mardi 29 septembre 2009

L'affaire Farewell : Kusturica réchauffe la Guerre Froide

Dimanche fût une journée cinéma français pour moi. Après les deux beaux films américains de la semaine, ne me restaient plus que deux films hexagonaux prometteurs parmi les nouvelles sorties. Le premier des deux, L’affaire Farewell, passait dans la magnifique salle 1 des Halles. Chose rare, la projection fût en retard. La séance était prévue à 13h35, mais à 13h50, nous étions toujours en train de faire la queue à attendre le signal pour rentrer en salle.

A 13h45, un employé du cinéma était venu nous prévenir qu’il faudrait encore patienter quelques minutes avant de pouvoir entrer en salle, une femme étant tombée dans les escaliers et les pompiers devant arriver d’un instant à l’autre pour l’évacuer. A peine le mot « retard » avait-il été prononcé qu’une spectatrice (la cinquantaine, bourge sur les bords) s’était exclamé « On va être remboursé j’espère ! », comme si passer le quart d’heure à attendre debout plutôt qu’assise à regarder les pubs était inadmissible. Cinq minutes plus tard, les pompiers arrivaient et ressortaient vite avec une dame âgée, à l’évidence déboussolée. A peine installés, et finalement sans trop de retard, le film commença directement, sans bandes-annonces ni publicité en préambule.

L’affaire Farewell a cela de remarquable qu’il offre son premier rôle d’envergure devant la caméra au cinéaste Bosniaque Emir Kusturica, dont le rôle le plus marquant jusqu’ici avait été celui du condamné à mort dans La veuve de Saint-Pierre de Patrice Leconte. Kusturica, et son personnage de colonel soviétique faisant passer des documents secrets à la DST via un jeune ingénieur français travaillant à Moscou, est le point fort du film.

Formellement très classique, certains diraient même déphasé, L’affaire Farewell se plonge dans la Guerre Froide avec minutie mais sans grande excitation. La reconstitution du Moscou des années 80 est remarquable, la direction artistique générale soignée, les grandes figures historiques sont présentes, Mitterrand, Reagan, Gorbatchev, mais cette vue d’ensemble est trop propre pour être tout à fait passionnante.

En revanche, Christian Carion, à qui l’on doit le déjà peu affriolant Joyeux Noël, se montre plus convaincant lorsqu’il se focalise sur Grigoriev, ce patriote soviétique qui choisit de trahir l’URSS pour mieux sauver son peuple. Il ne s’agit pas d’un simple agent double faisant cela pour l’argent, la gloire, ou la conviction que le système capitaliste occidental est mieux fondé que le communisme soviétique. Grigoriev est un personnage plus complexe, aimant sa patrie, l’admirant même, celle qui est passée du Moyen-âge à la conquête spatiale en un demi-siècle.

La motivation de Grigoriev est celle d’un désenchanté animé par la flamme d’un avenir possible, un avenir meilleur, qui ne peut voir le jour que par la Révolution du système, quitte à se sacrifier pour y parvenir. Carion dessine bien le personnage campé avec chaleur et lucidité par Kusturica, impeccable. Il dessine également un milieu de l’espionnage emprunt de subjectivité, où la vie personnelle de chacun décide plus qu’on ne le décrit habituellement de la tournure des évènements.

En osant pousser plus en avant son exploration du point de vue soviétique, et en remuant plus les choses, y insufflant plus de vie et d’action, Carion aurait tenu une belle réussite. Reconnaissons-lui tout de même l’audace d’avoir offert un second rôle à David Soul (!!??), vision inattendue de l’acteur de « Starsky et Hutch » dans une production ciné si luxueuse.

Je me demande quand même si la spectatrice ayant poussé sa complainte dans la queue a continué à réclamer son remboursement en sortant de la salle… Toujours est-il que l’on est finalement sorti à l’heure pour pouvoir attraper la séance suivante. Ca m’aurait déplu de manquer mon rendez-vous avec François Cluzet…

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