mardi 11 mars 2014

Peut-on parler pendant les pubs ?

J’ai failli perdre mon sang froid. Peut-être l’ai-je un peu perdu. Peut-on parler pendant les publicités au cinéma ? Je me (vous) pose la question, parce que je me suis fait verbalement agressé par un spectateur énervé qui nous a vociférés dessus, un ami  et moi, parce que nous discutions pendant les publicités.

C’était dans la grande salle 10 à l’UGC Ciné Cité Les Halles pour découvrir le réjouissant « The Grand Budapest Hotel » de Wes Anderson. Dans la salle, mon amie et moi étions tombés par hasard sur mon alter-ego cinéphile Michael de Fun Culture Pop que je n’avais pas vu depuis quelques semaines. Comme d’habitude, aux Halles, il n’y avait que quelques secondes d’espacement entre les séances, et du coup, à peine entrés en salle, ce sont les publicités qui commencent (les bandes annonces, ils ne connaissent pas là-bas, hormis celles payées par les distributeurs).

Et voilà, comme la plupart des spectateurs pendant les publicités, Michael et moi nous sommes mis à discuter, d’autant plus facilement que nous sommes tombés l’un sur l’autre par hasard. J’ai beau être moi-même un spectateur maniaque - je ne m’en cache jamais dans ces pages - un spectateur qui ne supporte pas les gens qui parlent pendant un film, je n’ai jamais reproché à un cospectateur de discuter pendant les pubs et bandes annonces. Tant que les gens se tiennent pendant le film, ils peuvent bien parler autant qu’ils veulent avant, d’autant plus facilement le weekend, en après-midi, dans une salle pleine ou presque.

Nous voici donc discutant, probablement des derniers films que nous avions vus, quand tout à coup, telle la foudre s’abattant sans crier gare, le voisin de Michael se met à nous hurler dessus « Mais c’est pas possible, c’est pas bientôt fini, on est au café du commerce quoi ??!!! On peut pas regarder les bandes annonces tranquillement !!?? », le tout avec une férocité prompte à éclater un tympan.
Abasourdi, je restai coi quelques instants, ne comprenant pas vraiment ce qui venait de se passer. Le temps de reprendre mes esprits, je lui répondis. Mon esprit bouillonnait tellement  qu’à vrai dire je ne me souviens plus vraiment de ce que je lui répondis à part que ce n’étaient que les publicités et que nous ne moufterions pas pendant le film si c’était ce qui l’inquiétait, mais comme il ne se calmait pas, je lui lançai qu’il n’avait pas intérêt de son côté à l’ouvrir pendant le film parce que sinon ma réaction fuserait. On s’est envoyé une ou deux répliques sèches avant de finalement se taire pour regarder religieusement le reste des publicités. J’aurais nettement mieux réagi sans l’agression verbale, après tout si quelqu’un tient absolument à voir les pubs sans dérangement, si on me le demande gentiment, mais il n’y avait rien de civil dans la réaction de ce spectateur.
Je ne pus m’empêcher, à la fin de la publicité suivante (pour une voiture) de m’extasier ironiquement et assez fort pour qu’il m’entende « Aaaah ça c’était une belle pub, je suis bien content de l’avoir vue ».


Une heure et quarante minutes plus tard, lorsque le générique de fin de « The Grand Budapest Hotel » commença à défiler, ce cher spectateur n’attendit pas longtemps avant de se tourner vers sa femme pour déblatérer avec elle. L’envie de l’alpaguer fut très forte pour lui faire remarquer que je voulais regarder le générique sans ses commentaires parce que contrairement aux pubs, le générique fait partie du film, mais l’énervement que cela aurait certainement provoqué en moi m’aurait gâché l’euphorie dans laquelle Wes Anderson avait réussi à me plonger. Aussi me suis-je tu. J’ai laissé les aventures du Grand Budapest Hotel et de ses occupants à travers les époques s’insuffler en moi sans que la bêtise humaine ne vienne égratigner cet instant de grâce offert par l’un de mes cinéastes fétiches. Le jeu n’en valait pas la chandelle, pour quelqu’un qui tient en plus haute estime les publicités que le générique de fin.
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