Ce billet je voulais l’écrire plus tôt. Quand j’ai appris
qu’UGC allait fermer l’un de ses cinémas parisiens emblématiques, il y a
quelques mois, je me suis dit qu’à l’approche de la fermeture, l’envie d’écrire
quelques lignes en guise d’au revoir à l’un des cinémas de Paris que j’ai le
plus fréquenté était naturel. Pour de nombreux spectateurs ayant déjà atterri
au dernier sous-sol des Halles pour y voir un film à l’UGC Orient-Express, cela
peut sembler ubuesque de rendre hommage à un cinéma qui aurait certainement pu
concourir aux Razzies des salles de cinéma les plus étranges qui existent.
Pourtant l’UGC Orient-Express a été un incontournable
pour les cinéphiles les plus éclectiques de la place parisienne. Et c’est bien
cela qu’il s’agit avant tout de saluer. Cette programmation qui en a fait une
plaque tournante, entre les films en fin de carrière qui ne passait plus que là
au retour des vacances d’été, et les sorties techniques programmées dans aucun
autre cinéma. Ce sont les souvenirs auxquels il s’agit de dire au revoir. Les
rires déclenchés par les aventures étudiantes de Will Ferrell, Luke Wilson et
Vince Vaughn dans « Old School ». Les JT délirants du même Will
Ferrell dans « Anchorman », aka « Présentateur vedette : la
légende de Ron Burgundy ». Le buddy movie ultime de David Gordon Green,
« Délire Express ». La comédie américaine a eu son heure de gloire à
l’Orient-Express, c'est certain.
Et lorsque l’on entend Antoine Cabot, directeur de l’UGC
Ciné Cité Les Halles, dire que les nouvelles salles de son complexe qui
ouvriront dans quelques jours, n’auront pas pour vocation de programmer les
sorties techniques qu’avait l’habitude de diffuser l’Orient-Express, les
amateurs de comédie US pleurent dans leur coin. Il faudra donc uniquement
compter sur le Publicis désormais. Forcément, on y gagnera en confort.
Car s’il était effectivement une caractéristique de
l’Orient-Express, c’était bien sa configuration, son confort et ses mésaventures
internes qui en faisaient… comment dire… un lieu cinéphile hautement improbable
et imprévisible. Outre le fait que l’on y trouvait l’une des plus petites
salles de cinéma de Paris (la salle 7 et sa petite trentaine de fauteuils
regardant un écran équivalent à un home cinéma), l’Orient-Express cumulait les
tares. Des classiques, comme le tiers d’écran bouché si l’on avait quelqu’un
assis devant soi, et de plus iconoclastes.
Qui n’y a jamais senti les rangées vibrer au passage du
RER ? Qui n’a jamais entendu les bruits de canalisations couvrir les
dialogues dans la salle 1 ? Et cette salle 2 dont les fauteuils n’étaient
pas positionnés face à l’écran, mais quelque peu de travers ? Et cette
souris que j’ai un jour vu traverser la salle, poussant les spectateurs à
passer le reste de la projection les jambes remontées sous les fesses histoire
de ne pas sentir le rongeur remonter le long d’une jambe ? Et ces sorties
de dernière séance aux alentours de minuit, à errer dans les couloirs vides du
Forum des Halles, à la recherche de la sortie ?
Ce billet, je voulais l’écrire plus tôt. Je voulais
guetter la fermeture du cinéma, et me programmer une dernière séance à
l’Orient-Express, pour profiter une dernière fois de cette ambiance si
particulière, ce hall où il n’était pas rare de tomber sur une connaissance
cinéphile, en quête d’une projection de dernière chance ou du film qui ne
passait nulle part ailleurs. Mais j’ai oublié de guetter, et le mardi 21
janvier, j’ai appris qu’il s’agissait de la dernière journée de l’UGC
Orient-Express. Que le soir même, le cinéma projetterait ses toutes dernières
séances. Et ce soir-là, je ne pouvais pas me libérer. J’ai vu sur Twitter et
Facebook des rendez-vous se donner, des groupes se créer pour se retrouver une
dernière fois à l’Orient Express.
