jeudi 28 avril 2011

Deux films de Steven Seagal à la Cinémathèque ? Vive les soirées bis !

A quand remontait ma dernière participation à une soirée Cinéma Bis de la Cinémathèque Française ? A l’époque la Cinémathèque ne se trouvait pas encore adossée au parc de Bercy, et les doubles projections de nanars avaient lieu dans la salle des Grands Boulevards. Oui, ça se compte en années, j’avais bel et bien perdu l’habitude de ces rendez-vous entre amateurs de cinéma tellement mauvais que c’en est génial. Les nuits au Nouveau Latina m’auront sans doute redonné goût au genre, bien que la programmation particulière de vendredi dernier m’ait à coup sûr irrésistiblement attiré dans la salle Henri Langlois.

Comment résister, en effet, à un double programme dédié à Steven Seagal dans ce temple de la cinéphilie qu’est la Cinémathèque Française ? L’occasion est trop rare et jouissive pour manquer un tel évènement ! Vendredi dernier donc, l’ex-star du cinéma d’action des années 90, depuis reléguée au marché vidéo, était la star de la Cinémathèque Française. A juste titre, Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque et notamment des soirées Bis, nous annonçait en préambule des projections qu’il s’agissait là certainement de la première fois que l’homme au catogan voyait ses films montrés dans ce haut lieu cinéphile de la capitale parisienne. Rauger nous dégoûtait même en nous révélant qu’il s’en était fallu de peu que Seagal ait été présent à la soirée. Dingue, n’est-ce pas ? Tant pis.

Il n’était nul besoin de la présence du fameux interprète de Casey Ryback (« Vous êtes qui vous, un genre d’agent des forces spécial ? - Nan moi j’suis le cuistot ») pour mettre le feu à la grande salle de la Cinémathèque vendredi soir. Les deux films s’en sont chargés d’eux-mêmes.
Le premier des deux longs-métrages, projeté devant une salle quasi comble (et les habitués du lieu savent à quelle point la salle est grande) était Désigné pour mourir (Marked for Death). Il faut reconnaître que le titre annonce la couleur. Il s’agissait là d’un des tous premiers films de Seagal, datant de 1990, dans lequel l’expert en aïkido incarne un flic prenant une retraite anticipée après le décès de son partenaire lors d’une mission. Hatcher, le nom de son personnage, décidé alors de retourner à la maison se ressourcer auprès de sa famille et ses amis. Mais la situation locale est tout aussi critique que dans les cartels mexicains : sa petite bourgade natale est gangrenée par les trafics de drogue, et lorsque ceux-ci mettent en péril sa famille, Hatcher va montrer aux dealers Jamaïcains de quel bois il se chauffe.

Désigné pour mourir, c’est un peu l’archétype parfait du film d’action américain des années 80/90 : de la castagne bien saignante, des dialogues souvent hilarants, des personnages forcés, et une bonne ambiance bien réac’. Bref une jubilation intense pour amateur de nanars. Les copies que la Cinémathèque nous a présenté auraient pu passer pour neuves, Jean-François Rauger soulignant à juste titre qu’à l’époque, ce genre de film ne tournait pas beaucoup en VOST dans les salles françaises, or les copies auxquelles nous avons eu droit ce soir-là étaient bien en version originale. Certes on pouvait un peu regretter de ne pas avoir droit à une VF qui aurait à coup sûr renforcé l’aspect nanaresque des films, mais en fin de compte, force était de constater que les films n’avaient pas besoin de version française pour nous amuser.

La confrontation aux ravages de la drogue et aux dealers dans le cinéma d’action à la Steven Seagal ou Chuck Norris a toujours été une mine pour des répliques savoureuses, et Désigné pour mourir l’a une fois de plus prouvé. Je crois que ce que je retiendrai le plus longtemps de ce film de Dwight Little, ce sont les tentatives de Keith David, qui interprète le meilleur ami de Seagal, pour convaincre son vieux pote qu’il est temps de se bouger les fesses pour nettoyer la ville de cette vermine dealeuse. Première tentative de David, coach de foot, alors que les deux amis viennent de se retrouver : « L’année dernière, j’ai perdu mon meilleur joueur, il est mort d’une overdose. Avant, le pire qui pouvait arriver, c’était qu’un joueur mette une fille en cloque ». Petit rictus de Seagal. Nan, Keith, tu l’as pas convaincu.

Quelques minutes plus tard, les deux compères sont accoudés à un bar, sirotant une bière. Keith David n’abandonne pas. Le coup du meilleur joueur n’a pas pris, il passe à l’étape suivante, et au détour de la conversation en remet une couche plus épaisse : « Le mois dernier, ma nièce de 13 ans est morte d’une overdose ». Aouch ! La salle est absolument hilare devant cette réplique lancée par Keith David.

Finalement, la seule chose qui fera enfin bouger Steven, c’est lorsque les Jamaïcains vont mitrailler la maison de sa sœur, laissant sa nièce dans un piteux état à l’hôpital. Là, le Steven va sortir ses flingues et aller tâter de ses bras véloces dans la tronche des dealeurs. Un régal. Pour la petite anecdote, dans la scène d’ouverture, Steven court après un mexicain, l’attrape et le rétame au sol. Ce mexicain, c’est Danny Trejo, futur Machete, un film dans lequel Seagal a fait un retour fracassant l’année dernière.

Mais le film que j’avais le plus hâte de voir sur grand écran, c’était Terrain Miné. Peut-être parce qu’il s’agissait de la première tentative de Steven derrière la caméra. Peut-être parce qu’on connaît tous une réplique grandiose du film, en VF, et qu’il s’agissait là de la découvrir en VO. Peut-être aussi parce que le film, sous ses atours de film d’action estampillé Steven Seagal, est un film écolo engagé (oui oui !) qui lui tenait particulièrement à cœur. La salle avait beau s’être vidée un peu pour la séance de 22h, les vrais amateurs étaient encore là pour voir Steven affronter un Michael Caine teint en brun et gominé qui nous rappelait là à quel point sa carrière était au plus mal dans les années 90. L’acteur britannique cabotine à outrance, tant qu’il est difficile de croire que quelques années plus tard, Caine allait voir sa filmographie reprendre des couleurs et son nom de nouveau associé aux Oscars.

A l’époque, Terrain Miné est un projet qui tient à cœur à Seagal, qui pour voir son film produit par un studio, avait accepté de tourner une suite à son plus grand succès au box-office, Piège à grande vitesse succédant ainsi à Piège en haute mer. Dans Terrain Miné, Seagal incarne Forrest Taft, un ancien mec des forces spéciales exilé dans un coin paumé d’Alaska où il travaille pour un industriel massacrant la nature pour pomper du pétrole. Comme souvent, Steven est d’abord réticent à se rebeller, mais lorsqu’il devient gênant et que Caine cherche à se débarrasser de lui, Forrest en a marre et prend les armes pour contrecarrer les plans de l’industriel véreux.

Ce qui fait le sel de Terrain miné, ce n’est pas le casting dans lequel on trouve également Joan Chen, John C. McGinley, ou un Billy Bob Thornton difficile à reconnaître, ni l’action, finalement assez light comparé au film précédent, mais bien le détournement effectué par Steven Seagal du film que l’on attend de lui. On attend de lui un film d’action bourrin et marrant, mais Seagal avait un autre plan en tête. Il fait preuve d’une ambition à la fois admirable, naïve et ridicule qui finalement frise le génie. Car Seagal fait glisser son long-métrage du film d’action lambda au quasi documentaire écolo lorsque le générique de fin se profile. C’est un plaisir à voir, car bien sûr, le scénario est gratiné en répliques savoureuses, aussi bien au niveau de l’ambition philosophique (les banalités comme « Combien de temps faut-il pour changer la nature d’un homme ? » en pleine baston fait pouffer) qu’au niveau des dialogues purement bastonneurs (l’inénarrable et culte « C’est le genre de type qui boirait un bidon d’essence pour pouvoir pisser sur ton feu de camp. Ce mec là, tu le largues au Pôle Nord, sur la banquise, avec un slip de bain pour tout vêtement, sans une brosse à dents, et demain après-midi tu le vois débarquer au bord de ta piscine avec un sourire jusqu’aux oreilles et les poches bourrées de pesos. »).

