mardi 29 mai 2012

Pourquoi j'aime le cinéma, 3ème

Croyiez-vous donc qu’il m’avait suffi d’un premier billet en février, puis d’un second en mars pour vous donner toutes les raisons expliquant mon amour du 7ème Art ? Bien sûr que non, alors en voici d'autres, tentant d'expliquer l'inexplicable : pourquoi je suis fou de cinéma. Et la série est loin d'être finie...


 Parce qu’à Paris, on peut presque tout voir.

Parce que dans JCVD, Jean-Claude Van Damme joue un monologue en plan-séquence digne des plus grands.

Parce que quand j’avais 15 ans, ma mère a accepté de m’accompagner voir Scream, interdit aux moins de 16 ans, uniquement parce que le film de Wes Craven avait une excellente critique dans Télérama.

Parce que John Cazale aura au moins fait cinq films.

Parce que si tu veux faire partie du Front du Peuple de Judée, tu dois détester les Romains. Beaucoup. Plus que ces co%#ards du Front Populaire de Judée en tout cas.


Parce que Lino Ventura et Patrick Dewaere perdent à la fin d’ « Adieu Poulet ».

Parce que Vizzini sait que Westley sait qu’il sait qu’il sait. Mais qu’il perd tout de même son duel.

Parce que Tony Leung et Andy Lau chantent eux-mêmes le générique de fin de « Infernal Affairs ».

Parce que Chuck Norris et David Hasselhoff font tous deux un caméo dans Dodgeball. Dans leurs propres rôles. Fucking Chuck Norris !

Parce qu’un jour où j’attendais quelqu’un à l’entrée d’un cinéma parisien, j’ai tourné la tête et découvert Maggie Cheung achetant du pop-corn. Là, juste à côté de moi.

Parce que Kenneth Branagh a réalisé une adaptation ciné de Hamlet affichant quatre heures au compteur. Et que je l’ai vue en salles. Et qu’il n’y a pas une minute de trop.

Parce que quand Jennifer Lopez joue, au moins, elle ne chante pas.

Parce qu’Orson Welles n’apparaît à l’écran qu’après plus de 45 minutes dans « Le troisième homme », mais que sa sortie de l’ombre, son sourire en coin et les notes de musique rendent cette entrée inoubliable.


Parce que Le Grand Rex a un ciel étoilé en guise de plafond.

Parce que j’ai vu « La Porte du Paradis » en salles en présence de Michael Cimino et Isabelle Huppert. Isabelle était assise juste devant moi, et lorsqu’elle est apparue nue à l’écran, je suis sûr qu’elle a rougi.

Parce que sans le cinéma, je n’aurais jamais mis les pieds en Corée.

Parce que j’ai revu Titanic en 3D à l’Orient Express, et qu’avec les habituels bruits de tuyauterie de la salle, j’ai vécu le naufrage en 4D.

Parce que dans 28 jours, 6 heures, 42 minutes et 12 secondes… le monde touchera à sa fin.

lundi 28 mai 2012

Bye Bye, Tim Burton !


Mon premier souvenir de Tim Burton, comme beaucoup de ma génération, c’est à « Batman » que je le dois. Michael Keaton, impassible, Jack Nicholson, incontrôlable. On ne peut pas dire que ce fut le début d’une histoire d’amour avec le cinéaste américain, car lorsque je l’ai découvert enfant, je me souciais moins du nom du réalisateur que des gadgets de l’homme chauve-souris, mais dès que la franchise a été reprise en main par Joel Schumacher, la nostalgie burtonienne a été facile à assimiler. C’est pourtant plus tard, en revoyant une seconde fois à la télé « Mars Attacks ! », et surtout en découvrant sur le tard « Edward aux mains d’argent » que le langage cinématographique de Tim Burton m’a enveloppé et hypnotisé. L’homme est devenu à mes yeux, par ces deux films, un chantre de l’absurde hilarant autant qu’un narrateur au romantisme hors-pair. Ce devait être à la fin des années 90, et c’est exactement au même moment que Burton a commencé à perdre sa patte.

Bien sûr, certains diront que Burton n’a pas perdu sa patte. Que « Sleepy Hollow », « Charlie et la Chocolaterie », « Sweeney Todd » ou « Alice aux Pays des Merveilles » conservent la touche unique de Burton, mais de mon côté, je ne peux trouver grâce que dans une moitié de « Big Fish » (celle avec Ewan McGregor). « Sleepy Hollow » a à mes yeux signifié le début de la fin. A partir de là, Burton s’est laissé entraîner dans une spirale de facilité, voire même de mauvais goût (c’est toi que je regarde, « Alice au pays des merveilles »…). Burton, cette ex-icône du gothique romantique, s’est laissé happer par un cinéma plus commercial, plus familial, et plus trivial. Ce qui en soit pourrait n’être qu’une déception morale mais non une déroute artistique, mais ce ne fut pas le cas. Burton a perdu le fil. Son cinéma a perdu de sa personnalité, ses personnages ne sont plus devenus que des caricatures de ce que l’on attend de lui. J’étais presque prêt à l’enterrer définitivement.

Et puis est arrivé « Dark Shadows ». Une bande-annonce funky, une ambiance colorée dans le bon sens du terme, et de l’humour à revendre. Tiens, Timmy avait-il retrouvé une partie de sa raison pour concocter un film, à défaut d’être à la hauteur de ses meilleurs, au moins amusant et agréable, des traits qui échappent à son cinéma depuis quelques films maintenant ? J’y ai cru, et je m’y suis donc rendu, avec toute la naïveté d’un garçon peut-être corrompu par le doux visage d’Eva Green trônant sur l’affiche. Tuons le suspense dans l’œuf, non seulement « Dark Shadows » n’a pas réhabilité le moins du monde Tim Burton à mes yeux, mais il l’a pour ainsi dire définitivement entraîné dans sa chute.

A ce moment de sa carrière, Burton avait besoin de montrer qu’il n’était pas devenu ce cinéaste tiraillé entre ses racines romantiquement sombres et ses dernières années gentiment familiales. Il ne fait pourtant que creuser un peu plus dans ce sens-là avec son dernier film, et le fait avec ce qui ressemble à une flemmardise des plus décevantes. L’intrigue, qui commence comme un conte gothique et finit par pousser vers une guéguerre familiale sans enjeu dramatique digne de ce nom, est d’une platitude folle. Quant à Johnny Depp, il devrait sérieusement repenser sa place dans le cinéma américain sous peine de vite trébucher de façon violente. C’est peut-être déjà trop tard, quand on voit qu’il s’est embarqué dans « The Lone Ranger » avec Jerry Bruckheimer et Gore Verbinski. Depp, comme Burton, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il s’est enfermé dans un cinéma hollywoodien de mauvais divertissement où il se contente d’amuser la galerie sans génie. Il est sans surprise, et le statut que lui a offert l’incroyable succès de « Pirates des Caraïbes », sa nomination aux Oscars, et la sympathie véhiculée par Jack Sparrow, du moins dans les premiers temps, se sont refermés sur lui tel un piège dont il n’a pas su s’extraire en se renouvelant. Depuis bientôt dix ans, Depp surfe sur la même vague, et un jour ou l’autre, il va tomber de la planche en se faisant mal. Vu le four de « Dark Shadows » aux États-Unis, où le film va ramer pour engranger 70 millions de dollars alors qu’il en visait vraisemblablement près du double pour amener des suites, la chute de Depp est amorcée. Et son duo avec Burton pourrait en souffrir.

