ne sont pas facile d'accès. Et c'est par moment tellement extrême qu'on pourrait pioncer un bon coup. Le genre de film où si tu n'es pas bien disposé tu le maudis à jamais. Tropical Malady était pas mal dans le genre, lui aussi ne tenait qu'à un fil d'une certaine fascination tu pouvais passer de l'ennui le plus profond.

David Tredler a dit…

Le fait que ses films ne soient pas faciles d'accès n'a rien à voir avec ma non admiration pour le cinéma de Weerasethakul. IL y a des tonnes de films difficiles d'accès qui me parlent et ma fascinent. Mais Weerasethakul, j'attends le film qui ne m'ennuiera pas.

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