Lorsque Terrain Miné se transforme en un enchaînement d’images documentaires commentées par Steven himself alertant sur les dangers menaçant l’environnement, on ne sait s’il faut rire, pleurer ou applaudir. Alors dans le doute rires, pleurs et applaudissements retentissent de concert (bon d’accord, les pleurs sont plus discrets). Merci la Cinémathèque, vivre ça au cinéma, c’est jouissif.

P.S. : quelques jours plus tard, Piège en haute mer passait sur la TNT, et je n’ai pas pu y résister… Après le souvenir de mon premier film aux Halles, c'est décidément une semaine Steven Seagal pour moi !

vendredi 22 avril 2011

Souvenir... Mes débuts de spectateur aux Halles avec Kurt Russell et Steven Seagal

Le Colisée de Villeparisis, Le Jacques Tati de Tremblay en France, le Ciné 104 de Pantin… à chaque période de la vie correspond un cinéma, bien souvent de quartier, dans lequel j’ai aimé poser mes yeux de rêveur sur un grand écran. Depuis que j’habite Paris, mon cinéma de quartier est devenu le premier cinéma d’Europe. Étrange pour un cinéma de quartier, je sais. Mais il faut dire que je fréquentais l’UGC Ciné Cité Les Halles bien avant de m’installer dans le coin. En fait, pour être plus précis, dans quelques jours, cela fera quinze ans exactement que je suis un habitué des lieux. Depuis un certain jour de mai 1996.

Le multiplexe parisien, seulement quinze salles à l’époque (tout de même, me direz-vous !, mais aujourd’hui il en compte 19), était ouvert depuis bientôt un an. A l’époque j’habitais la banlieue, et 95% des films que je voyais, je les voyais en banlieue, soit au Ciné 104 de Pantin, le cinéma art & essai de quartier, soit à l’Artel de Rosny-sous-Bois qui passait les films hollywoodiens dès leur sortie et où ma mère nous emmenait en voiture ma sœur et moi - quand je n’y allais pas en bus. Donc les films que je voyais au cinéma à Paris étaient finalement assez rares, et peut-être est-ce pour cela qu’il m’aura fallu près d’un an pour aller découvrir à quoi ressemblait ce complexe immense (aujourd'hui, on est blasé par un cinéma de 15 salles...).

Aujourd’hui encore, je m’étonne que le premier film que j’ai vu aux Halles soit… Ultime Décision. Mais si, vous savez, ce film d’action avec Kurt Russell et Steven Seagal qui se passe dans un avion… Voilà, celui avec Halle Berry en hôtesse de l’air courageuse. Je ne sais par quel miracle ma mère nous avait emmenés voir un tel film, elle que j’imagine si mal décider d’aller voir un film d’action avec Seagal. Mince alors, je devais être très persuasif à l’époque pour l’avoir convaincu de voir ça… à moins que le film n’ait eu une bonne critique dans Télérama, ce qui aurait aidé. Toujours est-il que je me souviens parfaitement que c’est ce film qui m’a le premier attiré dans l’antre de l’UGC Ciné Cité Les Halles. Je n’arrive plus à me souvenir si le film était projeté dans la salle 2 ou la salle 3. Pour qui a déjà été aux Halles, les deux salles sont jumelles, et les quinze années écoulées ont effacé cette certitude dans mon esprit. Je me revois plutôt faire la queue devant la salle 3, mais la mémoire peut être traître… Et puis après tout ce détail ne titille que moi, n'est-ce pas ?

Qu’il est étrange qu’entre les centaines de films que j’ai vus aux Halles, le premier soit ce film hollywoodien de Stuart Baird. Les plaisirs coupables, vous savez ce que c’est ? Ces films que l’on adore et que l’on pourrait regarder encore et encore alors même que l’on sait au fond de nous qu’ils ne sont pas de grands films. Qu’ils ne sont pas reconnus comme étant du cinéma de qualité. On en a tous des films comme ça, des films que l’on ne peut s’empêcher de regarder à chaque fois qu’ils passent à la télé, des films que la plupart des gens dédaignent, ignorent, détestent. Mais pas vous. Des films que l’on devrait regarder en disant « Mouais, pas génial », mais que l’on se surprend à adorer, quoi que les autres en pensent. Eh bien moi, un de mes grands plaisirs coupables, c’est Ultime Décision.

Ce film exerce sur moi un pouvoir d’attraction exceptionnel, pour un film du genre. Je me souviens que quelques mois après sa sortie en salles, ma mère s’était inscrite au vidéoclub du coin dans ma banlieue, et que le jour où elle s’est inscrite, j’avais fait des pieds et des mains pour qu’on loue le film. Ce jour-là j’avais perdu parce qu’Au nom du père passait à la télé le soir même et qu’elle tenait à le voir. Elle a bien fait de me le faire regarder, le film de Jim Sheridan, pas de doute, d’autant que le lendemain, on est retourné au vidéoclub, et on a loué Ultime Décision ! Depuis, j’ai bien dû voir le film trois ou quatre fois supplémentaires à la télévision où il est régulièrement diffusé, surtout depuis que la TNT a débarqué.

Je ne me lasse jamais de voir Kurt Russell en analyste n'ayant pas l'habitude de quitter son bureau (si ce n’est pour participer à des cocktails et des réunions) qui se trouve propulsé à la tête d’un commando tentant de neutraliser un groupe de terroristes ayant pris en otage un avion de ligne, et menaçant de le faire écraser sur Washington avec à son bord de quoi faire disparaître toute la côte est Américaine. Il n’y a rien à faire, ça m’éclate. J’aime le fait que Steven Seagal meurt avant la fin de la première demi-heure alors que l’on s’attend à ce qu’il joue au héros (bon ok, il joue au héros en se sacrifiant). J’aime David Suchet, que je regardais à l’époque jouer Hercule Poirot à la télé, interprétant le chef des terroristes. J’aime Oliver Platt, Joe Morton, John Leguizamo, Halle Berry et feu J.T. Walsh qui forment ce casting d’enfer. J’aime cet humour parcourant le film tout du long, mais jamais au détriment d’une tension parfaite, d’un suspense de tous les instants.

Ce film qui a tout d’une série B mineure, je n’y peux rien, je l’adore. Des plaisirs coupables, j’en ai quelques uns (un jour il faudrait que je vous fasse la liste), mais je crois bien que celui-ci est mon préféré. Au moment où j’écris ces mot, je me souviens même, à l’instant, que j’avais à l’époque une immense affiche du film tapissant l’un des murs de ma chambre. Si aujourd’hui j’ai une affection particulière pour Ultime Décision, il faut croire que c’est une réminiscence de mon adolescence. J’ai eu tellement d’affiches recouvrant les murs de ma chambre à l’époque que j’en avais oublié celle-là.

Quelques semaines après cette première expérience, je retournais aux Halles du haut de mes 14 ans pour tenter de voir Une Nuit en Enfer de Robert Rodriguez malgré l’interdiction aux moins de 16 ans (et j’ai échoué). J’y suis allé de plus en plus, jusqu’à ce que ce cinéma devienne donc mon terrain de jeux cinéphiles de prédilection. J’y ai vu des centaines de films. Mais le premier sera toujours Ultime Décision.

mercredi 20 avril 2011

Bienvenue Mister Chance : Peter Sellers était là

Le premier rôle qui me vient à l’esprit lorsque je pense à Peter Sellers, c’est Hrundi V. Bakshi, son acteur indien raté mais inénarrable ruinant une fiesta hollywoodienne avec une candeur sans pareille. Son visage grimé, son irrésistible accent indien et le burlesque du scénario de Blake Edwards ont inscrit La Party au Panthéon des comédies américaines. Quand je pense à Peter Sellers, je le vois donc le menton collé à la table et se prenant la porte de la cuisine à chaque fois qu’elle s’ouvre. Je le vois nourrir le perroquet avec ses « birdie num nums ». Et quelques secondes après avoir pensé à Bakshi, je m’en veux de n’avoir pas pensé en premier à Docteur Folamour et la fameuse triple performance de Sellers, en Folamour, en militaire britannique et en Président des États-Unis. Une performance folle et absolument géniale qui doit certainement rendre vert tout acteur qui se respecte.