Quoi qu’il en soit, mon histoire avec Tim Burton prend le coup de trop. Je n’avais déjà plus beaucoup d’espoir pour le réalisateur de « Ed Wood », mais « Dark Shadows » vient d’enterrer les derniers. Je me contenterai peut-être de revoir « Edward aux mains d’argent » en DVD la prochaine fois.

C’est envahi de ce sentiment d’échec que je sortais du cinéma, et que mes sens se sont trouvés agressés puis amusés par une foule féminine en délire devant le Forum des images. En quelques secondes, ma déception était oubliée, ou plutôt le film, et devant cette cinquantaine de filles en furie agglutinées devant les vitres du Forum des Images et cherchant vraisemblablement à apercevoir une star, la cocasserie m’a réveillé.  Mais qui était donc ce jeune homme (car vu la moyenne d’âge de la cohue, ce ne pouvait être qu’une jeune idole déchaînant de telles passions…) qui ainsi nous donnait l’impression d’être sur un tapis rouge cannois ? Robert Pattinson ? Pas Justin Bieber quand même, qu’est-ce que ce dernier serait venu faire au Forum des Images… Je décidai donc d’approcher une des créatures en furie du groupe semblant avoir à peu près mon âge pour lui demander qui donc déchaînait ainsi les passions. Paraissant un instant honteuse, elle détourna le regard et rougit avant de me dire « Ian Somerhalder, l’acteur de Vampire Diaries !!! », mais de l’air de celle qui se dit que je ne dois pas connaître. J’avais envie de lui dire « J’ai connu Ian Somerhalder avant toi poupée », avant de me souvenir que je n’appelle jamais les filles « poupée », encore moins celles dont je ne connais pas le prénom et que je viens d’interpeler dans la rue. Alors je me suis éloigné après avoir effectivement aperçu de loin l’acteur des « Lois de l’attraction » et de « Lost ».
Quelle aurait été l’état du lieu si cela avait été Robert Pattinson ? Je me le demande.

vendredi 25 mai 2012

"Margin Call" ressuscite des acteurs


Je me souviens de Paul Bettany au tout début des années 2000. Après quelques rôles dans le cinéma britannique, l’Anglais devenait peu à peu incontournable, en second rôle joyeux dans « Chevalier » au côté d’Heath Ledger, en binôme mystérieux ou éminemment sympathique de Russell Crowe dans « Un homme d’exception » puis « Master and Commander : de l’autre côté du monde », ou sur le plateau dépouillé du meilleur film de Lars Von Trier, « Dogville ». Bettany semblait en passe de devenir une des meilleures choses à être venue d’Angleterre ces dernières années… et puis finalement non. Est-ce un manque de lucidité ou un mauvais agent, toujours est-il que le mari de Jennifer Connelly (et on le jalouse tous pour cette alliance) a finalement passé les années suivantes à s’égarer à Hollywood, en tête d’affiche d’une comédie romantique sur fond de tennis (« Wimbledon »), en méchant dans des daubes à gros budget (« Firewall » et « Da Vinci Code »), ou en héros dans des nanars en puissance (« Légion » et « Priest », des perles du genre).

Et encore, je n’ai même pas mentionné « The Tourist ». L’une des rares satisfactions qu’il ait apporté au cinéma ces dernières années se résume à donner de la voix pour incarner Jarvis, la voix à tout faire de Tony Stark dans les « Iron Man » et « Avengers ». Je me suis rendu compte de cet égarement de Bettany il y a quelques jours en allant voir « Margin Call », le remarquable premier film de JC Chandor prenant pour cadre Wall Street. Le film  pourrait être une pièce de théâtre, ne quittant presque jamais les murs d’une grande banque spéculative le temps d’une nuit, la dernière nuit avant le krach boursier monstrueux de 2008. Dans cette banque en plein écrémage humain, un jeune analyste comprend que dans quelques heures, le marché va s’effondrer et prévient ses supérieurs. Cette dernière nuit, chacun est mis face à ses responsabilités et à ses doutes.

Il y a quelques mois, avant que le buzz ne monte autour du film et qu’il décroche une nomination à l’Oscar du Meilleur Scénario, j’aurais pu jeter un œil à la distribution et ranger le film au rayon des chiures de mouche. Avec des acteurs de série télé et des vieux briscards ayant laissé filé quelques trains à Hollywood, « Margin Call » aurait pu n’être qu’une anecdote dans la filmographie de ces acteurs. Paul Bettany donc, mais aussi au rayon des acteurs sous-employés ces dernières années, Jeremy Irons, Kevin Spacey, Demi Moore, et dans une moindre mesure Stanley Tucci. Au rayon des acteurs plus connus pour la télé que pour le ciné, Simon « Le Mentaliste » Baker, Penn « Gossip Girl » Badgley et Zachary « Heroes » Quinto, ce dernier étant par ailleurs producteur du film.

Une galerie d’acteurs n’ayant pas encore de véritable stature dans le cinéma américain, et d’autres l’ayant perdu (s’ils l’ont jamais eue…). Enfermés dans un immeuble à discourir sur la crise imminente et à se poser des questions en des termes opaques pour ceux qui comme moi ont fait des études littéraires et se sentent paumés dès que des données économiques sont en jeu. Et c’est absolument passionnant. Une plongée humaine fascinante, à travers la panique, à travers les stock-options et les tenants et aboutissants du monde de la finance, pour dresser un portrait d’hommes qui nous happe. Des hommes pas franchement aimables, pas franchement recommandables non plus, mais dont la chute donne lieu à voir ce qu’est une débandade. Un monde qui s’écroule et renvoie chacun sur Terre.

Bien sûr, le plus grand mérite en revient au scénario brillant de JC Chandor, pourtant sorti de nulle part. Mais une autre partie du mérite en revient également à cette troupe d’acteurs, aux Spacey, Tucci, Irons, Bettany, sobres, intenses, qui s’ils ne sont plus considérés à leur juste valeur dans le cinéma américain, prouvent qu’ils restent de féroces acteurs lorsqu’on leur offre un matériel digne d’eux. Et le scénario de JC Chandor est de ceux-là. 

mardi 22 mai 2012

"Dans la chaleur de la nuit", à la recherche de Sidney Poitier et Rod Steiger


Ce que j’aime avec les ressorties, c’est qu’en plus de me permettre de rattraper mes lacunes cinéphiles, elles me font réaliser à quel point celles-ci sont nombreuses. Bon, dis comme ça, on peut se demander si c’est vraiment quelque chose d’appréciable, mais dans un sens, si, je vous assure. La dernière ressortie que je suis allé voir, par exemple. « Dans la chaleur de la nuit » de Norman Jewison. Un classique, qui a glané une belle poignée d’Oscars et que dans ma tête, j’associais avec la starification de Sidney Poitier. Je pensais qu’il avait été nommé aux Oscars pour le film de Jewison, qu’il y était un fringant jeune homme de moins de 30 ans, et que le film lui avait ouvert toutes les portes.