Il paraît qu’aux dernières séances du soir, le personnel
passait dans les salles en offrant à boire, pour trinquer avec les derniers
spectateurs et rendre les clés dans la convivialité. Je m’en veux terriblement
d’avoir raté ça. La fermeture d’un cinéma est toujours une tristesse. On aura
beau dire que l’UGC Ciné Cité s’agrandit en contrepartie, l’amoureux des salles
obscures que je suis ne peut s’empêcher de se sentir mélancolique et
nostalgique quand l’un des cinémas dont j’ai le plus usé les fauteuils ne
projettera plus jamais de film. Je me souviens de l’époque où il y avait deux
cinémas dans les tréfonds du Forum des Halles, quand le Gaumont Les Halles
existait encore et n’avait pas encore été remplacé par une sandwicherie.
Aujourd’hui ces cinémas ont disparu. Je me réjouis de voir apparaître ces
nouveaux cinémas à Beaugrenelle, La Villette, de la renaissance du Louxor, et
de ceux à venir. Mais la chanson d’Eddy Mitchell résonne dans un coin de ma
tête, et je me dis qu’il me manquera quand même, cet Orient-Express qui vient de vivre sa dernière séance.
10 commentaires:
Très bel article ,)
Concernant la fermeture de l'Orient Exp' (pour info) elle était depuis un an programmée au 11/02 (le 12, ouvrent les 8 nouvelles salles du C. C. des Halles, qui... pour les avoir visités, seront exactement de la même capacité que les salles de l'Orient, excepté la 7 ^^), mais pour des raisons personnelles à UGC (ils auraient trop honte de les avouer ^^), ils ont été obligé de fermer le site plus tôt que prévu (le 21/01)
Voici donc (toi qui n'a pu te joindre à nous), les photos de la soirée d'adieu :
http://www.facebook.com/media/set/?set=a.669046776467293.1073741829.192722167433092
(album Flickr : http://www.flickr.com/photos/111897644@N05/sets/72157640598946495/)
L'ULTIME (!) vidéo de la soirée sera publiée la semaine prochaine ,)
Alors ça, merci pour le lien Cinéphile NostalGeek. Ca m'a presque mis la larme à l'oeil ton album photo de la soirée d'adieu. Je regrette encore plus de ne pas avoir pu être présent. Et j'adore ton texte qui accompagne l'album sur Facebook, on est fait pour s'entendre !
Avec plaisir David
ça fait déjà quelques temps (années) que je te lis
J'aime tes coups de gueules contre les spectateurs indélicats (travaillant dans des cinémas, je me reconnait bien là, dans tes propos ^^)
Bon article
Bonjour David, d'abord pour cet article, on a peut-être dû se croiser un jour. Naïve comme je suis, j'ignorais que l'OE était condamné. J'aimais l'ambiance générale, le côté bon enfant. Il y avait des "réguliers". J'y allais souvent. Le public était bien. Cela permettait de voir les films en séances de rattrapage. J'ai été très triste comme pour le Gaumont les Halles, comme pour l'UGC Triomphe et tellement d'autres salles des Champs-Elysées. Ce n'est pas une page qui se tourne mais un livre qui se ferme. Bon samedi. PS, j'ai inauguré une des 8 nouvelles salles, c'est neuf, ça sent le bois neuf et la peintures. C'est autre chose.
Je n'ai jamais vécu la fermeture d'un cinéma, mais je comprends tout à fait ce ressenti. C'est une jolie chronique.
L'autre jour, je suis passé dans un lieu qui accueillait jadis au cinéma. On voyait encore la peinture de l'enseigne sur la vitrine, fanée par le temps. Et là, un bon coup de peinture, c'est oublié. Cela m'a rendu nostalgique également...
http://dondevamos.canalblog.com/archives/2013/06/16/27446894.html
Et c'est pas du cinéma !
Très bon article David. Je suis bien triste de cette fermeture.
J'aimais bien voir des films d'horreurs au son des halles.
Espérons que le grand écran ré-ouvre par contre ;)
Mince alors... J'y allais quasi tous les jours mais il y a longtemps (les années 97 à 2005)...
Un cinéma qui ferme, quel que soit l'état de celui-ci, c'est toujours la fin d'un rêve.
Très bel, article, merci.
Enregistrer un commentaire