Il y a longtemps que je voulais voir un certain film de l’acteur fétiche de Stanley Kubrick (c’est un raccourci, mais ils sont peu à avoir tourné plus d’un film avec le réalisateur de Lolita), un film tourné à la fin de sa vie, Bienvenue Mister Chance. Tout d’abord parce que de Tueurs de Dames à la série des Panthère Rose, en passant évidemment par les deux films cités plus haut, je suis un admirateur de Sellers. Mais aussi parce que le comédien travaillait pour l’occasion avec Hal Ashby, cinéaste phare du « Nouvel Hollywood » des années 70 avec des films comme Harold et Maude, La dernière corvée ou Le retour, et que mes lacunes sur le réalisateur sont trop grandes pour passer à coté d’une ressortie en copie neuve annoncée depuis des mois.

A une époque, je préférais la salle Henri Langlois du Grand Action. Le fait que j’ai vu sur cet écran un de mes films préférés, Rio Bravo de Howard Hawks, a dû jouer en sa faveur, mais j’ai depuis changé d’avis et ma préférence va désormais à la salle Henri Ginet. Si elle est plus petite, l’écran courbe est parfait et surtout, les fauteuils sont d’un confort d’une autre dimension par rapport à la salle Langlois. C’est donc sans regret que j’ai laissé passer près de trois semaines avant de venir voir Bienvenue Mister Chance au cinéma de la rue des Écoles, histoire de le voir dans la salle que j’affectionne le plus.

On est un mardi, la séance est à 17h30. A la caisse, juste devant moi, un vieux monsieur vient lui aussi pour le Peter Sellers. Lorsque j’arrive, il est en pleine discussion avec la caissière du Grand Action, une histoire de carte apparemment, le vieil homme ronchonne avec bonne humeur sur le fait que Le Despérado (anciennement Action Écoles), le cinéma voisin récemment repris par Jean-Pierre Mocky, n’accepte pas la Carte Illimitée. « Je vais aller lui parler moi à Mocky ! » dit-il avec le sourire. Une fois son billet imprimé, la jeune femme lui indique qu’il faut encore patienter un dizaine de minutes avant de rentrer en salle. « Ah bon ? » répond-il. « Bon bah en attendant je vais aller draguer une jolie fille moi ! A mon âge vous savez, je risque plus grand-chose » continue-t-il en riant. J’aurais juré que c’était l’employée du cinéma qu’il draguait…

Malheureusement le vieil homme n’était pas aussi sympathique dans la salle qu’à la caisse, son téléphone ayant sonné deux fois pendant le film, et plutôt que de l’éteindre, ce cher monsieur préférait décrocher et sortir de la salle pour répondre. Pas cool papy. Heureusement, voir Shirley MacLaine, Melvyn Douglas et Jack Warden se prendre de passion pour Peter Sellers à l’écran fait vite oublier qu’il y a des spectateurs dans la salle.

Sellers campe Chance, un homme simple d’esprit qui a vécu toute sa vie dans une maison qu’il doit quitter. Il y était jardinier, et son patron vient de décéder. Il n’est pas sorti dans les rues de Washington depuis des décennies, ne sait ni lire ni écrire, et le voici plongé dans l’Amérique des années 70. Suite à un petit accident, il va se trouver convalescent chez un couple riche et puissant dont le mari est en train de mourir. Ils ne comprennent pas qui est Chance et voit dans cet homme aux phrases simples et aux pensées étranges un sage qu’ils vont introduire dans les arcanes de Washington.

Chance, c’était Forrest Gump avant l’heure. Un gentil couillon transformé en héros par des gens incapables de reconnaître le premier degré de l’homme. Il ne connaît le monde qu’à travers ce que sa télévision lui a appris et n’aime rien tant que jardiner et parler des plantes. Aux yeux des politiques et riches industriels, ses discours sur le temps, les saisons et les fleurs passent pour du second degré, des métaphores sages qui vont faussement transformer notre simple jardinier qui n’y voit que du feu en un homme perspicace et important.

Au premier abord bercé d’une douce mélancolie, Bienvenue Mister Chance (en VO, "Being There", titre plus subtil) bascule au fil de son récit vers une comédie de moins en moins déguisée, raillant les grands de ce monde tellement cyniques qu’ils sont incapables de reconnaître la candeur lorsqu’elle est sous leur nez. Comme dans Harold et Maude, Ashby baigne son film d’une atmosphère crépusculaire dans laquelle la mort accompagne la vie à chaque instant. Ironiquement, le film était sorti en salles en France quelques jours après le décès de Peter Sellers, à l’été 1980. Ce qui avait sans aucun doute renforcé la mélancolie de ce conte humain. Une mélancolie encore palpable aujourd’hui. Hrundi V. Bakshi et Folamour vont pouvoir laisser une place pour Chance dans mon panthéon Sellers.

mardi 19 avril 2011

Jérémie Rénier tâte du collant dans Philibert, Catherine Deneuve se fige, et Harrison Ford dans tout ça ?!

Récemment dans la presse, Jérémie Rénier déclarait qu’il avait envie que des réalisateurs lui offrent des rôles de mecs, des vrais, car il était sur une série de rôles pas franchement virils. Aurait-il peur qu’on le cantonne aux rôles efféminés sur les bords ? Il faut dire qu’après le fiston de Potiche, le voici en mode homoparodique des films de capes et d’épées avec Les aventures de Philibert, capitaine puceau. Enfiler les pattes d’eph’ de Cloclo le poussera-t-il encore dans cette direction ?

Quoi qu’il en soit, le problème de Philibert, ce n’est pas l’homoparodie recherchée, mais bien le fait qu’au-delà de la gentille et souriante parodie cinématographique, le réalisateur Sylvain Fusée et ses scénaristes n’ont pas grand-chose de mordant à nous faire déguster. J’attendais beaucoup de Philibert avant de découvrir le premier teaser qui m’a laissé abasourdi par la platitude des images montrées. « Ah… ça va être ça Philibert ? Pas un sourire décoché pendant la minute de bande-annonce, ça ne peut pas être bon signe… ».

Confirmation devant le long-métrage, bide monstrueux au box-office français ces dernières semaines. Lancé dans 300 salles, le film n’a même pas attiré 50.000 spectateurs en première semaine. Lorgnant à l’évidence sur le succès des OSS117 qui caracolaient en tête du box-office à leurs sorties respectives et affichaient 2 millions d’entrées en fin de parcours, Philibert comptait certainement lui aussi être millionnaire alors qu’il n’intègre même pas le Top 10 hebdomadaire et finira sa carrière dans le meilleur des cas aux alentours de 100.000 entrées… un score qui aurait déjà été considéré comme décevant en première semaine, sans doute.

Le fait que le film soit raté n’arrangera rien à sa carrière, mais il n’explique pas ce démarrage catastrophique. A cela, il faudra plutôt reprocher l’incapacité de vendre le film de la part du distributeur qui n’en aura jamais fait un film alléchant. L’absence de réelle qualité cinématographique du film ne fera que le couler plus rapidement. La parodie fait sourire, au mieux, quand on aimerait être hilare. Les personnages sont vides, les dialogues trop plats, et le film manque totalement d’empreinte visuelle. Que Jérémie Rénier se rassure, son Philibert en collant coloré et moulant ne restera pas longtemps dans les mémoires.

Un bide français qui fait plus de peine, c’est Les yeux de sa mère de Thierry Klifa. Le mélo de l’ancien critique de Studio Magazine, non exempt de défauts - à commencer par Catherine Deneuve et son rôle de vedette vieillissante du JT à la Claire Chazal – offrait des personnages touchants et un beau film sur les rapports filiaux. Si la Deneuve et sa fille fictive Géraldine Pailhas n’ont pas hérité des rôles les plus passionnants du film – surtout Deneuve qui semble incapable d’expressivité excepté lorsqu’elle crie sur Nicolas Duvauchelle – Les yeux de sa mère offre de forts personnages auxquels donner vie pour Marina Foïs (décidément une actrice qui prend de l’importance), Nicolas Duvauchelle ou le jeune Jean-Baptiste Lafarge.

Avec un beau petit star power au casting et des critiques plutôt élogieuses, le film avait de quoi attirer un ou deux millions de spectateurs en salles… pourtant il cale sous la barre des 200.000. Sont-ils comme moi un peu agacés par la Deneuve 2011, figée dans le temps et plus vraiment l’actrice qu’elle a été ? Si c’est cela, je ne peux pas leur reprocher d’avoir eu peur du film. Elle le tire vers le bas c’est certain, mais heureusement elle n’est pas seule à bord. Oui bon, je sais, je tape beaucoup sur Deneuve, mais puisque la critique française n’ose pas toucher à Catherine, moi ça ne me gêne pas, et ça me titille même, quand je la vois incapable d’exprimer quoi que ce soit de neuf à l’écran d’un film à l’autre. Harrison Ford, dans le genre ex-gloire plus vraiment dans le coup, aura au moins eu le mérite de jouer le grognon méchant avec conviction dans Morning Glory, même si le film n’est pas grand-chose de plus qu’une bonne sortie entre amis un vendredi soir, et que dans le dernier acte, ça part pas dans le bon sens (morale hollywoodienne, quand tu nous tiens…).