Il y joue Virgil Tibbs, de passage dans un patelin du sud des Etats-Unis raciste des années 60 pour rendre visite à sa mère, et qui va se voir affubler du statut de suspect dans un meurtre qui vient d’accabler la ville. Sauf que Virgil est lui-même officier de police de son état dans la lointaine Philadelphie, et qu’en plus c’est un expert en homicides. De suspect, il va se trouver enquêteur sur l’affaire pour épauler Gillespie, le shérif local qui ne voit pas d’un bon œil qu’un noir vienne mettre de l’ordre dans sa ville.

En voyant « Dans la chaleur de la nuit », je me suis rendu compte qu’à l’époque, Poitier avait plus d’années au compteur que je ne lui donnais. Et en vérifiant, je me suis même rendu compte qu’il avait à peu de choses près le même âge que Rod Steiger alors que je donnais à ce dernier une bonne dizaine d’années en plus. Poitier avait en fait déjà été nommé aux Oscars avant de faire ce film (pour « La chaîne » avec Tony Curtis), en avait même remporté un pour « Le lys des champs », et avait déjà tourné « Porgy and Bess » et « Un raisin au soleil », entre autres. Tu parles d’un débutant.

« Dans la chaleur de la nuit » m’a fait prendre conscience de mon ignorance des carrières de Sidney Poitier et Rod Steiger. En les voyant se flairer, se méfier, jouer du buddy movie avec une dextérité jubilatoire dans ce cheminement qui les conduit vers le respect mutuel naissant, je me suis dit qu’il s’agissait peut-être là de la première fois que je les voyais l’un et l’autre à l’écran dans leur prime jeunesse, surtout Poitier. Pour moi, Poitier, c’était « Randonnée pour un tueur », le méconnu « Les experts » de Phil Alden Robinson ou, blasphème atroce, « Le Chacal » avec Bruce Willis et Richard Gere (oui, cette daube). Rien avant qu’il ait atteint 50 printemps, en somme (j’entends déjà des bouuuuuh de désapprobation… je sais). Quant à Rod Steiger, si j’ai longtemps uniquement associé au général surexcité de la gâchette de « Mars Attacks ! », je l’avais ces dernières années vu lors d’autres reprises sur grand écran, « Sur les Quais » d’Elia Kazan et « Ilétait une fois la Révolution » de Sergio Leone.

En découvrant « Dans la chaleur de la nuit », je n’ai pu que constater mes indignes lacunes, qui me renforcent toujours plus dans mon envie d’aller plus souvent au ciné voir les ressorties et les rétrospectives. Surtout lorsque c’est pour découvrir sur grand écran des films de la qualité de celui de Norman Jewison, éclaboussant l’écran de style et les consciences de l’époque d’un polar prenant le problème du racisme à bras-le-corps dans une atmosphère chaude, poisseuse et enivrante. Drôle et insolente, qui plus est. C’était il y a un demi-siècle, une éternité pas si lointaine, et il y en a sûrement encore quelques uns aux Etats-Unis qui doivent être dégoûtés de voir un noir à la Maison-Blanche… même si ne nous le cachons pas, il doit également y en avoir un paquet en France qui s’offusquerait tout autant si cela devait se produire ici aussi.

En parcourant depuis les filmos de Sidney Poitier et Rod Steiger, j’ai découvert que Poitier avait repris le rôle de Virgil Tibbs dans deux films quelques années plus tard, « Appelez-moi Monsieur Tibbs » et « L’organisation ». Quant à Rod Steiger, je me suis souvenu de lui dans l’un de ses derniers rôles. C’était dans « Hurricane Carter ». Des retrouvailles tardives avec le réalisateur de « Dans la chaleur de la nuit », qui lui avait valu en 1968 l’Oscar du Meilleur Acteur. La boucle était bouclée pour eux. Pour moi, c’est comme si elle ne faisait que commencer.

lundi 21 mai 2012

Matin calme à Paris en compagnie de Wes Anderson


Ils sont partis. Critiques, producteurs, distributeurs, le monde du cinéma a déserté les rues de Paris pour l’azur cannois. Les blogueurs aussi. Si vous vous baladez sur la blogosphère ciné ces jours-ci, vous remarquerez qu’ils sont nombreux à avoir décroché leur accréditation et à être descendus voir ce qui passait au Palais des Festivals pour en rendre compte. On devine le faste cinématographique, la luxuriante offre de films, et les longues queues pour espérer trouver un fauteuil devant les nouveaux Jeff Nichols, Abbas Kiarostami et Im Sang-soo.

La cinéphilie ne s’arrête pas pour autant dans les salles de la capitale, et s’il est permis d’envier ceux qui verront les films de Cannes sur place, il est possible de se prendre pour un festivalier à Paname. Pas de Croisette ici, mais des films au parfum cannois, avant que le MK2 Bibliothèque, le Forum des Images, le Reflet Médicis ou la Cinémathèque ne reprennent presque tous les films dans quelques jours. En ce jour férié (oui j’ai quelques jours de retard…), je me suis réveillé avec la ferme intention de voir deux films, et il s’est trouvé que les deux films que j’avais le plus envie de voir étaient déjà passés par Cannes. Un coréen de la cuvée 2011 d’Un Certain Regard, et un américain concourant cette année pour la Palme d’Or.

Il était hors de question que la journée s’achève sans que j’aie vu « Moonrise Kingdom », le nouvel opus de Wes Anderson, dont j’attends chaque film avec une délectation particulière, et la possibilité de le voir dans la salle Panorama de l’Escurial m’a rendu ce programme encore plus alléchant. Depuis le temps que j’avais envie de poser mon séant dans cette salle, le 17 mai 2012 restera comme le jour où enfin mon souhait s’est exaucé (c’est trop grandiloquent, hein ? Je sais je n’ai pas pu m’en empêcher). Pour ce jour férié en solo, j’avais envie de me faire plaisir, et décidai donc de précéder ce plan du premier film coréen à sortir dans les salles françaises cette année. Un film coréen plus un Wes Anderson ? Le paradis ne doit pas être loin.

Il est tout de même assez incroyable qu’il ait fallu attendre mi-mai pour voir un film coréen débarquer sur les écrans français en 2012. Les distributeurs nous avaient habitués à une offre plus généreuse ces dernières années. Le fait que les cinéastes coréens les plus réputés tournent tous actuellement en Occident ne doit pas être étranger à ce constat (j’en parlerai dans un prochain billet), mais tout de même. Il serait temps que les distributeurs français creusent un peu pour nous offrir du sang neuf coréen sur les écrans hexagonaux. En attendant, il est possible de profiter de « The Day he arrives – Matins calmes à Séoul » (le distributeur aurait mieux fait de ne garder que le joli sous-titre français…), qui sort cette semaine un an après être passé par « Un Certain Regard » au Festival de Cannes 2011.

