lundi 26 octobre 2009

Il était une fois le plaisir de voir la Révolution selon Leone sur grand écran


Ne pas avoir vu certains des grands classiques du cinéma peut paraître lacunier aux yeux de certains pointilleux, mais les lacunes offrent l’instant de bonheur inaltérable qu’est le rattrapage en bonne et due forme. Pour Il était une fois la révolution, millésime 1971 de monsieur Sergio Leone, la bonne et due forme est proposée depuis le 21 octobre avec la reprise magnifiquement restaurée du long-métrage au Max Linder Panorama, une des plus belles salles et un des plus beaux écrans de la capitale.

Des six grands films de Sergio Leone (la trilogie de l’homme sans nom et la trilogie des « Il était une fois… »), Il était une fois la révolution est probablement le moins connu et apprécié à sa juste valeur aujourd’hui. Peut-être parce qu’il se situe dans un genre moins définissable que les autres, peut-être parce qu’à son casting ne figure ni Clint Eastwood, ni Henry Fonda, ni Robert De Niro, bien qu’en 1971 Rod Steiger était sans conteste une star, auréolé de son récent Oscar pour Dans la chaleur de la nuit.

Il serait pourtant temps que l’on admire l’avant-dernier film de Leone. L’action s’y déroule au Mexique en 1913. Si la révolution bat son plein dans le pays depuis quelques années, elle est loin des soucis de Juan Miranda, brigand rêvant de dévaliser la banque de Mesa Verde avec ses fils. Lorsque le destin met sur sa route un terroriste irlandais spécialiste des explosifs, il voit là le parfait complice pour enfin assouvir son vieux rêve. Mais au lieu de se trouver sur la piste de l’or, Miranda va malgré lui se trouver embarqué sur les chemins de la Révolution.

Il serait bien aisé de définir Il était une fois la Révolution comme un autre western spaghetti de Leone. On en trouve en effet très vite les ingrédients qui font notre régal. Le décor crasseux, ensoleillé et sableux ; la soif de l’or qui agite les personnages ; l’absence de morale qui caractérise ces derniers ; la musique de Morricone, emblématique et entêtante (shom, shom, shooooom). Pourtant Il était une fois la Révolution n’est pas un autre western spaghetti de Leone.

Le cinéaste italien, sans plonger son film dans l’épopée historique, ne se contente pas de laisser le contexte en arrière-plan. Mieux. En traitant de la Révolution Mexicaine des années 10, Leone trouve un sujet aux échos de son époque. La révolte du peuple face à la bourgeoisie était parfaitement d’actualité en ce début des années 70, ce soulèvement des masses face aux autorités trouvant un véritable écho à l’agitation mondiale de la fin des années 60. En faisant également de l’un de ses deux héros un révolutionnaire irlandais, Leone liait les révoltes des peuples de tous les pays, et pointait du doigt les conflits et ses dérives atroces de toutes nationalités.
Plus qu’aucun autre film de Leone, Il était une fois la Révolution est empreint d’un véritable discours politique et sociétal.

Ce qui fait le sel du film, c’est aussi le duo improbable formé par ce mexicain égocentrique et cet irlandais exilé, qui rappelle d’autres personnages de l’œuvre de Leone, notamment le duo Charles Bronson / Jason Robards dans Il était une fois dans l’Ouest et celui de Clint Eastwood / Eli Wallach dans Le bon, la brute et le truand. Leone aime à associer un mystérieux charismatique avec un bandit débraillé, amoral et bonhomme. Il pousse dans Il était une fois la révolution l’association plus loin que d’habitude, approfondissant la relation entre les deux hommes aux caractères opposés. Juan et John deviennent amis par la force des choses, en pointillé, dans le non-dit. Transformant presque le film en buddy movie inattendu, dense, épique, poignant.

Si l’on admire Leone, c’est pour l’ambition de son sujet. Si l’on aime son film, c’est parce qu’il affectionne plus que jamais ses personnages, les propulsant héros de la Révolution sans jamais les glorifier, dessinant avec force et simplicité leur humanité. Rod Steiger et James Coburn y sont magnifiques. Quel régal qu’un tel film sur grand écran…

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