On verra si Deneuve sera plus convaincante en chantant chez Honoré ou en Reine d’Angleterre dans Astérix et Obélix : God save Britannia ! (l’humour lui avait réussi dans Palais Royal de Valérie Lermercier). Quant à Harrison, je sens que jouer de la gâchette face aux aliens dans Cowboys et Envahisseurs, ça va lui redorer le blason. Ah oui Jérémie, désolé je t’avais oublié. Bonne chance avec les pattes d’eph’ de Cloclo, il faut oser.

dimanche 17 avril 2011

Le Festival de Cannes arrive !

Je ne sais pas comment on faisait avant. Comment faisaient les cinégeeks pressés de connaître les films qui allaient être sélectionnés au Festival de Cannes, ceux qui auraient aimé découvrir le titre des films au moment où le directeur de la manifestation les annonçait. Devaient-ils attendre le lendemain que la liste paraisse dans la presse ? Ou bien un bulletin radio ? Je dis cela comme si c’était il y a cinquante ans, mais en fait il n’est nul besoin de remonter si loin, il y a quinze ans, la fébrilité du cinéphile curieux n’avait sûrement que ça à se mettre sous la dent s’il ne bossait pas dans la presse.

Aujourd’hui c’est différent. Non seulement il y a Internet, qui permet d’être informé encore plus vite, mais en plus avec Twitter, on découvre la liste des films sélectionnés au fur et à mesure que Thierry Frémaux l’annonce. Jeudi midi, mes yeux étaient donc sur la toile, guettant les twits des journalistes présents à la conférence de presse officialisant les films en sélection officielle au 64ème Festival de Cannes. Tous les ans c’est la même excitation et la même attente. Qui sera là ? Quel film mystérieux va sortir de nulle part ?

Cette semaine donc, jeudi 14 avril, les films en compétition pour la Palme d’Or 2011 ont été annoncés, tout comme ceux de la section « Un Certain Regard » et les films présents hors compétition et en séance spéciale. « La Quinzaine des Réalisateurs » et « La Semaine de la Critique », ce sera pour plus tard. Bien sûr, certains me diront « Mais pourquoi tu t’excites pour Cannes, t’iras même pas d’toute façon ! ». Je sais. Mais Cannes, ça ne se passe pas seulement sur la Croisette. Ca se passe dans la presse, sur Internet, et aussi dans les salles. Moi qui lit abondamment la presse quotidienne et surfe toute la journée, je sais d’avance que je ne pourrai échapper à vivre le festival au quotidien même sans y être. Le désir de films va naître au rythme du festival.

Et bien sûr, il y a les reprises. Un film sélectionné à Cannes passe souvent par la case parisienne rapidement. Un Certain Regard fait un détour par le Reflet Médicis, la Quinzaine des Réalisateurs par le Forum des Images, et la Semaine de la Critique par la Cinémathèque Française dès les jours suivant la fin du Festival. Quant aux films en compétition, il y en aura à coup sûr quelques uns qui feront un tour par Paris Cinéma début juillet. Cannes c’est une mine à envies, et c’est aussi le programme des films inattendus qui vont rythmer mon printemps. Alors les annonces cannoises, je les déguste.

Parlons d’envie, justement. Car parmi tous les films annoncés par Frémaux, ils sont nombreux à avoir fait naître l’envie de mon côté de l’ordinateur, pendant que les journalistes twittaient. La presse a énormément mis l’accent sur La conquète, le film de Xavier Durring sur Sarkozy (moi aussi je l’attends avec curiosité celui-là), ou sur Pirates des Caraïbes 4, la grosse machine hollywoodienne du printemps sélectionnée pour faire rayonner du glamour et de la star, mais dont très honnêtement je n’ai que faire (hors compétition, je suis plus excité par The Artist de Michel Hazanavicius…).

Je ne cacherai pas que la plupart des films annoncés par Frémaux, je ne les connais pas (encore). Et j’ai hâte d’en savoir plus sur ce premier film autrichien intitulé Michael, sur le nouveau film de Naomi Kawase (Hanezu no Tsuki), sur cet étrange film australien nommé Sleeping beauty ou sur cette comédie israélienne, Footnote, dont Frémaux semble fan. Mais je suis déjà sur les starting blocks de l’excitation cinéphile en sachant que The Tree of Life, le tant et longuement attendu film de Terrence Malick, sera bien en compétition. En sachant que Nicolas Winding Refn, le dément danois à qui l’on doit la trilogie Pusher et le grandiose Guerrier Silencieux, concourra lui aussi pour la Palme d’Or au milieu des Von Trier, Almodovar, Kaurismaki, Dardenne, Sorrentino et Moretti avec son film d’action Drive interprété par le toujours excellent Ryan Gosling. S’il y a bien une surprise majeure et enthousiasmante dans les 19 films en compétition, c’est la présence de Nicolas Winding Refn.

Quant à Un Certain Regard, il ressort de la sélection que la Corée du Sud, absente de la compétition, sera la nation majeure pour tenter de succéder à Hong Sang Soo qui avait décroché en 2010 le Prix pour Ha Ha Ha. Car ils ne seront pas moins de trois représentants du Pays du Matin Calme dans la section, dont… un nouveau Hong Sang Soo, déjà, un an après et alors qu’entre temps un autre film était passé par Venise en septembre. Le bonhomme tourne décidément aussi vite Brillante Mendoza, (au passage l’un des grands absents de la compétition pour la Palme…). Au côté de HSS, les deux autres coréens d’Un Certain Regard seront Na Hong Jin avec son Yellow Sea, trois ans après le passage cannois de son premier et immense film The Chaser, et Kim Ki-Duk, qui semblait s’être perdu ou retiré quelque peu des plateaux (on n’avait pas entendu parler de lui depuis Dream), qui revient enfin avec Arirang.

Il faudra aussi compter avec le singapourien Eric Khoo qui passe à l’animation avec Tatsumi, Nadine Labaki avec Et maintenant on va où ? et l’un des succès du dernier Festival de Sundance, l’américain Martha Marcy May Marlene dans lequel le saisissant John Hawkes de Winter’s Bone interprète le gourou d’une secte.
Dans quelques jours, on découvrira quels films ont été retenus pour la Quinzaine des Réalisateurs et la Semaine de la critique. Mais avant même le début des festivités, j’ai déjà assez de films pour rêver cinéma pendant quelque temps.

Par contre... je ne sais toujours pas ce que je vais faire de Polisse, moi qui aime aller voir tous les films en compétition mais qui m’étais juré de boycotter Maïwenn pour la spectatrice irrespectueuse et insupportable qu’elle est ? Pffff…

vendredi 15 avril 2011

Mon premier drama coréen !

Le cinéma coréen et moi, ça commence à remonter quelques années, comme je l’ai déjà raconté ici ou . S’il y a bien une passion qui a chamboulé ma vie, c’est celle du cinéma coréen. A travers lui, la Corée s’est peu à peu infiltré dans ma vie, la langue, les gens, le pays, la culture. Aucun cinéma ne m’a autant ouvert à son pays d’origine que celui de Corée. Pourtant depuis près de cinq ans que la culture coréenne a pris une place importante dans ma vie, j’ai toujours été résistant à l’un des pans les plus célèbres et populaires de celle-ci : ses séries télévisées.

Aujourd’hui je vais pourtant faire une petite incartade au sujet de prédilection qu’est le cinéma dans ce blog pour parler d’une série télé coréenne, ou « drama » pour les néophytes qui n’auraient jamais entendu le terme. Parce que figurez-vous qu’après des années de résistance, j’ai finalement craqué et goûté à mon premier drama coréen. Non, je ne me suis pas (encore ?) avalé le drama en entier, et je ne l’ai pas téléchargé et regardé sur mon écran d’ordi ou ma télé. Finalement pour que je me lance, il m’aura fallu attendre qu’un peu de grandeur soit mis dans la transaction, et du coup, ce drama, je l’ai vu sur grand écran.