Il est étrange de noter que les deux cinéastes du jour, Hong Sang-soo et Wes Anderson, ont tous deux un univers cinématographique unique qui se retrouve de film en film. On pourrait presque dire que ces deux-là refont toujours un peu le même film, et il serait difficile de s’en offusquer. C’est vrai, les films d’Hong Sang-soo ont toujours un protagoniste cinéaste, ou presque, qui se trouve toujours embarqué dans un triangle amoureux, ou presque, et passe toutes ses soirées à s’enivrer de soju, ou presque. Et non, « Matins calmes à Séoul » ne déroge pas à la règle, avec son beau noir et blanc qui accompagne ce retour dans la capitale coréenne d’un cinéaste en mode pause qui retrouve le temps de quelques jours un vieil ami, une ancienne flamme, et un potentiel nouvel attrait amoureux.

Ca se passe comme ça dans les films de Hong Sang-soo, entre cinéma, amours contrariés et alcool abondant. C’est une boucle qui se décline et s’enrichit, une valse des sentiments et d’introspection ici d’autant plus répétitive que le réalisateur brouille les repères temporels et nous donne expressément la sensation que les journées se suivent et se ressemblent à quelques détails près. C’est beau, comme souvent dans le cinéma d’Hong Sang-soo, mais j’ai connu le coréen plus inspiré, plus passionné et plus mémorable.

C’est une remarque que je ferais bien aussi à propos du nouvel opus de Wes Anderson, « Moonrise Kingdom ». Il n’y est pas question de déception, mais du sentiment que le Texan a fait de plus grands films que cette douce balade. Lui aussi, donc, a le chic pour faire un cinéma identifiable en quelques plans, si ce n’est un seul. Les thèmes brassés, comme chez Hong Sang-soo, reviennent inlassablement dans les films du réalisateur de « La famille Tenenbaum » : la famille destructurée, la mort qui rôde, et au-delà des thèmes, un ton résolument pop mâtiné de mélancolie dans tous ses films.

Ce qui m’a peut-être le plus surpris dans ce Moonrise Kingdom, c’est de n’y pas trouver cette étincelle d’émotion qui me bouleverse dans le cinéma d’Anderson. Il y a bien ce ton unique, cette cocasserie amère, cet humour irrésistible, mais il m’a manqué la flamme qui fait que toujours, le film de Wes Anderson est l’un des tous meilleurs de l’année. Mais j’ai l’impression de me justifier par avance pour le moment dans quelques mois où vous découvrirez mes dix films préférés de 2012, et n’y découvrirez certainement pas « Moonrise Kingdom ». Je ne voudrais pas pour autant que vous croyiez que je sous-estime la dernière cuvée de Wes Anderson. Ne croyez pas que je n’ai pas ri devant ce jeune homme se rafraichissant en se mettant des feuilles sur la tête (plutôt qu’en retirant son chapeau de fourrure). Ne croyez pas que je n’ai pas apprécié l’écriture délicieuse, la mine triste de Bruce Willis, ou le fait que Tilda Swinton joue « Social Service », une fonction en guise d’appellation. Ne croyez pas que ce portrait d’enfants se prenant pour des adultes et vice-versa (un thème cher au cinéma ces temps-ci, après « I wish » de Kore-eda Hirokazu…) ne soit pas d’une tendre justesse.

Et ne croyez surtout pas que je n’ai pas apprécié le bonheur de retrouver Edward Norton dans le rôle du chef scout un peu paumé et terriblement attachant. Diable, depuis quand le schizo de « Fight Club » n’avait pas eu un beau rôle dans un beau film ? Trop longtemps malheureusement. Car même s’il m’a manqué la petite flamme, « Moonrise Kingdom » est un beau film. Il est presque regrettable que c’est avec ce joli film que Wes Anderson fasse ses débuts à Cannes, quand il en a réalisé de grands, mais espérons qu’avec ce pied dans la place, il y reviendra en plus grande forme.

Quant à Hong Sang-soo, qui tourne un film par an, il est lui aussi cette année en compétition sur la Croisette avec « In another country », dans lequel il dirige Isabelle Huppert. J’en reparlerai peut-être bientôt… Enfin… vous voyez, même pendant Cannes, Paris reste cinéphile.

vendredi 18 mai 2012

Je veux voir plus de films indiens en salles !

Pendant longtemps, Bollywood a semblé n’être qu’une utopie vue des salles de cinéma françaises, une incongruité artistique qui ne pouvait que se briser sur le mur de la barrière culturelle. Pour les spectateurs français un brin curieux, le cinéma indien se résumait à Satyajit Ray, Mira Nair, et toute cette veine de cinéma social conscient venu du pays de Gandhi. Tout le monde avait bien sûr entendu parler de Bollywood et vu quelques extraits ici ou là, mais cette industrie exotique semblait destinée à rester hors de nos écrans, si ce n’est les petits pour les amateurs allant se fournir en vidéo du côté du Passage Brady.

Et puis Lagaan a débarqué, cela fera exactement dix ans dans quelques semaines. Après des années à être resté confiné au ghetto de la distribution des films en France – comprenez des imports VHS ou plus tard DVD avec des sous-titres très approximatifs Bollywood est arrivé par la grande porte dans les salles de cinéma hexagonales, avec dans un premier temps, en mai 2002, la projection en sélection officielle au Festival de Cannes de Devdas, puis un mois plus tard donc, la sortie un peu partout en France de Lagaan. Je l’ai déjà raconté, à l’époque j’étais plus que sceptique quand j’ai vu se profiler le film d’Ashutosh Gowariker, comédie musicale dramatique de trois heures prenant pour cadre l’Inde colonisée par les Britanniques et pour intrigue principale un match de cricket entre paysans indiens et militaires de Sa Majesté. Un programme tellement improbable que l’envie de le voir était tout de même irrésistible.

Si la curiosité l’a à l’époque emportée sur le scepticisme, je n’en remercierai jamais assez le garçon de 20 ans que j’étais alors. Car Lagaan a été une révélation, une proposition de cinéma iconoclaste et enthousiasmante qui n’a pas eu de mal à se détacher tant le film ne ressemblait à rien de ce que mes racines culturelles et mes attentes cinéphiles pouvaient être alors. Bollywood n’a plus été cette simple utopie et a pris forme à mes yeux, ainsi qu’à ceux d’une pincée de distributeurs français qui ont cru qu’il y avait peut-être, finalement, de la place pour cet autre cinéma indien en France. S’en est alors suivie une parenthèse enchantée dans les salles hexagonales, quatre années qui ont vu fleurir les films Bollywoodiens dans les cinémas gaulois.

