
Avant le mercredi de sa sortie, je n’avais pas la moindre
idée de ce qu’était « What Richard did » de Lenny Abrahamson. Ce
mercredi-là, j’ai aperçu de bonnes critiques du film et me suis penché sur son
cas. Tiens, un film irlandais. Je me suis tourné vers un ami cinéphile de la région pour lui demander ce que
le film valait, sur quoi il m’a appris que le long-métrage était l’adaptation
d’un roman écrit par un vieil ami à lui. Tiens donc. Allez, la connexion
irlandaise me plaisait bien, direction le Lincoln avec l’œil vierge, sans même savoir de quoi il retournait dans le film. Cela fait du bien de
découvrir un film sans avoir vu la bande-annonce ou lu le synopsis, parfois.
Le cinéma anglo-saxon indépendant est souvent social,
donc peut-être m’attendais-je un peu à cela, un soupçon qui à la vue du film
fut très vite mis de côté. Le Richard du titre est un adolescent de 18 ans, ami
protecteur, fils dévoué, joueur de rugby émérite, élève sérieux, charismatique
et populaire. S’il était humainement possible de frôler la perfection, Richard serait
l’un de ces spécimens rares. Une perfection si nette qu’elle ne peut forcément
que se fissurer. Trop beau pour être vrai ce Richard, il ne peut être promis à
une éternelle perfection - comme le titre l’indique. Un évènement va fissurer le
caractère de Richard, avant d’ébranler son monde et celui de son entourage.
La perfection aperçue n’était là que pour être écornée,
et l’être humain remarquable de se trouver bousculé au plus profond de son
être. Cette fissure s’agrandissant à vue d’œil
vient nous mettre face à nos propres défauts et cauchemars. Le film
tisse le fil d’un caractère admirable pour nous plonger dans les abîmes du
personnage, et ainsi explorer ses doutes face à ses erreurs, rendre palpables
ses inévitables réflexions. Le choix de coller au plus près de Richard nous
plonge dans sa peau au risque d’étouffer. Mais cette mise en scène sobre et posée,
cette musique douce et enivrante qui accompagne le film offrent des bouffées
d’air qui rendent le film aérien malgré tout.
Richard est à la fois un rêve et un cauchemar. Celui que
l’on pourrait de prime abord aspirer à être, et celui dont on ne voudrait pas
suivre le chemin, comme un paradoxe douloureux. « What Richard did »
laisse intelligemment planer le doute au moment où l’on quitte Richard, cette
âme charitable que les fêlures ont précipité dans l’effroyable. A l’heure où
vous lirez ces lignes, le film de Lenny Abrahamson sera certainement encore
moins visible qu’au moment de sa sortie. Mais cela ne signifie pas qu’il faille
abandonner l’idée de le voir.