Cette année, le festival Séries Mania, dont la seconde édition se tient ces jours-ci au Forum des Images des Halles, à Paris, a sélectionné quelques séries venues d’horizons plus exotiques que la France et les États-Unis, et notamment de Corée. Trois dramas ont été programmés, deux d’entre eux projetés mercredi soir à la suite, sans que mon emploi du temps me permette d’y assister. Si j’ai un reproche à exprimer à ce Festival, c’est que chaque épisode programmé ne le soit qu’une fois, quand l’une des qualités majeures des festivals est de programmer au moins deux fois un film, ou ici un épisode de série, pour mettre toutes les chances du côté des spectateurs intéressés d’accommoder son emploi du temps pour attraper tout ce qui nous intéresse. J’ai raté les dramas « Comrades » et « Chuno » parce qu’ils ne passaient qu’une fois, dommage. Heureusement, le troisième drama projeté l’était un jour et à un horaire qui me convenaient parfaitement

Ce drama donc, c’est Iris, l’un des programmes phares de la télévision coréenne en 2009, qui a apparemment explosé quelques records d’audience au pays de Bong Joon-Ho. En tête d’affiche, l’un des acteurs phares du cinéma coréen, le fameux Lee Byung Hun, que les cinéphiles français connaissent surtout pour ses collaborations avec Kim Jee-Woon et Park Chan-Wook. Si la salle 500 du Forum des Images n’était pas pleine pour assister à la projection du premier épisode d’Iris, il y avait bien tout de même une bonne centaine de spectateurs, du Directeur du Centre Culturel Coréen à l’amateur de série curieux en passant par quelques amateurs de Corée que j’avais déjà croisé l’automne dernier au Festival Franco-Coréen du Film.

J’ai bien conscience qu’il s’agit là de circonstances exceptionnelles pour découvrir l’épisode d’une série télé, et ceux qui connaissent la salle 500 du Forum savent de quoi je parle. Le festival n’a donc diffusé que le premier épisode d’Iris, soit une heure introductive pour cette série d’espionnage annoncée pleine d’action… et de romance. Difficile de dire quel était mon sentiment avant de voir l’épisode… certainement un mélange de curiosité amusée et d’appréhension. Surtout après que des amies fans de drama m’aient dit qu’elles n’avaient pas accroché à celui-ci. Désolé les filles, mais moi… je me suis bien amusé devant ce premier épisode d’Iris. Bon quand les mecs qui ont présenté la série devant le public ont dit que ça valait du 24, je ne suis pas sûr que j’irais jusque là dans les compliments. Au niveau de l’atmosphère, du style visuel donné à la série, cela manque pas mal de rugosité, même si la projection sur grand écran a peut-être joué contre la série à ce niveau-là.

Après une introduction de haute volée en Europe où un agent spécial incarné par Lee Byung Hun commet un assassinat commandité, le reste de l’épisode est un long flash-back où l’on voit comment son personnage est arrivé dans ces forces spéciales. Son entraînement à l’armée, sa mission dans une université où il se fait passer pour un étudiant, une amitié, un coup de foudre. En fait, ce premier épisode navigue assez peu dans le genre auquel le drama semble appartenir par la suite, à savoir une série d’action/espionnage. Ici, la série coule tranquillement, brossant de l’action, distillant de l’humour, dessinant un triangle amoureux à développer. Cette légèreté quasi omniprésente dans ce cadre sérieux est rafraichissante, et j’avoue que voir Lee Byung Hun dans un rôle qui frôle parfois le comique, léger et souriant, est une agréable surprise. Jusqu’ici, je crois que je n’avais vu l’acteur coréen que dans des drames exigeant un visage fermé, ce qui n’est pas le cas ici.

A la fin de ce prologue, le cadre et les personnages sont posés, et l’on sent que ce qui viendra dans les épisodes suivant mêlera l’action et la romance avec intensité, certainement avec moins d’humour que dans ce préambule. Ai-je envie de voir la suite ? Maintenant que la curiosité a été titillée, ça ne me déplairait pas de voir dans quelle direction l’intrigue va s’orienter, oui. Mais je n’en suis pas encore à tomber pleinement dans dramaland, où apparemment on aime bien filmer les acteurs torses nus en sueur. Iris cherche manifestement à accrocher à la fois le public masculin et féminin, et apparemment, cela fonctionne.

mercredi 13 avril 2011

Faut-il refaire Gatsby le Magnifique... en 3D ?

Parmi les nombreux films qu’il me reste encore à voir (j’écris ça comme si un jour cette infinie liste de films pourrait un jour être comblée, quelle ambition…), toutes les adaptations existantes de Gatsby le Magnifique figurent noir sur blanc. Je n’ai jamais vu un Gatsby le magnifique. En revanche j’ai lu le roman de Francis Scott Fitzgerald il y a quelques années. Il est de ces écrits qui se dévorent en quelques jours à peine, voire quelques heures, et qui font jaillir une lumière incroyable dans l’esprit de celui ou celle qui le lit.

En général, quand on pense à Gatsby, la silhouette de Robert Redford vient à l’esprit. Parce qu’il est celui qui a incarné Gatsby dans sa version cinématographique la plus célèbre, probablement. Parce que Redford fait partie de ces acteurs possédant cette présence mystérieuse et fascinante qui sied à Gatsby, aussi. Pourtant le film de 1974 de Jack Clayton n’a jamais vraiment été adulé ou considéré comme la transposition ultime de l’œuvre de Fitzgerald. Ce travail-là reste à faire, s’il doit jamais l’être, à ce qu’il paraît. Le débat de porter à l’écran les chefs-d’œuvre littéraires est un débat à part, et un débat qui nécessite assurément d’être pris au cas par cas. N’ayant jamais vu de Gatsby le magnifique sur grand écran, je me pose la question de refaire le roman de Fitzgerald sur grand écran avec les yeux vierges du passé cinématographique du roman.

Et si j’aborde la question c’est bien sûr parce que Gatsby le magnifique devrait prochainement reprendre vie au cinéma, dans les mois à venir. Le projet, d’envergure, est sur les tablettes d’un Baz Luhrmann qui n’a rien signé depuis un Australia qui a laissé un sentiment tiédasse à bon nombre de spectateurs. La première question qui se pose est bien sûr de savoir si Luhrmann (et sa caméra virevoltante) est l’homme de la situation. Le magnétique Gatsby a-t-il besoin de la mise en scène envolée du cinéaste australien ? L’idée peut être séduisante, de ne pas rendre une transposition trop sage de l’œuvre de Fitzgerald, de donner à cette demeure toute en lumière nocturne le faste festif auquel Luhrmann saurait certainement rendre honneur. Il y a également cette passion au cœur des films de Luhrmann, une passion certainement plus expressive et fantasque chez Luhrmann que chez Fitzgerald, et il serait certainement intéressant de voir l’australien se frotter à la passion selon F. Scott.

Le projet de Luhrmann est d’autant plus intrigant que le réalisateur est en train de s’entourer d’une distribution des plus alléchantes. Leonardo DiCaprio, Carey Mulligan, Tobey Maguire, Ben Affleck. Voici les premiers noms attachés au film, ou en passe de l’être. Maguire devrait interpréter le personnage narrateur de Nick Carraway, cet homme s’installant dans le New Jersey et se liant d’amitié avec un voisin mystérieux et charismatique, Jay Gatsby, organisant des fêtes dans son immense demeure et aimant en secret une femme mariée. DiCaprio reprendrait le fameux rôle de Gatsby, quand Mulligan jouerait son amante et Affleck l’époux de celle-ci. Avec un tel casting, je signe les yeux fermés, mais lorsqu’il s’agit en plus de Gatsby le Magnifique, je suis d’autant plus attiré et intrigué. DiCaprio a l’intensité et le détachement qui pourrait sied à Gatsby, Maguire la transparence calculée, Mulligan le charme enjôleur. Et Affleck a ce qu’il faut pour jouer le mari cocu, sans l’ombre d’un doute.