Fleurir est un terme qui peut sembler quelque peu galvaudé si l’on jette un œil sur le nombre de films indiens qui sortent en Grande-Bretagne, mais comparé à ce qui sortait avant et à ce qui sortira ensuite, « fleurir » n’est pas un terme inadéquat. « Devdas », « La famille indienne », « Swades » et quelques autres vont à cette période colorer les écrans français de mille feux et émotions. Leurs chants et danses enchantent, leur sens excessif du mélodrame amuse et bouleverse, et en l’espace de quelques films on en vient à comprendre pourquoi Shah Rukh Khan, Kajol, Rani Mukherjee et les autres acteurs locaux sont vénérés en Inde.

Le climax de cette popularité en France eut lieu au printemps 2006 à l’occasion d’un festival de films au Grand Rex et de la sortie en salles de « Veer Zaara » pour laquelle se déplacèrent réalisateur et comédiens. Une séance de dédicaces au Virgin Mégastore des Champs-Élysées en présence de Shah Rukh Khan, Preity Zinta et Rani Mukherji entraîna même une cohue incroyable obligeant l’organisation à bloquer l’accès au magasin tant il y avait de monde, et l’intervention de pompiers pour s’occuper des nombreux évanouissements. Après ce paroxysme Bollywoodien dans le paysage français, le déclin a été brutal.

A l’évidence, les distributeurs n’ont pas trouvé leur compte au box-office. Le taux de remplissage des salles programmant les films étaient plutôt bons, mais aucun n’a semblé en mesure de dépasser le carcan de la curiosité que représentait  le genre aux yeux des spectateurs français. Les rares films à avoir eu la chance d’être distribués en France ces cinq dernières années étaient soit trop fades (Sawaariya) soit trop occidentalisés (« My name is Khan »), tout en restant trop confidentiels, pour espérer relancer la flamme.

Alors quoi, les distributeurs français auraient totalement abandonné l’idée de faire entrer les saveurs  indiennes kitsch mais réjouissantes de Bollywood dans les mœurs cinéphiles françaises ? N’y voient-ils plus aucun potentiel et croient-ils que la parenthèse enchantée de 2002 à 2006 a prouvé que les spectateurs français étaient allergiques à ce cinéma coloré ? N’ont-ils pas vu les têtes des gens à la sortie des salles ? N’ont-ils pas entendu le bouche-à-oreille se propager ? Je ne connais pas un seul sceptique que j’ai réussi à envoyer voir un de ces films qui n’en soit revenu conquis. Mon prosélytisme a eu un taux de réussite de 100%.

Les distributeurs se trompent s’ils croient qu’il n’y a pas de public en France pour le cinéma de Bollywood. Ne s’agirait-il pas plutôt, au lieu de sortir les films près de deux ans après leurs sorties initiales en Inde, alors qu’ils ont alors déjà été vus par ceux qui s’y intéressent vraiment, de les rendre visibles sur les écrans aussi rapidement que possible après leur sortie en Inde ? En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, où les films de Bollywood sortent quasi en même temps qu’à Mumbai (y en a qui disent encore Bombay ?), les films affichent des scores mirobolants, même s’il est évident qu’il faut tenir compte du fait que la communauté indienne est plus nombreuse dans ces pays.

Aucun film né de l’industrie Bollywoodienne n’est parvenu jusqu’à nos écrans depuis « My name is Khan » il y a deux ans (et encore, le film est une coproduction américaine). Dix ans après les promesses de Devdas et Lagaan, tout semble donc à réessayer et reconstruire. J’attends avec impatience le(s) distributeur(s) qui aura cette audace. Espérons que le fort et excitant contingent indien présent à Cannes cette année donnera des idées à certains... 

mardi 15 mai 2012

Gong Li, es-tu là ?


Je me souviens lui avoir souhaité son anniversaire dans l’un de mes billets, et l’avoir citée dans la première de mes chroniques évoquant « Pourquoi j’aime le cinéma ». Oui, je crois que l’on peut dire que j’ai une histoire avec Gong Li. Bien sûr elle vous dira le contraire. Elle vous jurera ses grands dieux qu’il n’y a rien entre nous. C’est donc à moi de le dire. Oui, il y a quelque chose entre Gong Li et moi. Alors forcément, lorsque j’ai appris il y a quelques jours qu’elle serait de passage à Paris cette semaine, mon cœur a bondi. Quoi ?! Gong Li à Paris ?! Ces jours-ci ?! Et c’est maintenant que vous me prévenez ?!

Quel est donc cet étrange lien qui me rapproche de Gong Li ? Ai-je le souvenir du moment où Gong Li est devenu GONG LI ? L’actrice majeure, celle qui fascine par le jeu et renverse par la beauté ? Non, c’est idiot, mais moi qui me vante d’avoir une bonne mémoire cinématographique, je ne me rappelle plus quand le déclic a eu lieu. Fut-ce en découvrant « Épouses et Concubines » à la télévision ? « Adieu ma concubine » au cinéma à la mort de Leslie Cheung ? Je ne sais plus. Mais un jour elle est entrée telle une bourrasque dans mon panthéon cinématographique et s’est installée là, silencieuse, belle à se damner, pour ne plus bouger.

Les acteurs et actrices asiatiques ont cela de fascinant qu’ils sont plus rares, que les Français bien sûr, mais également que les Américains ou Anglais. Les films de ces derniers sortent presque tous au cinéma, et les acteurs eux-mêmes viennent régulièrement faire la promotion de leur dernier long-métrage à Paris. Gong Li a beau être une des plus grandes actrices asiatiques, ses films sont rares, et ceux qui nous parviennent le sont encore plus (je crois que l’on peut définitivement abandonner l’espoir de la voir dans Shanghaï…). A quand remonte le dernier film à être sorti en salles en France ? Mon dernier souvenir d’elle sur grand écran me semble être « La Cité Interdite »...

Je ne me faisais donc guère d’illusion quant à la possibilité qu’un jour ma route croise celle de l’ex-égérie de Zhang Yimou. Déjà qu’il ne m’est donné de voir un de ses films qu’une fois tous les trois ou quatre ans, alors la voir elle, en chair et en os… Et c’est ainsi qu’un jour de mai 2012, je découvre par hasard sur Internet que la seconde édition du Festival du Cinéma Chinois en France commençait le 14 mai, et que Gong Li, en qualité de marraine de la manifestation et interprète principale du film faisant l’ouverture, serait présente lors de l’inauguration, ce lundi 14 mai. A Paris. Sur les Champs-Élysées. Au Gaumont Marignan.

