C’est un bel après-midi de juin, pour une fois le soleil
donne sur la capitale mais malgré tout, l’heure est au cinéma. Il est 16h
passées, vous vous trouvez dans le quartier d’Odéon et vous entrez dans un
cinéma qui joue « The Dictator » de Larry Charles, la nouvelle farce
de Sacha Baron Cohen. Vous vous dites qu’avec le beau temps qui se fait rare,
cette journée ensoleillée, couplée avec l’entrée en piste de la Fête du Cinéma
le lendemain fera que peut-être, pour un samedi après-midi, il n’y aura pas
tant de monde au cinéma.
Dans les premières minutes qui suivent votre entrée en
salle, effectivement, la salle, grande pour accueillir le film le plus
populaire de la semaine parmi les nouveautés, n’est pas surpeuplée. Mais la
séance n’est prévue que dans quinze minutes, et après tout, elle aura le temps
de se remplir peu à peu. C’est une de ces salles des années 70 ou 80, conçues
de cette façon étrange que l’on aimait concevoir les salles à l’époque, l’écran
haut perché et les rangées de fauteuils en pente ascendante vers lui. Le genre
de salle que vous n’aimez probablement pas parce que le rapport à l’écran y est
froid et distant quand vous l’aimez englobant, proche, intime. Mais assis à
votre 5ème rang favori pour une comédie futile, cela conviendra
bien.
Les minutes passent et la salle se remplit effectivement.
Devant vous, deux gamins à peine assez âgés pour être appelés adolescents. Et
puis tout à coup, une conversation qui se tient dans votre dos attire votre
attention. Il va bientôt être 16h30, les bandes annonces ne vont pas tarder à
être projetées, mais quelques mots échangés vous intéressent soudainement plus
que ce qui pourrait potentiellement apparaître à l’écran. C’est un jeune couple
qui discute, et par jeune, il faut entendre adolescent, 17 ans peut-être.
Le mot qui a attiré votre attention, c’est Submarine. Il a attiré votre attention,
parce que ce mot renvoie à l’un de vos coups de cœur de l’année dernière au cinéma. Il a attiré votre attention
parce que pour vous, Submarine est un bijou de cinéma. Alors vous tendez l’oreille quand vous entendez
l’adolescente prononcer ce mot. Vous tendez l’oreille et tout à coup, le cœur
qui s’était mis à battre la chamade à la simple évocation du film de Richard
Ayoade se fait soudain triste.
« L’année dernière j’étais allée voir un film,
« Submarine » ça s’appelait. On était arrivé en retard. Pwaaaaa
c’était naze.
- C’était ptet parce que vous aviez raté le début nan ?
- Ouais c’est vrai que ça a pas aidé, on a quand bien
raté un quart d’heure du film. Du coup au début on savait pas trop. Mais quand
on a compris de quoi ça parlait, nan c’était vraiment trop naze ».
C’était une conversation entendue par-dessus l’oreille.
Quelques phrases qui auraient pu vous mettre en rogne, vous révolter, vous
indigner. Mais elles vous ont juste attristé. Parce que Submarine vaut tant à vos yeux, bien sûr. Mais aussi parce que
c’est justement un film qui devrait parler à l’adolescence et qu’une
adolescente l’a envoyé baladé d’une pichenette dédaigneuse. Vous vous dites qu’elle
manque peut-être encore de recul sur la personne qu’elle est aujourd’hui. Vous
repensez à ces adolescents que vous aviez vus dans la salle de "I wish".
Vous vous dites que tous les adolescents n’ont certainement pas dénigré Submarine. En tout cas vous l’espérez.
Car sinon, quel avenir pour l’humanité ? Oui, vous mettez parfois trop
d’importance dans ce que les autres peuvent bien penser des films qui vous
tiennent à cœur. Mais après tout, c’est la passion qui parle, non ?
10 commentaires:
Pas vu le film mais je connais la B.O. par coeur ... signature d'Alex Turner oblige. Déjà GRAND jeune bonhomme qu'il est !
(d'ailleurs le héros en a un faux air je trouve)
La BO grandiose de Turner ajoute amplement aux qualités du film Lalalère, en effet. Mais comment fais-tu pour résister au film en connaissant la BO ? Le film est à sa hauteur, regarde-le !!
"submarine" est un film que j'ai raté l'année dernière. Il était en vod dans l'avion mais je n'ai pas pris le risque de me gâcher le film.
Sinon, qu'est-ce que tu as pensé de "the dictator" ? Moi j'avoue que j'ai rigolé. C'est très con et il n'y a pas l'esprit faux documentaire de "brüno" qui me gênait.
"Submarine", ouais. Pas vu. Partie remise, je pense, quand l'occasion se présentera. Il m'avait l'air sympa, en effet.
Je comprends tout à fait ton sentiment de tristesse après avoir surpris cette conversation. J'ai moi-même assez peur quand je montre des films que j'aime bien. "The fisher king" est sans doute pour moi le meilleur exemple de film "à risques", dans ce domaine.
Bah, on peut espérer que ton adolescente changera d'avis dans quelques années. Je vois beaucoup de films aujourd'hui, auxquels je j'aurais pas laissé la moindre petite chance il y a encore dix ans.
C'est prévu mais ma liste d'attente est déjà tellement longue !
@Nyal : T'as bien fait de te dispenser de "Submarine" dans l'avion, ça n'aurait certainement pas rendu justice au film.
The Dictator ? Ca va, ça se regarde, de bons gags, d'autres too much à mon goût (la scène de l'accouchement, non). Mais je trouve au contraire que Cohen est meilleur quand il fait peur à l'Amérique avec ses faux documentaires. Ca c'est en-dessous.
@Martin : The Fisher King, c'est pas mon Gilliam préféré, je peux comprendre qu'on adore, et je peux comprendre qu'on n'adhère pas. Espérons en tout cas qu'un jour, cet ado reverra Submarine et se dira "Qu'est-ce que je pouvais être conne à 17 ans" ;)
@Lalalère : Mais personne n'a vu Submarine ma parole !!! ;)
J'avoue que je réagis comme toi quand j'entends des gens dénigrer certains de mes coups de coeur. Pas évident de rester de marbre d'autant que Submarine est un beau p'tit bijou indépendant. La BO comme le souligne Lalalere y est pour beaucoup mais cette réalisation simpliste et presque primaire m'a immédiatement convaincu.
Faut seulement lâcher prise avec ces gens là...bon courage :-)
Aaah, un autre admirateur de Submarine ^_^
Je te comprends. J'ai répéré Submarine grâce à toi ( comme pas mal d'autres films ) , sinon je l'aurais jamais vu, et ce serait dommage car j'ai vraiement aimé.
Je suis fier d'être responsable de ta découverte de "Submarine", Abel ^_^
Enregistrer un commentaire