Malgré tout ce potentiel pourtant, Gatsby le Magnifique selon Baz Luhrmann affiche un point noir non négligeable. Le réalisateur veut faire le film en 3D. Une idée aussi étonnante que grotesque. Voilà un an et demi qu’Avatar a modifié le paysage cinématographique et aidé à malencontreusement démocratiser l’usage de la 3D, et si jusqu’à présent l’influence de la technique se limitait à l’animation et au fantastique essentiellement, elle déborde désormais vers des genres moins spécifiques. Et en l’occurrence, Gatsby le Magnifique, un drame romantique se déroulant dans l’Amérique bourgeoise de la première moitié du 20ème siècle. On est loin des aliens, des justiciers et des piranhas. Malheureusement en un an et demi, la 3D ne m’a pas convaincu qu’il s’agissait d’une révolution qui méritait de s’installer durablement et globalement dans le cinéma du 21ème siècle. Aucun film ne m’a persuadé qu’il s’agit d’autre chose que d’un gadget qui perturbe, voire gâche un film plus qu’autre chose. Je veux bien de la 3D, mais à toute petite dose, très occasionnellement, et non à tout bout de champ, pour tous les films d’animation, pour tous les films fantastiques, et en plus maintenant pour des longs-métrages comme une nouvelle adaptation de Gatsby le Magnifique.

Réalisateurs, producteurs, distributeurs et exploitants n’ont pas su interprété le succès d’Avatar. Ils ont bêtement cru que le raz-de-marée au box-office signifiait que désormais, les spectateurs désiraient voir la 3D envahir les salles de cinéma. Ils ont cru que désormais, les spectateurs voient les films sans relief comme moins intéressant que ceux qui se voient avec des lunettes. Ils ont cru que tous les films valaient d’être vus ainsi, quel que soit le genre, quelle que soit l’histoire qu’ils ont à nous raconter. Il serait temps que ces professionnels obnubilés par les chiffres comprennent que non, on ne veut pas de la 3D à toutes les sauces. Que je préfèrerais voir un Gatsby le Magnifique sans lunettes, sans 3D, sans gadget. Si le film est réussi, il n’est pas besoin que l’émotion cherche à nous attraper comme les enfants qui tendent la main vers l’écran avec leurs lunettes sur le nez. Elle vient à nous naturellement. Et la 3D n’y changera rien.
Faut-il refaire Gatsby le Magnifique ? Certainement. Mais sans 3D.

dimanche 10 avril 2011

Ces stars féminines des années 90 aujourd'hui dans l'ombre...

Alors que Meg Ryan vient d’annoncer son intention de passer derrière la caméra cette année et que Neve Campbell revient avec Scream 4 plusieurs années après avoir prouvé que finalement, elle n’était pas vraiment un espoir du cinéma américain, j’ai commencé à me demander où étaient passées certaines des actrices ayant marqué les années 90 à Hollywood. Si certaines ont bien passé le cap des années 2000 et sont toujours au top, où à défaut apparaissent régulièrement dans des films de premier plan, certaines semblent bel et bien ramer pour ne pas totalement tomber dans l’oubli, quand certaines ont quasiment disparu de la circulation. Qui sont-elles donc, celles qui auraient pu prétendre à une carrière à la Julianne Moore, Nicole Kidman ou Sandra Bullock mais ont souffert de ce qu’Hollywood accepte peu que ses stars féminines vieillissent ? J’en ai choisi six, majoritairement nées dans les années 50, certaines oscarisées, la plupart avec un agenda assez dégagé pour les mois et années à venir. Elles ont pourtant nettement marqué mon adolescence et le cinéma américain des années 90. Revue d’effectifs.

Geena Davis (née en 1956)
La période faste : entre 1986 et 1996
Ses films emblématiques : La Mouche, Beetlejuice, Thelma et Louise, Héros malgré lui, Au revoir à jamais.
La dernière apparition marquante : en maman dans la série de films Stuart Little.
Geena Davis a vécu dix années fastes à Hollywood entre le milieu des années 80 et le milieu des années 90. De la comédie, de l’action, des rôles à Oscar… La chute n’en a sûrement été que plus dure. Son côté maladroit ne cachait pas vraiment son allure déterminée et dangereuse qui la rendait populaire auprès des femmes et des hommes. Sa disparition de la carte hollywoodienne a plus ou moins coïncidé avec sa séparation d’avec Renny Harlin, pourtant on ne saurait vraiment faire le rapprochement, tant lui aussi est tombé dans l’oubli à Tinseltown. Davis a un moment essayé de se recycler à la télévision, mais la sauce n’a pas pris. Sa carrière n’avance plus depuis quelques années…

Whoopi Goldberg (née en 1955)
Sa période faste : 1990 et 1999
Ses films emblématiques : Ghost, Sister Act, Sister Act, acte 2, Le Roi Lion.
La dernière apparition marquante : Une vie volée avec Angelina Jolie et Wynona Ryder
La contribution de Whoopi Goldberg au cinéma n’est peut-être pas énorme sur le papier, mais à l’époque, au cours de la première partie des années 90, Whoopi était une vraie star. Cartons au box-office, un Oscar dans la poche, que ce soit aux États-Unis ou en France, l’actrice était une valeur sûre. Pourtant après quelques échecs à la fin de la décennie, elle est assez rapidement passée au second plan, se tournant vers les voix de dessins animés et la télévision. Aujourd’hui, elle fait encore parler d’elle aux États-Unis où elle anime un talk show sur le petit écran, mais cinématographiquement, sa carrière est au point mort depuis longtemps.

Meg Ryan (née en 1961)
Sa période faste : 1987 et 1998
Ses films emblématiques : L’aventure intérieure, Quand Harry rencontre Sally, Nuits blanches à Seattle, La Cité des Anges, Vous avez un mess@ge...
La dernière apparition marquante : In the Cut, de Jane Campion en 2003
Comme je le disais récemment, Meg Ryan a été la petite fiancée de l’Amérique, ayant même su capter l’attention du public étranger qui l’identifiait immédiatement à la comédie romantique hollywoodienne. Elle a su tenir tête à nombre de stars Hollywoodiennes dans des films futiles mais souvent cultes. Si elle est souvent associée à ses duos avec Tom Hanks, elle a également su s’écarter du genre qui lui collait à la peau, notamment dans A l’épreuve du feu d’Edward Zwick, et surtout le beau drame Flesh and Bone dans lequel elle partageait l’affiche avec son mari d’alors, Dennis Quaid. Depuis une dizaine d’années, ses films sont souvent cantonnés au marché vidéo. Ses débuts en tant que réalisatrice changeront peut-être la donne ?

Rene Russo (née en 1954)
Sa période faste : 1992 et 1999
Ses films emblématiques : Dans la ligne de mire, L’Arme Fatale 3 & 4, Get Shorty, Rançon…
La dernière apparition marquante : Une famille 2 en 1, une comédie familiale dispensable avec Dennis Quaid.
Au rayon des reconversions réussies du mannequinat vers la comédie, Kim Basinger ne fut pas la seule à se faire remarquer. Rene Russo fut elle aussi un bel exemple, commençant donc une carrière d’actrice sur le tard, la trentaine déjà entamée. Il ne lui fallu pas longtemps, une série et une poignée de films, avant de devenir une actrice incontournable à Hollywood, enchaînant les rôles face à Mel Gibson, Clint Eastwood, John Travolta, Dustin Hoffman, Kevin Costner ou Pierce Brosnan. Certes elle n’a jamais été le genre d’actrice à étinceler jusqu’à faire frémir les pronostiqueurs des Oscars, mais sa courte filmographie compte un bon ratio de succès. La décennie 2000 ne lui a pourtant pas franchement réussi… quelques flops et elle disparaît. Mais après six ans sans tourner, la voici de retour dans quelques semaines pour un second rôle dans le Thor de Kenneth Branagh…

Helen Hunt (née en 1963)
Sa période faste : 1996 et 2001
Ses films emblématiques : Twister, Pour le pire et pour le meilleur, Ce que veulent les femmes, Seul au monde…
La dernière apparition marquante : Une histoire de famille en 2007
Starisée par la série télé « Dingue de toi » au côté de Paul Reiser, elle doit à Twister, la grosse production produite par Steven Spielberg sur des chasseurs de tornades, son premier carton au box-office américain. A partir de là, elle a connu une carrière intense et judicieuse pendant quatre ou cinq ans, remportant un Oscar en 1998 pour sa prestation face à Jack Nicholson dans Pour le pire et pour le meilleur, puis enchaînant les premiers rôles chez Robert Altman, Robert Zemeckis et Woody Allen. Depuis 2001, ses apparitions sur grand écran sont rares, et ses débuts de réalisatrice avec Une histoire de famille sont restés assez confidentiels. Elle est aux États-Unis à l’affiche de Soul Surfer, un film qui a l’air bien bidon sur la jeune surfeuse s’étant fait dévorer un bras par un requin à Hawaï il y a quelques années. Pas le film qui la fera revenir sur le devant de la scène j’en ai peur.