Mais bien sûr, je ne l’appris que trop tard. Bien sûr, j’étais déjà pris ce soir-là, ou du moins le croyais-je. Je ne fis donc aucun effort pour essayer de m’incruster dans les rangs du Gaumont Marignan. Bien sûr, ma soirée s’annula au dernier moment, et il s’avéra que finalement, j’aurais pu essayer de jouer des coudes.
J'en ai jalousé des acteurs (Gaspard Ulliel en tête...), J'en ai rêvé, des rencontres. Lundi 14 mai, c'était hier. Gong Li est peut-être encore ici, quelque part dans une rue de Paris. J'ai manqué une chance de la rencontrer. Le coeur n'y est même plus d'aller au Festival, si ce n'est pour la possibilité de la voir sur grand écran (et encore, dans un remake chinois de "Ce que veulent les femmes" avec Andy Lau dans le rôle de Mel Gibson, ce n'est pas franchement excitant...). A vous, organisateurs ou attachés de presse du Festival du Cinéma Chinois en France, communiquez mieux autour de l'évènement la prochaine fois. Et aux autres festivals susceptibles d'inviter Gong Li, surtout, surtout, lorsque ce jour arrivera... pensez à moi.

lundi 14 mai 2012

On ne naît pas cinéphile, on le devient


Observer ce qui se passe dans une salle de cinéma peut amener à se poser une multitude de questions, allant de la plus basique (pourquoi il retire pas son bonnet celui-là ?!) à la plus sérieuse (et elle, elle va manger son pop-corn pendant tout le film ??… ah non pardon, celle-là aussi est basique). Il m’arrive de me demander ce qui a fait de moi le passionné de cinéma que je suis, et lorsque je vois certains enfants ou adolescents dans une salle, je m’amuse à m’interroger sur le cinéphile ou simplement le spectateur qu’ils ou elles seront plus tard. Je ne me considère pas comme un cinéphile ou spectateur parfait, mais je passe suffisamment de temps dans les salles obscures pour savoir que tous les hommes et toutes les femmes qui peuplent les cinémas ne nourrissent pas la même fièvre pour le 7ème Art. Et si lorsque l’on atteint la trentaine ou la quarantaine, il semble difficile de changer nos habitudes, les enfants, les ados, et allez, même certains jeunes adultes sont encore malléables. A cet âge-là, sans le savoir, notre instinct cinéphile se forge. Par les films que l’on voit, bien sûr, mais également par l’environnement dans lequel on les découvre, par l’image de spectateurs que nous renvoient nos parents, et par le comportement que l’on choisit peu à peu d’adopter lorsque l’on est confronté à un film. On ne naît pas cinéphile, on le devient.

Quelles spectatrices seront les adolescentes qui se trouvaient derrière moi lorsque je suis allé voir « Sur la piste du Marsupilami » il y a quelques semaines ? Pas les plus cinéphiles de France, j’en ai bien peur. En même temps, aller voir une comédie populaire (familiale ?) un dimanche après-midi à 16h dans un multiplexe, c’est risquer de se frotter à un public plus laxiste dans le respect de leurs voisins. Des enfants, j’en ai vu devant le film d’Alain Chabat, venus rire devant les facéties de Jamel Debbouze et de l’ancien Nul (ou l’irrésistible Lambert Wilson dans sa petite robe à paillette), et les ados venant seuls ont cela d’embêtant qu’ils n’ont pas de figure parentale pour les recadrer lorsqu’ils se laissent emportés par le plaisir d’être entre potes, oubliant qu’ils partagent la salle avec 350 autres êtres humains.

Ces ados-là, piaffant, tapant, grognant et parlant comme s’ils étaient dans leur salon, sont-ils perdus ? Doit-on abandonner tout espoir qu’ils sachent un jour que le cinéma peut (doit) être autre chose qu’un lieu où s’épancher entre potes ? Quand dans cette même salle,  on peut voir des adultes se comporter avec à peine plus de discrétion, l’heure n’est pas à l’optimisme, car pourquoi donc s’afficher autrement si les aînés ne sont pas capables de montrer un meilleur exemple ? On a beau se dire qu’une séance de week-end en plein après-midi dans un multiplexe ne saurait être représentative de ce que les spectateurs sont, les compteurs ont plutôt tendance à prouver que si.

L’important c’est que tous les enfants ne soient pas uniquement confrontés à cette vision du cinéma et à cette seule expérience de la salle. Les ados du samedi après-midi en multiplexe ne sont pas l’unique espoir de la cinéphilie (ouf !). Car de temps en temps, sous l’impulsion de parents audacieux, des adolescents s’assoient dans une salle art & essai pour aller voir un film d’auteur japonais en VO. C’était il y a quelques jours, rue de Rennes à Paris, dans la plus petite des trois salles de l’Arlequin. Celle-ci était presque pleine, et je me suis surpris à dénombrer une douzaine d’adolescents dans la salle, certains même encore des enfants, accompagnant leurs parents pour voir « I wish – nos vœux secrets », le nouveau film du japonais Kore-Eda Hirokazu. Bien sûr, les adultes leur avaient très certainement un peu forcé la main, c’est le jeu des sorties ciné avec les parents, je me souviens bien avoir été entraîné par les miens vers des films auxquels j’aurais préféré le dernier blockbuster américain en date. Mais l’enfant suit, une fois, deux fois, trois fois... Et chemin faisant, il devient plus facile d’aller voir ces films d’auteur auxquels vos parents vous traînent. On rechigne moins. Le plaisir que l’on trouve dans les films populaires se fait aussi peu à peu jour dans ces films pour lesquels il faut lire les sous-titres.

Les enfants que j’ai vu dans la salle de l’Arlequin ce jour-là, je me suis un peu reconnu dedans. Ils n’avaient peut-être pas franchement envie de voir ce film-là. Mais ils sont venus, ils se sont assis. Pendant plus de deux heures, ils ont découvert en silence cette histoire de famille déchirée, un film sur l’enfance qui plus est (certainement la raison pour laquelle leurs parents les avaient emmenés), dans lequel suite à une séparation, un jeune garçon est parti avec sa mère vivre chez ses grands-parents en province, pendant que son frère est resté à Tokyo avec leur père. Chacun des deux frères s’occupe à sa manière de son parent respectif, tout en fourmillant de cette imagination et de ces rêves inhérents à l’enfance.

Je ne sais pas ce que ces enfants spectateurs en ont pensé, mais même s’ils n’en sont pas conscients, le film comptera sûrement dans le caractère de spectateur qu’ils se forgent. Pour le rejeter totalement peut-être, pour certains, plus probablement pour s’ouvrir un peu au cinéma et au monde. Voir ces gamins tiraillés entre le désir d’insouciance de l’enfance et la réalité qui s’est fait jour dans leur quotidien et qui a soustrait une partie de leur innocence restera sûrement en eux. Légèreté et maturité se mêlant pour distraire tout en dressant un portrait de la jeunesse et de son rapport aux autres et au monde. L’enfant qui se cache en moi a surgi à la vision de « I wish ». Ce n’est pas la première fois que Kore-Eda Hirokazu me touche, « Nobody Knows », « Air Doll » et « Still Walking » sont déjà passés par-là, mais ces enfants qui ont vu ce jour-là, dans la petite salle de l’Arlequin, le nouveau film du cinéaste japonais, ont peut-être découvert son cinéma pour la première fois. Son regard tendre, mélancolique et plein d’espoir sur l’enfance.
Peut-être que dans le silence passionné et ému de la salle, ces enfants-là sont devenus des spectateurs différents. Peut-être que devant « I wish », ces enfants-là ont fait un pas vers la cinéphilie. Entre deux coups de pieds dans le dos devant « Sur la piste du Marsupilami », je me prends à le rêver.

samedi 12 mai 2012

Un dernier Kevin Smith ? "Red State" à Panic Cinéma !

