Dans un coin de mon être, les tambours continuent de
résonner. Il me suffit, des mois après la projection de « Lawrence d’Arabie » à la Cinémathèque Française,
de fermer les yeux, et la musique de Maurice Jarre accompagne toujours mon
écran noir intégré. La magie de ces quatre heures dans le désert avec Peter
O’Toole ne s’est pas éteinte. Je peux encore en récolter l’essence en faisant
le vide autour de moi.
Les semaines, les mois ont passé, et voici que David Lean
et son cinéma fait pour le grand écran ont de nouveau les honneurs des cinémas
parisiens. Tout du moins de l’un d’entre eux, le bien caché Action Christine,
dont la localisation discrète, dans cette rue Christine où les rares passants sont
presque tous cinéphiles, n’empêche pas les amateurs de vieux cinéma américain
de se montrer en nombre lorsqu’il s’agit de découvrir ou redécouvrir un
classique restauré comme c’est le cas en ce moment. Le cinéma organise un cycle
d’incontournables en version restaurée, où « African Queen » et
« Sur les quais », que j’ai déjà par le passé vus chacun sur grand
écran, côtoient deux films de David Lean, le fameux « Lawrence
d’Arabie » et « Le pont de la rivière Kwai ». Si l’évocation du
premier me ramènera pour le reste de mes jours à ce soir de novembre 2012 dans
la salle Langlois de la cinémathèque, le second fait partie de ces films
découverts un après-midi de vacances adolescentes où j’étais probablement
scotché à la télé. Et depuis, rien.
« Le pont de la rivière Kwai » n’était
jusqu’ici qu’un souvenir télévisuel de l’enfance et rien d’autre. Il ne pouvait
en être autrement pour « Lawrence d’Arabie », cette magnifique
version restaurée était destinée à ressortir en salles (même si j’imaginais
mieux qu’une poignée de séances par semaines à l’Action Christine), et je
nourrissais ce mince espoir que peut-être, une salle en profiterait pour passer
d’autres films de Lean qu’il me restait à découvrir sur grand écran. L’Action
Christine a donc exaucé mon vœu, et je me suis retrouvé un dimanche après-midi
à emprunter la calme rue Christine que je n’avais pas traversée depuis bien
longtemps, trop longtemps.
Je fus bien heureux de découvrir que je ne suis pas le seul
à penser que seule la salle de cinéma rend justice aux films épiques de David
Lean. Je fis montre de patience lorsque la petite vieille devant moi se trompa
dans l’ordre du chèque qu’elle rédigeait pour acheter un nouveau carnet de
places. Il fallait recommencer avec une fébrilité extrême qui inquiéta la
caissière, proposant à la grand-mère cinéphile de rédiger le chèque pour elle,
une proposition accueillie avec un grand sourire par la septua… disons même
octogénaire. Mais cette épreuve ne m’empêcha pas de descendre l’escalier et
d’entrer dans la familière salle pour aller directement m’asseoir au quatrième
rang où je trouvai un intrus nommé Nyal qui squattait ma place mais à côté
duquel j’acceptai de bonne grâce de m’installer.
William Holden et sa gouaille, Alec Guinness et sa
baguette de leader, la jungle birmane, ces soldats sifflant en rythme cet air
mémorable entré depuis bien longtemps dans l’imaginaire collectif. « Le
pont de la rivière Kwai » n’a pas la grandeur de ce que sera
« Lawrence d’Arabie » quelques années plus tard, mais il cache sous
son trompeur aspect de film d’aventures (si tant est qu’un film sur un camp de
prisonnier puisse être considéré comme tel) un discours fort et amer sur
l’orgueil humain. Aaah, ces films hollywoodiens à l’ampleur et l’ambition
disparues... Mais si l’on ne produit plus vraiment de tels films à Hollywood,
il nous reste heureusement les salles obscures parisiennes pour nous replonger
en 1942, 1957, 1962 ou 1976, pour voyager dans l’histoire du cinéma sans avoir
à dénicher de DeLorean.
5 commentaires:
J'ai à la maison un coffret de DVD sur la période anglaise de David Lean. Il faudrait que je m'y mette. Tu connais, toi ?
C'est clair que ces films hollywoodiens sont mythiques, au moins les deux que tu as présentés.
Non je t'avoue que la période anglaise de Lean, je ne maîtrise pas. Mais je ne doute pas qu'ils finissent par passer dans une salle de ciné un de ces 4, et je les découvrirai avec plaisir.
Du bon et du moins bon, mais à redécouvrir avec plaisir
"Non je t'avoue que la période anglaise de Lean, je ne maîtrise pas."
S'il ne devait y en avoir qu'un seul à voir, ce serait sa version d'Oliver Twist. Tellement plus prenante et graphiquement marquante que celle de Polanski.
Olrik, ta recommandation ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd, elle est dûment notée ;)
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