Madeleine Stowe (née en 1958)
Sa période faste : 1990 et 2002
Ses films emblématiques : The Two Jakes, Le dernier des Mohicans, Short Cuts, L’armée des 12 singes…
La dernière apparition marquante : en épouse de Mel Gibson dans Nous étions soldats en 2002.
Son troublant regard a depuis longtemps disparu des écrans sans que personne ne s’en émeuve véritablement. Pourtant Jack Nicholson, Michael Mann, Robert Altman et Terry Gilliam, entre autres, l’ont fait tournée au cours des années 90. Elle baladait sur grand écran cette douceur mélancolique qui la rendait assez insaisissable. Moi-même j’avais bien du mal à définir si elle m’énervait ou me fascinait. Ces huit dernières années, elle n’a tourné qu’un ou deux téléfilms et une série, sans aucun projet pour le cinéma. Pour le moment, il semble que nous devions nous contenter du souvenir de son héroïne romantique du Dernier des Mohicans face à Daniel Day-Lewis…

jeudi 7 avril 2011

Y a-t-il encore une place dans le cinéma américain pour Meg Ryan ?

C’est la nouvelle la plus improbable et surprenante de la semaine dans le petit monde du cinéma américain : Meg Ryan s’apprête à passer derrière la caméra. Meg Ryan. Une figure féminine incontournable du Hollywood des années 80 et 90 qui n’a pas survécu à ces deux décennies et au fameux cap de la quarantaine connu pour être délicat pour les actrices américaines, surtout lorsque leur carrière se résume essentiellement à la comédie romantique et que leur popularité passe par un joli minois. Meg Ryan est l’exemple malheureusement parfait de ces actrices.

J’ai grandi à cette fameuse époque où Meg Ryan était la petite fiancée de l’Amérique. Elle était un peu l’actrice fétiche du pays, populaire auprès des femmes parce qu’elle était jolie sans être femme fatale, parce qu’elle symbolisait bien ce fantasme de la jeune femme affirmée cherchant l’âme sœur dans la jungle du célibat. Respectée parce qu’elle incarnait la solidité du couple à Hollywood via son mariage avec Dennis Quaid, parce qu’elle faisait des films drôles face à des stars masculines populaires, Billy Crystal, Tom Hanks, Nicolas Cage, Hugh Jackman. Des films romantiques, simples, capables de plaire au plus nombre : Quand Harry rencontre Sally, Nuits blanches à Seattle, Vous avez un mess@ge ou La Cité des Anges en ont fait une star du genre romantique.

Mais voilà des années que Meg Ryan semble être un fantôme. Quel est le dernier film dans lequel vous l’avez aperçue sur grand écran ? Pour ma part c’était In the cut de Jane Campion en 2003, un film noir et sensuel qui marquait un sacré virage dans la carrière de Meg, mais un virage qui n’a pas payé, puisqu’à l’évidence il ne lui a pas ouvert les portes des films « sérieux » que l’on pourrait offrir à une Julianne Moore ou une Nicole Kidman. Pari manqué, qui a suivi la rupture avec le public semblant plus dû aux cancans people de son divorce avec Quaid qu’à sa carrière d’actrice.

Depuis dix ans, sa carrière végète entre les films inutiles (le monde avait-il vraiment besoin d’un remake de The Women de Cukor ?) et les direct-to-video auxquels elle semble abonnée depuis un moment maintenant. Il n’y a qu’à la voir en photo pour comprendre que Ryan n’est plus que l’ombre d’elle-même, et qu’elle a abusé des artifices pour tenter de conserver le joli minois depuis longtemps oublié.
Finalement est-ce si surprenant d’apprendre qu’elle va passer de l’autre côté du miroir ? Son projet se présente comme un descendant des Copains d’abord de Lawrence Kasdan, intitulé Into the beautiful, et dans lequel Meg se contenterait de rester derrière la caméra. Elle vient de passer dix ans à poursuivre sa carrière dans une direction ne menant nulle part. Comme il y a dix ans, il semblerait que l’ancienne chérie du public américain est prête à offrir un nouveau visage à sa filmographie. L’idée est bonne, pourvu que le projet le soit aussi.

mercredi 6 avril 2011

Mon pire cauchemar : Huppert et Poelvoorde sur le grill

Lundi soir, je n’avais pas prévu d’aller au cinéma. Après avoir déjà enchaîné dans la journée le surprenant Ma part du gâteau de Cédric Klapisch et le rocambolesque - et non moins burlesque - Si tu meurs, je te tue d’Hiner Saleem, j’avais l’intention de laisser mes yeux au repos jusqu’au lendemain. Mais l’appel du mystère est souvent le plus fort, et lorsque mon ami de Yuzu Melodies m’a appelé pour me proposer de l’accompagner à une projection test au Publicis à 20h30, la curiosité l’a emporté, une fois de plus.

C’est tout le charme des projections tests, de ne pas savoir le film que l’on va découvrir. En 2010 j’avais assisté à deux d’entre elles, et l’occasion se présentait pour ma première de 2011. Après la comédie avec Audrey Tautou et le documentaire écolo de Disney, qu’allait donc me réserver cette projection surprise ? Pas une horreur du standing d’AO le dernier néenderthal, c’est tout ce que je craignais. C’est la première fois que j’assistais à une telle projection au Publicis. Habituellement, le test se joue plutôt à l’Élysée Biarritz, avec une salle pleine à craquer. La grande salle du Publicis, c’est tout de même 400 places. L’amateur de la salle des Champs-Élysées que je suis est donc resté bluffé, lundi soir, par la vision de la salle 1 du Publicis qui affichait complet. Je ne l’avais jamais vue ainsi, débordante de spectateurs, emplissant chaque recoin de fauteuil dont la salle dispose. Ailleurs, ça ne m’impressionnerait pas. Au Publicis, la vision était presque surréaliste.

Comme pour les deux dernières projections tests, je n’ai pas eu à signer de clause de confidentialité, me voici donc libre de parler du film découvert ce soir-là. Comme d’habitude, le suspense sur l’identité du long-métrage a été entretenue jusqu’à la dernière seconde, lorsque le titre du film est apparu sur l’écran. Auparavant tout de même, un sérieux indice apparaissait dans le questionnaire précédant la projection, sous la forme de cette question : « Que pensez-vous des acteurs suivant ? Isabelle Huppert, Benoît Poelvoorde, André Dussollier, Virginie Efira ». Quiconque n’avait pas compris que nous nous apprêtions à voir un film au générique duquel allaient figurer ces quatre acteurs est lent à l’allumage.

Le film que nous avons découvert, c’est donc Mon pire cauchemar, la nouvelle comédie écrite et réalisée par la cinéaste Anne Fontaine. Devant la caméra, les quatre comédiens précités. Je dois bien avouer que le titre ne m’a rien évoqué, et que je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. La surprise fut très agréable. La réalisatrice d’Augustin roi du kung fu, de La fille de Monaco et de Coco avant Chanel nous plonge dans une comédie hilarante menée tambour battant par Huppert et Poelvoorde dans un duo d’antagonistes irrésistible. Elle navigue dans l’art et l’opulence, est froide, mariée et coincée. Il vit de petits boulots, n’a pas vraiment d’appartement, est beauf, plus ou moins célibataire et bien lourd. Pourtant leurs enfants sont camarades de classe et amis, et bientôt Poelvoorde va envahir la vie d’Huppert, et le couple qu’elle forme avec Dussollier.

Les rires ont fusé d’entrée de jeu, allègrement et intensément (les miens en tout cas) face à la joute entre Huppert qui joue la cold bitch qu’elle maîtrise si bien et Poelvoorde qui joue le balourd vulgaire avec son talent naturel. Pendant la première demi-heure, le film navigue dans la pure comédie avec une aisance et une écriture qui ravissent les zygomatiques. J’aurais pu m’en saouler avec plaisir pendant 1h30, mais au fur et à mesure du long-métrage, Anne Fontaine met peu à peu le frein sur l’humour pur, teintant plutôt son film de légèreté que d’énormité, notamment en mettant un peu plus en avant le personnage d’André Dussollier, éditeur sexagénaire qui trouve une nouvelle jeunesse dans sa drôle d’amitié avec Poelvoorde, puis dans les joies de l’adultère avec Virginie Efira.