 Kevin Smith est-il en voie de retomber dans l’anonymat ? A une époque golden boy du cinéma indépendant américain, Silent Bob rame de plus en plus pour réaliser ses films et les (faire) distribuer. L’envie lui serait même passé selon ses propres dires, et s’il parvient enfin un jour à monter son film de hockey qui lui tient tant à cœur (« Hit Somebody »), ce pourrait bien être son dernier passage derrière la caméra. L’ex-enfant de l’écurie Weinstein, qui avait épaté son monde il y a 18 ans avec sa comédie fauchée Clerks, semble désormais préférer parler ciné aux quatre coins des Etats-Unis plutôt qu’en être un artisan. Les amateurs de « Méprise multiple » et « Dogma » dont je fais partie en auront certainement un pincement au cœur si cela s’avère vrai, mais en France, on ne peut que tristement constater que Kevin Smith n’est plus en odeur de sainteté depuis un petit moment, s’il l’a jamais été.

Si sa comédie policière oubliable avec Bruce Willis, « Top Cops », a eu sans difficulté les honneurs d’une sortie en salles (because Bruce Willis, sans doute…), ses deux autres films les plus récents ne peuvent s’en vanter. « Zack et Miri font un porno » avait un beau jour directement débarqué sur Canal +, quand le tout dernier film estampillé Smith, « Red State », va se retrouver dans les rayonnages à DVD des magasins spécialisés dans quelques semaines sans être passé par la case ciné. Pour un film à la réputation flatteuse et qui se trouvait parmi les préférés de Quentin Tarantino l’année dernière, c’est frustrant… même si depuis que Tarantino a annoncé qu’il considérait « Anything Else » de Woody Allen comme l’un de ses dix films préférés des années 2000, on se pose des questions sur les goûts du réalisateur de « Pulp Fiction »…

Heureusement, il s’est trouvé qu’une opportunité de voir ce fameux dernier film de Kevin Smith, Red State, s’est présentée à Paris. Ce sont les mecs de « Panic Cinéma ! », rarement à court de bonnes idées, qui ont décidé de programmer le film un samedi soir de mai, et la copie avait beau ne pas avoir l’air 100% officielle, découvrir un Kevin Smith sur grand écran est suffisamment rare en France ces dernières années pour se jeter sur une telle occasion. Parce que qu’est-ce que « Red State » ? Une plongée dans l’Amérique redneck comme on les aime de temps en temps. Trois lycéens d’un bled du sud des Etats-Unis qui se lancent dans une virée nocturne dans la perspective d’une partie à quatre avec une cougar en roulotte et qui se retrouvent malgré eux les otages sur le point d’être sacrifiés d’une secte religieuse extrémiste. Le genre qui aime envoyer elle-même au Diable les déviants sexuels.

Pour ceux qui connaissent le cinéma de Kevin Smith - qui se résume en général génialement à des dialogues denses et ancrés dans la contre-culture geek proférés par de jeunes glandeurs professionnels - la perspective de « Red State » équivaut presque à un saut dans l’inconnu pour le réalisateur de « Jay et Bob contre-attaquent ». Et l’énorme qualité du film, c’est bien qu’il est aussi imprévisible qu’un délire lynchéen. J’exagère, mais franchement à peine. Est-ce dû au noviciat de Kevin Smith dans le genre ou à son imagination féconde et fébrile, toujours est-il que Red State emprunte rarement les chemins que l’on attend de lui, changeant plusieurs fois de point de vue narratif en cours de film, zigouillant sans vergogne ses protagonistes, balançant des zestes de fantastique avant de les faire tanguer, avant de terminer par une séquence d’autant plus lynchéenne qu’elle emprunte un acteur de « Mulholland Drive ».

Red State est-il pour autant une bombe ? Pas évident. A force de changer d’angle et de brouiller les pistes, Kevin Smith finit par apparaître comme fébrile, et l’on en vient à se demander si le réalisateur sait vraiment ce qu’il fait avec son film. Sera-ce un film d’horreur… non. Un survival… non plus. Un thriller dans le milieu des sectes… non, pas franchement. Il ne faut surtout pas essayer de faire entrer « Red Sate » dans une case, car cela ne pourrait que lui nuire. Non, il faut prendre le film de Smith pour ce qu’il est. Une fantaisie survitaminée, surréaliste et un peu folle sur les bords. Une bonne soirée Panic Cinéma ! en somme. Et comme rien ne dit que « Hit Somebody » verra bien le jour, c’est agréable de pouvoir se dire « J’ai vu le dernier film de Kevin Smith sur grand écran ». En espérant tout de même le suivant.

dimanche 6 mai 2012

Avengers, quand même...


Il y a des films comme ça. La Terre entière veut les voir, la Terre entière va les voir, et la Terre entière veut savoir ce que son prochain en a pensé. The Avengers est de ces films. Je ne sais pas si j’en aurais parlé plus que cela dans ces pages s’il n’y avait pas ces échanges féconds et constants ces jours-ci à propos du film de Joss Whedon qui a tout de même attiré la bagatelle de 2 millions de français en première semaine d’exploitation, soit plus que Thor en a rassemblé au total, et même deux fois plus que le score final du pourtant emballant Captain America. Chacun dans son univers les membres des Avengers ont des résultats corrects au box-office français, mais ensemble, ils jouent plus dans la cour des Spiderman, champion des héros Marvel dans nos contrées (les résultats du box-office américain qui viennent de tomber, 200 millions de dollars de recettes sur ses trois premiers jours, record historique, confirme l’engouement mondial).

Et si le film a profité à plein de son lancement en pleines vacances scolaires, il pourra surtout compter sur un bouche-à-oreille enthousiaste pour caracoler en tête du box-office. Les applaudissements sont un bon signe. Les éclats de rire devant les facéties inattendues de Hulk, tout autant. De mon côté, si la curiosité était au rendez-vous pour découvrir The Avengers, l’excitation n’était pas aussi élevée qu’elle aurait pu l’être, ou aurait dû l’être. Peut-être parce qu’il commence à y avoir une certaine lassitude face aux héros Marvel, souvent deux films par an, peut-être parce que la bande-annonce du film manquait cruellement de punch et de surprise. Je me suis posé dans la salle en ayant lu les échos élogieux, mais en pensant tout de même que j’allais trouver cela sympathique, au mieux.

Pourtant il faut que je vous fasse une confession : j’ai pris mon pied devant Avengers. Joss Whedon m’a attrapé par le col et m’a propulsé à l’écran avec son équipe de super-héros en devenir et m’a régalé pendant plus de deux heures. Sa grande réussite, c’est d’avoir su trouver le ton juste. D’être aller chercher le fun, pur, simple, sans oublier pour autant l’intensité narrative. Oh bien sûr le film est parfois bien trop solennel, avec de légers débordements de droiture et de sentiments qui semblent un peu déplacés, mais ne vous fiez pas à la belle mais mélancolique photo qui illustre ce billet, l’aventure  prend le pas, l’humour se déploie, et un grand sourire béat se colle sur les visages (surtout lorsque Hulk s’énerve et s’en prend à tout ce qui passe sous son poing). Les nouvelles étaient décidément bonnes ce week-end.

