dimanche 5 avril 2009

Synecdoche, New York, abyme en roues libres

Samedi, 16h30, direction le MK2 Beaubourg pour découvrir si le génie et la folie créatrice du scénariste Charlie Kaufman est aussi fascinante lorsqu’il passe pour la première fois derrière la caméra (en portant à l’écran un de ses scénarios bien sûr).

A Cannes, où Synecdoche, New York était en compétition en 2008, le film de Kaufman avait plutôt suscité la déception et l’ignorance qu’autre chose. Aux États-Unis l’automne dernier, le film avait plus séduit, allant jusqu’à valoir à son auteur une nomination à l’Oscar du Meilleur Scénario Original.

Le plantage artistique de Synecdoche est à la hauteur de l’ambition du scénario de Kaufman. Celui-ci a, sur le papier, visé bien plus haut que ses capacités de réalisateur n’étaient en mesure de mettre en valeur. Pour ses premiers pas de metteur en scène, Kaufman a vu grand. Une épopée humaine, new-yorkaise, théâtrale, s’étalant sur une trentaine d’années en suivant Caden Cottard, metteur en scène connaissant un succès banlieusard avec une adaptation de « Mort d’un commis voyageur », et qui va entreprendre d’enfin porter au théâtre un projet personnel. Un projet grandiose, racontant la vie avec un V majuscule, dans un hangar géant où il va recréer une partie de New York et prendre pour héros les personnages qu’il croise dans sa vie quotidienne. Un projet hors norme, de longue haleine, qui va lui prendre des années.

Quel grand, grand film, Synecdoche, New York aurait pu être. Kaufman semble avoir voulu dire et montrer tant de choses, sur la difficulté des rapports humains, sur le pouvoir de l’art, sur la fragilité et la brièveté de la vie, sur l’ombre pesant sur l’avenir de notre société. L’auteur semblait bien décidé à introduire ces sujets de réflexion dans la folie reconnaissable de son univers narratif, dont on retrouve tout du long des éléments significatifs. La maison en feu. L’étrange suiveur. New York reconstitué dans New York.

Kaufman est le cinéaste de la mise en abyme, style narratif si délicat et confondant qu’il s’est approprié avec facilité au fil de ses différents scénarios. John Malkovich glissant Dans la peau de John Malkovich ; Kaufman lui-même incarné par Nicolas Cage dans Adaptation ; Joel Barrish / Jim Carrey projeté dans ses propres souvenirs dans Eternal Sunshine of the Spotless mind.
Ici, Kaufman pousse la mise en abymes jusqu’à dédoubler tous les personnages principaux en leur affublant un interprète dans la pièce de théâtre, et en les positionnant dans un faux New York recréé en hangar, un faux New York si troublant qu’on a bien du mal à distinguer le vrai du faux.

Là où le bât blesse, c’est que si Spike Jonze et Michel Gondry ont su capter, digérer, et adapter visuellement le génie scénaristique et narratif de Kaufman, ce dernier en est bien incapable. Jonze et Gondry sont dotés d’une folie créatrice équivalente sur le plan visuel à celle, écrite, de Kaufman. Sans leur œil expert, le style Kaufman se perd dans son propre dédale, naviguant en aveugle, noyé dans son ambition scénaristique, sans aucune prise pour en tirer une expérience cinématographique pleine, satisfaisante.

Kaufman à tellement de chose à dire et à montrer que des éclairs de génie, des flashs de toute beauté passent de temps à autre à l’écran, laissant deviner ce qu’un cinéaste plus talentueux aurait pu tirer de Synecdoche New York. Mais sous l’œil de son auteur, le film n’est qu’une très, très longue cafouille dont on a hâte de sortir.

1 commentaire:

Michael a dit…

Très très très très très très très très très très très très très très très très très longue...

over-blog.com