Très franchement le film aurait fait un sans faute si le dernier acte n’avait pas pointé le bout de son nez. Je ne sais pas dans quelle mesure le film va encore être modifié d’ici à sa sortie, annoncée pour novembre 2011. Le film nous a été présenté comme étant une copie de travail en cours de finition, mais très honnêtement, le film semblait quasiment prêt, contrairement à certaines autres projections tests auxquelles j’ai pu assister et où ni le mixage ni l’étalonnage n’étaient terminé, sans parler de la musique qui était inexistante. Non, ici, mixage et étalonnage semblaient faits, ou quasiment, et la musique (de Bruno Coulais) était bien là.

Le montage du dernier acte, en revanche, semblait brinquebalant. L’archétype même du film ne sachant trouver son dénouement, rebondissant trop, ouvrant de nouvelles portes à l’heure où elles devraient toutes se clore. Tout à coup, la légèreté laisse place, sinon au drame du moins au sérieux, la rupture de ton s’installe tardivement et précipitamment, en conséquence de quoi elle ne convainc pas. L’alcoolisme du personnage principal ne semblait pas franchement soucier le scénario jusque là, mais dans le dernier quart d’heure, le film se relance dessus après une séquence qui semblait clore le film. On ne sait trop pourquoi, ce tiroir s’ouvre donc brusquement, un brin moralisateur, avec une telle rapidité qu’on n’a pas franchement le temps de s’en émouvoir. Heureusement Poelvoorde est un excellent acteur, et il fait passer la pilule par son talent, mais il est facile de regretter qu’Anne Fontaine n’ait pas choisi une des deux solutions plus satisfaisantes qui s’offrait à elle avec Mon pire cauchemar : traiter du sujet de l’alcoolisme plus tôt dans le film, et l’inscrire franchement en son cœur, ou carrément retirer quinze minutes à son film.
La sortie est encore loin, mais j’imagine mal la réalisatrice changer si radicalement le dernier acte de son film… à moins qu’elle n’y ait songé d’elle-même. Et même si tel quel, Mon pire cauchemar est déjà un bon film.

mardi 5 avril 2011

Deux nouvelles salles pour les 300 de l'IBC

Certains vous diraient que je passe ma vie au cinéma. Que je suis un rat de salles. D’autres trouveraient l’appellation exagérée, d’autres qui s’assoient encore plus souvent que moi devant un grand écran (on trouve toujours plus assidu que soi). Je connais mes lacunes, et il m’arrive parfois de les regretter. Comme toutes ces salles que je n’ai jamais explorées, moi qui me considère comme un amoureux des salles, justement. Ma maniaquerie commence d’ailleurs par cet amour des salles, un amour qui fait que je manque souvent de motivation pour regarder un film à la télé. Quand on a goûté au plaisir du grand écran, comment se contenter d’un écran de salon ? J’ai du mal.

Et pourtant donc, malgré cet amour des salles, je me surprends régulièrement à me rendre compte qu’il y en a encore tant, dans ce Paris que j’ai fait mien, tant que mes yeux n’ont encore jamais admiré de l’intérieur. Vous voulez des noms ? L’Accattone, le Studio des Ursulines, le Lucernaire, la Pagode, le Brady, le Majestic Bastille, l’Escurial Panorama, le Denfert, l’Entrepôt, le Chaplin (Saint-Lambert), le Studio 28… Et sûrement un ou deux autres. Il existe des dizaines de cinémas à Paris, et par eux des centaines de salles... cette douzaine de cinémas que je ne connais que de nom et de vue ne doit pas être tant que cela, après tout, d’autant qu’il y en a sûrement dans le lot que j’ai déjà visités il y a quelques années sans m’en souvenir, c’est possible.. Mais que voulez-vous, cette curiosité cinéphile qui vous remue, elle passe aussi par la curiosité de connaître chaque lieu clé de la capitale mondiale de la cinéphilie.

Chacun a ses petites habitudes où il aime aller frayer son caractère de spectateur, moi le premier. Pour voir une nouveauté, je descends à l’UGC Ciné Cité Les Halles à quelques pas de chez moi. Pour un film d’auteur plus pointu, mon cœur balance entre l’Élysée Lincoln, le Balzac et le Reflet Médicis. Côté mk2, j’aime la tranquillité et le confort du Hautefeuille, quand Beaubourg m’étouffe et les coups de pieds incessants me labourant le dos au mk2 Bibliothèque m’insupportent. Et quand je veux voir un vieux film, je file à la Filmothèque du Quartier Latin ou au Grand Action. Ajoutez à cela un petit Max Linder Panorama de temps en temps pour les envies de grandeur, le Publicis pour les sorties techniques et son calme voluptueux, la Cinémathèque et le Forum des images à l’occasion, et voilà ma zone cinéphile définie.

Mais de temps en temps, sortir de sa zone de confort, c’est d’autant plus vital que l’envie de découverte, l’envie de nouvelles têtes, de nouveaux fauteuils, de nouveaux écrans se fait sentir. Ainsi le week-end dernier, sans que cela soit prémédité, j’ai exploré deux salles parisiennes que je n’avais jamais testées. Le Cinéma du Panthéon tout d’abord. Située à une rue de la Filmothèque, rue Victor Cousin, la salle voisine du Jardin du Luxembourg avait en 2006 été refaite à neuf et parrainée par Catherine Deneuve elle-même. Je ne m’en suis souvenu qu’en pénétrant dans cette salle unique, l’une des plus anciennes de Paris puisqu’elle programme des films depuis 1907 (!!), en découvrant ce hall design, puis cette salle de belle taille, à plat sans que cela soit trop gênant grâce à un écran conséquent et à des fauteuils joliment colorés et surtout très confortables (c’est le maniaque qui parle ici). J’ai pu y apprécié le dernier Ken Loach, Route Irish, qui malgré son passage en compétition au dernier Festival de Cannes est sorti en toute discrétion dans les salles françaises, sans soulever le moindre enthousiasme, ni critique ni public. Il faut dire qu’on est loin de ses œuvres les plus fortes.

L’autre salle que j’ai découverte le week-end dernier, je ne suis pas le seul à ne pas encore bien la connaître. Car Le Nouvel Odéon est flambant neuf depuis que le Racine Odéon a été démoli et reconstruit sous ce nouveau nom à l’automne dernier. Elle offre moins de fauteuils qu’avant les travaux (passés de 175 à 120), marquant le désir d’offrir aux spectateurs une qualité de projection optimale, et c’est réussi (même si un WC unique pour toute la salle, c’est short les gars, vous auriez pu prévoir un chouia plus large pour ne pas tomber dans le travers de la salle rouge de la Filmothèque…).. Si je suis allé au Nouvel Odéon ce jour-là, c’était pour découvrir Soleil Vert de Richard Fleischer, que je n’avais jamais vu, même si c’est le genre de film que l’on connaît sans l’avoir vu tant on en a entendu parler. Un film sur les dérives de la société et les inquiétudes environnementalistes fascinant qui mérite son statut de classique, projeté dans le cadre d’un festival tournant autour du thème du cannibalisme au cinéma…

Ce jour-là d’ailleurs, je n’étais pas le seul à tester pour la première fois la salle du Nouvel Odéon et à être attiré par Charlton Heston. A peine installé dans mon délicieux fauteuil, qui ai-je vu débouler en s’agitant devant la découverte de la salle neuve, commentant au passage ces nouveaux fauteuils contre lesquels il allait pouvoir s’appuyer, assis sur le sol, à son premier rang, exilé vers la droite ? Eh oui, l’homme aux sacs plastiques, encore lui, qui en ce jour ensoleillé ne dépareillait pas avec son habituel T-shirt. Ces marmonnements familiers m’ont révélé que lui aussi découvrait ce jour-là le Nouvel Odéon. Vers quel film et quelle salle a-t-il couru ensuite, je ne saurais le dire. Mais l’idée de partager à l’avenir le souvenir de la découverte de la salle du Nouvel Odéon avec lui, un souvenir convergeant vers le même jour, la même séance et le même film, voilà une idée qui me plait.

Petite anecdote, il s’agissait là du 300ème billet que j’ai écrit depuis les débuts de l’Impossible Blog Ciné en décembre 2008. J’espère qu’au gré des 300 suivants, je découvrirai encore de nouvelles salles à Paris…
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