Ce que j’ai pensé des Avengers de Joss Whedon ? “I have an army”“We have a Hulk”. J’ai adoré.  

vendredi 4 mai 2012

Une DeLorean ? Non, une ressortie en 3D !!


Avec l’avènement apparent de la 3D dans les mœurs cinématographiques, l’idée a commencé à trotter dans la tête de certains de faire profiter de cette technique certaines de leurs œuvres passées  par une conversion tardive. Est-ce une simple opportunité économique, un désir de faire découvrir certains « classiques » à une nouvelle génération ou une réelle envie artistique de pousser un film plus loin dans son esthétique et les sensations qu’il procure ? L’aspect économique, et la possibilité de faire des entrées avec un titre qui a fait ses preuves, est indéniable, surtout lorsque l’on constate que c’est le studio aux grandes oreilles qui s’est emparé avec le plus d’assiduité de cette vague de ressorties en 3D. « Le Roi Lion » et « La Belle et la Bête » y sont déjà passé (même si seul le premier est sorti en salles en France pour l’instant), et dans les mois à venir ce seront « Le Monde de Nemo » et « Monstres & Cie » qui seront du lifting.

Le cas de James Cameron diffère de celui de Disney. Le cinéaste qui avait dominé le monde avec Titanic en 1998 avait ensuite disparu de la circulation pour accoucher d’Avatar plus de dix ans plus tard, offrant au monde la nouvelle génération de la 3D relief pour le meilleur et pour le pire. Et alors qu’il prépare les suites à sa bataille spatiale écoloprévisible, Cameron a pris le temps de retourner vers son Titanic pour le convertir à la 3D. Et entre ses mains, cette conversion ressemble moins à une tentative de gratter un peu plus de fric aux spectateurs qui lui en ont déjà tellement donné qu’à un technicien s’amusant avec ses instruments et faisant étale de ce qu’il est possible de faire lorsque l’on s’emploie à bien utiliser le jouet qu’il a lui-même offert au cinéma. Peut-être parce qu’il a vu ces films convertis par les studios alors qu’ils n’étaient pas pensés à l’origine comme des films en 3D, et que ces conversions à la va-vite s’en sont nettement ressenti dans la qualité graphique des films en question, du « Choc des Titans » à « Green Hornet ».

Je suis justement allé voir en salles les conversions en 3D du Roi Lion et de Titanic à deux jours d’intervalle. Pour le premier, ce fut plus un soudain élan de nostalgie que j’avais ressenti en janvier dernier au Showeb lorsque j’avais découvert la scène d’ouverture en 3D au Publicis, une scène qui m’avait procuré d’inattendus frissons et qui m’avait fortement donné envie de redécouvrir le classique moderne de Disney sur grand écran. Parce que c’est le dernier Disney de Noël  que j’avais vu au Grand Rex en entrant dans l’adolescence, parce que je l’avais vu et revu en vidéo jusqu’à ce que je me sente un peu trop vieux pour le faire, et pour en avoir envie. J’aurais aimé le voir en VO, pour une fois, entendre la voix perfide de Jeremy Irons et celle rassurante de James Earl Jones, mais je n’ai pas eu le choix, ce fut en VF, dans une salle remplie de gamin commentant le film, voire vomissant pour une gamine qui ne semblait même pas avoir 3 ans et qui était assise le rang derrière moi. Le genre de condition de projection que l’on veut oublier et qui n’est pas loin de gâcher un film. Je reviendrai bientôt dans un autre billet sur les enfants au cinéma, la digression serait trop longue ici.

Aller voir Titanic en 3D au cinéma ne relevait en revanche pas pour moi de la nostalgie. Si j’ai bien vu le film de Cameron au cinéma en janvier 1998, je ne l’avais jamais revu depuis, et je ne le compte pas parmi mes grands films cultes, aussi imposant et historique soit-il. Pour le coup, connaissant la maîtrise de la 3D de Cameron, revoir le film aux 20 millions d’entrées sur grand écran était plus une curiosité cinéphile, car s’il y a bien quelqu’un capable de sortir une conversion 3D intéressante, c’est certainement le réalisateur d’Avatar. Mais finalement, lorsque le film commence, lorsque l’on plonge avec Bill Paxton vers l’épave, lorsque celle-ci reprend vie, lorsque Leonardo DiCaprio détale dans les coursives ou que Kate Winslet découvre les merveilleux salons du fameux paquebot, on oublie la 3D, et un double saut dans le temps nous happe.

Le premier, c’est celui qui nous renvoie malgré tout vers ce jour de 1998 où le Titanic a repris vie pour la première fois. L’adolescent de 17 ans que j’étais avait coulé avec les passagers dans l’immense salle 1 des Halles, je m’en souviens encore nettement. Kate Winslet était une jeune actrice britannique montante, Leonardo DiCaprio était l’idole absolu des jeunes filles de la Terre entière… Allez voir Titanic, c’était presque comme aller voir Twilight aujourd’hui, le public féminin s’était approprié le récit du naufrage pour les beaux yeux de Leo et s’évanouissait à chacune de ses apparitions.

Mais à le revoir aujourd’hui, il est indéniable qu’aussi nunuche que peut être le film de Cameron, avec sa scène de sexe pudique dans la moiteur d’une voiture et avec ses déclarations d’amour trop démonstratives (le mec est quand même en train de mourir de froid en plein milieu de l’Atlantique et sait que dans quelques minutes, c’en sera fini de lui, et il a tout de même le culot de dire « Monter sur ce bateau est la plus belle chose qui me soit jamais arrivé », faut y aller mollo sur le trémolo les gars…), Titanic est un rouleau compresseur d’efficacité narrative. Un grand récit épique et dramatique de plus de trois heures qui nous emporte et ne nous relâche que le temps de ces brefs instants too much. Rétrospectivement, on ne peut que constater la brillance du casting, tant Winslet et DiCaprio sont devenus deux des meilleurs acteurs de leur génération. Il est difficile de ne pas se prendre au jeu et de ne pas se laisser happer, au cours de cette nouvelle vision sur grand écran, par ce second saut dans le temps, celui qui nous envoie en 1912  dans l’Atlantique Nord. Revoir Titanic au cinéma, c’est se perdre entre les époques, celle qui nous est contée, celle que les sensations du film nous rappellent, et l’instant présent.

Dans cette salle de l’Orient Express où j’ai revu Titanic, les tremblements de RER et les bruits de tuyauteries faisaient partie du naufrage, et les lunettes 3D collées sur le nez n’ont fait que renforcer l’immersion dans les allées du paquebot et la chute vers le fond de l’océan. Étais-je en 1912, en 1998 ou en 2012 ? Était-ce juste l’effet du retour en salles devant ce film ou un véritable effet 3D ? Quelle que soit la réponse, l’expérience valait d’être vécue.
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